29 septembre 2019

Stoppons l’abrupt déclin!

«Pécher par le silence, quand nous devons protester, fait des hommes des lâches. ...Depuis plusieurs années, des citoyens de tout le pays travaillent pour la conservation des ressources naturelles, conscients de leur importance vitale pour la nation. Apparemment, leur progrès durement gagné s’apprête à être anéanti, car une administration orientée politiquement nous ramène à l'âge des ténèbres de l'exploitation et de la destruction effrénées.
   C'est l'une des ironies de notre époque que, tout en nous concentrant sur la défense de notre pays contre les ennemis de l'extérieur, nous soyons si insensibles à ceux qui veulent le détruire de l'intérieur.»
~ Rachel Carson, scientifique et biologiste américaine, auteur de Silent Spring
(Extrait d’une lettre adressée au Fish and Wildlife Service, 1953 – l’EPA n’existait pas et aujourd’hui c’est tout comme...)

Vendredi, plusieurs marches pour le climat ont eu lieu partout au Canada. À Montréal, on évalue à 500 000 le nombre de participants (l300 000 selon les forces policières). Toutes ces marches à travers le monde signifient que le ras-le-bol face à l’inaction des gouvernants monte en flèche. Avec raison.
   «Nous ne cesserons jamais de nous battre pour le droit de vivre sur une planète habitable et pour notre droit à un avenir. Nous ferons tout en notre pouvoir pour éviter que cette crise empire. Si les gens qui détiennent le pouvoir ne prennent pas leurs responsabilités, nous le ferons», dit Greta Thunberg.

Voilà où nous en sommes.

La réponse des partis à la crise du climat

Libéraux, conservateurs et néodémocrates refusent de s’engager à stopper l’expansion du secteur des énergies fossiles au Canada, et donc à interdire tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers. Cette revendication est au coeur des demandes du collectif La Planète s’invite au Parlement.

Caricature : André-Philippe Côté, Le Soleil 13.09.2019. Votons «vert fluo»! cela empêchera peut-être le Titanic de foncer droit dans l’iceberg à plein régime.

Le Devoir a demandé aux principaux partis fédéraux présentement en campagne électorale de prendre position par rapport aux quatre revendications du collectif.
   Ces revendications exigent notamment de mieux informer la population sur la «gravité» de la crise climatique et de permettre aux citoyens de participer à la «transition» vers une société sobre en carbone.
   Mais surtout, La Planète s’invite au Parlement souhaite que le gouvernement prenne des mesures sans précédent afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada et de s’attaquer à la crise climatique. On demande donc à Ottawa d’«interdire tout nouveau projet d’exploration ou d’exploitation des hydrocarbures».
   Cet enjeu est en apparence bien concret, puisque l’Association canadienne des producteurs pétroliers prévoit une croissance continue de la production canadienne, et ce, au moins jusqu’en 2035. Elle devrait alors atteindre 5,8 millions de barils par jour, soit plus de deux milliards de barils par année.
   Seul le Parti Vert s’engage à fermer la porte à tout nouveau projet d’exploration ou d’exploitation. Il promet aussi d’éliminer «toutes les subventions fédérales à l’industrie des combustibles fossiles», et de réaffecter ces fonds «à des initiatives à faible intensité carbonique»; les néodémocrates comptent agir de la même façon à cet égard.

Alexandre Shields, Le Devoir 27 septembre 2019

Évidemment, le chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, s’engage à valoriser l’exploitation des énergies fossiles et à réaliser son corridor énergétique pétrolier/gazier d’un océan à l’autre.

À Michel Desautels le dimanche (audiofils)

1. Le reportage de la journaliste Marie-France Abastado qui a entrepris la traversée du Canada dans l'Ouest, de Vancouver à Toronto, à la rencontre des électeurs. Elle veut connaître leurs réalités, leurs préoccupations et leurs attentes de la part des politiciens.

Les préoccupations environnementales des Britanno-Colombiens
Premier arrêt : Vancouver. Mis à part la crise du logement à Vancouver et dans ses environs, l’autre sujet sur toutes les lèvres des citoyens de la métropole britanno-colombienne, c’est l’environnement, et particulièrement le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. (Dimanche prochain, l’Alberta)

2. Vox pop de Frank Desoer qui a suivi des étudiants à Montréal, mais aussi des citoyens dans la soixantaine, venus manifester. Au-delà de l’enthousiasme, cette mobilisation peut-elle amener les politiciens au pouvoir à agir de manière plus décisive en ce qui a trait au climat?

Radio-Canada Première, 29 septembre 2019

Les cavaliers de l’Apocalypse ultraconservatrice : de gauche à droite, Scott Moe, Saskatchewan; Jason Kenney, Alberta; Andrew Scheer, leader du PCC; Brian Pallister, Manitoba; Doug Ford, Ontario. Manquant sur la photo de famille : Blaine Higgs, Nouveau-Brunswick. (Photomontage : magazine Maclean’s, 8 janvier 2019)

Quand Greta fustige les décideurs politiques : «Les gens souffrent, les gens meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent. Nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c’est d’argent et de contes de fées de croissance économique éternelle. Comment osez-vous?», je crie avec elle de tout coeur!

Photo : Luc Rousseau. Fjord du Saguenay

Pornographie environnementale

Les ministres de l’Environnement qui approuvent la profanation d’une des plus belles régions du Québec et le fleuve Saint-Laurent pour du pétro-gaz se comportent comme des proxénètes. Pour commettre pareil viol, il faut être aveugle, abruti ou avoir des sous-tables paquetées de grosses «enveloppes brunes».
   Le projet a été approuvé par la ministre fédérale Catherine McKenna : «Ce projet de 260 millions de dollars n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants. Ma décision est fondée sur des données scientifiques rigoureuses et les mesures d’atténuation prévues permettront de réduire les risques sur le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent.» (Personne n'est à l'abri de la contradiction, mais y'a quand même des limites)
   De son côté François Legault prétend exiger l’acceptation sociale, et de l’autre il veut que les projets se réalisent rapidement pour accroître l’attrait économique du Québec.
   À priori on suppose que les élus sont intelligents... mais comme disait Albert Schweitzer «ce que vous faites parle plus fort que ce que vous dites».   
   Un sondage Léger-Le Devoir a montré que l’environnement semble être le premier facteur d’influence du vote de 22 % des Canadiens de 18-34 ans, alors que l’économie rallie 35 % des répondants. Au Québec, le rapport est inversé : 34 % jugent que la question climatique influencera davantage le vote, contre 24 % pour qui c’est l’économie.
   Le Saint-Laurent est la principale source d’eau potable au Québec. Quand il sera irrémédiablement contaminé, peut-être sortirons-nous du coma, mais trop tard. Le drink de la dernière heure : un cocktail à base de pétrole liquéfié @&#$!

Comment osent-ils! 

GNL Québec demande l’appui financier de l’État

L’entreprise GNL Québec a entrepris des démarches de lobbying auprès du gouvernement pour obtenir un «soutien financier» pour la réalisation du projet Énergie Saguenay. Sans se prononcer sur un éventuel appui, le gouvernement se dit ouvert à soutenir les projets qui contribuent à la création de richesse. Mais pour les groupes environnementaux, toute aide de l’État constituerait une subvention aux énergies fossiles.


«En vue de la réalisation du projet», GNL Québec a cependant déjà inscrit six lobbyistes et un lobbyiste-conseil au registre québécois. Leur mandat inclut notamment des «démarches» en vue de «l’obtention potentielle de soutien financier (montant indéterminé) gouvernemental disponible (prêt ou autre) en vertu des programmes existants et qui sont gérés, soit directement par les ministères ou encore indirectement par des organismes, Investissement Québec».
   Le mandat de ces sept lobbyistes, qui comprend des «activités» en lien avec une «subvention» et «autre avantage pécuniaire», est inscrit comme étant valable jusqu’au 31 décembre 2019. Dans le cas des lobbyistes inscrits directement par l’entreprise, les «institutions visées» comprennent onze ministères, dont celui du premier ministre, l’Assemblée nationale, la Société du Plan Nord, Investissement Québec, Ressources Québec, Hydro-Québec, la Régie de l’énergie et la Caisse de dépôt et placement du Québec.
   Spécialiste des dossiers énergétiques, Normand Mousseau n’est pas surpris des démarches de GNL Québec. Il souligne que, pour LNG Canada, un projet encore plus ambitieux d’exportation de gaz naturel liquéfié, via la côte ouest, le gouvernement de la Colombie-Britannique a offert un soutien financier aux promoteurs. L’entreprise a eu droit à des allégements fiscaux, mais aussi à des exemptions concernant la taxe carbone et à des tarifs préférentiels pour l’hydroélectricité.
[...]

Alexandre Shields, Le Devoir 14 mai 2019

Photo : Koji Sasahara Associated Press. Le gaz naturel liquéfié serait exporté par des méthaniers. Ces navires devraient traverser l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent, principalement dans les limites du parc marin du Saguenay/Saint-Laurent. Des monstres! 

Navires et remorqueurs. En plus des méthaniers – jusqu’à 300 mètres de longueur et 50 mètres de largeur –, GNL Québec précise dans son étude d’impact que le projet pourrait nécessiter le recours à des remorqueurs qui navigueraient eux aussi dans le parc marin. «Les navires-citernes qui navigueront sur la rivière Saguenay pour se rendre aux installations de GNL Québec pourraient, selon certaines conditions météorologiques, être accompagnés par des remorqueurs, à l’aller comme au retour. Leur nombre exact, si requis, sera toutefois défini lorsque les simulations sur la navigation seront terminées.» Qui plus est, «entre deux et quatre remorqueurs pourraient être requis à l’accostage des navires». 

Alexandre Shields, Le Devoir  

Photo : GREMM. À eux seuls, les deux ports sur le Saguenay augmenteront de 10% «le trafic marchand total» dans l’estuaire du Saint-Laurent et l’habitat du béluga. 

La construction prévue de deux ports majeurs sur le Saguenay, dont le projet gazier Énergie Saguenay, va à l’encontre des objectifs du plan de rétablissement du béluga du Saint-Laurent, conclut un avis scientifique produit par des chercheurs de Pêches et Océans Canada. Ces projets pourraient d’ailleurs avoir des impacts négatifs pour des portions de l’habitat qui sont considérées comme étant aussi essentielles que le secteur de Cacouna. (Alexandre Shields, Le Devoir)

Caricature : Pascal, Le Devoir 07.09.2019

Alexandre Shields a tweeté durant la marche pour la planète : Des manifestants ont fabriqué une imposante maquette de méthanier et de gazoduc pour signifier leur opposition au projet Énergie Saguenay, de GNL Québec. Les émissions annuelles de GES liées au projet (exploitation de gaz) seront de 7,8 millions de tonnes par année.

Le journaliste Marco Bélair-Cirino (Le Devoir) a suivi le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, envoyé à la marche par François Legault pour représenter la CAQ. Le ministre est d’une incompétence égale à celle de MarieChantal Chassé (rapidement démise de ses fonctions vu son ignorance en la matière). Un enfant de dix ans est capable de faire preuve de plus de connaissances sur l’environnement que François Legault et Benoit Charrette réunis.

Photo : Marco Bélair-Cirino

Le ministre de l'Environnement, Benoit Charrette, est le seul membre du Conseil des ministres à avoir pris part à la manifestation pour le climat.
   Il promet de «répondre» prochainement aux centaines de milliers de participants de la marche pour le climat au moyen de «mesures concrètes», a-t-il assuré au Devoir vendredi après-midi.
   D’ici la fin du mois d’octobre, il fera connaître «la principale mesure environnementale annoncée au Québec depuis un bon nombre d’années», a-t-il indiqué dans un court entretien en retrait du défilé.
   La mobilisation populaire au service de la lutte contre les changements climatiques constitue «une pression non seulement positive, mais constructive» sur le gouvernement québécois, a souligné M. Charrette, après avoir battu le pavé sous un soleil de plomb. «Ça nous conforte dans cette volonté de développement des mesures et des programmes qui sauront faire une différence au niveau de l’environnement.»


Marche pour le climat : le discours de Greta Thunberg à Montréal

Le Devoir 27 septembre 2019 (vidéo disponible)


Après s’être exprimée en matinée devant les médias, la militante suédoise Greta Thunberg a livré en fin d’après-midi un discours devant des centaines de milliers de Québécois, vendredi, au terme de leur marche à Montréal. En voici l’intégralité.

Photo : Jacques Nadeau / Le Devoir

Bonjour Montréal. Je suis très heureuse d’être ici au Canada, au Québec. Merci beaucoup. [En français]

Ainsi, au moins 500 000 personnes sont ici aujourd’hui. Vous devriez être très fiers. Parce que nous l’avons fait ensemble, et je ne peux vous remercier assez de votre présence.
   Aux quatre coins du monde, des millions de personnes sont en train de marcher en ce moment même. C’est incroyable d’être unis de cette manière pour une cause commune. On se sent bien, n’est-ce pas ?
   Je me sens bien d’être au Canada. C’est un peu comme revenir à la maison. Je veux dire, vous êtes très semblables à la Suède, d’où je viens.
   Vous avez des orignaux et nous avons des orignaux. Vous avez des hivers froids, beaucoup de neige et des pins. Nous avons des hivers froids, beaucoup de neige et des pins. Vous avez le caribou, nous avons le renne. Vous jouez au hockey, nous jouons au hockey. Vous avez du sirop d’érable, et nous avons… oubliez celui-là.
   Votre nation est prétendument un leader climatique. Et la Suède est aussi une nation qui est prétendument un leader climatique. Et, dans les deux cas, ça ne veut absolument rien dire.
   Parce que, dans les deux cas, ce ne sont que des mots creux. Et nous sommes loin de voir les politiques nécessaires. Donc, nous sommes essentiellement pareils.
   La semaine dernière, plus de 4 millions de personnes dans plus de 170 pays ont fait la grève pour le climat. Nous avons marché pour une planète saine et un avenir sans dangers, pour tous. Nous avons parlé de la science et demandé à ce que les personnes au pouvoir écoutent la science, et agissent en conséquence. Mais nos dirigeants politiques n’ont pas écouté.
   Cette semaine, des dirigeants de la planète entière se sont rassemblés à New York pour le Sommet Action Climat de l’ONU. Ils nous ont déçus, à nouveau, avec leurs mots creux et leurs plans insuffisants. Nous leur avons dit de s’unir derrière la science, mais ils n’ont pas écouté.
   Ainsi, aujourd’hui, nous sommes à nouveau des millions dans le monde à faire la grève et à marcher, et nous continuerons à le faire jusqu’à ce qu’ils écoutent.
   Si les personnes au pouvoir ne prennent pas leurs responsabilités, alors nous le ferons. Ça ne devrait pas dépendre de nous, mais quelqu’un doit le faire. Ils disent que nous ne devrions pas nous inquiéter, que nous devrions espérer un avenir radieux. Mais ils oublient que, s’ils avaient fait leur travail, nous n’aurions pas besoin de nous inquiéter. S’ils avaient commencé à travailler à temps, la crise ne serait pas telle qu’elle est aujourd’hui. Et nous promettons qu’une fois qu’ils auront pris leur responsabilité et fait leur travail, nous allons arrêter de nous inquiéter et retourner à l’école, retourner au travail.
   Or, nous ne défendons pas nos opinions ou nos préférences politiques. Les crises climatiques et écologiques transcendent la politique partisane. Nous ne nous référons qu’à la science la plus à jour.
   Pour certaines personnes, particulièrement celles qui ont causé cette crise, cette science est trop dérangeante pour y faire face. Mais, pour nous qui aurons à vivre avec les conséquences, et évidemment pour ceux qui vivent déjà avec les crises climatiques et écologiques, nous n’avons pas le choix.
   Pour rester sous 1,5 °C, et nous donner la chance d’éviter de déclencher des réactions en chaîne irréversibles échappant au contrôle humain, nous devons parler clairement et dire les choses telles qu’elles sont. Dire la vérité.
   Dans le rapport SR1.5 du GIEC, publié l’année dernière, on peut lire en page 108, chapitre 2, que pour avoir une chance de 67 % de contenir le réchauffement global des températures sous 1,5 °C, le monde avait 420 gigatonnes de CO2 à émettre en date du 1er janvier 2018.
   Aujourd’hui, ce nombre est déjà descendu sous 350 gigatonnes. Considérant les niveaux actuels d’émissions, le budget restant s’épuisera complètement en huit ans et demi.
   Et veuillez noter que ces calculs n’incluent pas le réchauffement caché par la pollution toxique, les points de basculement non linéaires, la plupart des boucles de rétroaction, et tous les aspects d’équité et de justice climatique. Ils comptent aussi sur ma génération – votre génération – pour aspirer des centaines de milliards de tonnes de CO2 de l’air avec des technologies qui existent à peine.
   Jamais, pas une seule fois, ai-je entendu un politicien, un journaliste ou un homme d’affaires mentionner ces nombres. Ils disent : «Laissons les enfants être des enfants.» Nous sommes d’accord. Laissez-nous être des enfants. Faites votre part, parlez de ces nombres, plutôt que de nous laisser cette responsabilité. Alors, nous pourrons retourner à nos vies d’enfants.
    Nous ne sommes pas à l’école aujourd’hui, vous n’êtes pas au travail, parce que c’est une urgence, et nous ne resterons pas de simples témoins.
   Certains pourraient dire que nous gaspillons du temps d’enseignement. Nous disons que nous changeons le monde. Ainsi, quand nous serons plus vieux, nous serons capables de regarder nos enfants dans les yeux et de leur dire qu’à l’époque, nous avons tout fait. Parce que c’est notre devoir moral, et nous n’abandonnerons jamais. Nous n’arrêterons jamais de nous battre pour la planète, pour un avenir sans dangers, pour notre avenir.
   Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette crise n’empire pas, même si cela signifie manquer des cours ou ne pas aller au travail. Parce que c’est plus important.
   Nous nous sommes fait dire de nombreuses fois qu’il n’y avait pas de raison de faire cela, que nous n’aurions pas d’impact de toute manière, que nous ne pouvions pas avoir d’impact et faire une différence. Mais je crois que nous avons prouvé que c’est faux.
   Au fil de l’histoire, les changements sociaux les plus importants sont provenus des mouvements populaires, de la base. Les nombres sont encore en train d’être mis à jour, mais il semblerait que plus de 6,6 millions de personnes se sont jointes à la Week for Future ce vendredi et vendredi dernier.
   C’est l’une des plus grandes manifestations de l’histoire. Les gens ont parlé, et nous allons continuer à parler jusqu’à ce que dirigeants nous écoutent et agissent. Nous sommes le changement, et le changement s’en vient.
   Le changement arrive, que vous l’aimiez ou non. [En français]
   Merci beaucoup.

Photo envoyée par André Pichette. On y voit la tête du cortège rassemblée derrière la banderole dessinée par l’artiste anishnabe Rachel Thusky-Cloutier.

Photo : Julie Mathieu / MSN

Quelques slogans de pancartes :
• Si seulement Legault embrassait notre nature comme il embrasse sa sœur
• Mettez vos culottes, sauvez la calotte
• La fonte des glaces pas juste dans le tonic  
• J’aime les licornes mais elles ne sauveront pas la planète
• Terre et mer tu honoreras
• Non au suicide collectif  

L’insulte au bout des doits

«Les climatosceptiques sont souvent des hommes occidentaux nantis à la tête d’entreprises industrielles, qui craignent la chute de ces systèmes, car ils en sont les principaux bénéficiaires. La rancoeur de certains internautes serait aussi peut-être animée par un conflit générationnel et par le fossé existant entre certains modes de vie. » ~ Paul Pulé  (chercheur à l’Université de technologie Chalmers, en Suède, qui a créé le premier centre d’études sur le négationnisme du climat au monde, ces messages qu’il qualifie de «vitrioliques»)  

Magdaline Boutros et Leïla Jolin-Dahel | Le Devoir 23 septembre 2019

26 septembre 2019

L’intolérance au discours électoral viscoélastique

Monsieur Legault s’oppose énergiquement à un nouvel oléoduc qui partirait de l’Alberta et traverserait le territoire québécois pour se rendre au Nouveau-Brunswick. Par contre, son gouvernement approuve non seulement l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, mais aussi une usine de liquéfaction de gaz naturel avec son pipeline de 750 km parcourant l’Abitibi et le Témiscamingue, la Haute-Mauricie, le Lac-Saint-Jean, le Saguenay, le Fjord du Saguenay et le Saint-Laurent, qui générera 7,8 millions de tonnes de GES.

De l’économie jusqu’à la nausée

Depuis des décennies, le Québec se vend morceau par morceau pour quelques poignées de dollars à des groupes corporatifs. Pour que l’économie roule bien, l’argent doit circuler. Il circule en effet, mais uniquement entre les propriétaires de multinationales et les paradis fiscaux.
   Je suis plus qu’exaspérée d’entendre le baratin électoral de la brigade des chefs politiques de façade. Leurs discours truffés de «développement économique» donnent envie de vomir car nous savons qu’ils signifient davantage de destruction. Il y a des limites à faire rire de soi.
   Le Canada entier est un buffet «all you can buy». Le degré d’irresponsabilité chez les élus fédéraux et provinciaux est alarmant. D’un côté, ils prônent le passage aux énergies durables (ou vertes), et de l’autre, ils invitent des investisseurs étrangers «anonymes» à financer les projets les plus polluants qui existent, quand ils n’y investissent pas eux-mêmes l’argent des fonds publics. L’ingrédient actif de l’abus de pouvoir est le maintien de la corruption à la base de notre système socioéconomique mondial. C’est ça la mondialisation, c’est ça le libre-échange auquel tous les partis politiques sont à jamais soumis.
   La réelle préservation de l’environnement devrait avoir l’importance qu’elle mérite puisqu’elle déterminera la survie de notre espèce et de toutes les autres.
    Il n’y a pas de pays sur terre où l’on ne souffre pas des impacts de l’exploitation des carburants fossiles et des pesticides. Nous savons que ces industries sont par définition extrêmement polluantes et létales.
  L’équation est pourtant simple : plus on augmente la production, la circulation et l’utilisation de produits toxiques et dangereux, plus les risques d’accidents et de problèmes de santé augmentent.
  
– Qu'avez-vous à dire pour votre défense?
– Je ne me considère pas comme un criminel, votre honneur.
– Comment appelez-vous ça?
– Je prends juste l'argent des gens. ...Et je les aide à le dépenser.
– Pourquoi ne pas vous présenter aux élections? 

Le Mamba noir du Canada (pipeline) : 
https://artdanstout.blogspot.com/2015/12/le-mamba-noir-du-canada.html

Gazoduq/GNL NON MERCI! 





Nature Québec

Le projet de l’entreprise GNL Québec* : un gazoduc qui amènera du gaz naturel de l’Ouest canadien, et une usine de transformation du gaz au Saguenay qui permettra d’exporter le gaz vers l’Europe et l’Asie. Au total, un projet de 14 milliards de dollars – le plus important investissement privé de l’histoire du Québec, rien de moins.
   «C’est le Trans Mountain de l’Est. C’est le nouveau Énergie Est», dit le militant Adrien Guibert-Barthez, co-porte-parole de la Coalition Fjord.
   Mais c’est du gaz naturel liquéfié, une énergie fossile polluante, à la veille d’une campagne électorale qui s’annonce axée sur l’environnement. Et il y a aussi la crainte d’impact environnemental sur le béluga.
   «On ne peut pas faire une chose et son contraire : ce n’est pas parce qu’on investit dans les transports en commun qu’on peut se permettre ce projet-là. Avec l’urgence climatique, on ne peut plus se permettre d’appuyer sur le frein et l’accélérateur en même temps. Au final, ce que le projet recherche, c’est trouver de nouveaux marchés pour le gaz canadien. On ne peut pas augmenter massivement l’offre d’énergie fossile en espérant avoir un gain environnemental. Ça nous apparaît hérétique.» Christian Simard, directeur général de Nature Québec
   «On est pour le projet, c’est bon pour la région, ça amène des jobs, ça crée de la richesse. On peut développer l’expertise, le gaz est en progression constante, la demande est forte, c’est un projet qu’on a la chance d’avoir chez nous, un projet qui va être plus vert qu’ailleurs», dit Richard Martel, député conservateur de Chicoutimi-Le Fjord.
   Le projet créerait jusqu’à 4000 emplois pendant la construction de l’usine (soit pendant quatre ans), puis 300 emplois permanents dans une région aux prises avec un déclin démographique.
   «La lutte contre les changements climatiques, c’est l’essence de notre projet», affirme Stéphanie Fortin, directrice des affaires publiques de GNL Québec. «Ça reste une énergie fossile, on n’est pas en train de faire de la magie, mais on est moins polluant et plus efficace [que les autres usines de gaz naturel liquéfié qui sont alimentées par leur propre gaz naturel]. C’est notre ambition de faire comme l’aluminium vert du Saguenay.»

Vincent Brousseau-Pouliot | La Presse, 6 septembre 2019 | Article intégral :

* GNL Québec est une coentreprise de Canada LNG / Pacific NorthWest LNG géré par le géant énergétique privé Petronas Malaisie œuvrant dans le nord de la Colombie-Britannique; l’entreprise avait proposé une usine de liquéfaction de gaz à Kitimat pour faciliter son expédition vers les marchés asiatiques. PetroChina et Korea Gas étaient prêts à investir ainsi que d'autres entreprises telles que Royal Dutch Shell et Mitsubishi. Ces groupes ne lâcheront pas la poule aux œufs bruns.   

Préparons-nous à subir de fortes pressions de la part de TC Énergie (anciennement Trans Canada). Le promoteur albertain Duane Lauritsen dirige une nouvelle entreprise Canadian Prosperity Pipelines (ou CP3) incorporée au Québec pour relancer le projet d’oléoduc Énergie Est au nom de l’unité nationale. C’est pourquoi il établit sa société là où l’opposition aux pipelines est la plus féroce : au Québec. Pour le dirigeant, l’établissement prochain du siège social de sa compagnie à Montréal démontre l’intérêt pour le Québec. Il croit pouvoir éduquer, informer et convaincre les Québécois de ce qu’il dit être un projet unificateur de l’Ouest et de l’Est du Canada. La tuyauterie du pipeline Prospérité canadienne est à construire d'un bout à l'autre, soit 4500 km de tuyaux; trois tracés sont à l'étude selon le promoteur. Jason Kenney (AL) et Blaine Higgs (N.-B.) jubilent!

Vers un projet Énergie Est 2.0 au Québec?

Le point de vue de quelqu'un qui habite la région.  

Les pseudo-retombées économiques d’Énergie Saguenay

Pierre Dostie, Chicoutimi
Le Devoir 27 juin 2019 | Libre opinion 

Photo: iStock.

Notre région est encore trop dépendante des investisseurs étrangers qui extraient nos ressources pour les exporter sans leur ajouter de la valeur par la transformation sur place. Les efforts que les différents acteurs économiques régionaux déploient depuis plusieurs décennies visent à diversifier notre économie (nouveaux secteurs, notamment l’immatériel, etc.), à transformer nos ressources (bois, aluminium, agroalimentaire, etc.), à créer une économie durable et circulaire, à promouvoir l’entrepreneuriat et à renforcer nos secteurs d’excellence (culture, tourisme, etc.). Le développement économique ne peut reposer que sur des retombées sous forme de salaires et de quelques contrats de sous-traitance, surtout si l’on considère que l’industrie est appelée à cesser ses activités à plus ou moins brève échéance (ex. 25 ans) en ne laissant que des installations inutilisables et un environnement détérioré qu’il faudra restaurer aux frais de la collectivité. Notre économie régionale souffre d’une structure de dépendance qui empêche son développement.
   Le projet Gazoduq-Énergie Saguenay, non seulement prévoit d’exploiter une ressource controversée (gaz de fracturation), exploitée ailleurs au risque d’endommager irrémédiablement l’environnement, mais ne lui ajoutera aucune valeur (liquéfier le gaz aux seules fins du transport n’est pas un ajout de valeur) et ne fait que passer sur notre territoire pour être exportée ailleurs. En outre, il n’est pas démontré que son usage contribuera à remplacer le charbon ou le mazout, et ce, malgré les prétentions du promoteur. Nous savons par ailleurs que le développement des énergies renouvelables est exponentiel en plus d’être concurrentiel. Cela nous fait douter encore davantage de la pertinence et de l’acceptabilité sociale du projet.

Transition écologique
Ce ne sont pas seulement de retombées économiques, surtout de cette nature, que notre région a besoin. Notre économie régionale a besoin de renforcer ses pôles endogènes et intégrés de développement, d’enraciner celui-ci par du financement et de l’entrepreneuriat local et régional, notamment collectif, et pour appuyer sa créativité. Créer de la richesse ici, par nous, pour nous. La planète entière doit relever l’urgent défi de la transition écologique et économique du XXIe siècle. L’économie de l’avenir repose sur des stratégies qui valorisent les circuits courts, l’économie circulaire, l’économie d’énergie, l’énergie renouvelable, l’achat local, la souveraineté alimentaire, le transport collectif et actif, un urbanisme en fonction des personnes qui habitent nos villes et non en fonction des besoins de l’industrie, notamment automobile, etc.
   C’est l’équivalent de l’électricité nécessaire pour fournir une aluminerie qui est prévue pour l’usine de liquéfaction du gaz naturel. Notre économie régionale a besoin de son hydroélectricité pour appuyer ses efforts de développement autonome, plutôt que pour consolider sa dépendance aux énergies fossiles, aux investisseurs étrangers, à l’extractivisme sans coeur.
   Non, ce ne sont pas les projets de rechange qui manquent, ce qui fait défaut, c’est notre mentalité de soumission et de dépendance au capitalisme sauvage qui nous a conduits à l’urgence climatique. L’opposition grandissante aux projets d’un autre temps est d’abord et avant tout porteuse d’un projet de société basé sur la coopération, le respect de l’environnement, les valeurs collectives et le bien commun, la justice et le partage des richesses.


Le projet GNL Québec doit être rejeté *

En cette ère d’urgence climatique et d’effondrement de la biodiversité, nous estimons que les scientifiques ont le devoir de se prononcer sur les grands projets qui détermineront l’avenir de notre civilisation. C’est dans cet esprit que nous intervenons aujourd’hui dans le débat public sur le projet GNL Québec.
   Ce projet ne contribuerait pas à lutter contre le changement climatique. Il favoriserait l’extraction quotidienne de 44 millions de mètres cubes de gaz naturel dans les Prairies canadiennes, ce qui représente 2,6 fois la consommation quotidienne de l’ensemble du Québec. Le Canada, qui est déjà le 5e exportateur de gaz naturel en importance au monde, verrait ses exportations nettes de gaz naturel grimper de 27 % si ce projet allait de l’avant.
   Selon une analyse du cycle de vie de ce gaz commandée par les promoteurs, de son extraction jusqu’à sa sortie de l’usine de liquéfaction, il engendrerait plus de 7,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES) par an. Cela signifie que les émissions totales associées à ce projet au Canada seraient comparables au total des réductions d’émissions de GES au Québec depuis 1990. Une incertitude de taille dans ces calculs concerne la quantité d’émissions fugitives de gaz (fuites) survenant durant son extraction, tout au long de la chaîne de transport et après la fermeture des puits. Comme le gaz naturel est constitué essentiellement de méthane, un gaz à effet de serre 84 fois plus puissant que le CO2 sur un horizon de 20 ans, la contribution de ces fuites au réchauffement planétaire est énorme, et il est donc possible que les émissions totales de GES associées à ce projet soient considérablement plus élevées que les meilleures estimations disponibles.
   

Le projet GNL Québec constitue également une menace sérieuse pour la biodiversité. En traversant les milieux naturels du Nord-du-Québec, de l’Abitibi-Témiscamingue au fjord du Saguenay, le pipeline Gazoduq fragmenterait l’habitat de 17 espèces vulnérables, menacées ou en voie de disparition. Il croiserait les bassins versants des rivières Harricana, Nottaway, Moose, Outaouais, Saint-Maurice et Saguenay. Enfin, l’exportation du gaz liquéfié exigerait chaque semaine 6 à 8 passages de super-méthaniers dans le fjord. Le bruit sous-marin assourdissant de ces géants des mers mettrait en péril la survie du béluga du Saint-Laurent dans le seul refuge acoustique protégé dont il dispose encore.
   Pris dans son ensemble, ce projet viendrait donc altérer encore davantage les écosystèmes terrestres et marins dont dépend la vie sur Terre, alors même que les experts mandatés par l’ONU ont récemment confirmé un taux d’extinction des espèces «sans précédent» et qui s’accélère, érodant «les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier».
   Ces faits s’accordent très mal avec la prétention que GNL Québec ferait partie des solutions à l’urgence écologique. Ils indiquent plutôt que ce projet contribuerait à l’aggraver. Nous estimons par conséquent que le projet GNL Québec est incompatible avec la notion de transition énergétique et doit être rejeté.

Jesse Greener et Lucie Sauvé Le Devoir | Libre opinion | 3 juin 2019
* Ce texte est appuyé par environ 150 scientifiques

Pour minimiser l’emprise les plus grands pollueurs de l’industrie pétrochimique et agrochimique, tout ce que nous pouvons faire est de changer nos propres habitudes de consommation et nos comportements. Sinon, ils continueront à détruire la terre sans se faire de souci. Quand on sait, on peut choisir; l’ignorance n’offre aucun choix.

Conclusion : quand les gens ne comprennent ni de la tête ni du cœur (ni d’ailleurs), en dernier ressort, on utilise l’humour et le cynisme.

Les climatologues confirment qu'il est encore temps de faire sauter la terre

The Onion* | 5 octobre 2018

Groupe d'experts intergouvernemental. Photomontage : The Onion

GENÈVE, SUISSE – Avertissant que des millions de personnes mourront de faim dans les rues si les dirigeants mondiaux ne prennent pas des mesures décisives, les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ont confirmé lundi qu'il était encore temps de faire sauter la terre avant que le réchauffement climatique irréversible ne condamne l'humanité à une lente extinction. «En détruisant notre planète dans un maelstrom nucléaire maintenant, nous pouvons éviter les souffrances indues qui autrement caractériseront le siècle prochain», a déclaré le président du GIEC, M. Hoesung Lee, ajoutant qu'un millier d'armes nucléaires stratégiquement placées sur des sites géothermiques actifs cruciaux dans le monde pourrait être suffisant pour inonder la planète de magma blanc et chaud, mettant un terme miséricordieux à cette expérience ratée qu'est l'homme. «Nous avons la technologie pour ce faire; mais ce ne sera pas facile et nous devons agir immédiatement. Nous avions cru qu'il nous resterait au moins un siècle de plus pour faire exploser la terre, mais si l'on veut que l'espèce humaine évite une catastrophe écologique, nous devons commencer hier. Pour ma part, je ne veux pas avoir à regarder mes petits-enfants dans les yeux un jour, et à leur dire que j'aurais pu faire exploser le monde infernal où ils sont forcés de vivre, mais que je ne l’ai pas fait. Ce serait le comble de l'égoïsme.» Lee a ensuite présenté une série de maquettes terrifiantes d'images satellitaires illustrant à quoi pourrait ressembler une terre tragiquement intacte en 2040 et au-delà.

* La publication satirique The Onion (publiée depuis 1988) met le doigt sur nos paradoxes et notre crédulité sans ménagement.

24 septembre 2019

En réponse aux stupidités propagées sur l’alarmisme climatique

Un rendez-vous à ne pas manquer

Le 15 mars 2019, il y avait plus de 150 000 étudiantes et étudiants officiellement en grève à travers le Québec.

Le prochain rendez-vous de cette grande mobilisation est le 27 septembre dans le cadre du mouvement Earth Strike (La planète en grève) qui s’organise déjà dans une vingtaine de pays.
   Le 27 septembre, nous vous invitons toutes et tous à marcher : étudiantes et étudiants, travailleuses et travailleurs, citoyennes et citoyens.
   À Montréal, la délégation d'Amnistie internationale vous donne rendez-vous au coin de la rue Duluth et avenue du Parc à 11:15 pour être prêt pour le début de la marche à midi.

Pourquoi se mobiliser?
Parce que protéger l'environnement, c'est protéger l'humanité. En effet, l'urgence climatique menace aujourd'hui le futur de l'humanité et les droits humains les plus élémentaires à l’échelle de la planète. Le droit à la vie, au logement, au travail, à des moyens de subsistances et à des installations sanitaires sont en péril.
   La lutte écologiste n'est pas seulement une lutte sectorielle. Elle concerne tous les secteurs et tous les organismes de l'action communautaire autonome puisque les premières personnes qui seront touchées par les conséquences des dérèglements climatiques sont les personnes qu'on soutient au quotidien.
   La lutte pour le climat doit absolument se faire dans une perspective de justice sociale et les mesures de transition qui seront entreprises ne doivent pas seulement profiter aux riches, mais doivent viser le respect des droits humains et l'amélioration des conditions de vie de tous et toutes.

Un environnement sain c'est un droit!

Trouvez le rassemblement près de chez vous : la liste complète est disponible dans l'événement Facebook

Malheureusement, si les ambitions économiques d’un parti politique sont basées sur la contamination de l'eau et des sols, l’augmentation de la pollution de l'air (GES), la destruction des terres arables, des forêts et des espèces, il est assuré de remporter la victoire.
   La Coalition avenir Québec est fortement orientée sur le capitalisme néolibéral radical, cette solution miracle qui «fait grandir» l’économie, mais qui au final n’enrichit que les grandes entreprises et leurs investisseurs. Tout comme les Trudeau, Scheer et Bernier*, François Legault prétend qu’il est possible d’exploiter le gazoduc GNL Saguenay (un nouveau projet qui va scraper la région à tous les niveaux), cimenteries, alumineries,  minières, gaz naturel sur les rives du Saint-Laurent... et plein d’autres industries émettrices de GES, tout en préservant l’environnement. Qui plus est, les plus grands pollueurs ne seront encouragés à réduire leurs GES, mais pas contraints, en raison de la compétition internationale.
   «Les gouvernements ne veulent pas des gens bien informés, bien éduqués, capables de pensée critique, ils veulent des ouvriers obéissants, des gens qui sont juste assez intelligents pour faire fonctionner des machines et s’occuper de la paperasse. Et juste assez stupides pour accepter ça passivement.» ~ George Carlin

* Le guignol Maxime Bernier ne cesse de rabâcher que la crise climatique n’existe pas, que les écologistes fomentent un complot pour nous empêcher de vivre et nous appauvrir. Au fond, ce guignol ne sert qu’à paver la voie à Andrew Scheer en le faisant paraître «modéré». Il faudra regarder le débat des chefs où il sera présent, comme le chien dans un  jeu de quilles.   

«L'orgueil et la vanité sont les échasses du sot; mais elles ne le grandissent que pour le faire tomber de plus haut.» ~ Jules Petit-Senn (Bluettes et boutades, p.73, Éd. Librairie nouvelle, Paris, 1856)

«Quand les gens juchés sur des échasses viennent à choir, un sourire accompagne la pitié que leur chute inspire.» ~ Anne Barratin (Pensées in Oeuvres posthumes, p.218, Alphonse Lemerre, 1920)

Le romancier, poète, chroniqueur et travailleur social David Goudreault n’a pas peur des mots. C’est pour ça qu’on l’aime tant : la dure vérité tantôt parée d’humour, tantôt d’amour.

Les dangers mortels de l’optimisme

David Goudreault La Tribune 1er juin 2019

«Mais l’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage.» – Mathieu Kassovitz

Mon fils s’est rétamé le faciès sur le plancher de bois franc. Badang! C’est de ma faute. Je me culpabilise chaque fois que son lumineux sourire dévoile l’éclat de palette manquant. Si ce n’était d’un soupçon de procrastination de ma part, mon héritier étalerait encore toute sa dentition. Ma conjointe m’avait pourtant prévenu la veille : «Le petit se monte la jambe sur le bord de la bassinette, faudrait installer son lit.» Une tâche de plus sur ma liste. «C’est noté, chérie, je m’en occupe.» La mission inscrite à l’agenda pour le lendemain, je vaquais à ma surcharge de travail quotidienne. Évidemment, le jour venu, mille petites urgences me détournèrent de la priorité établie. «J’installe le lit tout de suite après sa sieste.» La sieste fut sanglante.

Ces jours-ci, je pense souvent aux pacifistes optimistes de 1938, aux sceptiques du totalitarisme annoncé, aux crédules du nazisme modéré et autres journalistes qui tendaient leurs micros complaisants à Adolf Hitler. Au pied du Vésuve aussi, ils devaient être légions, les personnages rassurants qui promettaient seulement un peu de lave et quelques cendres sur Pompéi, presque rien, rien de bien grave. J’imagine que ces borgnes clairvoyants prenaient le même ton affecté que nos dirigeants actuels lorsque vient le temps de prioriser systématiquement l’économie au détriment de l’écologie. «Voyons les tatas, ce n’est pas le consensus de quelques dizaines de milliers de scientifiques aux abois qui va remettre en question notre modèle mortifère à la viabilité impossible.» La croissance économique ne saurait tolérer l’évidence scientifique…

Hubert Reeves ne peut être taxé d’alarmisme. Le charismatique astrophysicien penche toujours du côté de l’espérance. Pourtant, il m’avait choqué avec la parution de Mal de terre, en 2003. Reeves y démontrait clairement, chiffres à l’appui, que l’heure était grave; il y a plus de 15 ans, il était déjà trop tard moins quart. La seule issue possible : mobiliser les entreprises, les gouvernements et les environnementalistes pour mettre en place de profondes transformations sociales et commerciales. On s’en éloigne. Les rares engagements, toujours à long terme, ne sont pratiquement jamais respectés par les pays signataires. Demandez à Justin!

Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète et la planète se réchauffe plus rapidement que prévu. Réponse vigoureuse des gouvernements? Contraintes conséquentes aux entreprises polluantes? Non, les émissions mondiales atteignent des niveaux records et on tergiverse toujours! Des millions de citoyens joignent leurs voix à celles de dizaines de milliers d’experts alarmés, mais l’écho de notre inquiétude semble se perdre entre les quatre murs de la Chambre de commerce.

Sauver l’humanité avec une poche de café équitable et un lundi sans viande, une semaine sur deux, ce ne sera pas suffisant. Les écologistes mous, les technocrates patients et autres exaltés de la technologie salvatrice demeurent de précieux alliés pour les pétrolières, les minières, les multinationales et autres principaux émetteurs de gaz à effets de serre. Le positivisme a ses limites; l’effet placebo n’a jamais guéri de cancer en phase terminale.

Cessons de parler de «lutte aux changements climatiques», il n’y a pas de lutte, d’adversaire à vaincre ou à combattre, nous sommes notre propre ennemi, et c’est l’autodestruction que nous devons éviter. Il ne s’agit pas de gagner une lutte, mais d’éviter un suicide collectif. Survivre plutôt que guerroyer; dialectique moins sexy, mais plus fidèle à la réalité.

Et pour survivre, il ne faut pas sous-estimer les bénéfices d’une saine panique. La lucidité et l’espoir peuvent cohabiter. L’avenir du monde est radical, jeune et intransigeant. Je crois en ces manifestants indignés, politisés, inquiets et positifs. Aux quatre coins du globe, elles angoissent avec le sourire, ils capotent en mode festif. Sans se laisser récupérer. À l’ombre de leurs parents résignés, ils sont conscients que le temps n’arrange pas les choses, les choses s’arrangent dans le temps quand on s’en occupe. Et le temps nous manque!

De plus en plus de citoyens éveillés adoptent de nouveaux modes de vie écoresponsables, votent sans allégeance aux partis, bâtissent des alternatives dans la marge, rejettent les carrières aliénantes et les mensonges crasseux de la mondialisation des marchés. Ils ne croient plus à nos modes de vie destructeurs. Et ils ont raison.

L’humanité est sur le point de se rétamer la gueule sur le plancher de notre nonchalance. On remet encore à demain ce qu’on aurait dû corriger hier. Rien n’est moins certain que l’avenir de nos enfants. Admirons-les se révolter, rejoignons-les! On peut participer à une mobilisation extraordinaire pour survivre ensemble à la plus grande menace de notre histoire; on peut aussi se dire qu’il n’est pas trop tard, qu’on a encore du temps pour réagir, choisir l’aveuglement volontaire, demeurer optimiste et retourner faire la sieste.


Vidéo portrait de l’auteur, L'hymne à l'humain, disponible sur le site de La fabrique culturelle 

David Goudreault nous inspire par sa profonde humanité et sa curiosité à comprendre l'autre. Sa trajectoire de vie lui a donné la sensibilité à accepter les failles qui peuvent devenir une réelle force mais aussi parfois se transformer en gouffre.


«L'expression chez l'humain, c'est le meilleur outil pour se nettoyer la psyché, pour régler nos trucs. Il n'y a jamais rien qui est aussi efficace pour apaiser une souffrance que de la savoir reconnue. Pour moi le geste d'écrire déjà porte une part de la guérison.»

«La rue, c'est un milieu où tout se mélange – le meilleur comme le pire. C'est dans la rue qu'on a organisé de grandes manifs qui nous ont permis certains acquis sociaux, mais c'est aussi dans la rue qu'on atterrit à 4 h du matin, entre deux puffs de crack, absolument vulnérable, parmi les loups et les chiens qui sont toujours là pour exploiter la misère humaine.»

Existe-t-il une «thérapie de conversion» pour les pro-pesticides?

J’entendais le PDG du lobby CropLife Canada, Pierre Petelle, se plaindre de ne pas avoir été invité à la commission parlementaire : «Je pense qu’une commission qui se penche sur la question des pesticides et n’invite pas les développeurs de ces produits-là, je pense qu’il y a une lacune. Quand on regarde la liste des invités, il y a beaucoup de groupes avec très peu de connaissances de la science des pesticides.»
   L’agronome et lanceur d’alerte Louis Robert, que le ministre de l’Agriculture caquiste avait congédié, peut certainement damer le pion à tous ces hommes d’affaires crapuleux qui se fichent des impacts de leurs poisons sur la santé des rats de laboratoire que nous sommes et l’environnement.
   Le nom CropLife est extrêmement ironique et mensonger puisque les pesticides sont des tueurs de vie; KillLife serait plus approprié. Bayer/Monsanto aurait voulu être invité à la commission. Comme on le sait, il est très difficile de dénoncer des agresseurs en leur présence; ces lobbytomisés intimident et font pression sur les agronomes revendeurs, de pesticides, l’Union des producteurs agricoles (UPA), les scientifiques, les chercheurs, le MAPAQ et les élus. 


Commission parlementaire sur les impacts des pesticides sur la santé et l’environnement

Le diagnostic de Louis Robert : L'omniprésence de l'industrie des pesticides et la méfiance des producteurs agricoles ont empêché le Québec d'atteindre ses objectifs de réduction d'utilisation des pesticides, selon Louis Robert. L'agronome à l'origine de la commission parlementaire sur les pesticides présentera ses recommandations aujourd'hui aux élus. «Si le gouvernement veut réellement mettre en place un plan de transition vers une agriculture plus verte, les solutions sont évidentes, écrit-il dans son mémoire. Si les instances ont le courage nécessaire pour poser un diagnostic sans complaisance et rigoureux, les pistes de solution sautent aux yeux.» Extrait du mémoire de Louis Robert

Valérie Gamache Radio-Canada, 24 septembre 2019

Les audiences de la commission ont lieu du 23 au 26 septembre. Les élus entendront 26 intervenants. En plus d’Équiterre lundi, l’Ordre des agronomes et la Coop fédérée, le plus grand distributeur de pesticides au Québec, vont témoigner. Louis Robert a aussi été invité à s’adresser aux députés. L’agronome sera entendu mardi. La commission doit remettre son rapport final d’ici la fin de l’année ou au plus tard au début de 2020.

Valérie Gamache | Radio-Canada, 23 septembre 2019

LES IMPACTS DES PESTICIDES SUR L’ENVIRONNEMENT
Même si l’utilisation de certains pesticides est restreinte ou bannie depuis de nombreuses années, leurs impacts néfastes ne sont toutefois pas nécessairement éliminés étant donné leur persistance. Les cas du DDT et d’autres OC en sont des exemples probants. L’utilisation du DDT a été bannie au Canada à la fin des années 1980 en raison de sa toxicité générale sur les organismes non ciblés  (Aulagnier  et Poissant, 2005). Il est cependant  toujours détecté dans l’environnement et souvent loin des lieux d’application, tout comme le sont les autres OC bannis il y a 10 ou 20 ans (Cortes et autres, 1998; Aulagnier et Poissant, 2005). Il faut cependant souligner que des utilisations actuelles ailleurs dans le monde combinées au transport sur de grandes distances peuvent aussi contribuer à cette situation, au-delà de la persistance due aux utilisations locales passées. Le présent chapitre verra maintenant à décrire les impacts  environnementaux  des  pesticides : dans un premier temps, en abordant la pollution des éléments de l’écosystème, l’eau, l’air et le sol et dans un deuxième temps, en décrivant les impacts indésirables de cette pollution sur les espèces fauniques. 

LES IMPACTS DES PESTICIDES SUR LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS AGRICOLES Le manque de spécificité des cibles des pesticides accroît le risque d’intoxications aigües et chroniques des usagers. Les expositions répétées à de petites doses risquent aussi de mener à une intoxication ou au développement d’une maladie chronique. Les effets néfastes se développent sur plusieurs années, voire sur une période de 15 à 30 ans (Gareau et autres, 1999). Une seule exposition a aussi le potentiel d’être nocive si la  dose est suffisamment forte, auquel cas les symptômes se manifestent généralement dans les 24 heures suivant l’exposition. Les effets néfastes sont propres à chaque famille de pesticides à l’intérieur de laquelle chaque membre a ses particularités qui dépendent de la quantité, de la concentration, du temps, de la voie de pénétration, des  autres produits chimiques et autres matières inertes inclus dans le mélange, ainsi que de la persistance dans l’organisme (Canada. NRCAN, 2010). L’exposition aux pesticides  peut se faire par les voies d’exposition orale, cutanée et respiratoire. Les pesticides peuvent affecter l’organisme s’ils entrent en contact avec la principale barrière de protection et voie d’exposition, la peau. Il est alors question d’intoxication par voie cutanée. De plus, les pesticides sont potentiellement nuisibles s’ils pénètrent dans l’organisme par les voies respiratoires, par les yeux ou par ingestion.
[Vous trouverez la liste des produits les plus utilisés et leurs effets physiques.] 

LES IMPACTS POTENTIELS SUR LA SANTÉ DES CONSOMMATEURS
Parce qu’ils facilitent grandement la production de masse des végétaux, les pesticides sont un des outils qui contribuent à assurer la sécurité alimentaire. Toutefois, leur utilisation pourrait engendrer des risques pour la santé publique en raison de leur présence dans les aliments. En effet, ceux-ci sont régulièrement détectés à l’état de trace dans les fruits, les légumes, les produits céréaliers et les produits transformés (Samuel et autres, 2010). Ils peuvent aussi être transportés vers les sources d’eau potable par ruissellement et infiltration dans le sol, contaminant ainsi les eaux de  surface et les nappes phréatiques (Québec. Ministère de l’Environnement du Québec, 2004). À cet égard, la préoccupation des consommateurs quant à l’impact sanitaire d’une exposition chronique aux pesticides par la consommation d’eau potable et l’ingestion d’aliments contaminés est croissante.

Source : Écotoxicologie et impacts sanitaires des pesticides en réponse à l’augmentation des ravageurs amenés par les changements climatiques : portrait, perspectives et recommandations
Par Ève Boileau (Essai présenté au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable; Maîtrise en environnement université de Sherbrooke Janvier 2015)

Voici un assortiment d’articles qui démontrent le haut niveau de tolérance du gouvernement caquiste envers les grands pollueurs, ici, l’industrie des pesticides.

Québec accorde discrètement un passe-droit aux pesticides «tueurs d’abeilles»

À peine deux mois après l’entrée en vigueur de restrictions sur la vente et l’usage des pesticides «tueurs d’abeilles» au Québec, le ministère de l’Environnement accorde une dérogation aux agronomes. Ils peuvent ignorer les nouvelles règles et prescrire des semences de maïs enrobées de néonicotinoïdes.

 
Depuis le 1er avril 2019, des changements apportés au Code de gestion des pesticides restreignent le recours aux néonicotinoïdes. Leur usage doit être justifié par un agronome et faire l’objet d’une prescription.
   Ces changements visent à réduire les risques pour la santé humaine et pour l’environnement posés par trois des pesticides les plus couramment utilisés et considérés comme les plus dangereux pour les insectes, mais aussi pour l’ensemble de la biodiversité.
   À peine entrées en vigueur, les nouvelles règles font déjà l’objet d’une dérogation.
   La dérogation a été annoncée par le ministère de l’Environnement à la fin mai, lors d’une rencontre du comité consultatif chargé de surveiller la mise en œuvre des nouvelles dispositions du Code de gestion des pesticides.
   Les membres du comité n’ont pas été consultés, mais plutôt placés devant le fait accompli, relate Julie Fontaine, responsable du dossier des pesticides à la Fédération des apiculteurs, qui a assisté à la rencontre.

Radio-Canada | Publié le 14 juin 2019

Des lobbyistes à la tête de la plupart des centres de recherche financés par le ministère de l’Agriculture

La plupart des centres de recherche financés par le ministère de l’Agriculture du Québec sont administrés par une majorité de représentants de l’industrie, parmi lesquels des lobbyistes. Dans le même temps, le ministère a abandonné les pouvoirs qu’il y détenait. C’est ce qu’a découvert Radio-Canada, dans la foulée de l’affaire du lanceur d’alerte Louis Robert.

Thomas Gerbet | Radio-Canada, 18 mars 2019

Voici des extraits d’un long article documenté sur le terrain qu’il vaut la peine de lire en entier. 

Pesticides : la rivière aux horreurs

C’est une rivière anonyme bordée de champs de maïs. Mais parce qu’elle témoigne de la présence de pesticides dans les cours d’eau agricoles du Québec, elle raconte une histoire troublante. L’histoire de milliers de kilomètres d’un réseau hydrographique rempli de pesticides, à des concentrations qui menacent la vie aquatique.

Photo : Martin Tremblay / La Presse

La carcasse d’une voiture rongée par la rouille se déverse sur les flancs du cours d’eau. Un réservoir blanc se dresse à travers l’eau opaque, tel un iceberg de plastique. Le cadavre d’un faon flotte, éventré. Kilomètre après kilomètre de pagaie, l’impression de traverser un dépotoir.
   Alors que le canot glisse doucement sur les eaux tantôt brunes, tantôt grises, une puissante odeur septique provoque des haut-le-cœur. Mais c’est la pollution qui ne se voit pas à l’œil nu qui préoccupe avant tout le ministère de l’Environnement. Une pollution qui se joue à l’échelle moléculaire, et dont les conséquences se mesurent en microgrammes par litre.
   La rivière Chibouet est un cours d’eau anonyme qui traverse les champs de Saint-Hugues et de Sainte-Hélène-de-Bagot, deux villages agricoles de l’est de la Montérégie. Depuis 1992, elle sert de rivière-témoin au gouvernement du Québec pour documenter la présence des pesticides dans les cours d’eau de la grande région de Saint-Hyacinthe, un paysage dominé par les monocultures de maïs génétiquement modifié et de soya.
   La dernière campagne d’échantillonnage du Ministère, menée entre 2015 et 2017, brosse un portrait inquiétant de la santé de la rivière. C’est aussi, de manière plus alarmante, un baromètre qui reflète l’état général de plusieurs milliers de kilomètres du réseau hydrographique qui quadrille les zones où l’on cultive intensivement le grain au Québec.
   Au cours des étés 2015, 2016 et 2017, le ministère de l’Environnement a recueilli 88 échantillons d’eau dans la rivière Chibouet. En février dernier, les résultats sont tombés : entre 21 et 27 pesticides ont été détectés, selon l’année.

Atrazine et glyphosate
En 2015, 10 % des échantillons récoltés du haut du pont de Saint-Hugues dépassaient le «critère de vie aquatique chronique» pour l’atrazine, un herbicide qui figure dans le palmarès des cinq pesticides les plus à risque du gouvernement du Québec et qui est interdit en Europe depuis 2004.

Et voici les néonics
Mais le véritable enjeu soulevé dans le dernier rapport d’Isabelle Giroux concerne les dépassements de critère pour les néonicotinoïdes, une famille d’insecticides aux noms imprononçables : clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride.
   «Si un maillon de la chaîne est affaibli, c’est tout le reste de la chaîne qui est affecté de manière indirecte.» (Isabelle Giroux, chercheuse du ministère de l’Environnement)  
   Fernand Hébert, dont la résidence est voisine du site d’échantillonnage, sort de son garage. L’homme de 81 ans raconte qu’il y a 50 ans, avant l’arrivée de l’agriculture intensive dans la région, la Chibouet était reconnue comme une «rivière à poissons».

Après les pesticides… les eaux usées
Depuis l’été 2018, une tuile supplémentaire est venue s’ajouter aux cocktails de pesticides recensés dans la rivière Chibouet : le rejet d’eaux usées «peu traitées» en raison d’un problème à l’usine d’épuration de Sainte-Hélène-de-Bagot. En juillet 2018, le ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs a recensé plusieurs centaines de poissons morts et d’«espèces rattachées à la faune aquatique» sur une quinzaine de kilomètres de la rivière.

CropLife Canada, le lobby qui représente la vaste majorité des entreprises de pesticides, en a contre la norme de 0,0083. Les néonicotinoïdes ont commencé à être utilisés au Québec en 2008, mais le Ministère mesure leur présence dans l’eau seulement depuis 2012.

Un océan de maïs
Les concentrations de pesticides détectées dans la rivière Chibouet ne sont pas l’exception, elles sont la norme. Elles sont la conséquence d’un modèle agricole à grande échelle axé sur la monoculture du maïs-grain et du soya.
   Il suffit d’un coup d’œil pour réaliser que le paysage agricole situé au sud du lac Saint-Pierre est dominé par les cultures de soya et de maïs. Le maïs planté ici n’est toutefois pas comestible pour les humains.
   Le «maïs-grain» est la base de l’alimentation des cochons, des poulets et, dans une moindre mesure, des vaches. Environ 70 % des porcs québécois sont ensuite exportés. Une grande part de notre soya est aussi exportée.
   Au Québec, environ 10 % du maïs-grain est par ailleurs utilisé pour produire de l’éthanol. Les champs de l’est de la Montérégie sont commodément situés près de l’usine d’éthanol Greenfield, située à Varennes. L’usine achète localement 16,8 millions de boisseaux de maïs (427 tonnes métriques) chaque année pour produire 190 millions de litres d’éthanol-carburant. Les résidus de maïs issus de la production d’éthanol – la drêche – sont ensuite réutilisés pour faire de l’alcool de distillerie.

Partout pareil
Rivière Yamaska
La rivière Chibouet, qui se jette dans la rivière Yamaska, contribue à en faire l’affluent le plus pollué du fleuve Saint-Laurent. La moitié des 260 000 habitants des municipalités riveraines boivent de l’eau de surface de la Yamaska ou de l’un de ses affluents.
[L’analyse inclut : Lac Saint-Pierre, Rivière Saint-Régis, Rivière Richelieu, Rivière des Hurons, Rivière Saint-Zéphirin.]

«Néonics» 101
Les néonicotinoïdes sont des molécules qui présentent une structure chimique similaire à celle de la nicotine, la substance qui cause la dépendance retrouvée dans le tabac. Le mot «néonicotinoïde» veut littéralement dire : nouvel insecticide semblable à la nicotine.
   Les néonicotinoïdes agissent sur le système central nerveux des insectes en les paralysant ou en causant leur mort. Ce sont des pesticides dits «systémiques», c’est-à-dire qu’ils sont absorbés puis transportés à travers la plante. Ils diffèrent des pesticides «de contact» qui sont appliqués sur la surface des plantes par arrosage.
   Le Centre de recherche sur les grains (CEROM) est une société à but non lucratif financée à 68 % par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Mars 2018. Coup de théâtre. Le Devoir et Radio-Canada révèlent que 15 des 35 employés du CEROM, dont 5 chercheurs, ont démissionné depuis 2016. Des membres du conseil d’administration du CEROM auraient fait connaître leurs positions propesticides aux chercheurs, au point de s’ingérer dans les travaux de recherche et même de retenir leur publication.
   Qui était à la tête du conseil d’administration à l’époque? Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec, un syndicat affilié à l’Union des producteurs agricoles (UPA). Christian Overbeek a milité publiquement contre le resserrement de la réglementation. Il s’est même enregistré comme lobbyiste pour faire des démarches auprès du gouvernement sur cette question.
   Le professeur de chimie environnementale Sébastien Sauvé explique que l’industrie et les producteurs de grains «mangent main dans la main». «Les producteurs de grains produisent des semences qui vont être enrobées, donc quand on vend du grain, on vend des pesticides. Donc les vendeurs de grains sont des vendeurs de pesticides et les vendeurs de pesticides sont des vendeurs de grains.»

Daphné Cameron, La Presse 21 septembre 2019

La faune et la flore sont les baromètres de l’état des lieux en matière de pollution environnementale. La disparition de la faune aviaire n’est que la pointe de l’iceberg. N’en doutez pas, nous allons éventuellement passer dans le broyeur si nos gouvernements ne mettent pas un holà à la mafia des pesticides maintenant.

Trois milliards d’oiseaux de moins en Amérique

Photo: Gary Mueller Macaulay Library at Cornell Lab of Ornithology. Un oriole de Baltimore.

La faune aviaire d’Amérique du Nord a décliné de 29 % depuis 1970, ce qui représente la perte d’environ trois milliards d’oiseaux, révèle une étude publiée jeudi 19 septembre dans la revue Science. Or, ces pertes ne concernent pas seulement des espèces rares et menacées, mais incluent plusieurs espèces communes et répandues qui sont des maillons importants des écosystèmes.
   Cette étude réalisée par des chercheurs états-uniens, ainsi que par Environnement et changement climatique Canada visait à évaluer les changements subis par les populations de 529 espèces d’oiseaux des États-Unis et du Canada à partir des données obtenues par plusieurs réseaux de surveillance, dont certains accumulent des données depuis près de 50 ans. Ils ont ainsi estimé que la faune aviaire d’Amérique du Nord aurait perdu 3,2 milliards d’oiseaux de 38 familles différentes, depuis 1970.
   La famille des bruants est celle qui a été la plus dévastée avec la perte de 862 millions d’individus, ce qui représente un déclin de 38 %. Cette famille comprend de nombreuses espèces champêtres et certaines espèces, comme les juncos, qu’on retrouve en forêt boréale.
   Les parulines, de beaux oiseaux souvent très colorés qui font de longues migrations, ont été très éprouvées avec la disparition de 618 millions d’individus (soit un déclin de 38 %).
   Un déclin d’une telle ampleur ne surprend pas Pascal Côté, directeur de l’Observatoire des oiseaux de Tadoussac.
   «Une tendance similaire avait été annoncée en juin dernier dans le rapport sur l’état des populations d’oiseaux du Canada d’Initiative de conservation des oiseaux de l’Amérique du Nord (ICOAN-Canada)», rappelle-t-il, tout en se disant davantage préoccupé par le déclin des espèces indigènes que par celui des espèces introduites.
   Le principal facteur responsable de cette hécatombe de la faune aviaire est la perte de leur habitat en raison du développement et de l’intensification de l’agriculture.
   Les prairies naturelles et les champs abandonnés qu’affectionnent les oiseaux champêtres sont désormais cultivés de façon intensive. «Les prairies naturelles de l’Ouest sont transformées en champs agricoles de blé. Dans les champs qui étaient jadis laissés en fourrage pour faire du foin, on fait de quatre à cinq récoltes de foin par année dont certaines ont lieu durant la période de nidification des oiseaux, ce qui entraîne beaucoup de mortalité. On fait aussi beaucoup plus de cultures de blé d’Inde et de soya alors qu’il y avait beaucoup plus de champs pour le bétail auparavant. Tous ces changements participent au déclin. De plus, les aires d’hivernage des oiseaux migrateurs, comme les parulines, au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud sont victimes de la déforestation», explique Pascal Côté.
   Les carouges et les quiscales bronzés ont subi des pertes de 440 millions d’individus (soit un déclin de 44 %). Les moineaux ont été décimés de 331 millions individus, soit un déclin de 81 %, et les alouettes sont privées de 182 millions congénères, soit un déclin de 67 %, les étourneaux sansonnets ont perdu 83 millions de semblables, soit un déclin de 49 %.
   L’utilisation répandue de pesticides, comme les néonicotinoïdes, est nocive pour tous les oiseaux, voire dévastatrice pour les insectivores aériens, comme les hirondelles (diminution de 22 %), les engoulevents (réduction de 55 %) et les martinets (65 %).
   Selon M. Côté, le déclin des moineaux s’explique principalement par l’essor des nouvelles constructions en milieu urbain qui ne permettent plus aux moineaux de faire leur nid dans les combles des habitations comme ils avaient l’habitude de le faire auparavant.
   Les auteurs de l’étude concluent sur l’urgence de s’attaquer à ces facteurs qui menacent la faune aviaire du continent, et qui seront exacerbés par les changements climatiques.

Pauline Gravel | Le Devoir Science, 20 septembre 2019

Les oiseaux aussi victimes des néonicotinoïdes 

Photo: Margaret Eng. Les bruants à couronne blanche sont particulièrement exposés aux néonicotinoïdes durant leur migration printanière.

On sait que les abeilles sont gravement affectées par les insecticides de la classe des néonicotinoïdes. Voilà maintenant qu’une étude canadienne publiée dans la revue Science confirme que les oiseaux chanteurs en sont aussi victimes. Cette étude montre que l’imidaclopride, l’un des trois néonicotinoïdes le plus couramment utilisés en agriculture, handicape sérieusement les bruants à couronne blanche dans leur migration et compromet par conséquent leur reproduction, voire menace leur survie.
   Depuis 2006, des études ont fait état du déclin particulièrement abrupt des espèces d’oiseaux qui font des haltes dans des zones agricoles au cours de leur migration. En Amérique du Nord, 74 % des espèces aviaires qui sont tributaires des terres agricoles ont décliné entre 1966 et 2013.
   Un examen par résonance magnétique des oiseaux a permis de préciser que cette perte de masse corporelle chez les oiseaux exposés à l’imidaclopride correspondait à la disparition de 9,3 % des graisses corporelles chez ceux qui avaient reçu la plus faible dose d’imidaclopride, et de 17 % chez ceux qui avaient absorbé la plus haute dose. Ce constat est particulièrement préoccupant sachant que les graisses constituent la principale réserve d’énergie pour les oiseaux migrateurs.
   Selon les chercheurs, cette perte de masse corporelle et de graisses serait associée «en partie aux effets anorexiques de l’imidaclopride». Car, rappellent-ils, les néonicotinoïdes agissent sur les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine du système nerveux auxquels se lie également la nicotine, qui présente des propriétés anorexigènes.
   En effet, les oiseaux ayant été exposés à la plus haute dose d’imidaclopride consommaient 70 % moins de nourriture durant les six heures suivant l’administration de l’insecticide que les oiseaux servant de témoins qui n’avaient pas reçu d’imidaclopride.
   Le fait que cet effet anorexigène survienne durant un stade critique de leur vie, qui est typiquement caractérisé par une hyperphagie et une accumulation rapide de graisses pour parcourir les longues distances de vol de la migration, est particulièrement problématique.
   Les auteurs de l’étude font remarquer que les oiseaux granivores, comme les bruants à couronne blanche, sont particulièrement exposés aux néonicotinoïdes durant leur migration printanière, car celle-ci coïncide avec la période d’ensemencement pour de nombreuses plantes agricoles traitées à l’imidaclopride dans les latitudes moyennes de l’hémisphère Nord. Car, rappelons-le, les graines de semence sont habituellement enrobées d’insecticide.
   L’usage répandu des néonicotinoïdes le long des routes migratoires traversant le sud du Canada et les États-Unis signifie que les oiseaux subissent des expositions répétées à leurs divers sites de repos, ce qui induit des délais successifs qui amplifient toutes ces conséquences négatives pour les populations d’oiseaux migrateurs », soulignent les chercheurs.
   Malheureusement, ces oiseaux souffriront encore longtemps des effets néfastes des néonicotinoïdes, car Santé Canada décidera seulement au début de 2020 s’il adopte la proposition finale d’éliminer dans trois à cinq ans les trois principaux néonicotinoïdes, dont fait partie l’imidaclopride. Et comme le Canada, les États-Unis n’ont toujours pas interdit ces insecticides dévastateurs, contrairement à l’Europe qui les a bannis en décembre 2018.

Pauline Gravel | Le Devoir Science, 16 septembre 2019