28 décembre 2015

À quand le grand virage?


Illustration : Steve Cutts. Oui, la terre est atteinte d’un cancer incurable causé par des «humans». Faut-il envoyer des fleurs ou une couronne mortuaire?

Selon les climato-sceptiques les humains n’ont aucune responsabilité en matière de réchauffement climatique – s’il existe c’est de la faute de l’univers...

Comprendre le réchauffement climatique en 4 minutes 



85 personnes possèdent l'équivalent de ce que la moitié de l’humanité possède. On le sait, on le dénonce, mais ça ne change rien. La corruption est comme un cancer qui se répand et pourrit tout – de la tête à la racine. Cette maladie ronge la vie des femmes et des hommes de la planète. (HUMAN)

L’appropriation des terres par les grandes corporations mondiales a fait en sorte que 85 % de la population se retrouve dans les grandes villes. Les petits agriculteurs ayant perdu leurs moyens de substance s'y réfugient et on les refoule en périphérie, dans des bidonvilles. Comment survivre? Boulots d'esclaves, vol, trafic de drogues, violence, etc. Le cercle vicieux s’installe.

Une personne meurt sous les balles à toutes les deux minutes dans le monde.
Commentaire d'une Américaine au sujet de la polémique entourant les armes :  
   Dear America, Gun ownership isn’t some inalienable right granted by God. Remember, the Constitution was written by men coming out of a long and bloody war near the end of the 18th century. It was written for their time. It also included the “right” to own a human being. Things change. Folks evolve. ~ Sara Benincasa

HUMAN, un documentaire à voir comme un bilan de la situation planétaire telle que vécue par celles et ceux qui paient la facture de l’indécrottable égocentrisme humain.

Parmi les témoignages, j’ai noté :

Moi, je suis un pauvre.
Je vais vous définir ma pauvreté.
Ce qu’est pour moi la pauvreté.
C’est quand je dois aller à l’école,
mais que je ne peux pas y aller.
Quand je dois manger,
mais que je ne peux pas.
Quand je dois dormir,
mais que je ne peux pas.
Quand mes enfants et ma femme souffrent.
Je n’ai pas le niveau intellectuel suffisant
pour nous sortir de cette situation.
Ni moi ni les miens.
Là, je me sens vraiment pauvre.
Physiquement pauvre, mentalement pauvre.
Et vous, les riches qui m’entendez,
qu’avez-vous à raconter de votre richesse?

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Je sais que plus j’ai d’argent, moins je suis heureux.
Cependant, j’en veux toujours plus.
Et qu’il s’agisse de sexe, d’argent
ou de toutes ces choses éphémères,
tu as toujours du mal à te raisonner,
et à en vouloir moins. 
Je suis matérialiste, j’aime les biens matériels,
mais ils ne me rendent heureux qu’un court instant.
Puis je me retrouve face à mes défis familiaux.
Je n’arrive pas à faire sourire une personne dépressive.
Aucun bien matériel ne la rendra heureuse parce que
son cerveau n’est pas heureux.
Je me sens donc frustré qu’il n’y ait aucun remède.
Je ne peux pas agiter une baguette magique
pour que mon fils...  aille mieux. 

~~~
Les gens les plus généreux que je connais
n’ont pas d’argent.
Et ça devrait être comme ça.
Quand on n’a pas d’argent, on ne voit pas la vie
de la  même façon...
Dans notre langue, il n’y a pas de mots pour dire
«s’il te plaît» ou «merci»,
car ce qui est attendu de nous
est qu’on partage et donne ce qu’on a.
Aujourd’hui, on doit dire «s’il te plaît» et «merci».
On doit mendier.
Avant c’était acquis de partager. 
C’était une partie de nous-mêmes.
Et pas seulement pour les Aborigènes.
J’imagine que dans le monde entier,
on plaçait ces principes avant l’argent.
Mais aujourd’hui, «c’est à moi».
On dit «c’est à moi!» 
On ne partage plus ce qu’on a.
Et ça nous tue en tant qu’humains,
en tant que société, en tant que race.
Quand je dis race, je parle de la race humaine.
Nous refusons l’abri aux autres,
nous leur refusons notre nourriture,
nous leur refusons la survie,
uniquement à cause de l’argent.

~~~
José Alberto Mujica Cordano * :
«Notre façon de vivre et nos valeurs sont l’expression de la société dans laquelle nous vivons. Et on s’y accroche. Peu importe que je sois président [d’Uruguay]. J’ai beaucoup réfléchi à tout ça. J’ai passé plus de dix ans seul dans un cachot. J’ai eu le temps... J’ai passé sept ans sans ouvrir un livre. Ça m’a laissé le temps de réfléchir. Voilà ce que j’ai découvert. Soit on est heureux avec peu de choses, sans s’encombrer, car on a le bonheur en soi, soit on n’arrive à rien. Je ne fais pas l’apologie de la pauvreté, mais l’apologie de la sobriété. Mais nous avons inventé une société de consommation... en quête perpétuelle de croissance. Sans croissance, c’est le drame. On s’est inventé une montagne de besoins superflus. Il faut sans arrêt jeter, acheter, jeter... C’est notre vie qu’on dilapide. Quand j’achète quelque chose, ou quand toi, tu achètes, on ne le paye pas avec de l’argent. On le paye avec le temps de vie qu’il a fallu dépenser pour gagner cet argent. À cette différence près que la vie, elle, ne s’achète pas. La vie ne fait que s’écouler. Et il est lamentable de gaspiller sa vie à perdre sa liberté

HUMAN, Vol. 1, 2 et 3 : http://www.human-themovie.org/fr/
English version : https://www.youtube.com/user/HUMANthemovie2015

* José Alberto Mujica Cordano fut président de la république du 1er mars 2010 au 1er mars 2015. Il prêche par l’exemple. Un exemple pour nos médecins que l’austérité n’atteint pas... 
   Un Président avec les pieds sur terre
Malgré son élection à la Présidence, Pepe Mujica n'en a pas pour autant changé son style de vie. Il a refusé de s'installer dans le palais présidentiel, préférant rester dans sa ferme située en banlieue de Montevideo, dans laquelle il travaille et vit depuis vingt ans avec sa femme Lucía Topolansky, qui partage son passé de guérillero. 
   Autre originalité peu commune à ce niveau de responsabilité, Pepe Mujica a fait le choix de vivre avec le salaire mensuel moyen de son pays, l'équivalent de 680 euros par mois. Il fait don de 90% du salaire qu'il reçoit pour sa fonction de Président et Commandant en chef de l'armée, soit 9 300 euros, à des organisations caritatives, notamment d'aide au logement et d'éducation. En parallèle de sa charge présidentielle, Mujica continue avec sa femme la culture et la vente de fleurs, un petit commerce qu'ils ont ouvert il y a déjà longtemps. 
   Peu porté sur les limousines et autres bolides, ce Président se déplace toujours dans sa coccinelle Volkswagen achetée en 1987, sauf pour les déplacements officiels au cours desquels il utilise une simple Chevrolet Corsa. «J'ai vécu comme ça la plupart de ma vie. Je peux vivre avec ce que j'ai» explique-t-il. Sur la déclaration de patrimoine, un devoir pour chaque élu uruguayen, ses seules possessions sont sa Coccinelle bleue, la ferme dans laquelle il vit et qui appartient à sa femme, deux tracteurs et du matériel agricole. Ce président ne possède ni dettes, ni compte bancaire. 
   Cet ascétisme peu commun lui a valu le titre de «Président le plus pauvre du monde» par de nombreux médias. Interviewé par les journalistes sur le sujet, la réponse de Pepe Mujica est surprenante : «On m'appelle le président le plus pauvre, mais je ne me sens pas pauvre. Les pauvres sont ceux qui travaillent uniquement pour avoir un style de vie dépensier, et qui en veulent toujours plus...» De cette philosophie de vie qu'il a développée pendant ses années d'emprisonnement, Pepe Mujica dénonce la société de consommation, qui selon lui incite l'homme à «vivre pour travailler» et non «travailler pour vivre». C'est ce qu'il qualifie «d'esclavagisme» moderne. «C'est une question de liberté» conclut-il.

Article intégral : lejournalinternational.fr; 18 juillet 2013

«Vous avez tous des montres mais vous n’avez pas le temps.» (Parole de sage) 

«La grande révolution, le grand virage, c’est le passage de la société de la croissance industrielle à la société de la vie durable.» ~ Joanna Macy, écophilosophe et activiste

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À-CÔTÉ POSITIF

Surtout quand on songe à tous les arbres qui ont été abattus à cause de l’agrile du frêne.

375 000 arbres pour le verdissement du Grand Montréal 


Dans la continuité du Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) et du Plan d’action canopée de la Ville de Montréal, le projet 375 000 arbres entend augmenter de 3 % l’indice canopée de la région métropolitaine de Montréal en plantant 375 000 nouveaux arbres d’ici 2017. 
   La région écologique du Grand Montréal renferme la biodiversité la plus riche du Québec, ses meilleures terres agricoles et la moitié de sa population. La création d’une ceinture et trame verte et bleue vise à assurer une cohabitation harmonieuse entre la ville, la nature et l’agriculture en se dotant d’une planification à l’échelle de l’écosystème. Depuis les années 1960, la région a perdu la moitié de ses milieux humides et de ses forêts, en plus de perdre un tiers de ses terres agricoles. La création de la ceinture verte du Grand Montréal vise à renverser cette tendance.


1. Financement 
    Tous les acteurs de la région montréalaise sont invités à soutenir financièrement le programme.
2. Appels de propositions 
    Deux appels de proposition sont lancés par an aux organismes planteurs de la région, pour qu’ils soumettent un projet de plantation.
3. Comité scientifique 
    Après chaque appel de proposition, un comité scientifique se réunit pour évaluer la viabilité écologique des projets présentés.
4. Plantation 
    Les plantations ont lieu chaque année, au printemps et à l’automne.
5. Identification 
    Une fois que les arbres sont plantés, nous envoyons les codes d’identification aux citoyens, entreprises et autres organisations qui ont rendu leur plantation possible!

Appels aux entreprises
Plantez 375 000 arbres avec nous et devenez partenaire d’un ambitieux programme de verdissement qui apportera des bénéfices à votre entreprise, à vos employés et à votre communauté!
- Partenaire forêt : 10 000 arbres et plus
- Partenaire boisé : 5000 arbres et plus
- Partenaire arboretum : 1000 arbres et plus (Club des 100 entreprises) 
- Partenaire : 100 arbres et plus

http://375000arbres.org/projet/

20 décembre 2015

Glaucome environnemental

Ne courez pas chez l'ophtalmo, il s'agit de glaucome environnemental (Pékin).

Pékin et Téhéran paralysées par le smog
Pour une deuxième fois ce mois-ci, le smog a fait grimper le niveau d'alerte de la pollution de l'air à son maximum à Pékin. «L'air est suffocant : tu as envie de sortir dehors, mais tu es dehors», explique le cardiologue et spécialiste du lien entre environnement et santé François Reeves pour décrire ce que vivent les habitants de la métropole chinoise en ce moment. 
   Le smog n'a pas seulement des conséquences sur l'environnement. «Il y a un impact massif au niveau cardio-vasculaire», précise le Dr Reeves. Plus d'un décès sur huit serait ainsi dû à la pollution de l'air aujourd'hui. En Chine, deux millions de décès lui sont liés tous les ans, selon le cardiologue. 
   «Il faut s'attaquer à la racine du problème», préconise François Reeves, qui espère que les décisions de la Conférence de Paris sur les changements climatiques feront avancer les choses. (Radio-Canada / Associated Press / Reuters)

Conclusion : n’attendons pas 2050 ni 2020 ni 2017 
Le deadline c’est MAINTENANT  

Prochainement :  

Pipelines, pouvoir et démocratie
Olivier D. Asselin, 2015, 88 min 6 s
Une production de l’Office National du Film


Face aux dangers pour l’environnement que représente l’expansion de l’industrie des sables bitumineux qui exploite l’une des énergies fossiles les plus polluantes de la planète, ce long métrage documentaire rappelle que le pouvoir n’est pas toujours là où l’on croit. Des couloirs de l’Assemblée nationale, où se trouve le pouvoir parlementaire, aux actions militantes des organisations de défense de l’environnement, en passant par les coups d’éclat médiatiques de certains activistes, le réalisateur Olivier D. Asselin s’attache aux parcours de quatre individus qui, chacun avec ses tactiques d’intervention, montrent qu’il est encore possible aujourd’hui de changer les choses.

Bande-annonce https://www.onf.ca/film/pipelines_pouvoir_et_democratie

AQLPA (Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique) :
http://www.aqlpa.com/enjeux-et-reflexions/gaz-et-petrole-de-schiste

Dans la même veine (noire)
Le Mamba noir du Canada (pipeline Enbridge) :
http://artdanstout.blogspot.ca/2015/12/le-mamba-noir-du-canada.html 

21 décembre 2015
 
– Pour ajouter à l’horreur du smog, quatre mois après les deux explosions survenues dans le port industriel de Tianjin (nord-est de la Chine), un glissement de terrain à Shenzhen (sud de la Chine)  33 bâtiments ont été ensevelis dans l’amas de boue. Selon les autorités, le glissement de terrain a été provoqué par un amoncellement de déchets formé dans les environs. Et, faut-il s’en étonner : un gazoduc a explosé... 
 
– En août dernier, le plus important tremblement de terre (magnitude 4,6) causé par la fracturation hydraulique s’est produit en Colombie Britannique. L’épicentre se trouvait à trois kilomètres du site d’exploitation Progress Energy. «Cette secousse sismique a été causée par la fracturation hydraulique», avouait Ken Paulson de la BC Oil and Gas Commission, s’empressant d’ajouter que seulement un pour cent des activités de fracturation provoque des séismes de faible ampleur avec peu de dommages.
 
Bien sûr, bien sûr. Tout est sous contrôle et sécuritaire!

15 décembre 2015

Le CAP de la COP

J’ai noté que j’avais plusieurs fois écris CAP21 au lieu de COP21; curieux lapsus (corrigé). Espoir inconscient qu’on doublerait le cap?

Accord ambitieux en effet, pour les espèces en voie d'extinction :
soins de fin de vie
respiration artificielle
phase terminale  
agonie
dernier souffle

Plus de sommets à l’horizon!


Smog à Harbin, province de Heilongjiang, Chine. (Photo : cbc.ca)


Lumière disponible uniquement sur iPhone; elle consulte les prévisions météo.
(Photo : cbc.ca)

Prayer for a Good Death
By Chris Korda

Great Spirit, I am unworthy;
My species has disgraced itself.
Of all the species that live, or have ever lived,
Mine is the lowliest.
Lower than the flowers who fill the air with sweet pollen,
Lower than the trees who encircle the Earth with their roots,
Lower than the insects, rulers of Earth
Since the beginning of time,
Lower than the darting fish,
Lower than the soaring birds,
Lower than the four-legged creatures,
Who are the beating heart of the living Earth.

Great Spirit, my shame is as deep as the ocean,
And my sadness is unbearable.
I pray for enlightenment,
But fear that my prayer is too late.

Great Spirit, if this be so, then I pray for extinction.
Let my species become extinct, and vanish from the Earth.
Let my loins be barren,
Let my seed not sprout,
Let the race of men fall like leaves.
Let my fields grow wild,
Let my fences crumble,
Let my cities turn to dust, and become forests.
Let the grass drink my blood;
Let my body be food for worms.

Great Spirit, let me die, that the Earth may live.

Vidéoclip : Michel Lamarche / Robert Len pour la Ligue ROC



«Je ne suis pas prophète. Je ne sais pas à quoi nos enfants seront soumis mais nous sommes déjà en sursis. Nous avons une espèce d'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Il faut essayer d'aider ceux qui oeuvrent pour la prise de conscience et le changement. Ne scions pas en chantant la branche sur laquelle nous somme assis.» ~ Hubert Reeves

11 décembre 2015

Smile as you go under

Bienvenu aux mastodontes citernes pétroliers sur le fleuve!

Va-t-en, arrête de détruire ma maison!
Image : Chris Westwood / The Sun

Les délégués canadiens à la CAP21 doivent exhaler une haleine de pétrole à chaque fois qu’ils ouvrent la bouche... ils feraient mieux de se taire.


Le navire du côté tribord regardant vers l'avant. Photo : Groupe Desgagnés

Y’en a qui vont se péter les bretelles et sabrer le champagne en fin de semaine (un Louis Roederer à notre santé, tiens!). 

Le pétrole d'Enbridge sur le fleuve ce week-end
Thomas Gerbet 11/12/2015

Exclusif -  Moins d'une semaine après l'arrivée des premières gouttes de pétrole à Montréal par le pipeline inversé d'Enbridge, il y en a suffisamment d'accumulé pour pouvoir remplir un tout premier navire. Le bateau est arrivé hier soir au port de Montréal et naviguera cette fin de semaine vers la raffinerie d'Énergie Valéro, à Lévis.

Une longue série d'allers-retours de L'Espada Desgagnés entre Montréal et Lévis débutera dans les prochaines heures. Avec un autre navire-citerne comme lui, ils feront la navette deux à trois fois par semaine pour alimenter la raffinerie d'Énergie Valéro.

Le bateau, de type Panamax, mesure 229 mètres de long et 32 mètres de large. Il est muni d'une double coque et peut transporter jusqu'à 80 millions de litres de pétrole brut. Toutefois, il ne pourra être rempli qu'aux deux tiers, car sinon il toucherait le fond du fleuve.


Pont principal avec la tuyauterie de cargaison et les treuils d'amarrage. Photo : Groupe Desgagnés

Après plusieurs mois de débats, et de multiples reports, Enbridge a commencé à faire couler le pétrole vers Montréal la semaine dernière. De 240 000 à 300 000 barils doivent être acheminés chaque jour à Montréal. Des opposants avaient manifesté il y a quelques jours.

Source :
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2015/12/11/001-enbridge-petrole-pipeline-fleuve-navire-valero-st-saint-laurent.shtml

10 décembre 2015

COP21 (suite) : Jour de la Terre 2035

Parmi les activités humaines dévastatrices qui affectent le climat, la déforestation, inévitablement associée aux grandes exploitations industrielles, est la plus lourde de conséquences : quand on abat des forêts entières, on tue tout ce qui y vit (1).


Selon une récente étude américaine, 80% de la couverture forestière mondiale originelle à été abattue au cours des trente dernières années.

«Certains groupes de défense de l'environnement estiment que l'Indonésie perd chaque année l'équivalent de la surface de la Belgique en forêt tropicale, essentiellement de façon illégale, et pour la majeure partie au profit de la menuiserie industrielle chinoise.»
(Francis Deron, Le Monde du 04.09.07)

Nicolas Hulot : «Non seulement, en dévastant la forêt équatoriale l'Homme commet un sacrilège, anéantissant les plus belles expressions de la biodiversité, mais de plus il commet la plus belle des bourdes à l'égard de l'Humanité car son sort est indissociable de celui de la grande forêt.»

Plus d'info : http://www.terresacree.org/forevieg.htm

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L'esprit du lieu, Québec Science

Les deux par quatre de Hearst
Par Serge Bouchard - 19/10/2015

C’est bien la forêt de Hearst que je vois, couchée dans la cour d’une gigantesque scierie – le panorama depuis ma chambre du Companion Hotel-Motel. Il y a là des arbres et des arbres, au moins un kilomètre de troncs maigres, juste assez larges pour faire des  deux par quatre, des millions de corps d’épinettes noires épluchées et empilées, vision apocalyptique d’une pile de bâtonnets qu’aurait collectionnés un géant pour s’amuser.

Les immenses grues nourrissent la scierie avec des paquets de billots qu’elles tiennent dans leurs grosses pinces comme s’il s’agissait de fétus de paille. Les moulins sont des ogres, jamais repus; les scies mangent la forêt. Cette usine fabrique aussi des copeaux, elle recycle le bran de scie et autres débris, cela fait des files et des files de camions-remorques qui attendent de se faire remplir, l’un après l’autre, par les payloaders, cela fait des voyages et des voyages de camions de copeaux. Cent cinquante personnes, 150 seu­­le­­ment, suffisent pour faire rouler cette machine infernale. 

Les Fontaine, les Lévesque et combien d’autres familles sont autrefois venues ici, sur cette terre plate, cette langue d’argile sertie dans le bouclier de roche cambrienne, au cœur de la forêt boréale, au beau milieu des loups, des orignaux et du froid, à la frontière du pays des Ojibwés et de celui des Cris. Les pionniers ont suivi le rail, en 1913, ils sont montés dans des wagons, le godendard sur l’épaule, la sciotte dans une main, la hache dans l’autre. Ils ont emmené des chevaux pour tirer des traîneaux de billots, mais aussi pour faire de la terre. Ils ont construit des maisons modestes. La petite ville de Hearst, qui devrait s’appeler «Bout du Monde», est centenaire aujourd’hui. Elle a l’âme bûcheronne, en souvenir de ces gaillards qui se sont échinés dans le bois, et de ces femmes colonisatrices; en souvenir des petits moulins et des petits «camions à gaz» et de ces voyages de planches que l’on pouvait admirer, bille par bille; en souvenir du travail bien fait.

Oui, c’est la forêt de Hearst que je vois couchée là, juste derrière mon motel. Nous n’en sommes plus à l’échelle humaine, oubliez la Fontaine Lumber des années 1940. Aujourd’hui, la machine grignote la forêt virginale comme un diabétique, un plat de bonbons. Chaque année la cour se vide, chaque année la cour se remplit. Les grosses grues s’activent pour gaver les scieries. Les piles de deux par quatre s’accumulent en retrait, au bout de la chaîne, palettes enveloppées d’un plastique blanc, comme des cadavres ramassés par la morgue, paquets anonymes que l’on chargera sur des wagons ou des remorques de camions. Cela tombe bien : le chemin de fer de la Ontario Northland passe dans la cour de la méga-usine. Quand ces trains-là ne charrient pas des milliers de wagons de pétrole, ils charrient des milliers de wagons de deux par quatre. Cela tombe bien aussi pour le transport routier : Hearst est une oasis le long de la route 11, la route maîtresse du nord de l’Ontario. Ici les camions sont aussi beaux que les ours.

On veut toujours plus de forêts drues à récolter; il faut des arbres, il faut des arbres. L’épinette s’essouffle, elle n’a plus l’énergie ni le temps, la forêt sait de source sûre qu’un mal la ronge, littéralement. La crise du bois est permanente, nous sommes toujours en crise. La ville va-t-elle survivre? En attendant, la forêt s’envole, par grands pans. Voilà l’exploit, voilà l’exploitation moderne de la ressource. Cette avidité exponentielle nous fait aller toujours plus vite vers une catastrophe annoncée : la métamorphose de nos forêts en fardoche.

J’ai choisi de revenir à Montréal par la route 101 qui pique tout droit vers Rapide-Danseur, en Abitibi. Du côté de l’Ontario, dans le coin de Matheson, les arbres viennent justement d’être récoltés, c’est comme s’il y avait eu la guerre, comme si une violente confrontation avait eu lieu. La terre est défigurée. Oui, la bombe de l’exploitation forestière est tombée ici. Elle tombera bientôt du côté de Kanasuta, sur le chemin qui mène de Kirkland Lake à Rouyn. La grande forêt sauvage, les paysages, les arbres, tout se transforme en pick-up F-150, en quatre roues, en seadoo, en voyages au Mexique, une semaine par année.

Il y a une forêt entière couchée dans la cour de ce complexe industriel. C’est le contraire d’une forêt debout. Vue du motel, cette vision est surréaliste. Plus d’un kilomètre de billots étalés, comme un mur. Je pense : le triste mur contre lequel nous allons demain buter.

http://quebecscience.qc.ca/Les-deux-par-quatre-de-Hearst

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J’ai vu la même chose que M. Serge Bouchard, dans une autre région où la forêt était très abondante à l’époque. Des camions de billots ont défilé sans arrêt sur une route secondaire, quotidiennement, durant près d'un an. Un jour j’ai demandé à un camionneur à qui/quoi étaient destinés ces chargements. Il m’a répondu : «Les Japonais raffolent du bois canadien...» 

Récemment, je lisais que les Chinois s’intéressent aux phoques : «L'industrie des produits du phoque canadien est peut-être à la croisée des chemins. Après l'exclusion des marchés en Europe, aux États-Unis et en Russie, les exportateurs canadiens se rabattent sur la Chine qui commence à s'intéresser sérieusement aux produits canadiens. Deux entrepreneurs, le Canadien Robert Millar et le Chinois Kevin Zhao croient que la fourrure et la peau de phoques pourraient plaire aux Chinois.» (ICI Radio-Canada Nouvelles)
   Si par malheur, les Chinois découvrent que les phoques ont des propriétés aphrodisiaques, alors là, garanti que dans cinq ans, il n’y en aura plus! 

Songeons à l’ivoire dont les Asiatiques sont d’avides prédateurs : les meilleurs clients pour les chasseurs d’ivoire sont les pays de l’Asie de l’Est, et notamment la Chine, où les habitants croient que l’ivoire porte chance. La Chine est le pays où les objets décoratifs en ivoire sont le plus saisis. Le prix du kilo d'ivoire a dépassé les 2000 dollars (1500 euros) sur le marché noir asiatique en raison d'une demande en constante augmentation, d'après plusieurs ONG. Le braconnage, avec un chiffre d'affaires estimé à 19 milliards de dollars par an, est devenu le quatrième marché illégal du monde, après la drogue, la fausse monnaie et la traite des êtres humains. Les éléphants sont une espèce en voie de disparition et si l’on continue de les tuer au rythme actuel, il n'en restera plus dans 10 ans.

Bon là, je ne veux pas partir de rumeurs, mais se pourrait-il que les Asiatiques soient en train de «nettoyer» la planète au complet? Ça fait peur.

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(1) «Quand la forêt disparaît, la vie sauvage disparaît» 

Sanctuary lançait une campagne contre la Déforestation en Inde (en 2014) 


Pendant que des scientifiques se mobilisent pour alerter l’opinion sur le niveau de pollution inquiétant des mers par le plastique, Sanctuary Asia choisit de s’occuper d’un autre problème qui affecte la planète celui de la déforestation en Inde.

Éclaboussez les esprits

Pour stopper ce massacre mettant en péril l’écosystème et surtout les nombreuses espèces animales qui y vivent, parmi elles les tigres du Bengale, les créatifs Ganesh Prasad Acharya et Kaushik Katty Roy ont imaginé pour l’ONG Sanctuary Asia une campagne publicitaire choc. Intitulée “When the wood go, wildlife goes.” Autrement dit “Sans les arbres, plus aucune vie sauvage”, celle-ci met en images toutes sortes d’animaux décapités sans pitié par des tronçonneuses alors qu’ils se tenaient sur les branches de ces arbres majestueux et centenaires. (Source : maxitendance.com)

9 décembre 2015

COP21 : compteur à zéro s.v.p.

L’objectif de la Conférence de Paris est ridicule. En réalité, c’est dans les années 70/80 qu’il aurait fallu agir, à toute allure. Si le soleil devient constamment invisible à cause du smog à la grandeur de la planète (comme à Pékin), peut-être qu’on va se grouiller. Tous nos problèmes sont interdépendants.

«Parce qu’on ne ressent que très peu les effets des changements climatiques, un nombre de plus en plus important de gens croient que toute cette histoire, pourtant 1000 fois expliquée et prouvée, est une arnaque. Nous ne vivons pas dans nos quartiers et villages des tremblements de terre, des ouragans et des inondations chaque année! L’ennemi avance lentement, mais sûrement. Il ronge le rocher, il monte de quelques millimètres par année, il repousse de plus en plus les limites, il avance doucement. Il avance… rapidement dans les faits. [...]
~ Gérald Filion, Blogue économique, ICI Radio-Canada
Article intégral :
http://blogues.radio-canada.ca/geraldfillion/2015/12/07/climat-environnement-approche-radicale/

Marguerite Yourcenar n’était pas une scientifique, mais elle avait «les yeux ouverts». Son discours sobre, limpide et réaliste est facile à comprendre. De toute façon, quand on étudie l’histoire, on voit sans peine que l’humanité n’apprend rien des erreurs du passé.

Extrait d'une série d'entrevues données en 1981 (mis en ligne en 2009).
L’écologie 3.3 (à voir aussi : L’écologie 1.3 et 2.3)



Yourcenar n’était pas pessimiste, elle était lucide; tout ce qu’elle décrit, nous l’avons sous le nez maintenant, démultiplié. Voici quelques extraits du livre «Les yeux ouverts» de Matthieu Galey. Ne manquez pas le passage sur les élections à la fin, combien pertinent quand on pense à Donald Trump, entre autres.

(Préface, p. 7) 
Dans un monde plein de clivages naïfs ou navrants – entre la droite et la gauche, par exemple – tous les chauvinismes sont nocifs, y compris le féminisme. Ne valent que les solutions individuelles. Et seuls importent ceux qui disent non. Non aux centrales nucléaires et aux barrages qui massacrent le milieu naturel, non au culte aveugle du profit dans une civilisation où ‘avoir a pris le pas sur être’, non à la pollution qui détruit la faune, la flore, les œuvres d’art, et même non à Concorde, s’il le faut. On ne doit jamais renoncer à convaincre les masses : quand les utopistes commencent à devenir la mauvaise conscience des gouvernements, le pari est à moitié gagné.

(P. 271-272)
C’est le principe de la démocratie que vous condamnez.
– Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant. Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur où la moindre violence risque de tout détruire. Il apprendrait que les hommes se sont entre-tués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil. On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé́, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir. On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts. On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays. En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celles du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés. On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs. Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait.

(P. 293-294)
Parmi les grands problèmes qui vous intéressent, il semble que l’écologie soit une de vos préoccupations principales.
[...] Et, assurément, la réalité est plus sombre encore que n'osait la prévoir le savant [F. Schrader] qui formulait en 1911 ces conclusions, dont les technocrates et les promoteurs de l'époque ont dû sourire. Il ne pouvait imaginer ni les pluies acides, ni la pollution des rivières et des mers par le mercure et les autres déchets de l'industrie chimique et atomique, ou par l'élévation artificielle de la température de l'eau due aux usines riveraines. Il n'avait pas prévu que plus de deux mille espèces animales seraient exterminées avant la fin du siècle; il ne savait encore rien de l'usage des herbicides, ni des sournois dépotoirs atomiques, cachés dans des endroits écartés, quand ce n'est pas aux abords des villes, ou transportés secrètement à prix d'or pour continuer leur cycle millénaire de nuisance dans le sous-sol des continents pauvres. Il n'eût même pas été capable d'imaginer le désastre de nos marées noires, fruit de l'incurie et de l'avidité, car une construction plus solide et plus rationnelle des pétroliers obligerait à en éliminer la plupart. Il ne pouvait pas prévoir non plus la destruction de la stratosphère, la raréfaction de l'oxygène et de l'ozone, la calotte thermique obscurcissant la lumière solaire et élevant artificiellement la température au ras du sol. 
   On voit du moins qu'il en savait assez pour signaler le chemin pris par nos apprentis sorciers et par nos marchands du Temple, qui de nos jours n'encombrent plus seulement les abords des sanctuaires mais la terre entière. Ce qu'il disait, avec quelques autres (Albert Schweitzer, un peu plus tard, en Afrique, était alerté lui aussi par les trop soudains changements de climat), nous le crions aujourd'hui.

(P. 296-300)
– À quelle époque est apparue cette démesure?
– Elle a grandi avec l’homme. Partout ou il a eu la chance de s’y livrer, il l’a fait, même s’il a eu parfois mauvaise conscience [...] Et sous l’Empire romain les grands trusts financiers ont commis des ravages comparables à ceux qu’on a vus au XIXe siècle, et de notre temps, en forçant les paysans à quitter leurs fermes pour les remplacer par de grandes exploitations.

– En somme, une émigration rurale déjà très semblable à la nôtre?
Oui. Les gens refluaient sur la ville, et il s’est créé un prolétariat urbain. [...] Quant à Rome, elle a eu ses crises de chômage, sa prise en charge de populations oisives ou semi-oisives par l’État, ses moratoires, ses manipulations monétaires, et on peut dire qu’elle est morte de l’épuisement de ses finances et de ses terres autant que des invasions barbares ou des infiltrations du christianisme, sur lesquelles on a trop insisté. Elle est morte comme meurent les États modernes. Il suffit de se promener dans les ruines d’Ostie, l’ancien port de Rome, sorte d’antique banlieue riche, au bord de la mer, pour constater que dans ces belles maisons, pourvues de canalisations destinées à l’alimentation en eau courante des bains, des jardins, des fontaines, on avait fini par creuser au beau milieu du patio des puits ou des citernes, parce que les municipalités appauvries ne réparaient plus les tuyauteries ni les aqueducs d’autrefois. Dans les circonstances difficiles, on repart au ras du sol.

Pensez-vous qu’une évolution semblable nous guette?
Il suffit de très peu. Voyez comme nous dépendons du mazout, de l’électricité. Il suffirait que s’aggrave encore la crise du pétrole, que des centrales soient détruites par une catastrophe nucléaire ou chimique dont les prémices sont visibles un peu partout – Love Canal, Three Miles Island, Port-Elizabeth, dans le New Jersey – ou que se déchaîne un ouragan à peine plus fort que ceux qui assiègent tous les automnes ces côtes surbâties et surpeuplées, au niveau de la mer. Sans parler des hivers exceptionnellement froids, bloquant les routes, et sans mentionner la guerre, dont nous ne savons que trop qu’elle éclatera un jour. Ici, par exemple, pour dépendre le moins possible des combustibles industriels, tout le monde est en train de se reconvertir au bois.

À condition qu’il y ait assez de bois.
Nouveau problème, qui se réduit comme tous les autres à celui de la surpopulation et de la surconsommation. Il faudra chauffer moins, diminuer la hauteur des plafonds, la taille des pièces, revenir aux petites maisons modestes d’autrefois. 

Pour vous, le grand péché du présent, c’est le gaspillage?
Songez que nous perdons chaque jour, dans le monde, des centaines d’hectares de terre arable. Les régions désertiques augmentent chaque année dans tous les continents. Cela tient à la croissance démesurée des villes, à une culture trop intensive, à des méthodes artificielles qui ruinent la terre et l’épuisent, au trop grand nombre de bétail qui détruit l’herbe, à l’abus de l’eau. Voyez la Sardaigne, par exemple. Les promoteurs se sont emparés de cette île, ils y ont construit des villas ou des immeubles de luxe, avec salles de bains, piscines, etc., et la Sardaigne n’a plus assez d’eau; elle ne peut pas supporter une telle consommation. Il y avait certainement d’autres moyens de remédier à la pauvreté du pays.


Photo : «Favela de luxe», Sardaigne

À la clé de tout cela, il y a la surpopulation, autre mal.
– Le pire de tous. L’équilibre ne sera possible que si l’on détruit ces cités artificiellement peuplées et ces monstrueux développements côtiers qui engendrent une forme d’avilissement et de déséquilibre dont la nature même est nouvelle pour nous. Il n’y a pas seulement pour l’humanité la menace de disparaître sur une planète morte, il faut aussi que chaque homme, pour vivre humainement, ait l’air nécessaire, une surface viable, une éducation, un certain sens de son utilité. Il lui faut au moins une miette de dignité et quelques simples bonheurs. Créer des terrains vagues où grouillent des millions d’enfants abandonnés, c’est déshonorer l’espèce.


Photo : Favela Rocinha, Rio de Janeiro, Brésil. Juxtaposée à de luxueux complexes résidentiels, cette favela est la plus grande d’Amérique du Sud : quelque 200 000 habitants.

C’est la conséquence inévitable de l’évolution.
– Dans ce cas, elle jouerait pour la pensée moderne le rôle de «la volonté de Dieu» chez les croyants les plus obtus! Mais laissons ces abstractions, qui sont à notre époque une des formes favorites de l’imposture, et regardons à nu la cupidité d’une part, la crédulité et l’ignorance de l’autre, qui ont construit ce monde où l’air, l’eau, la terre, les aliments, le silence même, sont pollués; où les gadgets remplacent les réalités; où les tensions et les frustrations causées par une démographie incontrôlée préparent les guerres «absolues» de l’avenir... Trop nombreux dans un sac de farine, les charançons s’entre-dévorent.

[Que faire?]
Lutter contre les constructions inadéquates ou malsaines, tâcher d’élever le niveau de vie [...], renoncer peut-être à certains luxes pour rester plus près de ses fermiers et de ses ouvriers agricoles.

L’action individuelle paraît un peu dérisoire, quand c’est une société tout entière qui prend la mauvaise voie.
Tout part de l’homme. C’est toujours un homme seul qui fait tout, qui commence tout : Durand et Florence Nightingale pour la fondation de la Croix-Rouge, Rachel Carson pour la lutte contre les pesticides, Margaret Sangers pour le planning familial. [...] Il faudrait que l’homme participât sympathiquement au sort des autres hommes; bien plus, de tous les autres êtres.

(P. 310-311)
Avez-vous déjà voté en France?
– Non, du fait que je n’ai jamais vécu de façon fixe en France, depuis mon adolescence. Ici, je vote, tout en me disant que, ce faisant, je prends souvent parti sur des problèmes biaisés et des hommes dont je ne puis juger la valeur. Les Démocrates et les Républicains se passent ici leurs opinions de pères en fils, si bien qu’on a parfois l’impression qu’il s’agit de deux clans plutôt que de deux partis, et les indépendants les meilleurs et les plus intelligents n’ont jamais pu se faufiler entre ces blocs. Les deux partis ont tellement changé au cours d’un siècle qu’on ne peut plus guère parler d’un programme opposé à un programme; en principe tout au moins, les Démocrates sont un peu plus libéraux que les Républicains, qui tendent à faire la politique des grands trusts. En pratique, comme toujours, tout dépend des fils qui animent bon gré mal gré les pantins politiques. Un peu de bon, un peu de bien, un peu d’utile se fait quand même dans cette immense pagaille. Les foules vite agitées par un incident quelconque (le Vietnam, le Watergate, le drame des otages en Iran, par exemple) retombent bientôt dans leur inertie ou dans le petit souci de ses affaires à soi. Les fanatismes plus ou moins masqués, plus ou moins larvés, n’attendent que leur moment pour reparaître tout armés (je pense par exemple à l’évidente recrudescence des activités du «Klan»); les intérêts particuliers se font passer pour des intérêts publics. Le coût des élections et des réélections est tel que toute démocratie de ce type est en fait une ploutocratie. La corruption est presque un sine qua non de la politique. Mais de quel pays parlais-je? Des États-Unis? Ou d’une autre démocratie, peu importe laquelle, ou peut-être de la Rome au temps de Marius et de Sylla?

Marguerite Yourcenar
Les yeux ouverts
Entretiens avec Matthieu Galey
Éditions du Centurion, 1980 

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This is simply reality:

With globalization and its new communication tools, we have all been thrown together brutally, helter-skelter, in a worldwide, multinational-economy-mishmash, with no regard for history, culture, faiths or national idiosyncrasy, like having several different, large families, who don't even speak the same language, shut up together in the same small flat, sharing, bedrooms, kitchen... and bathroom. And somehow we are going to have to learn to live like this together in peace and harmony or else.

~ David Seaton http://seaton-newslinks.blogspot.ca/  

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Or else ...???   

 

7 décembre 2015

L’inconcevable déni des climato-sceptiques


J’ai regardé le documentaire Climato-sceptiques, la guerre du climat.
Résumé : Plus de 4500 articles scientifiques reconnus confirment la réalité des changements climatiques. Pourtant, près de la moitié des Américains persistent à en douter. Le puissant lobby des climato-sceptiques intervient à travers le monde et sur toutes les tribunes. Il réussit à semer le doute même si l’évidence scientifique rallie de plus en plus la classe politique. (Production : Phares & Balises 2015, France, Jean-Guy Michaud à l'adaptation) 

Les climato-sceptiques, à majorité américaine dans ce documentaire, affirment que le seul but des écologistes est de détruire le capitalisme, la civilisation occidentale et son style de vie, et d’entraver les libertés individuelles. Le représentant du réseau CFACT, Marc Morano, concluait en parlant de la COP21 : «Notre bataille n’est pas perdue – c’est juste de la bullshit – des engagements non contraignants qui ne changeront rien.» 

 
Le réseau répand l’idée (à coups de milliards de dollars – devinez qui finance) que l’écologie «c’est de l’obscurantisme médiéval». Il propage aussi leurs croyances qu’aucune preuve scientifique ne corrobore. Leur argumentaire est si stupide qu’il est difficile d’admettre que des gens intelligents puissent y adhérer... Le réseau, composé d’avocats, de lobbyistes, directeurs d’entreprises industrielles (énergies fossiles), sénateurs, etc., offre des conférences d’information partout aux États-Unis et ailleurs dans le monde. 

De la propagande libertarienne à l’état pur. Et ça marche, puisque la moitié des Américains est climato-sceptique, et c’est probablement cette même moitié qui défend bec et ongles le droit constitutionnel de posséder des armes à feu. Une fausse conception de la liberté et des droits individuels et collectifs s’est propagée comme la peste; de par sa nature, celle-ci ne respecte rien ni personne, permet de tout détruire et de polluer sans vergogne, de voler autrui, de violer et tuer à volonté (bar open), et de se ficher du monde entier.

Ça me rappelait cette parodie sur la notion de liberté sans limite.



Ne me dites pas quoi faire

Angel Flinn (pour Gentle World, 2 mars 2013)

Je n'ai aucun problème avec votre mode de vie. Je respecte votre point de vue. Vous avez droit à votre opinion, et j'ai droit à la mienne.

Ne vous méprenez pas. J'admire les gens qui ont de fortes valeurs morales. Mais je n'aime pas qu’ils me les enfoncent dans la gorge.

Moi, par exemple, je ne vois rien de mal à l'esclavage. Certaines personnes sont nées pour servir les autres. C'est comme ça, voilà tout. Vous n’êtes pas obligé d’en posséder un, si vous ne voulez pas. Je n’ai aucun problème avec ça. Mais ne me dites pas que je ne peux pas en avoir.

Et ne me dites pas que je ne devrais pas frapper ma femme quand je le dois. Je ne vous dis pas de frapper la vôtre. Ça ne me dérange pas, d'une façon ou d'une autre. Si vous ne voulez pas frapper votre femme, c'est votre choix. Mais ne me dites pas que je dois m’en priver.

Je vis ma vie selon mes propres valeurs. Je comprends que nous voyons les choses différemment, et j'accueille la diversité qui fait en sorte que les individus sont différents.

J’en ai marre des bien-pensants qui disent par exemple que c'est mal si des adultes ont des rapports sexuels avec des mineurs. Vous pensez peut-être que les enfants ne devraient pas être soumis sexuellement, mais cela ne signifie pas que je dois le voir de cette façon. De quel droit me dites-vous ce que je devrais et ne devrais pas faire? Qu’y a-t-il de si mauvais dans la sexualité non consensuelle, de toute façon? Certains peuvent considérer le viol comme quelque chose de mal, mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. Les non-violeurs ne devraient pas s’attendre à ce que tout le monde vive selon leurs règles.

Est-ce que ça vous regarde?

Alors, ne me dites pas quoi penser, ou quoi manger, ou quoi porter, ou comment vivre. Ne m'attaquez avec vos notions de bien et de mal, de justice et d'injustice... Ces concepts sont sujets à interprétation, et personne n'a le droit d'imposer sa morale à quiconque. Occupez-vous de vos affaires... Vivez votre vie comme vous l’entendez.

Vous croyez que nous devrions vivre sans opprimer les autres animaux. Formidable, tant mieux pour vous.

Vous croyez que nous ne devrions pas obliger des êtres sensibles à se reproduire dans le but de les exploiter, et qu'il est immoral d’user de violence pour les plier à notre volonté. Vous croyez que marquer, castrer et mutiler leurs corps est inexcusable. Vous croyez que c’est mal d'exploiter le système reproducteur des femelles, d’arracher les nourrissons aux mères en pleurs et de les abattre tandis que le cordon ombilical est encore attaché. Vous croyez que manger de la chair et boire du sang sont des pratiques barbares et dégueulasses, et que la peau écorchée de l’un ne devrait pas servir à vêtir le corps d’un autre. Vous croyez que ces pratiques sont archaïques et qu’elles n’existeraient pas dans une société véritablement civilisée.

Vous croyez que les 56 milliards de morts horribles, à chaque année, sont moralement répréhensibles, d’autant plus que ce massacre continuel n’a pas d’autre but que de satisfaire l'appétit humain pour des saveurs et des textures spécifiques. Vous croyez que les désirs et les préférences d’une personne ne devraient pas se substituer aux droits moraux fondamentaux d’une autre.

Je vois, je comprends réellement. Et je respecte que vous viviez selon vos principes. Mais vous devez me respecter. Vous ne pouvez pas imposer vos croyances aux autres. Personne n'est en mesure de décider ce qui est bien ou mal pour nous, alors pour l’amour du ciel, je vous en prie...

Ne me dites pas quoi faire.

Source : Don’t Tell Me What To Do http://gentleworld.org/dont-tell-me-what-to-do/

~~~
 

Photoquote : Dominic

Une perle de sagesse en guise de conclusion.
Source : OPINION La Presse+; 06/12/2015

Peut-on vivre sans raison d'être?

Pierre Desjardins
Philosophe

Notre situation dans l’univers est hallucinante! Pensons-y donc un instant : nous vivons sur une sphère gigantesque suspendue dans l’espace, une sphère de 12 756 kilomètres de diamètre qui, en 24 heures, tourne complètement sur elle-même et qui, de plus, se déplace autour du Soleil à la vitesse vertigineuse de 107 208 km/heure.

Toutefois, malgré cette situation à la fois extraordinaire et, disons-le, quelque peu précaire, nous nous arrêtons très peu au sens que tout cela peut avoir. Nous penchons plutôt du côté de la beauté gratuite de la Terre et préférons tout simplement en jouir sans trop nous poser de questions.

Pourtant, nous aussi sommes faits de matière terrestre, de la même matière qui peuple champs et forêts et qui, bien au-delà de la Terre, peuple également l’univers tout entier. Qu’avons-nous donc en commun avec cet univers étrange et pourquoi tenons-nous tant à y vivre, nous qui, sans le vouloir, nous retrouvons confinés dans ce lieu dont l’existence est, d’un point de vue rationnel, tout à fait absurde?

Car, logiquement, nous n’avons pas plus de raisons d’exister que l’univers en a. Logiquement, nous devrions refuser cette vie truquée d’avance, comme disait si bien Albert Camus. Mais, visiblement, nous ne sommes pas très rationnels et préférons, sans trop savoir pourquoi, profiter aveuglément des plaisirs que nous offre la vie. Sentir le vent, voir le ciel, toucher son enfant, œuvrer avec passion, c’est cela, vivre, dira-t-on! Après tout, pourquoi devrions-nous nous passer des magnifiques plaisirs que la vie nous offre sur un plateau d’argent?

Aussi, ce qui pourrait passer aux yeux de certains philosophes pour de l’insouciance ou de l’indifférence n’en est pas; bien au contraire, pareille attitude s’explique : en optant pour l’irrationnel, l’humain évite quelque chose qu’il ne peut endurer et supporter, soit le déplaisir de l’angoisse existentielle.

Au non-sens du monde, l’humain refuse de céder ou de se replier sur lui-même et rétorque en vivant passionnément.

C’est ainsi qu’à travers la jouissance du monde fabuleux qui nous entoure, ce que nous voyons ou entendons prend forme. La fleur qui se tourne vers le soleil devient le magnifique témoin de la richesse du soleil, de l’eau et de la terre qui la nourrit. L’oiseau qui virevolte dans l’air, le poisson qui s’ébat dans l’eau ou l’ours qui vagabonde sur la banquise en font tout autant. La Terre, à travers l’incroyable diversité chimique de ses composants, est à la fois le gage et le resplendissant écrin de toutes ces merveilles.

Toutefois, on ne peut représenter avec fierté quelque chose que l’on sait condamné d’avance. Que dirait-on, par exemple, d’un avocat qui accepterait de défendre un accusé dont la sentence de mort aurait déjà été prononcée? Or, n’est-ce pas exactement la situation dans laquelle l’humain se retrouve aujourd’hui?

En cannibalisant la nature, nous sommes en train de détruire le fruit de 3,8 milliards d’années de vie sur Terre, fruit dont il ne restera bientôt plus grand-chose. Et bien que la Terre n’ait aucunement besoin du vivant pour exister (c’est elle qui a permis sa constitution et non l’inverse), sa présence active lui donne l’occasion de déployer sa prolifique somptuosité.

Survivre à une nature ravagée replacerait l’humain sur une voie qu’il avait pourtant choisi d’éviter dès le départ : celle de se retrouver isolé, aux prises avec le déplaisir de l’angoisse existentielle dans un monde sans aucune autre vie que la sienne. Est-ce cela que nous voulons?

Mutiler la Terre, c’est donc beaucoup plus que mettre en péril l’existence de l’humanité. C’est d’abord nier le sens ultime de notre existence comme témoin privilégié d’un environnement prodigieux. Vivre sans tenir compte de ce rôle, ce n’est déjà plus vivre, c’est tenter bêtement de survivre sans aucune raison d’être.

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