«Les Vénézuéliens fuient une situation épouvantable qui transforme des
problèmes de santé pouvant être soignés en questions de vie ou de mort. Les
services de santé élémentaires se sont effondrés et trouver des médicaments
basiques est une lutte perpétuelle, ce qui a contraint des milliers de
personnes à aller se faire soigner à l'étranger», a déclaré Erika
Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d'Amnesty International. «L'inaction
n'est pas la solution. La communauté internationale et l'État vénézuélien
doivent entamer une coopération immédiate pour désamorcer cette crise
explosive. Le gouvernement du Venezuela ne peut pas continuer de fermer les
yeux sur cette situation désespérée. Cela condamnerait la région à connaître
l'une des pires crises de réfugiés jamais recensées dans cette partie du globe.»
La crise
humanitaire au Venezuela en chiffres
5 min |
Disponible du 18/05/2018 au 20/05/2038
Le Venezuela traverse l’une des pires crises
économique, politique et humanitaire de son histoire. C’est sur ce dernier
aspect qu’ARTE Info revient dans cette vidéo, traçant le portrait d’un pays
rongé par l’hyperinflation, dont les habitants manquent de tout, et qui compte
des centaines de milliers de déplacés.
À voir :
«C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le
paradis des riches.» ~ Victor Hugo
«Le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes
d’une terrasse.»
~ Jean Giraudoux
Collage : Joe Webb http ://www.joewebbart.com/
On annonçait dernièrement que la Grèce était
sortie de tutelle. Les Grecs ne sont pas du tout convaincus que cela les
sortira de l’austérité (1). Beaucoup de gens n’ont toujours pas accès aux soins de
santé.
Pour
mieux comprendre cette crise à la fois financière et humanitaire, j’ai loué Combat au bout de la nuit de Sylvain L'Espérance (documentaire
produit par Les Films du tricycle; 2016, 285 min, Québec) http://combat-nuit.com/synopsis.html
Dans ce
documentaire, le neurologue Makis Mantas, bénévole dans les cliniques de santé
populaires d’Athènes, analyse l'effondrement du système de santé grec qui n'est
pas sans rappeler le dépérissement de
tous les systèmes de santé en Occident, minés par le clientélisme, la
corruption, la pression des compagnies pharmaceutiques auprès des médecins,
etc.
Je le cite : «Hier, j’ai vu 30 patients qui disent
souffrir de sénilité (d’après leurs médecins). J’en connaissais deux sur le lot
qui en souffrait vraiment. Les 28 autres, non. Prescrire des médicaments dont
les gens n’ont pas besoin, voilà le salaire du médecin. Avec le même argent on
pourrait construire un système de santé viable. L’enjeu n’est pas combien d’argent va à la santé mais où va cet argent.
Si on veut changer les choses, on se heurte aux plus haut placés. On se heurte
aux grandes cliniques privées. On se heurte aux compagnies pharmaceutiques, et à
leurs agents qui rendent des visites aux médecins.» http://combat-nuit.com/protagonistes.html
Un film à voir, non seulement pour la grande qualité
du contenu et de la photographie, mais aussi pour son rythme à échelle «humaine» – rien à voir avec les trépidants films
«d’action» –, on a le temps
d’écouter, de se connecter à l’émotion vécue et d'apprécier la beauté des images. La vie est comme sur le mode
«pause».On attend. On espère que les choses iront mieux. 'On n'imagine pas que le pire peut nous arriver', dit un protagoniste.
Source : Combat au bout de la nuit.
Présentation du réalisateur (extrait)
Tourné sur une période de deux ans, Combat au bout de la nuit nous entraîne
dans un grand voyage au cœur de la Grèce actuelle. C’est là, dans ce pays
précipité dans la tourmente par la domination d’une économie totalitaire,
qu’émerge aussi chaque jour un refus obstiné de cette violence. Propulsé par
des énergies complémentaires et dissonantes, le film est irrigué par un désir
de liberté et par la force rebelle de ceux qu’il fait se rencontrer. Qu’ils
soient Athéniens ou réfugiés afghans, soudanais, syriens, femmes de ménage ou
travailleurs du port licenciés, médecin bénévole ou sans-abri, tous ces hommes
et ces femmes, par leur présence et leurs récits, se répondent et tissent entre
eux des filiations inattendues. En accompagnant ceux qui, du lieu où ils luttent,
forgent un autre avenir, Combat au bout
de la nuit est traversé par l'intuition profonde que dans le chaos du
présent, un monde commun aux contours encore indéfinis cherche à naître. [...]
Mise en
contexte
La Grèce est aujourd'hui le laboratoire d’un
capitalisme sauvage. Celui qui dévaste un pays entier, plonge sa population
dans un état de pauvreté jusqu'alors inédit et transforme cette région en zone
sinistrée. Ce qui se met en place dans ce pays s'impose comme un modèle qui
tend à se répandre partout au sud de l’Europe. Mais le procédé risque
ultimement d'être appliqué à tout le monde occidental, comme on commence déjà à
le percevoir ici même au Québec.
Au cœur
de ce film, la ville d'Athènes qui accueille toutes les luttes ayant cours en
Méditerranée. Celles des Grecs eux-mêmes, qui refusent de se laisser vaincre
par le pouvoir d'un État prédateur et se regroupent pour faire face à la
destruction de toutes les structures sociales. Puis celle des migrants et des
réfugiés fuyant la guerre qui dévaste leurs pays, tout en étant traités comme
des «clandestins», contraints de vivre cachés pour échapper aux forces
policières qui n'ont cessé de les traquer depuis les années 2000. Il aura fallu
qu’ils soient des centaines de milliers à fuir leur pays, comme on l’a vu en
2015 avec les Syriens et les Afghans gagnant depuis la Turquie les côtés des
îles grecques, pour que la force du nombre les fasse enfin considérer pour ce
qu’ils sont : des réfugiés.
Chômeurs,
sans-abri, réfugiés se retrouvent ainsi à partager le temps du film un même
espace que le cinéma permet de saisir. Ce que Combat au bout de la nuit met en relation en faisant se croiser la
présence et la voix de ces hommes et ces femmes, c’est diverses formes de lutte
contre la marginalisation. Une question au cœur du film : comment inventer des
formes de mise en commun qui puissent assurer la survie, mais surtout dégager
un horizon différent? C'est ce que les Grecs tentent de faire de multiples
manières à travers tout un réseau de groupes de solidarité dans les domaines de
la santé, de l'éducation, du logement, etc. Ce film met en lumière leur combat.
Rappel
historique
La Grèce est rentrée dans la zone euro suite à une
manipulation des chiffres réels de son économie. Manipulation qui a fini par
éclater au grand jour avec la crise de 2008, obligeant le pays à recourir, au
printemps 2010, à l'aide financière de la Banque centrale européenne et du
Fonds monétaire international. Une
promesse de prêt de 110 milliards d'euros est alors consentie aux conditions
suivantes : hausser la TVA à 23 %, diminuer les pensions, faire passer l'âge de
la retraite des femmes de 60 à 65 ans, supprimer les indemnités salariales dans
la fonction publique, libéraliser et privatiser les entreprises publiques de
communication, de transport et d'énergie, réformer le marché du travail et
faciliter les licenciements. Or, ces mesures drastiques ont affaibli
l'économie grecque et, en février 2012, un second prêt de 130 milliards est
accordé par la Troïka (formée par la Banque centrale européenne, le FMI et la
Commission européenne). Le gouvernement
grec est contraint par ses créanciers de promettre de nouvelles restrictions
budgétaires, qui deviennent la seule forme de gouvernement possible : fermeture
d’hôpitaux et de la télévision nationale, mise à pied massive des employés de
l'État, abaissement du salaire minimum, coupes dans les retraites,
privatisation des sociétés d'État, vente du port d'Athènes, de terres agricoles
et de biens collectifs à des intérêts étrangers, etc. Ce sont ces principes
et ses effets dévastateurs que l’élection de Syriza en janvier 2015 visait à
contrer en proposant de fonder une véritable solidarité européenne. Mais
celle-ci a plutôt permis aux représentants du capitalisme financier de
démontrer qu’il n’y a aucune alternative aux règles qu’ils imposent
unilatéralement, jusqu’à mettre tout un peuple à genou, comme on a pu le voir à
l’issu des (non)négociations ayant eu lieu entre février et juillet 2015. La
capitulation du gouvernement Tsipras, à la suite du référendum qu'il avait
pourtant gagné contre les politiques de la Troïka, a mené à l’application d'un
troisième mémorandum avec des mesures encore plus dures que les précédentes.
~~~
Dans la dernière partie du documentaire, ce texte
est récité par une femme tandis qu’à l’écran on voit des représentants de la Commission
Européenne (images solarisées et au ralenti, on dirait des fantômes en effet).
Nous avons vécu longtemps
dans la compagnie des fantômes
et peut-être, par malheur pour nous,
sommes-nous les seuls à pouvoir les décrire.
Il aura fallu six mois pour comprendre
que les fantômes ne négocient jamais
mais attendent plus immobiles
et plus silencieux qu’un sphinx,
que les enfants soient épuisés.
Les fantômes ne connaissent pas la faim, ni la
soif.
Ils ne connaissent pas la colère ni l’amour.
S’ils ne dorment pas,
ils ne connaissent pas l’insomnie.
Ils sont sans enfance, sans passé,
sans parents et sans avenir.
Ils ne crient pas
et ne clignent pas des yeux.
Ils sont sans rêves et leur cruauté même
n’est pas de leur fait,
elle est inscrite dans les choses,
dans le métal des monnaies,
dans les longues séries de chiffres
des titres de la dette,
sur les écrans des Bourses,
dans les fuseaux horaires.
Ils parlent peu
et se contentent le plus souvent
de serrer la main
de leur vis-à-vis en souriant.
Les fantômes gouvernent en souriant.
On sait que le sourire de ceux
qui ont perpétuellement peur
a toujours quelque chose de comique.
Mais de quoi ont-ils peur les fantômes?
De nous.
De la peur.
De la poussière et de la crasse.
De l’angoisse, des hommes
et des tourments qu’ils leur infligent.
Ils ont peur d’eux-mêmes
car ils ne peuvent nommer ce qu’ils font.
Ils ne
peuvent pas dire :
nous vous
prendrons l’air.
Ils ne peuvent
pas dire :
nous vous
prendrons l’eau.
Ils ne
peuvent pas dire :
nous vous
empêcherons de respirer
jusqu’à ce
que
vous
imploriez notre aide.
Ils ne peuvent pas dire du réel.
~~~
(1) Des
scénarios similaires se produisent dans quantité de vieux pays et de pays émergeants.On peut aussi penser à Haïti, ça ne va pas bien du tout.
Les grands financiers qui contrôlent l’économie mondiale ne voient pas le monde comme étant constitué de démocraties autonomes et de pays distincts. Ils ne connaissent pas les frontières. Les lois ne les préoccupent pas puisqu’ils font la loi. Ils possèdent le monde entier parce qu’ils contrôlent la circulation et la non-circulation de l’argent [notamment quand celui-ci disparaît par magie dans les paradis fiscaux]. Ils ont le pouvoir de provoquer des crises boursières et de réduire les états – capitalistes, socialistes et communistes – à la faillite, et même de créer une crise mondiale absolue.
Les grandes
banques prêtent de l’argent de façon magnanime. Pourquoi prêtent-elles aux pays
pauvres? Les banquiers affirment qu’ils prêtent pour mettre les
pays à niveau, pour les relever
économiquement. Partout, les peuples aspirent à la richesse, à la liberté et à
la démocratie. Quand ils n’y ont pas accès et s’ils crèvent de faim, ils sont
mûrs pour une révolution. Les insurgés entrent alors en scène. Les banquiers
établissent aussitôt un gouvernement militaire. Les polarités nécessaires sont
en place. Désormais, les financiers ont un motif pour développer le pays. Bien sûr, le gouvernement militaire n’est là
que temporairement; sa raison d’être est d’alimenter et même d’intensifier le
désir de liberté. Les vendeurs d’armes font beaucoup d’argent; les munitions
arrivent de divers pays, elles sont envoyées de partout dans le monde. Évidemment,
le prétexte officiel est d’aider ceux qui militent pour la démocratie...
Et de
quoi un pays vulnérable a-t-il besoin? De prêts substantiels pour se développer et faire
croître l’économie. Dès que les insurgés quittent la scène, les banquiers
s’amènent, heureux de distribuer des milliards de dollars. Ils prêtent des
milliards, sachant très bien que les dirigeants catapultés à la tête du nouveau
gouvernement démocratique,
dilapideront cet argent et que le pays sera incapable de rembourser sa dette.
Or un beau
jour, les banques réclament le remboursement du prêt. Le leader du pays plaide alors
sa cause : «Mais nous n’avons plus suffisamment d’argent pour vous rembourser.»
Le représentant de la banque sourit et dit : «Monsieur, ne vous en faites
pas. Vous savez, je suis certain que nous pourrons arriver à nous entendre.
Nous allons échanger votre dette substantielle contre les droits miniers de
votre pays ainsi que le pétrole trouvé sur votre littoral côtier et à
l’intérieur de votre pays. Nous prendrons cela en échange.» Le
dirigeant du pays est alors si content qu’il s’exclame : «Quelle
aubaine!» Aussitôt dit, aussitôt fait. Et le pays a cessé d’être un pays, il a été absorbé par l’organisation
sans frontière qui grandit sans cesse dans le monde.
Et, il
faut voir avec quelle rapidité ils prennent les affaires en mains. L’industrie s’installe. Les fiers paysans
sont évincés de leurs terres et parqués comme un troupeau dans les villes.
Collage : Joe Webb http ://www.joewebbart.com/
Ça n’a pas d’importance si les fermiers ne
cultivent plus dorénavant. Ça n’a pas d’importance si la forêt est transformée
en copeaux. Ça n’a aucune importance, car les promoteurs arrivent et rasent, financés
par les grandes banques, tout cela au nom du progrès. Cela fait partie de l’aventure appelée import/export ou
libre-échange non équitable.
(Adaptation/compilation de citations tirées de The Last Waltz of The Tyrans; Beyond
Words Publishing, 1987)
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