29 novembre 2019

Pseudo climatologie

«Un seul mensonge découvert suffit pour créer le doute sur chaque vérité exprimée.»

Avant d’aborder la pseudo climatologie, un mot sur Steven Guilbault. «Petit-Pouce estima qu'il était de son intérêt de coller aux chausses du grand patron afin de ne pas louper le coche.» (Raymond Queneau, Pierrot mon ami)
   M. Guilbault était-il conscient de la manipulation stratégique des libéraux à son endroit? L’épouvantail fait rarement peur aux corbeaux... Les provinces pétrolières de l’Ouest ont néanmoins rejeté le PLC en bloc. Non pas à cause de l’ex-écologiste bien sûr, mais peut-être que les conservateurs craignaient une potentielle menace à leurs manigances s’il devenait ministre de l’environnement. La décision d’exclure l’écologiste de ce ministère avait quelque chose d’humiliant, et démontrait le mépris du PLC envers la crise climatique. On n’a  donc pas fini d’entendre ce raisonnement de pur illogisme : «pour résoudre le réchauffement climatique il faut extraire et vendre plus de pétrole de schiste».
   Suggestion à M. Guilbault : Ne sciez pas la branche sur laquelle vous êtes assis, à moins qu’on ne veuille vous y pendre.

Illustration : Thibault / Le Devoir

«Toute la mise en marché politique du candidat Guilbeault s’est faite autour de son parcours de militant vert. «Steven Guilbeault a décidé de se joindre à nous parce qu’il veut faire partie de la solution et qu’il sait que nous devons nous attaquer au problème des changements climatiques», résumait M. Trudeau dans la vidéo promotionnelle vantant la candidature du futur député de Laurier-Sainte-Marie.
Steven Guilbeault dans l’écosystème politique – Guillaume Bourgault-Côté, Le Devoir 23 novembre 2019

«[...] Mais pourquoi diable Steven Guilbeault avait-il besoin de quitter le terrain des luttes pour se retrouver dans la galère d’un gouvernement minoritaire? S’est-il cru assez rusé pour s’imaginer qu’on le laisserait entrer dans le poulailler d’un vieux parti par la porte de derrière et y régner à sa manière?
   Qu’il n’ait pas été nommé au ministère de l’Environnement n’est une surprise pour personne, sauf peut-être pour ceux qui continuent de s’imaginer les partis traditionnels réformables et malléables, comme par enchantement, au seul contact de pensées vertueuses.
   Rompu depuis longtemps aux pratiques du pouvoir, Guilbeault lui-même ne s’attendait pas à être nommé là, du moins si on en croit ses déclarations. Le ministère de l’Environnement lui était interdit d’accès quasi d’avance, ses compétences étant trop marquées pour qu’on puisse se l’imaginer louvoyer, comme cela est de mise dans un gouvernement dont la ligne d’horizon demeure celle de sa réélection. Alors, pourquoi diable être allé mettre le nez là? [...]
   L’impasse dans laquelle on a jeté Steven Guilbeault en l’écartant de tous les lieux où il promettait d’apporter du changement révèle avant tout une chose : le façadisme du Parti libéral. Le façadisme, en architecture, consiste à préserver la coquille d’un bâtiment, mais en travestissant sans gêne son intérieur.» [...]
Le façadisme Jean-François Nadeau, Le Devoir, 25 novembre 2019

«Nous sommes tous prisonniers d'une conception figée de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas, nous fixons sur l'important des regards anxieux, pendant qu'en cachette, dans notre dos, l'insignifiant mène sa guérilla qui finira par changer subrepticement le monde et va nous sauter dessus par surprise.
   Est-on innocent parce qu'on ne sait pas? un imbécile assis sur le trône est-il déchargé de toute responsabilité du seul fait que c'est un imbécile?»
~ Milan Kundera

L’argent dévore tout ce qui lui barre la route, même les papillons... c’est un tueur en série.  

«Quand les cannibales veulent goûter à la connaissance, ils coupent la langue des savants.» ~ Stanislaw Jerzy Lec

Voici le résultat d’une enquête documentée sur les «scientifiques»,  essentiellement des climatosceptiques, qui niaient l’urgence climatique dans une lettre adressée aux Nations Unies. Dans l’article original tous les noms cités sont suivis d’un lien ‘(Nouvelle fenêtre)’ fournissant plus d’information :  

Qui sont les «500 scientifiques» qui affirment qu’il n’y a «pas d’urgence climatique»?

Bouchra Ouatik
Les Décrypteurs, ICI Radio-Canada, 23 novembre 2019

Très peu sont des climatologues, plusieurs ne sont pas des scientifiques et bon nombre d’entre eux ont des liens avec des groupes de pression climatosceptiques.
   Le 23 septembre dernier, une lettre signée par plus de 500 personnes, affirmant qu’il n’y a «pas d’urgence climatique», a été envoyée au secrétaire général des Nations unies. Sa publication coïncidait avec l’allocution de la militante suédoise Greta Thunberg à l’ONU.
   Une enquête conjointe de médias membres de l’International Fact-Checking Network, dont font partie les Décrypteurs, a permis de constater que très peu de signataires ont une expertise en climatologie. En outre, bon nombre d’entre eux ont des liens étroits avec l’industrie des énergies fossiles.
   Cette lettre, entre autres citée par le politicien Maxime Bernier, a été brandie comme une preuve que le consensus scientifique sur les changements climatiques est remis en question.
   Bien que le texte affirme qu’il s’agit de «500 scientifiques et professionnels du climat et de domaines connexes», cette lettre a depuis souvent été présentée comme étant signée par «500 scientifiques». Pourtant, non seulement peu de signataires sont climatologues, mais un grand nombre ne sont carrément pas des scientifiques.

Qui est à l'origine de cette initiative?

La lettre compte 506 signataires, dont 14 qui se présentent à titre d'ambassadeurs de cette initiative, et plusieurs sont connus pour leurs prises de position niant les changements climatiques.
   L’instigateur de la lettre, le physicien néerlandais Guus Berkhout, a travaillé durant une dizaine d’années pour la pétrolière Shell. Selon le média de vérification des faits croate Faktograph, M. Berkhout est spécialisé dans l’exploration géologique de gisements de combustibles fossiles.
   M. Berkhout est aussi le fondateur de l’organisation qui chapeaute cette initiative, Clintel. Selon des informations obtenues par le journaliste belge Jeroen de Preter, du magazine Knack, Clintel a reçu plus de 700 000 $ du milliardaire climatosceptique néerlandais Niek Sandmann.
   Deux Canadiens font partie des 14 ambassadeurs de ce projet, dont le Québécois Reynald Du Berger, professeur retraité de l’Université du Québec à Chicoutimi. Cet expert en séismes affirme que la température terrestre n’a pas augmenté depuis 15 ans. Des établissements d’enseignement ont par le passé annulé des conférences qu’il devait donner sur le sujet.
   L’autre ambassadeur canadien du projet est Jeffrey Foss, professeur de philosophie à l’Université de Victoria en Colombie-Britannique. Il travaille également pour le Frontier Centre for Public Policy, un groupe de réflexion canadien qui a déjà dénoncé les «dommages causés par [...] le lobby des énergies vertes».
   On note également parmi les principaux signataires le Britannique Christopher Monckton. Non seulement il n’est pas un scientifique, mais il a aussi faussement déclaré être lauréat d’un prix Nobel et il s’est autoproclamé membre de la Chambre des lords, une affirmation qui lui a valu une mise en demeure de l’institution parlementaire.
   Les autres ambassadeurs sont le physicien américain Richard Lindzen – dont certains articles scientifiques ont déjà été réfutés par ses pairs en raison d’erreurs et d’inexactitudes –, le géologue australien Viv Forbes, le professeur de philosophie suédois Ingemar Nordin, l’ex-journaliste néo-zélandais Terry Dunleavy, l’ingénieur électricien irlandais et consultant pour le secteur énergétique Jim O’Brien, le géologue italien Alberto Prestininzi, le mathématicien français Benoît Rittaud, le biologiste norvégien Morten Jødal, le chimiste allemand Fritz Vahrenholt, qui a travaillé avec l’industrie des énergies fossiles, et l’ingénieur civil belge Rob Lemeire.
   Ce genre d’initiative ne surprend pas le géologue Michel Jébrak, professeur émérite au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). «Ça fait des années qu’on voit des groupes de petits scientifiques qui font des lettres de ce type-là», dit-il.

Très peu de climatologues

Climate Feedback, un site de vérifications de faits spécialisé en climat, a analysé le document et souligné que, parmi les 506 signataires de la lettre, 10 se décrivent comme des chercheurs en climat, soit moins de 2 % des signataires.
   «Là-dedans, il y a des gens qui n’ont jamais travaillé sur les changements climatiques. [...] N’ayant pas travaillé sur la réalité physique des changements climatiques, on est dans le domaine du commentaire éditorial.» (Michel Jébrak)
   D’autres se présentent comme chercheurs en climat sans expertise académique dans le domaine, tels que le Canadien Paul MacRae qui a signé la lettre à titre de «chercheur en climat indépendant», mais qui est instructeur d’anglais à l’Université de Victoria. Il a confirmé à Radio-Canada ne pas avoir étudié en sciences.
   Sept des signataires indiquent avoir été «réviseur expert» pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC). Cependant, cette désignation ne signifie pas qu’ils ont fait partie des auteurs des rapports du Groupe, mais simplement qu’ils ont formulé des commentaires sur les rapports. Pour être réviseur auprès du GIEC, il ne suffit que de fournir une autodéclaration de son expertise.
   Les auteurs des rapports du GIEC, quant à eux, sont sélectionnés sur la qualité de leurs publications scientifiques. Michel Jébrak mentionne que, bien qu’ils ne soient pas tous climatologues, les auteurs du GIEC ont tous une expertise pertinente à la compréhension des causes et des conséquences des changements climatiques. «À chaque fois, ils prennent la meilleure recherche de pointe dans le monde», explique-t-il.
   Selon Climate Feedback, les deux groupes de professionnels les plus représentés parmi les signataires sont les ingénieurs (21 %) et les géologues (19 %). [...]
   On retrouve également dans la liste des scientifiques de domaines non reliés au climat, tels que des biologistes, des généticiens et des médecins. D’autres ne travaillent pas du tout dans le domaine scientifique. On recense notamment 15 économistes, 3 journalistes, 7 relationnistes, 1 historien, 1 architecte et 1 pilote de ligne à la retraite.  

Des liens avec l’industrie énergétique

Bon nombre des signataires de cette lettre travaillent dans le secteur des énergies fossiles. «Dans cette liste de gens, on voit qu’il y a des gens qui ont des intérêts, note M. Jébrak. [...] Évidemment, c’est très difficile pour ces gens-là d’admettre qu’ils sont en fait complices.» Le professeur trace un parallèle avec les scientifiques qui émettaient des doutes sur la nocivité du tabac, alors qu’ils étaient financés par des fabricants de cigarettes.
   Un des signataires de cette lettre, Viv Forbes, est un géologue australien qui a travaillé 40 ans pour l’industrie du charbon. Un autre, Michael Seymour, également géologue, a occupé un poste de direction pour la pétrolière britannique Trajan Oil and Gas.
   Cinq des signataires indiquent avoir travaillé pour la pétrolière Shell. L’ingénieur canadien Allan MacRae a, de son côté, une entreprise active dans l’industrie des sables bitumineux. Les trois signataires polonais sont quant à eux des représentants syndicaux de travailleurs de l’industrie du charbon.
   Plusieurs des signataires sont aussi affiliés à des groupes de pression qui rejettent le consensus scientifique sur les changements climatiques et qui défendent les intérêts des entreprises, comme l’a démontré le média d’enquête britannique DeSmog.
   On compte notamment plus de 20 signataires affiliés à des groupes tels que le Heartland Institute [ndlr : si vous voulez de la désinformation visitez ce site], le Cato Institute [ndlr : initialement appelé Charles Koch Foundation] et le Competitive Enterprise Institute, trois organisations membres d’Atlas Network, dont la mission est défendre le libre-marché. L’Atlas Network a notamment reçu des fonds de la pétrolière Exxon Mobil ainsi que de Koch Industries qui possède des filiales dans le domaine pétrolier [ndlr : l’entreprise possède une majorité de sites d’exploitation en Alberta].
   Quatre des signataires canadiens sont affiliés au groupe de réflexion Global Warming Policy Foundation, fondé par le politicien britannique Nigel Lawson, qui nie le rôle de l’activité humaine sur le réchauffement climatique.

Dix-sept signataires canadiens
[Voyez l’article intégral pour la liste complète. La plupart sont membres ou affiliés à Clintel, à Atlas Network et leurs succursales, notamment l’Institut Fraser (1).]

Des arguments contredits par la science

Les auteurs de la lettre ne nient pas le réchauffement climatique ni la responsabilité de l’humain, mais ils affirment qu’il n’y a pas d’urgence climatique, en se fondant sur des arguments réfutés par la science.
   «Ce qui est écrit là-dedans, ce sont des opinions sur une situation qui n’a pas été analysée», affirme le professeur Michel Jébrak.
   Le site de vérifications de faits scientifiques Climate Feedback a fait analyser les arguments de la lettre par une équipe de scientifiques.

Caricature : André-Philippe Cöté / Le Soleil, 2019.11.04

Les auteurs de la lettre de Clintel avancent que le réchauffement actuel fait partie d’un cycle naturel qui serait peu influencé par l’activité humaine, qu’il serait plus lent que prévu et que les modèles climatiques seraient défaillants. Ces affirmations sont toutes contredites par de nombreuses études scientifiques, telles que recensées par Climate Feedback.
   Ils prétendent également que le dioxyde de carbone (CO2) ne serait pas un polluant, mais plutôt «la base de toute vie sur Terre». S’il est vrai que le CO2 est utilisé par les plantes, il est aussi responsable de l’effet de serre, et des études démontrent qu’un excès de CO2 dans l’atmosphère aura un effet néfaste sur l’agriculture.
   La lettre avance de plus que le réchauffement climatique n’aurait pas eu d’effet sur les catastrophes naturelles. Les travaux du GIEC démontrent au contraire que les changements climatiques causent à la fois plus d’inondations en raison de l’élévation du niveau de la mer et plus de sécheresses.
   Les auteurs de la lettre concluent en soutenant qu’il n’y a pas d’urgence. Les récents rapports du GIEC indiquent plutôt qu’il faudra réduire les émissions de gaz à effet de serre de moitié pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degrés Celsius, et que de manquer cette cible entraînera des conséquences significatives, notamment sur la désertification et la sécurité alimentaire.
   Michel Jébrak souligne que des initiatives comme la lettre de Clintel donnent faussement l’impression qu’il y a un débat autour de la réalité des changements climatiques.
   «Il n’y a pas deux opinions. Il y a un consensus scientifique fort, et il y a des dissidents qui n’ont pas d’arguments solides à apporter.» (Michel Jébrak)
   Bien qu’il existe des climatologues qui rejettent le consensus scientifique, les études publiées ces dernières années précisent qu’entre 90 % et 100 % des chercheurs en climat sont d’avis que l’activité humaine a un impact sur le réchauffement planétaire.

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(1) L’Institut Fraser est un think tank canadien politiquement conservateur et de droite libertarienne spécialisé dans l'économie, la société et l'éducation. Il est affilié  au réseau Atlas et à ses instituts. Sa principale mission est de «mesurer, d'étudier et de communiquer l'impact des marchés compétitifs et de l'intervention étatique». Il vise notamment à l'abolition du salaire minimum (qui a conduit plusieurs syndicats à le critiquer pour cette position), à privatiser l'enseignement public et à réviser le fonctionnement des mécanismes de protection sociale sans but lucratif tels que les soins de santé, ainsi qu'à affaiblir le rôle politique des associations de protection des droits des travailleurs comme les syndicats, etc. L'Institut Fraser s'inscrit clairement dans la filiation du conservatisme et du libéralisme économique de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan, et du monétarisme de Milton Friedman (le saint patron du néolibéralisme et conseiller économique de Reagan).
   L’Institut économique de Montréal (IEDM) est un rejeton de l’Institut Fraser. Maxime Bernier en fut le vice-président à une époque – on voit qu’il a retenu les enseignements...

Qui profite du système miracle qui «fait grandir» l’économie, que la majorité des élus fédéraux et provinciaux glorifient?
    «On voit que la plupart des politiciens sont des individus qui utilisent l’État au profit des intérêts privés. Le néolibéralisme de pacotille des gouvernants semble avoir perdu le nord. Il n’est pas clair si ces politiciens – et ceux qui, dans les coulisses, financent et font mousser les campagnes de leurs candidats – adhèrent au néolibéralisme, mais, sachant que nous sommes dans une société avec un État-providence qui n’accepterait pas de se faire privatiser d’un coup, ils utilisent l’État pour y arriver lentement et aident les amis et leur classe au passage avec la structure qu’ils déconstruisent lentement; ou s’ils ont plutôt compris qu’il y avait un moyen de faire encore plus de profit que dans le chacun pour soi : avec ce que certains ont habilement nommé «la collectivisation des risques et des pertes et la privatisation des profits», choisissant les idées qui leur sont utiles et envoyant au diable la cohérence. Cette seconde option semble nécessiter ce filet social entaillé : d’un côté, pas trop défait pour éviter la grogne populaire et, de l’autre, suffisamment déchiré pour avoir des gens juste assez vulnérables ou endettés pour qu’ils se plient aux besoins de l’employeur, ne pouvant quitter leur emploi et ayant peu de pouvoir de négociation pour améliorer leurs conditions. On comprend peut-être mieux pourquoi Thatcher et Hayek voulaient, et bien d’autres aujourd’hui voudraient, voir les syndicats disparaître.» ~ Christopher Pitchon, Une petite histoire du néolibéralisme  
https://www.sppcm.org/category/journal/social/

Quid du capitalisme radical?  

1979 / 1984 : Élections de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne et Ronald Reagan aux États-Unis. Résultat : déréglementation de l’économie,  augmentation des taux d’intérêt, vague de privatisation, diminution de la protection sociale et coupure dans les programmes sociaux – retraite, santé, éducation supérieure, allocation de chômage, etc. En 1984, Brian Mulroney (Parti progressiste-conservateur du Canada de la droite néolibérale) est élu. Résultat : privatisation d’Air Canada, de Pétro-canada, de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), et autres; création de l’Accord commercial Canada-États-Unis (ACCEU).
1987 / 1989: L’Accord de libre-échange Canada-États-Unis entraînera une vague de délocalisation d’entreprise et l’effondrement du secteur manufacturier au Québec.
1992 : Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique signé par Bush, Salinas et Mulroney.
1993 : Le premier ministre libéral Jean Chrétien (nouvellement élu) ratifie l’accord. Plusieurs critiques aux États-Unis et au Canada font valoir que les négociations ont été dominées par les intérêts des entreprises et que l’ALENA va entraîner un appauvrissement des conditions de travail et des normes environnementales, les trois pays étant amenés à se faire concurrence en abaissant leurs normes. De même, de nombreux observateurs craignent de voir les emplois manufacturiers hautement payés passer du Canada et des États-Unis au Mexique.

Le Pirée : une tragédie grecque résultant de la mondialisation, un port devenu une halte de transfert pour conteneurs chinois. Notre nouveau Terminal portuaire de Contrecoeur, une fois construit, soutiendra la croissance du marché en augmentant sa capacité de manutention pour l'île de Montréal à 2,1 millions de conteneurs EVP. Le nouvel espace permettra de profiter des occasions d'affaires découlant des marchés émergents, de l'Accord économique et commercial entre le Canada et l'Union européenne et de la Stratégie maritime du Québec. Trois cargos par semaine, un train et 1200 camions par jour se chargeront des transferts. En voulez-vous de la junk, vous en aurez! Même scénario au Port de Québec. Au mépris de l'environnement, bien entendu. 

À un certain moment, les accords et partenariats internationaux se multipliant, nos brillants industriels et manufacturiers, convaincus de faire un bon coup en économisant sur la main-d’œuvre, se tournent vers l’Asie. La marchandise de qualité fabriquée au Canada est remplacée par de la marchandise de mauvaise qualité, jetable (obsolescence programmée), irréparable (pièces non disponibles), souvent non recyclable, causant ainsi une surproduction et une surconsommation involontaires, et le débordement des dépotoirs.
   Le Canada paie aujourd’hui la facture du chantage économique chinois en raison de la demande d’extradition de Meng Wanzhou par les États-Unis. Et si nous ouvrons la porte à l’intrusion numérique 5G du géant des télécommunications Huawei, nous sommes perdus. Impériale revanche. Et vive les camps de travail forcé : «le pouvoir est au bout du fusil» sur les routes de la soie, et les alliances politico-militaires sont de règle pour «établir le paradis communiste mondial» de Xi Jinping. Aucun doute que Huawei nous espionnera jusqu’au trognon et nous dépouillera de toute vie privée comme en Chine. Pire que la NSA!

HALIFAX (La Presse Canadienne, 23 novembre 2019) – «Le Canada doit rejeter le plan du géant chinois des télécommunications Huawei de déployer son réseau 5G au pays, car ce moyen technique pourrait être utilisé comme ‘un cheval de Troie’ pour saper la sécurité nationale», a averti le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Robert O'Brien, au cours d'un forum international sur la sécurité à Halifax. L'événement a attiré plus de 300 universitaires, responsables militaires et dirigeants gouvernementaux de 70 pays démocratiques.
   Selon M. O'Brien, Huawei utiliserait cette technologie pour créer des profils personnels de Canadiens [...]. Il a affirmé qu'une grande quantité de données privées seraient ainsi mises en péril – dossiers de santé, données bancaires et messages publiés sur les réseaux sociaux. Il a prévenu qu'une telle intrusion dans les données personnelles aurait des conséquences sur la participation canadienne à l'alliance des services de renseignement Five Eyes, dont font aussi partie l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis.
   Le président du comité du Sénat américain sur les Affaires étrangères, James Risch, avait déclaré que le Canada devait réfléchir à deux fois avant de s'engager avec une entreprise qui n'est guère plus qu'une branche du Parti communiste chinois.
   Un troisième officiel américain, le sénateur indépendant Angus King, qui siège à la commission sénatoriale sur le renseignement, a lancé une mise en garde similaire. «[Si le Canada permettait à Huawei de déployer son réseau], il serait difficile de partager l'ensemble des renseignements avec un partenaire ayant une ligne directe avec Pékin.»
   La veille, le nouvel ambassadeur de la Chine au Canada, Cong Peiwu, avait tenté de dissiper toute crainte quant à la possibilité pour Huawei de participer à la construction des réseaux mobiles 5G de la prochaine génération au Canada. M. Cong a rejeté l'idée que Huawei pourrait compromettre la sécurité des utilisateurs en installant des canaux par la «porte arrière» dans les appareils, appelant cela une «accusation sans fondement».
   «Nous espérons donc que la partie canadienne offrira un environnement commercial équitable, juste et non discriminatoire aux entreprises chinoises, y compris Huawei», a-t-il affirmé.

23 novembre 2019

Parfait timing

Un documentaire à voir tandis que se multiplient les scandales reliés à de célèbres pervers narcissiques de différents milieux extrêmement difficiles à coincer et à déloger (1).

Assoles: a Theory (V.F. Trous de cul, une théorie)
Réalisateur / producteur : John Walker, Canada, 2019, 81 minutes
Coproduction / distribution : Office national du film 

Au Cinéma du Parc les 25, 26, 27, 28 novembre; projection spéciale le 30, suivie d’une période de questions-réponses avec le réalisateur John Walker, en anglais

Seulement cinq représentations à Montréal. Dommage, c’est très peu; tous les Québécois devraient le voir. L’humour est un désinfectant, un outil pédagogique très efficace. Les tyrans sont incapables d’humour; pourtant leurs comportements sont des sources intarissables de dérision – demandez aux caricaturistes!  

Illustration: Steve Cutts, «The Rat Trap»

«Comptez sur John Walker pour plonger dans le vif du sujet […] beaucoup d’humour et aussi quelques bons coups de pied au derrière.» (Toronto Star)

«Un documentaire unique et décalé, franchement humoristique.» (Cinema Axis) 

Résumé : Le déferlement de hargne dans les médias sociaux, la montée de l’autoritarisme et le narcissisme endémique menacent de faire chavirer la civilisation telle qu’on la connaît.  
   Pourquoi certains milieux sont-ils si propices à l’épanouissement des trous du cul? Qu’est-ce qui explique l’attrait pervers que ces derniers exercent? Et, surtout, comment se fait-il que nous continuions à les élire?


Trous de cul, une théorie enquête sur le terreau de la «culture du trou du cul» et repère des signes de civilité dans un univers par ailleurs grossier et méchant. S’aventurant en territoire majoritairement masculin, Walker visite les clubs d’étudiants de l’Ivy League, la présomptueuse principauté de la Silicon Valley et les marchés baissiers de la finance internationale.
   Le film s’accompagne d’un commentaire vivant livré par des personnalités comme l’acteur John Cleese; l’ancienne policière de la GRC Sherry Lee Benson-Podolchuk; et le militant LGBTQ italien Vladimir Luxuria, célèbre pour avoir croisé le fer avec Silvio Berlusconi, l’archétype du démagogue-peloteur du 21e siècle.


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A conversation with John Walker

Highlights

“On our birthdays, we have a sense of entitlement. It's our day. I want to have my cake and eat it too and all your family and friends buy into this because they're going to have their day in the sun, right? For the asshole, it's his birthday every day.”
   “I think that as you get older, you get a little bit more, a little more compassionate. I think when I was a kid I was, you know, a teenager, younger, you know, you're, you're much more likely to make some asshole moves.”
   “Bullying is asshole behavior, and uh, you know, if you don't do anything about it, it's going to make you internally very angry.”
   “My first motivation for the film was to give her (my daughter) the tools to avoid assholes, know how to deal with assholes, and don't work for an asshole, and give the tools, so this film is really an activist film.”
   “I do think an asshole-free environment in cooperative things is a much better environment, and yes, ultimately, as a big statement, the world would be better without assholes, but we're not going to get rid of them all, that's for sure.”

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(1) Le TDAH fut inclus au DSM-IV (bible des troubles psychologiques) en 1994, et certains médicaments semblent apporter quelque soulagement. Le trouble de la personnalité narcissique (TDC pour «trou de cul» dans mon jargon) fut inclus au DSM autour de 2005; malheureusement le traitement médicamenteux est fréquemment sans effet. Alors, il faut apprendre à les détecter pour s’en protéger car en effet nous n’arriverons jamais à nous en débarrasser totalement.

Deux ouvrages pour mieux comprendre comment fonctionnent ces «trous de cul» qui mènent notre monde.

Les Narcisse
Ils ont pris le pouvoir
Marie-France HIRIGOYEN
Éditions La Découverte 2019


Narcisse pathologiques mégalomanes, prêts à tout pour réussir, Narcisse vulnérables, hypersensibles à la critique, dissimulant leur désir de toute-puissance derrière une façade d’humilité, les Narcisse sont de tous les fronts et font recette. Pour s’en prémunir, il faut pouvoir les reconnaître : Marie-France Hirigoyen propose ici une grille de lecture explicite et salutaire.
   Dans un monde toujours plus compétitif, les Narcisse ont pris le pouvoir. Notre société de performance et de consommation pousse les individus à se centrer toujours plus sur eux-mêmes, renforçant leurs traits narcissiques et sélectionnant les plus ostensibles pour les plus hauts postes. Comme Narcisse contemplant son reflet dans l’étang, de plus en plus de personnes, accros à leurs écrans et aux réseaux sociaux, n’existent que dans le regard de l’autre.
   Face à cette narcissisation de notre société, certains peuvent avoir le sentiment de perdre leurs repères et leur identité. Ils souffrent d’une chute de l’estime de soi, se sentent méprisés par l’exercice abusif des pouvoirs. Le repli sur soi, les addictions, les comportements discriminatoires, le refus de l’autre deviennent alors leurs mécanismes de défense.
   Partant de sa clinique, Marie-France Hirigoyen pointe la confusion entre le narcissisme sain, qui permet d’avoir suffisamment confiance en soi pour s’affirmer, et le narcissisme pathologique consistant à se mettre en avant aux dépens des autres. Elle invite à mieux comprendre ce qu’est cette pathologie afin d’en repérer les dérives et de contrer l’ascension des Narcisse tout-puissants. Un projet indispensable pour notre avenir commun.


Tiré de l’introduction (disponible sur le site des éditeurs) :
   Dans un monde de plus en plus complexe et compétitif, en politique, dans les affaires ou dans la communication, les Narcisse sont désormais au premier plan. Ces hommes (plus rarement ces femmes), séducteurs, dominants, affichant haut et fort leur supériorité, occupent en grand nombre les plus hauts postes. [...]
   Pour illustrer notre propos et décrire précisément les différents symptômes qui le caractérisent, nous analyserons le cas de Donald Trump, puisqu’il semble en être un exemple flagrant et qu’en accédant aux plus hautes fonctions, il réalise le rêve de tout Narcisse (chapitre 1*). Sa vantardise, son comportement extraverti, son manque complet d’inhibition et d’empathie en font un cas d’école, qui nous donne à voir tous les critères définissant le «narcissisme grandiose». Complètement décomplexé, il n’hésite pas à dire n’importe quoi pour faire son autopromotion. La dimension la plus visible de son narcissisme est l’arrogance, une très haute opinion de lui-même, un égocentrisme rare et une absence complète de honte. Pourtant, nous verrons que son cas n’est pas aussi simple et cela nous amènera à nous interroger sur la place du narcissisme chez les dirigeants et dans les sociétés actuelles, au Nord comme au Sud de la planète. L’arrivée d’un Narcisse à la présidence des États-Unis ne serait-elle pas le reflet, certes caricatural, des dérives de notre monde moderne où de plus en plus d’individus sont centrés sur eux-mêmes, «accros» aux réseaux sociaux et se mettant sans cesse an avant afin de démontrer qu’ils sont les meilleurs? [...]
   Les conséquences de l’envahissement par le narcissisme se voient partout (chapitre 7). Pour «réussir» professionnellement ou dans sa vie privée, il faut se mettre en avant, se valoriser. Cela apparaît de façon évidente sur les réseaux sociaux et dans les émissions de téléréalité où on peine à réguler les dérapages, mais aussi dans les familles où les couples sont de plus en plus éphémères, et bien sûr sur les lieux de travail, où on constate de plus en plus de pression et de souffrance psychique liée au harcèlement moral ou au burn out. Il est incontestable que ces nouvelles normes de société centrées sur l’apparence facilitent le mensonge et les tricheries, car chacun doit faire sa promotion, même si c’est en déformant la vérité. Partout on voit des dérives de comportement qui ne sont plus cadrées par des repères moraux.
   On essaiera de comprendre pourquoi on retrouve fréquemment des narcissiques aux postes de direction des grandes entreprises et parmi les hommes politiques (chapitre 8). Il est clair que leur désir de pouvoir, leur capacité de séduction et leur art de la manipulation les font apparaître comme des leaders charismatiques. Nous savons aussi que le narcissisme pathologique favorise les prises de risque, la recherche du profit à court terme et est à l’origine d’un certain nombre d’incivilités et d’actes de corruption; pourtant nous continuons à placer des Narcisse à la tête des États et des grandes entreprises. [...]
   Dans un monde mené par des Narcisse tout-puissants, on ne peut que s’inquiéter. Quelques Narcisse ont été démasqués, bien moins en raison des conséquences humaines de leurs dérapages que parce que leur réussite est illusoire et rarement à long terme. Apprenons à les repérer afin de stopper leur ascension. [...]

* Chapitre 1 – Le narcissisme pathologique de Donald Trump
       Diagnostic clinique : Trump coche toutes les cases
       Les neuf critères du «trouble de la personnalité narcissique»
       Les autres diagnostics évoqués
       Aux origines du narcissisme pathologique de Trump
       Les fragilités du président
       L’impératif de masquer son incompétence
       Sa communication et ses atouts
       Pourquoi il ne changera pas : il est le miroir d’une société

Le harcèlement moral 
La violence perverse au quotidien
Marie-France HIRIGOYEN 
Éditions La Découverte


Il est possible de détruire quelqu'un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme violence perverse ou harcèlement moral. Dans ce livre nourri de nombreux témoignages, l'auteur analyse la spécificité de la relation perverse et met en garde contre toute tentative de banalisation. Elle nous montre qu'un même processus mortifère est à l'œuvre, qu'il s'agisse d'un couple, d'une famille ou d'une entreprise, entraînant les victimes dans une spirale dépressive, voire suicidaire. Ces violences insidieuses découlent d'une même volonté de se débarrasser de quelqu'un sans se salir les mains. Car le propre du pervers est d'avancer masqué. C'est cette imposture qu'il faut dévoiler pour permettre à la victime de retrouver ses repères et de se soustraire à l'emprise de son agresseur. S'appuyant sur son expérience clinique, l'auteur se place en effet, en tant que victimologue, du côté des personnes agressées pour que le harcèlement qu'elles subissent quotidiennement soit pris en compte et nommé pour ce qu'il est : un véritable meurtre psychique. Le sujet du harcèlement moral reste largement inédit en France. D'où l'intérêt de ce livre remarquablement documenté, qui est aussi un guide pratique pour les victimes ou ceux qui veulent les aider (choix de la thérapie la mieux adaptée, étapes à court et long terme vers la guérison...) et pour les professionnels auxquels il propose une approche nouvelle. Mais plus largement, par son style clair et vivant, il intéressera tous ceux qui ne souhaitent pas rester indifférents face à ce problème de société.

Extrait de la conclusion (exemplaire Pocket 1998) :

[...] L’imagination humaine est sans limites quand il s’agit de tuer chez l’autre la bonne image qu’il a de lui-même; on masque ainsi ses propres faiblesses et on se met en position de supériorité. C’est la société tout entière qui est concernée dès qu’il est question de pouvoir. De tout temps, il y a eu des êtres dépourvus de scrupules, calculateurs, manipulateurs pour qui la fin justifiait les moyens, mais la multiplication actuelle des actes de perversité dans les familles et dans les entreprises est un indicateur de l’individualisme qui domine dans notre société. Dans un système qui fonctionne sur la loi du plus fort, du plus malin, les pervers sont rois. Quand la réussite est la principale valeur, l’honnêteté paraît faiblesse et la perversité prend un air de débrouillardise.
   Sous prétexte de tolérance, les sociétés occidentales renoncent peu à peu à leurs propres interdits. Mais, à trop accepter, comme le font les victimes des pervers narcissiques, elles laissent se développer en leur sein des fonctionnements pervers. De nombreux dirigeants ou hommes politiques, qui sont pourtant en position de modèles pour les jeunes, ne s’embarrassent pas de morale pour liquider un rival ou se maintenir au pouvoir. Certains abusent de leurs prorogatives, usent de pressions psychologiques, de la raison d’État ou du «secret défense» pour protéger leur vie privée. D’autres s’enrichissent grâce à une délinquance astucieuse faite d’abus de biens sociaux, d’escroqueries ou de fraude fiscale. La corruption est devenue monnaie courante. Or, il suffit d’un ou de plusieurs individus pervers dans un groupe, dans une entreprise ou dans un gouvernement pour que le système tout entier devienne pervers. Si cette perversion n’est pas dénoncée, elle se répand de façon souterraine par l’intimidation, la peur, la manipulation. En effet, pour ligoter psychologiquement quelqu’un, il suffit de l’entraîner dans des mensonges ou des compromissions qui le rendront complice du processus pervers. C’est la base elle-même du fonctionnement de la mafia ou des régimes totalitaires. Que ce soit dans les familles, les entreprises ou les États, les personnes narcissiques s’arrangent pour porter au crédit des autres le désastre qu’ils déclenchent, afin de se poser en sauveurs et de prendre ainsi le pouvoir. Il leur suffit ensuite de ne pas s’embarrasser de scrupules pour s’y maintenir. L’histoire nous a montré de ces hommes qui refusent de reconnaître leurs erreurs, n’assument pas leurs responsabilités, manient la falsification et manipulent la réalité afin de gommer les traces de leurs méfaits.
   Au-delà de la question individuelle du harcèlement moral, ce sont des questions plus générales qui se posent à nous. Comment rétablir le respect entre les individus? Quelles sont les limites à mettre à notre tolérance? Si les individus ne stoppent pas seuls ces processus destructeurs, ce sera à la société d’intervenir en légiférant. Récemment un projet de loi a été déposé, se proposant d’instituer un délit de bizutage, réprimant tout acte dégradant et humiliant en milieu scolaire et socio-éducatif. Si nous ne voulons pas que nos relations humaines soient complètement réglementées par des lois, il est essentiel de faire acte de prévention auprès des enfants.

Site de l’auteure 

20 novembre 2019

Augmentez votre prestige : fréquentez des vauriens de l’upper-class!

Les vauriens des classes dites supérieures ne valent pas mieux que ceux des classes inférieures; ils commettent les mêmes crimes. L’unique chose qui différencie les premiers des seconds, c'est l’impunité.

«Quand un individu honnête découvre qu'il a été trompé, soit il cesse de se laisser tromper, soit il cesse d'être honnête.»

Durant la COP25 qui se déroulera du 2 au 13 décembre 2019 à Madrid (Espagne), les leaders politiques et économiques se pencheront sur la misère du monde, la crise environnementale, les inégalités socioéconomiques grandissantes qui pourraient menacer les intérêts des individus les plus riches et les plus puissants; ils discuteront des conflits internationaux et de la pauvreté. Tout cela sans jamais se sentir coupables de les avoir causés, et qui plus est, dans le confort d’un environnement luxueux et sécuritaire (les forces armées y voient).
   Ces rencontres ressemblent à celles du Forum économique mondial organisé par le club planétaire des décideurs financiers :
   «Au Sommet de Davos, on voit chefs d’entreprises, dirigeants politiques, empereurs médiatiques et autres membres de l’élite mondiale se serrer la main, s’échanger leurs cartes et prendre des photos, affichant leurs plus beaux sourires. Officiellement, ils se réunissent pour «améliorer l’état du monde». En réalité, qu’est-ce que le Sommet de Davos? Une réunion de réseautage organisée par et pour les puissants de ce monde. Le Forum économique mondial (FEM) est au service du monde des affaires.» ~ Simon-Pierre Savard-Tremblay, socio-économiste
   «Le Forum économique mondial est si puissant que, malgré son caractère non-démocratique, l’ONU a mis en place depuis 1998 un partenariat avec lui, permettant une implication croissante des entreprises dans le règlement des affaires mondiales. Ce réseau organisé pour conforter la mondialisation libérale entend faire jouer un rôle de plus en plus important aux dirigeants d’entreprises au détriment du rôle de régulation des États. Le Forum économique mondial et les G8 / G20 peuvent être considérés comme des institutions impérialistes. Tandis qu’elles constituent des instances non élues, et qu’elles représentent non pas les intérêts de la population mondiale mais seulement des très grandes entreprises, des banques et les États les plus riches, elles s’arrogent le droit de prendre des décisions majeures sur les orientations économiques du monde.» (Wikipédia)

Le complexe de supériorité de l’upper-class...

La classe supérieure des sociétés modernes est composée de personnes qui ont le statut social le plus élevé, qui sont généralement les membres les plus riches de la société et qui détiennent le plus grand pouvoir politique.
   Selon le chercheur Stéphane Côté, professeur de comportement organisationnel et de psychologie au Rotman School of Management de l'Université de Toronto, les individus qui se considèrent eux-mêmes comme étant de la «classe supérieure» (upper-class) sont plus enclins à prendre des décisions dont l'éthique est douteuse. Ainsi, ils sont davantage portés à prendre des articles de valeur aux autres, à mentir lors d'une négociation, à tricher pour augmenter leurs chances de gagner un prix ou à endosser des comportements non éthiques au travail. Cela vient en quelque sorte confirmer l'idée répandue que ceux qui grimpent dans une organisation ne se gênent pas sur les moyens à prendre. Selon le professeur, ces données étaient constantes à travers les âges, le sexe, le groupe ethnique, la religion et l'orientation politique des participants.   
   Par ailleurs, une autre série d'études menées sur les comportements routiers a démontré qu'un plus grand pourcentage de conducteurs de la classe supérieure coupaient la voie aux autres automobilistes et aux piétons.
   «Nous avons aussi étudié le lien entre le statut social et l'habileté des gens de reconnaître les émotions que les autres ressentent. Les résultats révélaient que plus les gens occupaient un statut social élevé et avaient des moyens, moins ils étaient capables d'empathie. «Il semble que la richesse mène à agir d'une façon particulière, c’est-à-dire avec un peu moins de compassion, un peu moins d'empathie, ce qui par ailleurs mène à des comportements moins éthiques, précise le psychologue. Ces résultats sont assez clairs pour que le citoyen ordinaire soit sur ses gardes face aux leaders de notre société. Ça devrait rendre les gens un peu plus méfiants.»

Ce qui nous mène droit aux amis de Jeffrey Epstein 

Le proxénète Jeffrey Epstein, à la tête d’un réseau de prostitution juvénile (en clair, de trafic humain) pour des clients fortunés et célèbres, avait une liste de contacts impressionnante. Dommage que le procès du prédateur et de ses acolytes ait donné du nez en terre. Les «clients» qui le fréquentaient bénéficient d’un degré d’impunité proportionnel à la leur fortune et à leur rang social (par ex. : prince Andrew, Bill Clinton...). Après la mort d’Epstein, on a presque cessé de parler des poursuites entamées par certaines des victimes du réseau.

Or, contre toute attente, voilà que le fils à maman de 59 ans, le prince Andrew, est sorti du poulailler samedi dernier pour «expliquer sa position» sur les allégations qui pèsent contre lui. Mais, lors de l’entretien d’une heure à la BBC, le poussin royal, a perdu des plumes car c’était comme «se mettre la tête sur le billot, tenir la hache et se couper la tête soi-même». L’intelligence artificielle ne battra jamais la stupidité naturelle.


   Agence France Presse, 16.11.2019 :
Mis en cause dans l'affaire Epstein, le prince Andrew, troisième enfant de la reine Élisabeth II, a démenti «catégoriquement» les accusations d'une femme qui affirme avoir été forcée d'avoir des relations sexuelles avec lui, dans une entrevue diffusée samedi soir sur les ondes de la BBC. «Je n'ai aucun souvenir d'avoir jamais rencontré [Virginia Giuffre]», s'est défendu le prince et duc d'York à l'émission Newsnight. Virginia Giuffre [née Roberts, nom qu’elle portait à l’époque], l'une des plaignantes dans l'affaire Epstein, affirme avoir été forcée d'avoir des relations sexuelles avec le prince Andrew à Londres en 2001 alors qu'elle avait 17 ans, puis à deux autres reprises à New York et sur l'île privée du financier américain dans les Caraïbes.
   «Je peux catégoriquement, absolument vous dire que ce n'est pas arrivé», a affirmé le prince.  
   Agence France Presse, 17.11.2019 :
«Il n'avait pas l'air conscient du sérieux de l'affaire, riant et souriant à plusieurs reprises pendant l'entrevue [...] et n'exprimant aucun regret ou inquiétude envers les victimes d'Epstein.» (Extrait du quotidien The Guardian)
   La presse a raillé notamment l'alibi invoqué par le prince, qui s’est vu aussi reprocher le vocabulaire qu'il a employé tout au long de son entretien, comme le fait qu'il se soit présenté comme «trop honorable» pour expliquer qu'il avait rencontré Epstein en 2010 après sa condamnation «pour couper les ponts». Ou encore quand il a qualifié «d'inconvenant» le comportement de son ami. «Inconvenant?!», lui a rétorqué la journaliste qui l'interviewait, «c'est un délinquant sexuel!»
   Daily Sun Post, 18.11.2019 :
‘Randy Andy’ s'est montré à la hauteur de sa réputation d'arrogance, d'apitoiement sur soi, d'illusion et de stupidité qui l'a hanté toute sa vie d’adulte. 
   Il n'a aucun souvenir de la jeune fille de 17 ans ou d'avoir mis sa main autour de sa taille nue. Il nie avoir eu des relations sexuelles avec elle à trois reprises dans la maison new-yorkaise du pédophile Jeffrey Epstein, où il était un visiteur fréquent, et ailleurs. Il ne transpire pas. Il était à Pizza Express à l'époque.
   L'interview atroce de BBC2, rediffusée dans le monde entier, a été une classe de maître sur le suicide «réputationnel», une insulte à l'intelligence du peuple britannique et un affront aux victimes du vil commerce sexuel des enfants.

   20.11.2019 (When enough is enough, justice comes) 
Le prince Andrew, embourbé dans une polémique sans fin sur l'affaire Epstein et répudié par nombre d'entreprises et universités avec lesquelles il collaborait, a annoncé mercredi «mettre fin à ses engagements publics», dans une des pires crises ayant secoué la famille royale britannique depuis des décennies. 

Souvent, l’offre de jurons disponibles est insuffisante pour répondre à mes besoins.

Bref, on a le droit de se moquer de ces hommes riches et influents, ces intouchables qui nient tout, ne se souviennent de rien et se blanchissent à renfort de parjures, de mensonges, de compensations monétaires et de pots de vin pour esquiver toute enquête judiciaire.
   Dans la foulée de l’affaire Kavanaugh et de #MeToo, l’humoriste Jimmy Kimmel avait créé une pub hilarante sur un médicament qui «efface tout souvenir de ses mauvaises actions» et permet donc d’avoir l’air de dire la vérité quand on les nie.  «Les hommes se débattent depuis longtemps avec l’inconduite sexuelle, mais maintenant, il y a de l'espoir. Le juge Brett Kavanaugh a subi beaucoup de pression pour défendre sa réputation après avoir été accusé d’inconduite sexuelle – comme plusieurs hommes de pouvoir avant lui –, mais avec l'aide de Denietol, le médicament qui «efface définitivement tout souvenir de ce que vous avez fait», ils peuvent s’en sortir. Ce médicament a non seulement aidé Kavanaugh, mais aussi d'autres hommes influents tels que Donald Trump et Bill Clinton. Vous le méritez! Disponible chez Walgreens.»

Pub DENIETOL (Denie it all – littéralement «Déniez Tout») :

Apparemment, Bill Clinton, un autre ami d’Epstein, a lui aussi utilisé DENIETOL


Selon Conchita Sarnoff, journaliste d'enquête, auteure et directrice exécutive de l'Alliance to Rescue Victims of Trafficking (ATRVT), l'ancien président Bill Clinton ment lorsqu'il affirme ne «rien savoir» des activités de prédation sexuelle de Jeffrey Epstein. Malgré le fait que le nom de Clinton figure sur plusieurs carnets de vol du jet privé de Jeffrey Epstein, Clinton nie avoir eu connaissance de tout acte répréhensible de la part du multimillionnaire né à Brooklyn.
   L'attaché de presse de Clinton, Angel Ureña, a en effet déclaré que Clinton «ne savait rien des crimes terribles auxquels Jeffrey Epstein a plaidé coupable en Floride il y a quelques années, ou de ceux dont il a été récemment accusé à New York.»
   Clinton a insisté sur le fait qu'il n'avait fait que «quatre voyages à bord du Lolita Express de Jeffrey Epstein», en 2002 et 2003, et qu'il était entouré d'un détachement des services secrets pendant tout ce temps. Il a également déclaré que ses rencontres avec Epstein ont été brèves et peu fréquentes.
   «Je sais qu’il ment parce que j’ai consulté les journaux de bord des pilotes. Les carnets de vol ont été rédigés par différents pilotes à différentes époques; le nom de Clinton apparaît 27 fois sur les listes d’invités d'Epstein», a déclaré Conchita Sarnoff. «Il était souvent accompagné d’agents secrets, mais souvent il ne l’était pas.»
   «Presqu’à chaque fois où le nom de Clinton apparaît sur le carnet de vol, il y a des filles mineures. Il y a des initiales et des noms de beaucoup, beaucoup de filles dans cet avion privé», a-t-elle ajouté. Epstein a été l'un des premiers bailleurs de fonds de la Clinton Global Initiative. (Politico)
   En tout cas, le cher ex-président n’a pas perdu son temps après avoir quitté le bureau ovale. Le Washington Post calculait en 2014 que durant les 12 premières années de sa vie après la Maison-Blanche, Bill Clinton avait touché très exactement 104,9 millions (américains) pour 542 discours.
   Les Américains (globalement) sont-ils dupes, ignorants ou manipulés au point d’être dépourvus de pensée critique? Sinon pourquoi iraient-ils écouter béatement des discours de pervers narcissiques?!

Je n’ai rien contre le succès et l’argent, mais il se trouve que les milliardaires sont d’une outrecuidance inadmissible, impardonnable. Ils se comportent de manière injuste, égoïste, voire ignoble (comme l’indique le psychologue Stéphane Côté ci-haut). Les incendies en Californie en sont un exemple flagrant. Le pire c’est que les pompiers des sociétés privées nuisaient aux autres pompiers affairés à sauver le plus de sinistrés possible – riches ou pauvres sans discrimination :
   Kris Brandini et son équipe viennent de passer quatre jours éreintants à lutter contre les incendies en Californie, mais contrairement aux pompiers traditionnels, ils ne sauvent pas toutes les maisons : ce sont des pompiers privés, des mercenaires du feu qui ne protègent que leurs riches clients.
   Que ce soit dans les villas chics des collines de Los Angeles, comme celles évacuées lundi par l'acteur Arnold Schwarzenegger ou la star du basket LeBron James, ou pour le brasier qui a menacé la bibliothèque Ronald Reagan, Chris Brandini «n'intervient pas au hasard». «Je ne protège que les maisons qui sont sur ma liste. C'est ça la différence entre moi et les pompiers de l'État», explique-t-il à l'AFP.
   Des sociétés privées comme celle qu'il a créée en 2006, Firebreak Protection Systems, ont fait la Une des journaux l'an dernier lorsque Kim Kardashian a révélé avoir utilisé leurs services pour empêcher les flammes, qui dévastaient la banlieue de Los Angeles, d'envahir sa villa à 60 millions de dollars.
   Un camion spécialisé dans la lutte contre les incendies et son équipe de professionnels peuvent coûter jusqu'à 25 000 dollars par jour, un luxe que seuls les plus fortunés peuvent se permettre. Certains se sont d'ailleurs indignés de l'existence d'opérateurs privés dans un domaine aussi sensible.

Jail workers. En Californie, environ 4000 prisonniers combattent les incendies à 1$ de l’heure. 150 proviennent des prisons du comté de L.A. Ils ne peuvent pas devenir pompiers à leur libération parce que le Service des incendies n’embauche pas de gens ayant un dossier criminel. Débile, hein? 

L'essor des compagnies de pompiers privés est poussé par les sociétés d'assurances elles-mêmes, qui ont fait leurs calculs : il revient parfois moins cher de payer pour leur protection que de devoir financer la reconstruction de maisons de luxe coûtant des millions. (Agence France Presse)