29 mai 2019

De la grand-visite à Ottawa!

Dans le 9e épisode saison 2 de la série Handmaid’s Tale, le commandant Waterford se rend au Canada pour demander au gouvernement de ne pas accorder asile aux réfugiés de la République de Gilead. Mais il se fait radicalement virer de bord (1)   
   Invraisemblable, mais on jurerait que la Maison Blanche copie le synopsis de la série à la lettre. Nous savons pertinemment que ce n’est pas Trump qui gouverne, mais bien l’ultra blanc Mike Pence qui sera à Ottawa demain. Il s’entendrait à merveille avec Andrew Scheer, si par malheur ce dernier était élu en octobre.

J’espère qu’il y aura beaucoup de militant.e.s en faveur de l’avortement qui manifesteront demain à Ottawa.

Justin Trudeau entend élargir la conversation [avec le vice-président américain Mike Pence] et rappeler son appui au respect des droits des femmes

ICI Radio-Canada / nouvelles, 29 mai 2019  

Le premier ministre canadien Justin Trudeau serre la main du vice-président américain Mike Pence, en 2017. Photo: Reuters / Brian Snyder

Ces derniers mois, le droit à l'avortement, légalisé en 1973 par l’arrêt Roe c. Wade, a été limité par différentes lois dans plusieurs États américains.
   À la mi-mai, le Sénat de l’Alabama a adopté un projet de loi qui introduit une interdiction quasi totale de l'avortement. Il s'agit de la loi la plus restrictive du pays.
   Les femmes ne pourront notamment plus avorter en cas de viol ou d’inceste, et les médecins qui contreviendront à la loi risqueront même des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 99 ans.
   Au Mississippi, une loi similaire a été bloquée par un tribunal.
   La Géorgie a elle aussi adopté au début de mai une loi interdisant l’avortement dès que les battements du cœur du fœtus se font entendre, soit au bout de six semaines. À ce stade, bien des femmes ignorent encore qu’elles sont enceintes.
   Au total, plus d’une douzaine d’États ont adopté des lois interdisant ou limitant radicalement l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, ce qui a soulevé de vives réactions.
   Le premier ministre canadien avait réagi après la promulgation de la loi anti-avortement en Alabama.

«Nous regrettons profondément qu'il y ait encore des endroits dans le monde, y compris chez nos voisins américains, où [on recule] dans la défense des droits des femmes.» (Justin Trudeau)  

Mike Pence, pro-vie convaincu

Mardi, M. Pence a applaudi à un jugement de la Cour suprême des États-Unis, laquelle maintient une loi de l'Indiana qui impose que les tissus des fœtus avortés soient traités comme des restes humains. La loi demande que les restes soient enterrés ou incinérés, plutôt que d'être traités comme des déchets médicaux.
   M. Pence a lui-même fait passer cette loi en 2016 alors qu'il était gouverneur de l'Indiana.
   Dans sa déclaration de mardi, il a espéré, une fois de plus, que les droits des «Américains non nés» seront protégés contre la discrimination basée sur le sexe, la race ou un handicap. Pareille protection, évoquée dans d'autres lois américaines, limiterait davantage le droit à l'avortement.
   Mercredi, en arrivant aux Communes, M. Trudeau a répété qu'il était «très préoccupé» par le mouvement qui fait reculer les droits des femmes aux États-Unis et ailleurs. Et il s'est engagé à parler de ce sujet avec M. Pence.


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M. Trudeau soulèvera la question des lois anti-avortement aux États-Unis lors d'une rencontre avec le vice-président Mike Pence jeudi [30 mai] à Ottawa pour discuter de l'ALENA et de la loi déposée à la Chambre des communes

Peter Zimonjic · CBC News · Posted: May 29, 2019

[...] Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré qu'il évoquera le nombre croissant de nouvelles lois américaines restreignant l'avortement au niveau des États lorsqu'il rencontrera le vice-président américain Mike Pence.
   «Évidemment, je suis très préoccupé par la situation concernant le recul des droits des femmes que nous constatons de la part des mouvements conservateurs ici au Canada, aux États-Unis et dans le monde entier», a déclaré Mme Trudeau mercredi. 
   «Aucun projet de réouverture du débat sur l'avortement», affirme Andrew Scheer.
   L'avortement est légal au Canada depuis 1988, année où la Cour suprême du Canada a invalidé les lois contre l'avortement.
   Les libéraux fédéraux ont accusé les conservateurs de vouloir rouvrir le débat sur l'avortement, ce que le chef du parti, Andrew Scheer, a insisté pour qu'il ne fasse pas.
   «La seule personne qui a soulevé cette question à maintes reprises est Justin Trudeau, dit M. Scheer. «J'ai été très, très clair. Les Canadiens peuvent avoir l'assurance absolue qu'un gouvernement conservateur, après les élections d'octobre, ne rouvrira pas cette question.»
   Après la période des questions, mercredi, la députée du Bloc québécois Monique Pauzé a demandé à ses collègues de réaffirmer que «le corps d'une femme lui appartient et à elle seule et de reconnaître son droit de choisir un avortement, peu importe la raison».
   Les députés bloquistes, néo-démocrates et libéraux ont applaudi Pauzé debout, tandis que les députés conservateurs restaient assis.


(1) In the Great White North, Moira (Samira Wiley) and Luke (O.T. Fagbenle) argue with a government official, saying that Commander Waterford, a terrorist, should be arrested for his crimes against humanity upon arriving in Canada. They don’t get what they want, but they are encouraged to speak out…as if that will change anything.


And as the Waterfords drive through the Canadian streets, Serena marvels at people living normal lives and kissing on the street. (Is that some envy we sense, oh Gilead devotee?) Soon they arrive at their hotel and meet with government officials. The Commander shows off his French and one man pointedly says that he and his husband used to enjoy visiting the States before being gay was considered a crime. Canada: 1, Gilead: O. The men walk off to begin their round of meetings, and Serena is given a schedule of her own. Later, protests mount as the Waterfords and Nick arrive back at the hotel. Luke and many others are there wielding posters with photos of their lost love ones. Seeing the Commander makes Luke feel emboldened, so he bursts through the barricades, calls the Commander out and accuses him of raping his wife. Later, Luke, Moira and Erin (Erin Way) read the letters. Moira’s not satisfied and says she had hoped for a bomb or something that would make “Gilead go boom.” Erin pointedly responds that these could comprise an enormous boom if used in the right way. 
   So, the next morning when Commander Waterford and Serena step out for another day with the government, they’re met with disdain and told they’re no longer welcome in the Great White North. Turns out Luke, Moira and Erin shared the letters on the internet and, obviously, the outcry is horrendous. Commander Waterford accuses them of believing slander and they’re shown the door, but not before a woman tells Serena that she doesn’t know how she lives with herself.
   Protesters surround Serena and Commander Waterford’s convoy to the airport, pounding on the cars and preventing them from moving faster than a glacial pace. (www.purewow.com)

Fred and Serena Waterford are kicked out of Canada!
The Handmaid’s Tale Season 2 Episode 9

28 mai 2019

Esclaves des prescriptions religieuses

L’article de Thomas Gerbet m’a fait comprendre pourquoi certains employeurs hésitent à embaucher des immigrant.e.s qui suivent à la lettre les préceptes et rituels contraignants de leur religion.

Par chance que les juifs hassidiques travaillent à l’intérieur de leur propre communauté fermée, car il serait impossible de les intégrer dans un milieu de travail «normal». Et s’il fallait accommoder toutes les sectes religieuses, ce serait la foire d’empoigne.

Néanmoins, les employeurs sont désormais ligotés par des lois qui dépassent le cadre des normes du travail pour faciliter la pratique de superstitions religieuses.   

Par exemple (légendes des photos jointes à l’article) :
– Des employés demandent des aménagements du temps de travail pour pouvoir prier.
– Des employés de religion juive demandent à ne pas travailler entre le vendredi soir et le samedi soir, au moment du sabbat.
– Certaines entreprises peinent à trouver un lieu disponible et sécuritaire pour permettre la prière
– En 2018, le responsable d’un entrepôt s’est opposé à ce qu’un employé sikh travaille avec un kirpan, le couteau traditionnel.
– La Commission des droits de la personne a dû se pencher sur une demande liée à l’Halloween.

Accommodements religieux : des employeurs dépassés par certaines demandes

Thomas Gerbet
ICI Radio-Canada,  16 mai 2019

Que faire quand son employé veut pratiquer le vaudou sur ses heures de travail? Des gestionnaires québécois se retrouvent parfois en face de demandes d'accommodements religieux déstabilisantes. Depuis 10 ans, un service méconnu leur vient en aide.
   Un employé peut-il afficher un grand portrait de Jésus à son bureau? Est-ce acceptable qu’une stagiaire refuse de serrer la main des clients? Réciter le bénédicité avant un repas d’affaires nuira-t-il à l’entreprise? Tous ces cas sont bien réels. Des employeurs québécois ont dû traiter ces situations dans les cinq dernières années.
   On les retrouve détaillées dans un rapport qui recense les requêtes d’aide en matière d’accommodements religieux reçues par le service-conseil de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Ce rapport a été rendu public grâce à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics.
   Entre le 1er janvier et le 28 octobre 2018, le service-conseil a reçu 36 demandes d’assistance. Un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes, mais qui reste très faible. La Commission aimerait faire connaître davantage ce service, né il y a 10 ans à la suite des recommandations de la commission Bouchard-Taylor.

Le casse-tête des congés religieux

– En septembre 2018, dans un service des ventes d’une entreprise, un employé de confession juive souhaite prendre congé pour des jours religieux et travailler des jours fériés en remplacement, comme à Noël. Le problème, c’est qu’à Noël, le service des ventes est fermé.
– Un camp de jour donne une semaine de formation à ses animateurs, mais l’un d’entre eux demande à s’absenter trois jours en raison du ramadan.
– Un travailleur veut être payé pour un congé religieux en plus des autres fériés. L’employeur craint une iniquité.
– Une employée juive refuse de prendre l’avion le samedi pour un voyage d’affaires et demande d'avancer le vol.

En 2018, les trois quarts des 36 sollicitations reçues par le service-conseil concernaient l’obtention de congés religieux ou l’aménagement de l’horaire de travail.

Jongler avec les horaires de travail

Les modifications des horaires de travail sont fréquemment l’objet d’accommodements.

– En mai 2018, une entreprise s’adresse à la Commission : «Que faire avec un employé qui doit faire sa prière entre 13 h et 14 h et retardera tout le travail en chaîne des autres employés?»
– Un employé musulman qui travaille à la cafétéria fait plusieurs prières sur ses heures de travail (plus de trois par jour, 15 à 20 minutes chaque). L’entreprise a besoin d’un service rapide à la restauration [...]. Il y a des employés qui le remplacent. Par contre, la compagnie se demande jusqu’où ils sont tenus de l’accommoder, car cela nuit aux opérations. (Extrait du rapport de la CDPDJ, daté du 21 août 2018)
– En 2017, une entreprise de transport s’adresse à la Commission. L’employeur affirme que 70 % de ses 300 chauffeurs sont musulmans pratiquants. En raison du ramadan, il reçoit des requêtes de changement de quart de travail de nuit pour le jour. «Nous devons répondre à nos clients dans les heures de pointe, explique-t-il. Nous avons déjà un nombre manquant pour les horaires de soir et l’attribution des horaires se fait en fonction de l’ancienneté. Présentement, nous essayons de devancer l’heure de pause dîner des chauffeurs qui travaillent la nuit afin que ça respecte l’heure de la fin du jeûne. Est-ce que nous avons une obligation d’accommoder nos chauffeurs au cas par cas?» [...]


L’enjeu des lieux de prière

– Dans une PME industrielle, des employés ont commencé à prier sur des tapis dans l’entrepôt, faute de place ailleurs. «Notre entreprise a une cinquantaine d’employés et des mouvements de chariots élévateurs permanents, raconte un responsable de l'entreprise, en février 2017. Nous avons déjà un problème de place, mais si des gens se mettent à terre, je pense qu’un accident peut arriver.»
   «Certains employés utilisent l’eau des toilettes ou des lavabos afin de se nettoyer les pieds (avant prière). Des questions d’hygiène ont été soulevées, mais également de sécurité (plancher glissant). Notre lieu de travail est très vaste et cette pratique se fait dans plusieurs salles de bain.» (Extrait d’une demande d’aide transmise à la CDPDJ en janvier 2018)

De la barbe à la casquette

– L’an dernier, une entreprise qui a interdit le port de casquette aux employés contacte la Commission, car deux employées portent le voile. «Cela génère des incompréhensions et un sentiment d’injustice entre les autres employés, peut-on lire dans le rapport du service-conseil. Les filles demandent maintenant d’avoir le droit de remettre leur casquette
– Une fédération sportive s’inquiète : certains athlètes veulent porter la barbe lors de compétitions sportives pour des motifs d’ordre religieux, ce que ne permet pas le règlement.
– Une jeune femme candidate à une formation d’éducatrice a soulevé les inquiétudes d’un cégep, en avril 2018, parce qu’elle porte le niqab qui couvre son visage, à l’exception des yeux. L’établissement craignait qu’elle soit victime de discrimination dans son futur milieu de stage et de travail : «Une partie de l’évaluation des cours est reliée au mouvement et aux gestes faciaux (chant, théâtre…) et le niqab permet difficilement de voir les différents mouvements ou expressions.»

Des situations surprenantes et inattendues

Parfois, les réclamations d’accommodement prennent de court les organisations.

– Début octobre 2018, un stagiaire dans un milieu de travail avec des enfants mentionne qu’il ne pourra pas faire les tâches prévues le jour de l’Halloween, car cela va à l’encontre de ses croyances religieuses.
– Pour la Saint-Valentin, une garderie a acheté une nappe en papier et des serviettes de table avec de petits coeurs. Une cuisinière témoin de Jéhovah refuse d’y toucher, car il s’agit d’une activité païenne.
– «Une directrice des ressources humaines d’une fonderie sollicite de l’aide. 40 % de ses employés sont musulmans et ils sont partis pour une fête religieuse sans permission.» (Dossier traité par la Commission en juillet 2017) 
– Le responsable d’une clinique s’interroge : peut-il exiger d’une patiente portant le voile intégral (burqa, niqab) de se découvrir le visage?
– «C’est en prenant des radiographies d’une patiente qu’ils se sont aperçus qu’il ne s’agissait pas de la même patiente.» (Extrait d'une demande transmise au service-conseil de la CDPDJ en mai 2018)
Dans une boutique de mode, les employées sont encouragées à porter les vêtements du magasin et elles obtiennent une réduction de 50 % pour les acheter. Une employée récemment embauchée a respecté le code vestimentaire jusqu’à la fin de sa période de probation de trois mois. Elle s’est alors présentée au travail avec un hijab et une jupe longue, noire et évasée. Son employeur ne sait que faire.
– En octobre 2018, une entreprise de soins à domicile a maille à partir avec une préposée catholique pratiquante qui n’est pas satisfaite de son horaire de travail. Elle menace d’exiger un accommodement religieux afin d’avoir congé tous les dimanches.

 
«La plupart du temps, on arrive à s’accommoder»

[...] Au Québec la Charte des droits et libertés de la personne oblige un employeur à étudier tous les moyens raisonnables pour répondre à une demande. L’objectif est d’éviter toute discrimination fondée sur la religion, mais aussi sur le handicap, le genre, la grossesse, l’âge, etc.
   «L’objectif, c’est d’accorder un traitement différent à une personne qui, autrement, serait discriminée. Ce ne sont pas des privilèges, mais des mesures d’équité, pour assurer l’égalité.» (Valérie Féquière, conseillère en accommodement raisonnable de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)
   Les employeurs ont une obligation de moyens, mais pas de résultat. Ils ont le droit de refuser un accommodement, mais pour cela, ils doivent démontrer l’existence d’une contrainte excessive.
   Par exemple, une contrainte excessive peut se justifier par un coût exagéré ou une entrave indue à l’organisation du travail.
   «Une simple contrainte n’est pas une contrainte excessive», précise Valérie Féquière. La peur d’un effet de contagion en accordant un accommodement à un employé n'est pas non plus un élément justificatif de refus suffisant. [...]
   [...] L’employeur mais aussi le syndicat peuvent être condamnés s’ils refusent un droit garanti par la Charte qui n’occasionne pas de contrainte excessive.
   En avril 2018, la directrice des ressources humaines d’une entreprise a contacté le service-conseil pour une situation hors de l’ordinaire. Un employé réclamait un accommodement pour pouvoir pratiquer le vaudou durant ses heures de travail. Grâce à l’aide de la Commission, l’entreprise est parvenue à s’entendre avec le travailleur et à régler le dossier sans créer de litige.

Boucar Diouf est d'origine sénégalaise et fut élevé dans la religion islamique. Le biologiste, écrivain, animateur, conteur et humoriste vit au Québec depuis 1991 et est parfaitement intégré. «Entre mes racines africaines et mon feuillage québécois, se dresse mon tronc sénégalais. Je suis un hybride identitaire, une fusion complète entre l'Afrique et le Québec.»

Source :

L’insoutenable contradiction propre aux religions

Denis Proulx, professeur associé à l’ENAP
Le Devoir, 27 octobre 2017

Photo: Gali Tibbon / Agence France-Presse. Tout notre dilemme comme société vient du fait que nous voulons respecter les religions alors que la nature de ces dernières, dans sa dimension humaine et non spirituelle, n’est pas naturellement de respecter les autres religions, estime l'auteur.

La discussion sur les accommodements religieux se heurte toujours à la nature des religions. Elle peut être analysée selon différents niveaux. Au premier plan, on trouve un idéal spirituel, qui varie selon chaque religion. Après la vie, monter au ciel et rencontrer Dieu pour les religions monothéistes, se réincarner dans une meilleure vie ou se réaliser dans les religions qui n’ont pas de Dieu (bouddhisme) ou qui en ont des millions (hindouisme), on a là des exemples qui illustrent la très grande variété de l’idéal spirituel.
   Ensuite, toutes les religions proposent une série de règles qui permettent l’atteinte de cet idéal spirituel. Prier, méditer, mener une bonne vie, avec des règles qui sont généralement calquées sur les besoins de la vie en société, ne pas tuer, ne pas convoiter les biens des autres, aimer son prochain ou lui rendre ses mauvais coups, et ainsi de suite. Jusque-là, ces approches ne comportent aucune contradiction, dans la mesure où elles sont liées à un modèle spirituel. Les religions, par leur recherche spirituelle et le respect de ces règles, offrent un réconfort à ceux qui les pratiquent, en ce qu’elles peuvent permettre de réduire la peur face à l’Inconnu.
   Au troisième plan, les religions proposent d’autres règles qui visent essentiellement à contrôler la société, avec une perspective très temporelle calquée sur les traditions ethnologiques de la société d’où proviennent le prophète ou les textes de référence s’il y en a. Ainsi, le judaïsme est basé sur le concept d’un peuple choisi par Dieu, ce qui limite le prosélytisme; le christianisme est basé sur les idées d’un prophète juif dont les idées déviaient de la religion juive, mais dont les évangiles ont été écrits par des Européens; l’islam est basé sur les idées d’un prophète arabe, influencé par les autres religions monothéistes; le bouddhisme par un prophète indien en rupture avec l’hindouisme dominant. Les religions animistes sont directement liées aux phénomènes naturels incompris et en conséquence perçus comme divins.
   Les religions comportent donc une dimension culturelle marquée géographiquement, historiquement et ethnologiquement, basée sur des règles de maintien du groupe et de dénigrement des groupes concurrents. La haine des catholiques envers les hérétiques albigeois, des protestants envers les catholiques, des sunnites envers les chiites, des hindous envers les bouddhistes, la haine entre chrétiens et musulmans ou celle envers les bahaïs illustrent comment les religions comme organisations humaines ont protégé leurs parts de marché, l’idéal spirituel semblant lointain dans ces combats. Il peut paraître scandaleux de décrire des organisations religieuses avec des termes de gestion, mais l’émergence des religions protestantes dans le sud des États-Unis et en Amérique latine est directement liée à l’initiative mercantile de ses pasteurs. Jadis, à Atlanta, lors d’une rencontre avec un centre d’initiative économique, la responsable racontait comment on pouvait se lancer en affaires en donnant l’exemple d’une église. «Si vous voulez démarrer votre église, il faut faire du marketing pour attirer les fidèles, des finances pour avoir leur argent et gérer le bâtiment, c’est une business!»
   Tout notre dilemme comme société vient de ce que nous voulons respecter les religions alors que la nature de ces dernières, dans sa dimension humaine et non spirituelle, n’est pas naturellement de respecter les autres religions. De plus, les aspects traditionnels de la société, comme la domination des hommes sur les femmes, typique de presque toutes les sociétés d’autrefois, sont un marqueur dominant des religions qui ne sont pas du tout modernes à cet égard. L’Église chrétienne a aboli la prêtrise des femmes au IVe siècle et n’arrive toujours pas à corriger son erreur. Le voile des femmes ainsi que les vêtements qu’on leur impose n’ont pas d’équivalent chez les hommes, qui ne s’habillent plus comme au Xe siècle, époque où en Occident les femmes devaient elles aussi toujours porter un voile. Les financements saoudiens de l’islam correspondent plus à un maintien de modèles moyenâgeux de comportements qu’à un idéal spirituel qui n’a rien à voir avec des symboles vestimentaires.
   Il est fondamental de respecter la dimension spirituelle des gens qui pratiquent des religions, tout comme celle des athées, mais comment pourrions-nous accepter leurs écarts liés à des valeurs sociales archaïques? Le fait de confondre ces deux dimensions comporte une contradiction difficilement soluble, tant que l’on confondra la spiritualité et les règles de contrôle social qui sont bien humaines et pas du tout spirituelles. Il est clair cependant que les tenants de ces modèles de comportements croient sincèrement que leur religion est un tout, où spiritualité et archaïsme se confondent. Nous posons la question : la poursuite de règles de comportements contraires aux règles de la société d’accueil est-elle acceptable au nom du droit à pratiquer une religion quand certaines dimensions d’identité à des valeurs moyenâgeuses non spirituelles y sont incompatibles? Il est clair que les extrémistes musulmans (talibans ou groupe État islamique) ne semblent pas intéressés par la spiritualité, mais bien par un contrôle social moyenâgeux sur la société. Le respect des religions n’a pas grand-chose à faire avec ces considérations passéistes.  

26 mai 2019

Quid de notre propre obsolescence programmée?

Si les ambitions économiques d’un parti politique sont basées sur la contamination de l'eau et des sols, l’augmentation de la pollution de l'air (GES), la destruction des terres arables, des forêts et des espèces, il est assuré de remporter la victoire. Le premier ministre de l’Alberta Jason Kenney l’a démontré avec aplomb.

Doit-on dire Prime Minister ou ‘Crime’ Minister?

«Les gouvernements ne veulent pas des gens bien informés, bien éduqués, capables de pensée critique, ils veulent des ouvriers obéissants, des gens qui sont juste assez intelligents pour faire fonctionner des machines et s’occuper de la paperasse. Et juste assez stupides pour accepter ça passivement.» ~ George Carlin

RIEN pour réduire notre «écoanxiété» croissante :

«Il faut reconnaître aux conservateurs le mérite de la franchise. Ce sont des pollueurs qui s’assument, alors que la contradiction entre le discours et l’action – ou l’inaction – des libéraux de Justin Trudeau confine à l’hypocrisie.
   «Tout le monde connaît notre position par rapport aux ressources naturelles de l’Ouest canadien; on est pour l’exploitation», a déclaré le lieutenant d’Andrew Scheer au Québec, Alain Rayes. «C’est clair que c’est un discours qui n’est peut-être pas sexy pour certaines personnes, mais nous, on a décidé de faire le discours de la réalité et du pragmatisme.» M. Rayes convient que cela va imposer un «exercice de pédagogie» d’ici l’élection du 21 octobre.» ~ Michel David (Le Devoir, 30 avril 2019)

Everything in the store (Canada) is for sale

Comme Justin Trudeau, François Legault prétend qu’il est possible d’exploiter gaz naturel et autres énergies fossiles tout en préservant l’environnement. La Coalition avenir Québec est fortement orientée sur le capitalisme néolibéral radical, cette solution miracle qui «fait grandir» l’économie, mais qui au final n’enrichit que les grandes entreprises et leurs investisseurs.
   Hier le ministre de l’Environnement de la CAQ reprenait quasiment mot pour mot les propos d’Alain Rayes «nous optons pour la réalité et le pragmatisme».
   «Je suis très ouvert à écouter les contributions des citoyens et de groupes de pression. Mais la CAQ n'est pas au service des groupes de pression, elle est au service de l'ensemble de la population», disait François Legault   
   Le gouvernement souhaite adopter une approche «pragmatique» à l'égard de l'environnement, défendant même le projet GNL Québec qui vise la construction d'une usine de gaz naturel liquéfié à Saguenay.  M. Legault a tenu à rappeler que ce projet vise à exporter ce gaz liquide vers l'Europe pour remplacer de l'énergie produite avec du charbon, «une bonne nouvelle pour l'environnement», selon lui.

Autrement dit : polluons le Québec pour dépolluer l’Europe! Même chose pour la vente d’hydroélectricité pour dépolluer la ville de New York. La population de New York était évaluée à 8 611 698 en 2017, dépassant déjà la population du Québec en entier, estimée à 8 455 402 en 2019. Alors, imaginez le saccage vu le nombre de barrages et d’infrastructures additionnels que cela nécessitera pour les alimenter. Génial... 

Caricature : Serge Chapleau, La presse 23.05.2019

«Les propriétaires de la mine n'avaient pas trouvé l'or, ils n’avaient pas extrait l'or, ils n’avaient pas broyé l'or, mais par une alchimie bizarre, tout l'or leur appartenait.»
~ William Haywood, leader américain du mouvement ouvrier IWW



Le Parti populaire du Canada prône aussi l’économie néolibérale radicale. Au Québec, en quête d’électeurs, il courtise les régions où le nombre de conservateurs d’extrême droite est prononcé.

Qui se laisse berner?

«Le sifflet pour chien est inaudible pour la plupart, mais irrésistible pour les abrutis et les crétins, surtout les ‘cerveaux libéraux’ marinant dans le formol de la politique identitaire.» ~ Luciana Bohne

En tant que climato-négationniste, Maxime Bernier s’était magistralement ridiculisé en octobre dernier :

Changements climatiques : le CO2 «nourrit les plantes», plaide Bernier
Maxime Bergeron | La Presse le 24 octobre 2018

(Ottawa) Le député Maxime Bernier a remis en question le lien entre la production de dioxyde de carbone (CO2) par l'activité humaine et le réchauffement climatique, mercredi, une position qu'il a eu du mal à expliquer pendant un point de presse haut en couleur à Ottawa.
   «Il y a des changements climatiques qui existent, mais la question est de savoir si c'est l'homme qui cause ces changements climatiques ou non, a-t-il lancé. C'est ça, la vraie question. Je ne suis pas un scientifique pour me prononcer là-dessus.»
   Plus tôt en journée, le chef du Parti populaire du Canada s'en était pris sur Twitter au plan de tarification du carbone annoncé la veille par le gouvernement Trudeau.
   «Ce qui est certain, c'est qu'il serait irresponsable de dépenser des milliards de dollars et d'imposer une réglementation exagérément sévère pour régler un problème dont on est toujours loin de cerner la gravité. L'alarmisme qui a souvent caractérisé cette question n'est plus de mise.»
Article intégral :

Au fond, ce guignol débroussaille le terrain pour Andrew Scheer en le faisant paraître «modéré».

Maxime Bernier sème le doute sur l'avortement

Après s'être présenté comme un défenseur des libertés individuelles, le chef du Parti populaire du Canada (PPC), Maxime Bernier, sème maintenant le doute quant à sa position personnelle sur l'avortement.
   De passage à Québec pour y présenter près d'une dizaine de candidats, l'élu de Beauce a déclaré mardi que son parti n'a «pas de position là-dessus». Pour sa part, il a refusé de dire devant les journalistes s'il est «pro-vie» ou «pro-choix».
   M. Bernier n'exclut pas un débat sur le droit à l'avortement à la Chambre des communes si l'un de ses futurs députés décide de déposer un projet de loi là-dessus.
(La Presse, 21 mai 2019)

En mai 2008, Maxime Bernier, alors ministre des Affaires étrangères, annonça sa démission en raison d’une affaire de documents classés secrets (à propos d'un déplacement du Premier ministre Stephen Harper à l'OTAN), qu'il avait oubliés une quinzaine de jours chez son ex petite amie Julie Couillard; celle-ci n’avait pas de casier judiciaire, mais elle avait fréquenté le milieu des motards (Hells Angels et Nomads).

Bernier était déjà sur ma liste d’éventuels lauréats d’un Prix Darwin (1).


«Comment pouvons-nous parler de progrès alors que nous détruisons encore autour de nous les plus belles manifestations de la vie? Nous nous enfonçons dans nos dernières forêts, la main sur la détente d’une arme automatique. [...] Il faut lutter contre cette dégradation de la dernière authenticité de la Terre et de l’idée que l’homme se fait des lieux où il vit.» ~ Romain Gary

Nous faisons preuve d’un tel manque de lucidité que nous ne voyons pas la progression de la machine à asservir et dévorer les humains – que cela vienne des capitalistes «démocrates» occidentaux ou des capitalistes «communistes» chinois! Avec la mondialisation, en Occident, les criminels à la tête des grandes multinationales ont retiré aux gouvernements le peu de contrôle qu’ils pouvaient avoir sur les activités industrielles et commerciales, ils sont devenus impuissants. Plusieurs sociétés canadiennes territoriales et extraterritoriales sont responsables de crimes contre l’environnement et l’humanité, mais aucune cour pénale internationale n’intentera de procès contre elles, c’est évident.

En complément : The Corporation, un documentaire canadien (en) réalisé par Jennifer Abbott et Mark Achbar sorti en 2003. Ce film est basé sur le livre The corporation, the pathological pursuit of profit and power (Les Multinationales, la recherche pathologique du profit et du pouvoir) de Joel Bakan (en). Le film est divisé en trois parties, reprenant les trois parties du titre du livre.
   Ce documentaire montre l'évolution des Sociétés anonymes (appelées Corporations en anglais) aux États-Unis, reprenant leur histoire depuis leur apparition avec la Révolution industrielle, où elles avaient été conçues pour répondre au «bien public» mais qui furent détournées de cet objectif par la recherche du profit.
   Parallèlement, les réalisateurs cochent les réponses à l'aune d'un manuel de référence de la psychopathologie : le DSM-IV, et il s'établit peu à peu sous les yeux du spectateur que, si l'entreprise a bien les caractéristiques d'un individu, ce n'est pas n'importe quel individu non plus, mais un psychopathe : égoïste, menteur, indifférent au bien-être et au respect d'autrui comme à ses malheurs.
   Le documentaire dresse une liste des comportements antisociaux des entreprises dans le monde contemporain, à travers quatre exemples : comportement dangereux envers 1) les travailleurs, 2) la santé des êtres humains, 3) les animaux et 4) la biosphère. Le diagnostic final fait des entreprises des psychopathes. [...]
(Description : Wikipedia)

Documentaire :

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(1) Tristement, ma liste de candidats ne cesse de s’allonger! Pour celles et ceux qui ne connaitraient pas le concours.
   Les Prix Darwin récompensent les gens qui se sont accidentellement retirés du patrimoine génétique global à la suite de comportements particulièrement stupides. Les prix sont généralement décernés à titre posthume, mais parfois à des survivants qui se sont auto-stérilisés.
   L’ensemble du projet Darwin Awards est supervisé depuis 1993 par Wendy Northcutt, à l'époque étudiante en biologie moléculaire à l’Université de Stanford en Californie. La tradition se poursuit http://www.darwinawards.com/
                                  
Toutes les histoires des nominés sont vraies et authentifiées (témoins, vidéos, photos, articles de journaux, etc.)

Les candidatures sont évaluées selon ces critères :
1. Le candidat doit s'être auto-éliminé de manière définitive et ne laisser aucune descendance (ou s’être auto-stérilisé)
2. Le candidat doit avoir fait preuve d'une erreur de jugement phénoménale
3. Le candidat doit être lui-même la cause de son décès (ou de sa stérilité)
4. Le candidat doit être en pleine possession de ses facultés intellectuelles
5. Enfin l'acte et l'anecdote doivent être avérés pour obtenir un Prix Darwin

«Un des effets secondaires positifs du gène de la stupidité pourrait être de faire prendre des risques idiots à une personne de bon sens. Cela pourrait par exemple provoquer des découvertes étonnantes. Ces histoires lamentables viennent parfois d’idées tout à fait originales. Il existe des centaines de gènes de la stupidité. Si vous n'en possédez qu'un ou deux, vous pouvez être un génie créatif, si vous en possédez une bonne douzaine, vous êtes un dangereux imbécile.
   La différence entre celui qui prend un risque et fait faire un grand pas à l'humanité et celui qui prend un risque et périt dans l'humiliation suprême, réside dans l'équilibre entre les risques pris et l'attrait de l'innovation : si celui qui prend les risques n'en évalue pas attentivement les conséquences, seule la chance pourra le sauver du désastre.
   Nous pouvons avoir plusieurs lignes de pensées parallèles. Au moment où une idée «géniale» arrive au point où elle déclenche une réponse physique, une ligne de pensée parallèle plus prudente prend naissance mais n'arrive pas à temps pour interrompre l'action stupide. Si un jour, vous avez fait quelque chose de stupide et que, pendant une microseconde, juste avant la catastrophe, vous vous êtes posé des questions, alors, vous avez expérimenté ce processus de pensées parallèles. C'est très rare que quelqu'un puisse dire : ‘je n'avais même pas envisagé les conséquences’.»

~ Wendy Northcutt

23 mai 2019

Vincent Lambert : Prométhée enchaîné

Quand j’ai entendu à la radio la déploration de Viviane Lambert, accompagnée d’un chœur de lamentations pro-vie, j’ai cru que c’était une bande-annonce pour une tragédie grecque, version 21e siècle.
   Cette femme fait de son fils tétraplégique un Prométhée (Titan) :
Zeus ayant kidnappé et enchaîné Prométhée, il le condamne à être torturé par un aigle qui lui dévore éternellement le foie – celui-ci se régénère parce que le Titan est immortel.

Les bourreaux de Vincent Lambert sont ses propres parents dont les croyances religieuses et l’attachement égoïste prévalent sur son bien-être et l’empêchent de quitter sa prison physique dignement et en paix. Cela fait plus de dix ans que le pauvre homme est maintenu artificiellement en vie. Et avec les moyens d’aujourd’hui, aucun espoir de mourir de mort «naturelle» comme disent les catholiques. Aucune compassion, l’église d’abord. 


Je ne veux pas minimiser la peine des parents, mais ils auraient pu amorcer leur deuil il y a quelques années :
«Toutes les expertises médicales ont conclu au caractère irréversible de son état.» En 2018, le rapport des experts, remis le 18 novembre, concluait à un «état végétatif chronique irréversible» qui ne lui laissait plus «d’accès possible à la conscience». «Vincent Lambert est dans un état d’incapacité fonctionnelle psychomotrice totale en 2018 comparable cliniquement à celui enregistré en 2014», disaient-ils. L'«affaire Lambert» est devenue un symbole du débat sur les soins de fin de vie dans l'Hexagone.

Résumé du cas Lambert (ICI Radio-Canada / nouvelle) :

Le cas est loin d’être unique, alors pourquoi tout ce bruit médiatique? On suppose qu’il faut avoir des ressources financières importantes pour entamer ces procédures : saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le Conseil d’état français et la Cour d’appel de Paris, déposer des poursuites contre le Dr Sanchez (directeur du service des soins palliatifs et de l’unité des «cérébrolésés» de l’hôpital de Reims) et réclamer sa radiation.


Cet aspect de la cause m’intrigue. On dit que les Lambert sont proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). La secte catholique aide-t-elle financièrement les parents et mobilise-t-elle des manifestants à des fins de propagande anti «aide à mourir dans la dignité»? Est-ce que par hasard on instrumentaliserait le fils? Il est permis de se poser la question en période de tsunami religieux ultra conservateur (mondial). Quand le Pape s’en mêle...
   Un journaliste de L’OBS écrivait au sujet de la FSSPX : «[...] Autre fait notoire : les écoles, implantées en pleine campagne, vivent en totale autarcie puisque les enfants scolarisés y vivent souvent en pensionnat. Les locaux? Ils sont souvent prêtés ou donnés par des bienfaiteurs de la Fraternité, châteaux, abbayes, ou monastères : la FSSPX, qui a son siège en Suisse, est une organisation internationale. Et riche. Avant, ces intégristes étaient marginaux. Aujourd'hui, leur discours identitaire, très réac, est en phase avec un certain air du temps. Cela les conforte. En ‘éducation civique’, on apprend à ‘reconnaître la race blanche’.»
   En outre, la FSSPX a multiplié les appuis à des partis politiques d’extrême-droite (dont le Front national) au cours des dernières décennies. Dans une perspective «national-catholique», on y vénère d’anciens héros fascisants tels les espagnols Primo de Rivera et le général Franco, le rexiste Léon Degrelle, le maréchal Pétain qui collabora avec les nazis, etc.

Le cas Lambert est un copié-collé de la situation vécue par l’écrivain espagnol Ramón Sampedro à qui on a toujours refusé l’aide à mourir – un combat contre les autorités politiques et religieuses et l’égoïsme de ses proches qui le «condamnaient à vivre». Contrairement à  Vincent Lambert, Sampedro était conscient; il pouvait penser, lire et parler. Quand on y songe, c’est pire que d’être inconscient! 
   Néanmoins son cas aura servi à faire avancer l’accès à mourir dans la dignité en certains pays plus évolués, c'est-à-dire non soumis aux dictats des croyances religieuses. Au Canada, les pro-vie et les associations chrétiennes de médecins essaient encore de mettre des bâtons dans les roues (1). Rien n’est acquis. Même combat que pour l’avortement. On ne respecte pas les droits des non-croyants qui par ailleurs ne montent pas aux barricades pour réclamer des accommodements. Peut-être qu'un jour il faudra s'y mettre... 

Photo : Xosé Manuel Albán, 20 février 1995

Résumé – Ramón Sampedro Cameán, né le 5 janvier 1943 dans la commune de Porto do Son en Galice (Espagne) est mort le 12 janvier 1998 à Boiro. Il a milité toute sa vie pour l'euthanasie.
   Devenu tétraplégique à l’âge de 25 ans à la suite d'un accident (plongeon), il s'est battu durant vingt-neuf ans pour le droit à l'euthanasie. Au terme d'une longue bataille juridique qui ne lui permit pas de se voir donner la mort légalement, Ramón Sampedro décida de mettre lui-même un terme à son existence. Le 12 janvier 1998, il se donna la mort avec l'aide de onze amis. Aucun de ses complices ne fut accusé car Sampedro brouilla habilement les pistes, chacun ayant une mission secrète ne l'impliquant pas de façon certaine dans la mort de leur ami : l'un avait les clefs de son domicile, l'autre acheta le cyanure de potassium, le suivant plaça le verre sur la table de nuit, le quatrième plongea la paille et ainsi de suite jusqu'au dernier qui filma Ramón, sourire aux lèvres, quelques secondes avant sa mort.
   Son amie Ramona Maneiro a été arrêtée quelques jours après son décès mais n'a pas été condamnée par manque de preuves. Sept ans après, dès que le délit eut été prescrit, Ramona a admis dans une émission de télévision avoir facilité pour Ramón l'accès au poison ayant causé sa mort et avoir enregistré la vidéo où celui-ci a prononcé ses derniers mots. (Wikipédia)

À voir ou revoir :
La vie de Ramón Sampedro a été portée à l'écran en 2004 dans le film Mar adentro d'Alejandro Amenábar. Précédemment, en 1999, elle avait inspiré un long métrage galicien intitulé Condenado a vivir (Condamné à vivre). 

Dans une vraie société laïque, capable de considérer le corps physique comme une «propriété privée», Ramon Sampedro n’aurait pas été contraint d’élaborer un scénario de la sorte pour épargner ses amis d’éventuelles poursuites judiciaires. Et, il aurait pu mourir en paix et en douceur. Dans son dernier message adressé aux juges et aux autorités politiques et religieuses, il disait : Je considère que vivre est un droit, pas une obligation comme ce le fut pour moi, obligé de supporter cette pénible situation durant 28 ans, quatre mois et quelques jours. 

(1) Les convictions morales ou religieuses des médecins 

Médecine : les objecteurs de conscience demandent à ce que leurs droits soient respectés
   Des associations chrétiennes de médecins affirment qu'il existe d'autres options que l'orientation d'un patient pour permettre à leurs objecteurs de conscience de se soustraire à deux directives de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario qui sont contraires à leurs convictions morales ou religieuses. Ces associations en appellent devant le plus haut tribunal de la province d'une décision d'un tribunal inférieur qui a conclu en 2017 qu'il est justifié de brimer la charte des droits et libertés pour offrir un accès équitable à des services de santé.
   La Société médicale et dentaire chrétienne du Canada, la Fédération des sociétés de médecins catholiques du Canada et l'Association canadienne des médecins pour la vie affirment au contraire que les croyances religieuses de leurs membres sont protégées par la charte et qu'il existe d'autres options pour assister un patient que celle de déléguer ses responsabilités à un collègue qui n'aurait aucune objection de conscience au sujet de questions morales.
(ICI Radio-Canada / info, 21 janvier 2019)
                                          
Au Québec, en 2013, avant l’adoption du projet de loi «Mourir dans la dignité», les regroupements contre l’euthanasie (voulue par le patient) pullulaient : Réseau des soins palliatifs du Québec, Alliance des maisons de soins palliatifs, Association des soins palliatifs,  Société québécoise des médecins de soins palliatifs, Collectif de médecins du refus médical de l’euthanasie, Vivre dans la dignité, Coalition des médecins pour la justice sociale, Rassemblement québécois contre l’euthanasie, etc.

Aide médicale à mourir : le tiers des demandes n’ont pas été administrées
   ...Le rapport déposé mercredi fait dire à des militants pour l’aide médicale à mourir qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. Le président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité est d’avis qu’on pourrait diminuer le nombre de demandes refusées avec des mesures rapides.
   «Il faut absolument travailler à élargir les critères. Les patients qui ont des pathologies chroniques et incurables, des maladies neurodégénératives, doivent obtenir le droit à l’aide médicale à mourir lorsqu’ils le demandent. Il faut faire enlever le critère de fin de vie, tout en gardant les autres critères», insiste le Dr Georges L’Espérance, qualifiant la condition de «médicalement stupide».
   Il demande aussi qu’on oblige les maisons de soins palliatifs à offrir l’aide médicale à mourir. «On a vécu des choses abominables. Un patient qui se fait sortir d’une maison en plein mois de janvier parce qu’il a demandé l’aide médicale à mourir, c’est inacceptable», tonne le médecin, appuyé sur ce point par Yvon Bureau, un autre militant de longue date. «Il faut que ça se termine au plus sacrant pour qu’elles deviennent des maisons de fin de vie, plutôt que de soins palliatifs seulement».
   Les écarts dans l’offre entre les régions du Québec inquiètent aussi les intervenants qui déplorent que les patients de Montréal doivent notamment lutter contre «une forte résistance». «Il y a 2 médecins dans tout le CHUM qui acceptent de le faire. C’est inacceptable», estime le Dr L’Espérance.
(Le journal de Québec, 3 avril 2019) 

COMMENTAIRE :  

J’ai eu l’occasion de fréquenter un zoo de «soins prolongés» puisque ma mère a dû y finir sa vie. Parmi la clientèle en perte d’autonomie, on retrouve à chaque étage un mélange de patients de tous âges. Certains sont totalement lucides, d’autres séniles, d'autres atteints d’Alzheimer, et d’autres souffrent de graves troubles psychologiques. On entend les patients se chamailler, crier, hurler; certains volent, attaquent, et ainsi de suite. Impossible d’avoir la sainte paix en pareil endroit, sauf une fois que tout le monde a été assommé avec des somnifères et des antidépresseurs. Ils font des «crises» parce qu’ils ne veulent plus vivre d’humiliations, avaler leurs médicaments et recevoir des traitements contre leur gré. Mais étant donné leur extrême vulnérabilité, ils sont impuissants face à cette abrutissante routine quotidienne utilisée pour les réprimer.  

«Il faut avoir au moins une certitude : celle de rester maître de sa mort et de pouvoir en choisir l'heure et le moyen.» ~ Milan Kundera (La valse aux adieux

Si le sujet vous intéresse voyez le libellé "Euthanasie".