30 octobre 2023

"Cette organisation du monde livrait la marchandise..." (Serge Bouchard)

 

L'histoire des objets (2007, version OFFICIELLE) sous-titrage en français. The story of stuff. 

Le texte de Serge Bouchard ci-après est tiré de l'ouvrage posthume «La prière de l'épinette noire», une sélection de ses éditoriaux rédigés au fil des ans pour l'émission C'est fou..., sur les ondes d'ICI Radio-Canada Première de 2010 à 2021. (1)

Vous aimerez peut-être Chat GPT des générations d'abrutis – ou s'empêcher de penser https://artdanstout.blogspot.com/2023/10/chat-gpt-des-generations-dabrutis-ou.html

Ceci n'est pas un exercice

P. 153

Nous nous avancions dans l'insouciance la plus complète. Tout allait comme sur des roulettes. Cette organisation du monde livrait la marchandise et nous étions divertis à souhait. Des jeux et des jouets, des films, des voyages, des musiques, des concerts de vedettes, des banquets, des attractions, des feux de Bengale, de la réalité augmentée, une cuisine internationale, des rires et des farces, du luxe et encore du luxe, de l'inutile en quantité industrielle, des bonbons, des hamburgers, du poulet frit : pourquoi aurions-nous dû nous inquiéter? Les uns bâtissaient des maisons monstrueusement laides, les autres vivaient une partie de leur vie au soleil, un condo à Orlando, un autre dans le Nord, alternant entre les Caraïbes et le Froid, comme si le voyage en avion était un détail, un petit détail, d'autres encore planifiant des croisières sur l'un des cent quatre-vingt-treize navires de luxe qui souillent les sept mers, et la liste se prolonge avec les avares qui chérissaient leurs fonds de pension comme Séraphin comptait son or, les promoteurs de mégacentres commerciaux, des places et des carrefours, les gigantesque entrepôts, la vente en gros, les concessionnaires automobiles de voitures chères, les chaînes de restaurants, Les Starbucks et les vendeurs de beignes, de patios et de piscines creusées, ou hors terre, les magasins Apple, où se trouvent les jeux, les applications iPhone, les iPad, les AirPods, sans quoi plus rien n'existe, le magasinage en ligne, les livreurs et les camions de livraison, laideur, laideur, quand tu nous tiens, logos, lumières, néons, boulevards quétaines, vendeurs de quatre-roues, de skidoos, stations d'essence, dépanneurs, crédit, carte de crédit, la vie est une sorte de gros Las Vegas qui cache ses perdants, car oui, cette course sauvage était un jeu, une société brutale de paris, de black jack et de roulettes, de machines à sous. Il y a deux sortes de monde dans ce monde, les propriétaires de casinos qui se frottent les mains et les joueurs compulsifs qui pleurent dans le grand stationnement, symbole de l'asphalte brûlant, du désert  de l'âme, du vide sidéral qui se creuse en nous-mêmes, lorsque nous croyons avoir tout perdu, sur un coup de dés.

      Mais à présent, nous sommes sur pause. Un mal invisible est devenu viral, la machine s'est soudainement grippée, un grain dans l'engrenage a stoppé la production, l'économie, la croissance et le bruit. Notre théologie fébrile du progrès, au nom duquel nous détruisons sans hésiter toute la beauté du monde, est tout à coup remise en question. Les lieux communs capitalistes sont tombés, les déclarations péremptoires de «ceux qui connaissent» l'argent, l'économie, la finance, le droit, bref, de ceux qui «savent comment ça marche» sont désormais de vaines prétentions fondées sur du vide. Tout était faux. Maintenant, on entend chanter les oiseaux.

      Car un autre monde pourrait bien surgir de cette panne générale. Nous pourrions beaucoup mieux rémunérer les préposés aux malades et aux vieux. Nous pourrions repenser entièrement la façon dont nous traitons les aînés Nous pourrions aussi repenser notre rapport à la terre, aux petites fermes, aux serres, nous pourrions faire le procès de l'inutile, du superflu, du faux confort, des désirs insensés, et ainsi de suite, ce qui nous occuperait pendant des années et des années. Serait-il possible de redonner tous ses droits au caractère sacré de la beauté du monde? Penser à mieux bâtir à mieux créer en ne respectant plus les prescriptions empoisonnées de l'économie? Reconsidérer nos façons de traiter nos forêts, nos paysages, notre faune, notre flore? Et traduire toutes ces valeurs magnifiques dans les programmes scolaires, afin que nos enfants soient au fait de la nature, de la science, de la philosophie et de tout le reste qui fait que l'humain peut pour toujours échapper griffes de l'ingratitude, de l'ignorance, du manque de goût. Une grande crise peut être une grande occasion. Quand j'aurai cent ans, je pourrai dire aux plus jeunes que j'ai connu en même temps la grande pandémie de 2020 et Donald Trump, deux cataclysmes de taille. Dans les circonstances de ces temps tragiques, n'était-il pas normal de prendre notre mal en patience et de nous répéter qu'après la disparition du virus et la chute du gros crétin, «ça ne pouvait que bien aller»?

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(1) Serge Bouchard (1947-2021) s'est fait connaître comme homme de radio et, en littérature, comme un chroniqueur et un essayiste de premier plan, dont l'œuvre est marquée à la fois par l'originalité de la pensée et par la qualité de l'écriture. Au cours des dix dernières années, il nous a donné une suite de recueils qui lui ont valu l'attachement d'un vaste public et d'importantes distinctions, dont le prix Gérard-Morisset du gouvernement du Québec et le Prix littéraire du Gouverneur général. Ce livre posthume de Serge Bouchard fait suite à L'Allume-cigarette de la Chrysler noire (2019) et à Un café avec Marie (2021).

La prière de l'épinette noire / Les Éditions du Boréal / Collection papiers collés / 2023  

La compilation a été préparée et préfacée par le fidèle coanimateur de Serge Bouchard, Jean-Philippe Pleau, à qui on peut dire un immense merci 

Suggestion : plusieurs archives sur le site Ohdio (ICI Radio-Canada)

Liste :

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/rechercher/resultats?pageNumber=1&query=Serge%20Bouchard

• Lus pas Serge Bouchard :

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/livres-audio/105827/les-yeux-tristes-de-mon-camion-serge-bouchard

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/livres-audio/105710/c-etait-au-temps-des-mammouths-laineux

• Lu par Samian :

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/livres-audio/105931/le-moineau-domestique

• Lu par Pascale Monpetit :

https://ici.radio-canada.ca/ohdio/livres-audio/105900/un-cafe-avec-marie

Northvolt : destruction au bulldozer… – PARTIE 4

Photo : Jean-Sébastien Guénette, biologiste, ornithologue et directeur général du Regroupement QuébecOiseaux  

Diriger une province les yeux fermés – voilà ce que fait la Coalition avenir Québec de Legault avec ses ministres vampirisés par les lobbies industriels. On a affaire à des adeptes du capitalisme extrême qui engendre la surconsommation et le gaspillage menant directement dans le mur. La Filière batterie n'est qu'un exemple de leurs nombreux projets destructeurs. Northvolt est une menace directe pas seulement à la survie des espèces mais à la nôtre par voie de conséquence.

L'écrivain et anthropologue Serge Bouchard disait : «Malgré tout ce que les gens disent, à long terme, y’a pas de place pour les animaux sur terre avec nous. Malgré tout ce qu’on dit, y’a pas de place pour les arbres non plus. Y’a pas de place pour rien d’autre que nous, et ce que nous faisons, et ce que nous détruisons. L’être humain détruit, change, aménage, il humanise tout.» – Serge Bouchard (1999)

Voici 6 points de bascule dont l’humanité se rapproche

Faute de solutions suffisamment innovantes pour lutter contre le réchauffement climatique et modifier nos modes de vie, des changements radicaux, voire irréversibles, se profilent à l'horizon. La menace qu'ils représentent pour les écosystèmes naturels plane aussi sur les systèmes alimentaires, les ressources en eau ainsi que les réseaux de transport et d'information. Un nouveau rapport définit six points de bascule «interconnectés» que nous sommes en voie d'atteindre.

Un texte de Valérie Boisclair

Publié le 25 octobre 2023 / Extinctions en chaîne

Dans l'ombre de la crise climatique, la crise de la biodiversité, bien qu'étroitement liée au réchauffement de la planète, suit son cours à un rythme inquiétant.

      Lors de la COP15 sur la biodiversité, qui s'est tenue à Montréal en décembre 2022, les dirigeants du monde entier ont été appelés à déployer les efforts nécessaires pour freiner ce déclin. Plus d'un million d'espèces animales et végétales sont menacées ou en voie d'extinction, principalement en raison de la perte et de la destruction d'habitats naturels.

      L'intensification des activités de nature humaine – comme la surexploitation et la conversion des terres, mais aussi les changements climatiques, la pollution et la présence d'espèces envahissantes – est ainsi en cause.

Extinctions en chaîne

Lors de la COP15 sur la biodiversité, qui s'est tenue à Montréal en décembre 2022, les dirigeants du monde entier ont été appelés à déployer les efforts nécessaires pour freiner ce déclin. Plus d'un million d'espèces animales et végétales sont menacées ou en voie d'extinction, principalement en raison de la perte et de la destruction d'habitats naturels.

      Si le risque est la dégradation croissante et continue des habitats naturels, le point de bascule, lui, se situe lorsque l'extinction d'une espèce fortement connectée à un écosystème déclenche la disparition en chaîne d'autres espèces qui en dépendent, selon les chercheurs.

      Ce phénomène, appelé coextinction, mène ultimement à la disparition de l'entièreté de l'écosystème. «Autrement dit, l'extinction engendre l'extinction», résument-ils.

Aquifères épuisés

L'accélération des activités humaines qui contribuent au déclin de la biodiversité a aussi des répercussions sur les réserves d'eau souterraine.

      L'agriculture, qui nécessite la conversion de forêts et d'autres milieux naturels en terres agricoles, contribue à l'augmentation des prélèvements des ressources qui se trouvent dans les aquifères. Près de 70 % de l'eau extraite de ces réserves souterraines est destinée à l'agriculture.

      Or, ces aquifères, qui permettent d'alimenter plus de 2 milliards de personnes en eau potable, sont sursollicités. Comme l'eau prend des milliers d'années pour s'y accumuler, on considère ces grands réservoirs comme des ressources non renouvelables.

      Selon l'étude, 21 des 37 principaux aquifères de la planète s'épuisent plus vite qu'ils se reconstituent.

      Le point de bascule survient lorsque la nappe phréatique d'un aquifère descend de manière constante, tant et si bien que l'accès aux réserves d'eau douce s'en trouve compromis.

      Sans possibilité d'irriguer leurs terres, les agriculteurs voient alors leurs récoltes menacées, ce qui pose un problème majeur pour la sécurité alimentaire, notent les chercheurs. 

Article intégral : https://ici.radio-canada.ca/recit-numerique/7216/rapport-onu-risques-points-bascule-glaciers-aquiferes-chaleur

18 octobre 2023

Northvolt : destruction au bulldozer… - PARTIE 3

Photo : Edward Burtynsky – résidus toxiques d'une exploitation de nickel à Sudbury (ONT) – communément appelés tailings. La région a mis beaucoup de temps pour nettoyer le secteur. (1)  

Il faut un BAPE pour l’usine Northvolt

Vanessa Bevilacqua, citoyenne et maman mobilisée, Saint-Basile-le-Grand

18 octobre 2023 / Libre opinion / Le Devoir

L’annonce de la construction de la giga-usine de batterie Northvolt s’est faite en grande pompe. Mais derrière les poignées de main débordantes d’enthousiasme entre ces ténors industriels et nos politiciens avares d’annonces économiques se cache une réalité beaucoup moins reluisante. Le gouvernement du Québec est prêt à passer outre des processus neutres d’évaluation environnementale, mettant ainsi en péril la santé publique et la protection de l’environnement, pour éviter tout retard au géant norvégien. Parce que malgré le «branding» de batterie la plus verte du monde, la fabrication des cathodes et le recyclage des batteries électriques de l’usine Northvolt impliqueront des procédés de chauffage de métaux lourds et, donc, le rejet d’émissions de nickel, de lithium, de manganèse et j’en passe.

Je dénonce une situation qui me paraît intolérable en 2023 : brader la santé publique et notre environnement pour des intérêts économiques? Pour s’insérer dans une course industrielle, une recherche infinie de profits et de développement économique aveugle, sommes-nous réellement prêts, comme société, à concéder tous les droits à une compagnie étrangère sans au moins soumettre le projet au Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE)? Je dis non et j’espère que vous serez plusieurs à me suivre!

Le gouvernement caquiste semble avoir décidé de ne pas soumettre le projet de Northvolt à un BAPE, dont la mission est justement d’établir un dialogue avec la population, d’analyser les impacts sur la santé publique et l’environnement et de faire un rapport aux instances publiques concernées.

Pouvons-nous, comme Québécois, en 2023, mettre en péril notre santé et notre environnement pour des impératifs économiques? Sommes-nous prêts à concéder des droits à des compagnies au détriment de notre qualité de vie? Les exemples de ce type de capitalisme sauvage demeurant impuni sont trop nombreux au Québec. Prenons comme exemples les populations de Rouyn-Noranda, où la Fonderie Horne fait fi des limites d’émissions toxiques d’arsenic, soumettant la population à des risques excessifs de cancer, ou encore le Port de Québec qui dépasse sans gêne les normes d’émissions de nickel dans l’air, causant des préjudices terribles pour les citoyens des environs. Les exemples de compagnies sans conscience sociale pleuvent, mais c’est à nos gouvernements, provincial, fédéral et municipal, de veiller au respect des normes nationales en matière de santé et d’environnement.

En s’installant au Québec, Northvolt va profiter d’une subvention substantielle de plus de 7 milliards de dollars financée à même nos impôts collectifs de notre hydro-électricité à faible coût, de nos installations de transport et d’une main-d’oeuvre hautement éduquée grâce à un système d’éducation publique. Alors, pouvons-nous au moins exiger en retour un minimum de respect pour notre santé et notre environnement?

Le processus d’implantation de l’usine de batterie Northvolt doit être soumis en totalité à un BAPE. Sans quoi, il n’y a pas de consensus social ; sans quoi, c’est la crédibilité de toute notre société qui est mise à mal.

Nous valons mieux que cela. Notre santé et celle de nos enfants valent plus que des promesses encore bien peu tangibles de retombées économiques.

https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/800151/libre-opinion-bape-usine-northvolt?

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(1) Si tous les projets de la Filière batterie vont de l'avant, imaginez à quoi rassemblera le Québec une fois que les investisseurs auront vidé les réserves! Le PM François Legault affirme que le Québec «continue d'occuper sa position de leader de l'économie verte en Amérique du Nord» – la plupart des ministres caquistes sont daltoniens!

https://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Burtynsky 

https://www.edwardburtynsky.com/projects/photographs

https://www.investquebec.com/international/fr/secteurs-activite-economique/mines/une-grande-variete-de-metaux-et-de-mineraux-a-votre-portee.html

Le saviez-vous? Le cinquième de la production minière canadienne provient du Québec. Les ressources qui y sont exploitées sont les plus diversifiées du Canada : 15 métaux et 13 minéraux y sont produits et valorisés, dont le lithium, les terres rares et l’apatite.

En 2016, les substances minérales extraites au Québec provenaient de 27 mines actives et de près de 530 sites d’extraction de substances de surface (Institut de la statistique du Québec). La valeur des livraisons minières a atteint 8,11 G$, une augmentation de 7,8 % par rapport à 2015. Les principales substances métalliques extraites sont, par ordre décroissant de la valeur des livraisons, l’or, le fer, le nickel, le titane, le niobium, le cuivre et le zinc.