Le DGEQ
accuse les groupes écologistes de contrevenir à la Loi électorale
Alexandre Shields | Le Devoir | Le
19 septembre 2018
Photo : Catherine Legault / Archives Le Devoir. La cimenterie McInnis, le plus grand pollueur industriel au Québec.
Le
Directeur général des élections du Québec (DGEQ) est formel : les groupes
écologistes qui ont soumis un questionnaire sur les engagements en
environnement aux quatre principaux partis politiques, avant de publier leurs
réponses, contreviennent à la Loi électorale.
Les groupes, qui s’exposent à une amende minimale
de 10 000 $ [maximale de 50 000
$], promettent de contester cette
décision jusque devant les tribunaux.
Dans une
lettre envoyée à Équiterre le 14 septembre dernier, dont Le Devoir a obtenu
copie, le DGEQ soutient qu’une dizaine
de groupes écologistes ont contrevenu aux dispositions de la Loi électorale en
publiant les réponses des quatre principaux partis aux 23 propositions soumises
sur divers enjeux environnementaux liés aux changements climatiques, au
transport, à la protection de la biodiversité et à l’agriculture.
Selon ce
qu’on peut lire dans la lettre adressée au «syndicat» Équiterre, le fait de rendre publiques les réponses
des partis constitue une «dépense électorale», au sens de la Loi.
«Si Équiterre engage des frais au cours de
la période électorale pour publiciser, commenter, comparer ou autrement mettre
en lumière, favorablement ou non, soit un programme politique, soit des
agissements, des actes ou des mesures pris, préconisés ou combattus pour l’un
ou l’autre des candidats ou des partis politiques, Équiterre agit contrairement
à la Loi électorale», fait-on valoir dans cette lettre signée par une
avocate de la Direction des affaires juridiques du DGEQ.
«Considérant
les propositions de votre organisation eu égard à l’environnement», ajoute le
DGEQ, ce comparatif a eu pour effet de «favoriser ou défavoriser» un ou des
partis, mais aussi «d’approuver ou de désapprouver leurs mesures, actes ou propositions
sur l’environnement».
On somme
donc Équiterre, mais aussi tous les organismes qui ont diffusé les réponses aux
23 propositions sur leur site web, de retirer la publication «dans un délai de
48 heures».
Le refus
d’obtempérer pourrait entraîner «une enquête» du DGEQ. Celle-ci pourrait
conduire à une amende «minimale» de 10 000 $, mais aussi à des accusations de
«complicité».
Contestation
Mercredi, les groupes écologistes – dont Équiterre, la Fondation David
Suzuki, Greenpeace, Nature Québec, le Fonds mondial pour la nature et Vivre en
ville – ont toutefois annoncé
qu’ils contesteront la décision du DGEQ, quitte à se rendre devant les tribunaux.
«Dans une
société démocratique, les groupes de la société civile ont un rôle à jouer et
fournissent des informations essentielles pour représenter les citoyens et les
aider à prendre des décisions éclairées. Il est impensable que les groupes qui
travaillent sur des enjeux centraux de nos sociétés ne puissent participer au
débat démocratique», a fait valoir le directeur général d’Équiterre, Sidney
Ribaux.
«Les
quatre partis politiques se sont prêtés d’eux-mêmes à l’exercice et les
réponses que nous avons diffusées ne sont rien d’autre que celles qu’ils nous
ont fournies. Nous les avons divulguées intégralement et en toute objectivité»,
a rappelé pour sa part le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.
Les arguments du DGEQ sont bizarres. À ce
compte-là, il devrait poursuivre les firmes de sondage, non? J’aimerais
lui faire remarquer que les partis sont très capables de se planter eux-mêmes, sur leurs propres plateformes et dans les médias
officiels.
«Penser est un travail exigeant, c'est pourquoi on voit peu de gens qui le font.»
(Sue Grafton)
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(1) Le
Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et d'autres agences
gouvernementales considèrent toute
opposition à l'industrie pétrolière comme une ‘menace à la sécurité nationale’.
(Loi antiterroriste C-51, adoptée sous la gouvernance du parti conservateur de
Harper; La Presse, 12 août 2015)
Pourtant
il ne s’agit pas d’une lutte à finir entre Terroristes Verts et Terroristes
Bruns, le but des revendications
écologiques est simplement d’éviter l’hécatombe, le suicide collectif – toutes
espèces confondues.
(Voyez l’article : Coupables d’être «verts», publié le 3 septembre 2018)
Intéressant à savoir :
Youri
Chassin, la CAQ et le lobby du pétrole
Par André Noël
Lorsque j’étais journaliste à La Presse, j’ai
enquêté sur les stratégies de quelques industries, dont celles des médicaments
génériques, de la construction et du tabac (et de ses groupes paravents). Cette
fois, je m’intéresse au lobby du pétrole et à un de ses porte-voix, Youri
Chassin, ancien directeur de la recherche à l’Institut économique de Montréal
(IEDM) et maintenant candidat pour la Coalition Avenir Québec. La première
partie de ce dossier porte sur les liens entre l’IEDM et des fondations
financées par les frères Koch, d’importants magnats du pétrole.
[Si
les Koch Brothers vous intéressent,
copiez ce nom dans le moteur de recherche du blogue à droite.]
ICI Radio-Canada
info, le 15 avril 2018 – Dans ses billets, il [Youri Chassin] s'est
notamment prononcé pour la production de pétrole au Québec, contre la taxe sur
le carbone du gouvernement Trudeau et contre la gratuité des Centres de la
petite enfance (CPE). Dans un récent article de son blogue personnel, il a
aussi exposé les «dangers de l'interventionnisme» d'État.
Le Journal
de Québec, le 29 août 2018 – Il [François
Legault] minimise les
différences idéologiques entre M. Chassin et la CAQ, soutenant que le candidat
a maintenant changé son fusil d’épaule sur une série de sujets. «C’est sûr,
quand on a un blogue, quand on fait beaucoup d’entrevues, comme il l’a fait... Il
est appelé à se prononcer sur plein de sujets, c’est arrivé sur la gestion de
l’offre. Il a révisé sa position», a dit M. Legault. A-t-il également changé de
position sur la place du privé, qu’il jugeait supérieur au réseau public, en
santé? «Oui.» Et sur le nationalisme économique, qu’il voulait reléguer aux
«oubliettes de l’histoire»? «Absolument.» Et sur l’existence du concept de bien
commun, qu’il a déjà qualifié de mythe? «Oui», a martelé M. Legault.
Un
militant pur et dur du libéralisme économique. Il a bien fait ses classes.
Aimeriez-vous
décoder les beaux discours politiques?
Lisez Les passagers clandestins / Métaphores et
trompe-l’œil de l’économie, par Yanik Marcil; Éditions Somme toute, 2016
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Revenons à la priorité «prioritaire» :
l’EAU
Photo : Lac Érié, près de Toledo, Ohio, par Joshua Lott pour le New York
Times. Les Grands Lacs sont de plus en plus infestés d’algues toxiques en raison des rejets de
fertilisants, des fermes d’élevage et des fosses septiques qui fuient.
Le Partage de l’eau
Une
réflexion géopolitique
Par
Frédéric Laserre et Alexandre Lebrun*
Éditions
Odile Jacob, avril 2018
Résumé de l’éditeur
La rareté
de certaines ressources naturelles devient un problème géopolitique majeur à
mesure que croît la population mondiale. Le pétrole en est, depuis quelques
décennies, l’exemple type, mais l’eau s’affirme peu à peu comme un ferment de
conflits à venir.
Longtemps partagée de façon plus ou moins
empirique, l’eau des lacs et des fleuves, déterminante pour l’agriculture, est
devenue un enjeu crucial dans plusieurs régions du monde. L’assèchement de la
mer d’Aral et du fleuve Colorado sont des catastrophes écologiques majeures,
tandis que le contrôle des eaux du Nil par l’Égypte aux dépens de l’Éthiopie,
de l’Euphrate par la Syrie ou du Jourdain par Israël a eu, et aura encore, des
conséquences politiques redoutables, que le réchauffement climatique en cours
ne pourra qu’accentuer.
Ressource stratégique et écologique majeure,
l’eau implique une perception nouvelle : l’urbanisme actuel fait tout – à
Londres comme à Paris – pour réconcilier la ville avec son fleuve. Puisse cette
démarche inspirer la diplomatie des États contraints à partager cet
indispensable bien commun.
*
Frédéric Lasserre, est géographe à l’Université Laval, et dirige le Conseil
québécois d’études géopolitiques (CQEG). Alexandre Brun est maître de
conférences au département Géographie et Aménagement de l’université
Paul-Valéry à Montpellier.
Extraits
L’eau
n’est pas à proprement parler une ressource rare. Si des régions entières
manquent certes d’eau, la ressource est abondante à l’échelle de la planète.
Théoriquement, il y a donc de l’eau pour tous. Ce sont les investissements
dérisoires, comparés aux besoins des populations, les choix en matière
d’aménagement et de collecte de la ressource qui, souvent, expliquent les
difficultés d’accès à l’eau potable, l’assainissement défaillant ou encore la
prévention calamiteuse des inondations.
La
ressource en eau n’a pas été jusqu’à l’origine de conflits. Retenue ou polluée
en amont aux dépens de l’aval, l’eau peut néanmoins devenir une arme de guerre.
L’absence de coopération à l’échelle des grands bassins versants
transfrontaliers, qui témoigne de l’incapacité des pouvoirs locaux à planifier
des actions préalablement négociées, est un terreau favorable aux rivalités.
Or, à l’horizon 2050, la situation pourrait devenir explosive en raison des
effets du réchauffement climatique, de la généralisation des pollutions et de
la croissance de la population mondiale.
Comme le pétrole et les sols fertiles, bien plus
que le sable désormais très recherché pour la construction et les travaux
publics, l’eau sera au centre des préoccupations des États. Elle le sera aussi
à l’intérieur des États, en particulier dans les pays en développement, où les
conflits d’usage opposent des villes en expansion à des campagnes qu’il
faudrait plus productives pour nourrir des millions de bouches supplémentaires.
Et l’on ne peut prétendre ignorer les faits : la catastrophe de la mer
Aral, les maladies encore véhiculées par des eaux souillées en Afrique noire,
l’érosion de la diversité biologique des espèces aquatiques en Europe
occidentale, et les milliards d’euros de dégâts de la sécheresse : en
février 2018, l’Afrique du Sud déclarait l’état de catastrophe naturelle pour
4,5 millions d’habitants de la ville du Cap, menacés de coupure totale d’eau.
[...]
L’eau douce est rare et inégalement répartie
à la surface du globe
Si 71 %
de notre Terre est couverte d’eau, 97,4 % de cette eau est salée et forme les
mers et les océans, ce qui laisse 2,6 % d’eau douce. Celle-ci est formée en
majorité par les glaciers des montagnes et les régions froides de l’Arctique et
de l’Antarctique (68,7 %), le reste provenant d’une part des eaux souterraines
(30,1 %), et d’autre part des eaux superficielles (0,9 %) – lacs (87 %), marais
(11 %), rivières et fleuves (2 %). Elle est bien sûr renouvelable puisqu’elle
relève d’un grand cycle (évaporation-précipitation), en opposition au «petit
cycle de l’eau», c’est-à-dire la circulation de l’eau depuis les points de
captage jusqu’aux stations d’épuration, avant un retour au milieu naturel.
La quantité d’eau disponible est constante.
C’est toujours la même depuis la préhistoire. Mais elle est inégalement
répartie à la surface du globe. Il faut distinguer les «géants de l’eau» – Brésil,
Russie, Indonésie, Chine, Canada, États-Unis, Colombie, Pérou et Inde – qui
représentent plus de 60 % des ressources naturelles renouvelables en eau, des
pays pauvres en eau comme le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis, Malte,
la Lybie, Singapour, la Jordanie, Israël et Chypre. L’eau douce est ainsi
abondante par endroits et rare ailleurs. Dans les pays pauvres, y compris là où
l’eau est bien présente, la potabilisation et l’adduction d’eau sont
défaillants ou inexistantes, en particulier dans les campagnes. 1,8 milliard
d’individus n’ont pas accès à l’eau potable, et 2,4 milliards ne disposent pas
d’installations sanitaires. Au contraire, dans les États riches comme ceux de
la péninsule Arabique, des investissements colossaux pour le dessalement de
l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées ont permis de pallier la très
faible quantité d’eau disponible. [...]
Les trois principaux usagers de l’eau sont
les ménages (eau domestique), l’industrie, y compris l’hydroélectricité et
surtout l’agriculture. Ce secteur est le plus demandeur en eau puisqu’il
contribue à 70 % aux prélèvements et pour 93 % à la consommation mondiale. «L’humanité
utilise beaucoup plus d’eau pour se nourrir que pour boire!», résume l’hydrologue
Jean Margat. [...]
[...] Les disparités sont grandes. La
consommation dépasse 250 litres par habitant et par jour au Canada, au Japon,
en Suisse, aux États-Unis et en Australie. Les habitants d’Asie et d’Amérique
du Sud ne consomment quant à eux qu’entre 50 et 100 litres.
L’eau mondialisée
Les pays
riches ont aussi exporté des pollutions en délocalisant la main-d’œuvre en
Asie, en Afrique ou en Amérique latine, là où la main-d’œuvre est bon marché,
les standards environnementaux absents et les stations d’épuration défaillantes
(plus de 80 % des égouts des pays en voie de développement se déversent sans
traitement, polluant les rivières, les lacs et les zones côtières). Dans des
pays du Sud en pleine croissance démographique et urbaine, la situation est
dramatique : la pêche traditionnelle est de moins en moins pratiquée faute
de poissons, et des puits sont devenus inutilisables. Outre le coût
environnemental, les pollutions ont un coût économique et social. ...
La mondialisation a aussi eu pour effet de
favoriser l’introduction et la dissémination d’espèces animales et végétales
invasives (la renouée, le silure glane, le crabe chinois, l’écrevisse
américaine, la tortue de Floride, etc.). Ces dernières transportées par bateau
de façon accidentelle, échappées d’aquariums, de zones d’exploitation ou de
piscicultures, ou encore introduites volontairement, menacent des espèces
protégées (concurrence alimentaire, maladies) et sont coûteuses à éradiquer.
[...]
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