27 février 2019

La preuve n’est plus à faire

Le monde médical est colonisé par une bactérie mangeuse de déontologie (1) depuis très longtemps. Pourquoi?

Le roman de John le Carré, La constance du jardinier (publié en 2000), se concentre sur les machinations des multinationales pharmaceutiques et leurs alliances politiques. À la fin l’auteur a pris soin (on le comprend) de spécifier que tous les personnages, les entreprises, certains lieux et contextes étaient fictifs. Extrait, p. 487 :
   [...] En ces temps maudits où les avocats dirigent le monde, je dois multiplier ainsi les démentis, en l’occurrence totalement sincères. Aucun personnage de ce roman, aucun organisme ni aucune société, Dieu merci, ne m’a été inspiré  par une personne ou une organisation existante, qu’il s’agisse de Woodrow, Pellegrin, Landsbury, Crick, Curtiss et sa redoutable maison ThreeBees ou MM. Karel Vita Hudson, alias KVH, à une exception près : le merveilleux Wolfgang de l’Oasis Lodge, un personnage qui marque tant ses visiteurs qu’il serait futile d’essayer de lui créer un alter ego. Dans sa royale bonté, Wolfgang n’a émis aucune objection à  ce que j’utilise son nom et sa voix.
   Le Dypraxa n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais. Je ne connais aucun remède miracle antituberculeux récemment lancé ni sur le point de l’être sur le marché africain ou tout autre, si bien qu’avec un peu de chance je ne vais pas passer le restant de ma vie dans des tribunaux ou pire, quoique de nos jours on ne puisse jamais être sûr. Mais je peux vous dire une chose : à mesure que j’avançais dans mon périple à travers la jungle pharmaceutique, je me suis rendu compte que, au regard de la réalité, mon histoire est aussi anodine qu’une carte postale de vacances. [...]

Son histoire anodine offre néanmoins des marqueurs saisissants en rapport avec notre industrie pharmaceutique actuelle, si l’on considère le nombre renversant de médicaments et de produits de santé qui ont été bannis depuis 2000. Nous avons de bonnes raisons de nous inquiéter. On ne peut ignorer les scandales liés au fentanyl et au glyphosate (Roundup Bayer/Monsanto). Lucratif le business pharmaceutique? En 2017, le chiffre d’affaires du titan américain Johnson & Johnson s’élevait à plus de 76 milliards de dollars, celui de Roche (Suisse) à plus de 55 milliards et celui de Bayer Schering Pharma (Allemagne) à plus de 43 milliards. 

Qu’avons-nous besoin de milliers de médicaments tandis que quelques centaines suffiraient?

En France, il existe une Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), un genre de «police sanitaire» dont la principale mission est de «garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie, depuis les essais initiaux jusqu’à la surveillance après autorisation de mise en marché». Sa compétence s’applique aux médicaments, produits biologiques, dispositifs médicaux, produits cosmétiques et de tatouage, et autres https://www.ansm.sante.fr/
   Santé Canada fait sa part :  
Tous les rappels et avis de sécurité concernant les produits de santé

Ce roman nous rappelle aussi à des fraudes de l’aide internationale et des ONG – Haïti, le Venezuela et le Yémen en sont de sinistres exemples. Les crimes contre l’humanité sont légions en ce monde.

Autre similitude : nos histoires de corruption locales. Entre autres, le congédiement de l'agronome Louis Robert par le ministère de l'Agriculture, l’affaire SNC-Lavalin qui se dépatouille dans la fange, ainsi que notre fleuron d'injustice, la Commission Charbonneau – des ex ministres auraient dû répondre à des accusations de corruption, de fraude envers le gouvernement et d’abus de confiance (cadeaux ou financement politique en échange de subventions ou octroi de contrats publics). Mais, aucune poursuite n’a suivi grâce à la géniale option d’évitement de notre système judiciaire : l’arrêt Jordan.
   Bref, la trame du roman peut s’appliquer au fonctionnement de n’importe quel méga système d’exploitation – agraire, pétrolier, minier, etc.

Source : Le Monde 

La constance du jardinier
John le Carré 
Éditions du Seuil, 2001

Des extraits ô combien pertinents en 2019.  

[L’ex ambassadeur suivra la trajectoire de sa conjointe Tessa jusque dans des labos canadiens pour savoir pourquoi et par qui elle a été assassinée au Kenya.]

P. 263 /...
Justin Quayle explore le portable de Tessa.
   Des communiqués de l’Organisation mondiale de la santé.
   Les actes d’obscurs symposiums médicaux organisés à Genève, Amsterdam et Heidelberg sous l’égide des non moins obscurs avant-postes du vaste empire médical onusien.
   Des prospectus vantant des molécules au nom imprononçable et leurs vertus curatives.
   Des notes de Tessa elle-même. Des mémos. Une citation choc du Time Magazine encadrée de points d’exclamation, en capitales grasses, visible de l’autre bout de la pièce par qui a des yeux et les garde ouverts. Une synthèse effrayante pour la galvaniser dans sa quête : en 1993, les essais cliniques se sont soldés par 691 réactions négatives, dont seules 39 ont été signalées aux autorités sanitaires nationales.
   Justin tombe sur une attaque en règle du mot Humanitarisme. À ce qu’il découvre, humanitarisme est le mot clé de Tessa. Dès qu’elle l’entend, elle sort son revolver.
   Chaque fois que j’entends un labo justifier ses agissements par les mots Humanitarisme, Altruisme ou Déontologie, j’ai envie de vomir parce que je lis par ailleurs que les géants pharmaceutiques américains essaient de prolonger la vie de leurs patients pour préserver leur monopole, fixer les prix qu’ils veulent et utiliser le département d’État comme épouvantail afin de dissuader le tiers-monde de fabriquer ses propres produits génériques à une fraction du prix de la version déposée.
[...]
Et la tuberculose, c’est le jackpot – demandez donc à Karel Vita Hudson (KVH). D’un jour à l’autre, les pays les plus riches vont être confrontés à une pandémie tuberculeuse, ce qui fera de Dypraxa la poule aux œufs d’or dont rêve tout bon actionnaire. La peste blanche, la phtisie galopante, la grande faucheuse, la camarde ne se contente plus seulement des miséreux de cette terre. Elle fait ce qu’elle faisait il y a cent ans. Elle plane comme un immonde nuage de pollution dans le ciel de l’Occident, même si les victimes se comptent toujours parmi les pauvres.
   Et au Kenya, comme dans d’autres nations d’Afrique, l’incidence de la tuberculose a été multipliée par quatre depuis l’apparition du virus VIH.
   L’incidence nationale dans les groupes des minorités urbaines surpeuplées serait en constante augmentation. C’est-à-dire en termes compréhensibles par les bourses du monde entier : si le marché de la tuberculose suit les prévisions, il y aura des milliards de dollars à gagner, et qui les fera rentrer c’est le Dypraxa – toujours à condition que le galop d’essai en Afrique n’ait pas révélé d’effets indésirables. Bien sûr.

P. 285
Mégapoles tropicales : des enfers en puissance
Avec la destruction de l’écosystème du tiers-monde par la déforestation sauvage, la pollution de l’eau et des sols et l’exploitation pétrolière effrénée, de plus en plus de communautés rurales du tiers-monde sont contraintes de migrer vers les villes en quête de travail et subsistance. Les experts prévoient la formation de dizaines, voire de centaines, de mégapoles tropicales qui attireront une nouvelle sous-classe ouvrière déshéritée, ce qui entraînera des taux sans précédent de maladies mortelles comme la tuberculose...

P. 388
Curtiss possédait des demeures de Monaco à Mexico, et Donohue les détestait toutes. Il détestait leur puanteur d’iode, leurs domestiques serviles et leurs planchers flottants. Il détestait leurs bars à miroirs et leurs fleurs inodores qui vous zieutaient comme les putes déprimées dont s’entourait Curtiss. Donohue les assimilait aux Rolls-Royce, au Gulfstream et au yacht en un grand tripot vulgaire à cheval sur une demi-douzaine de pays. Mais plus que tout, il détestait cette ferme fortifiée sur les rives du lac Naivasha, ses clôtures barbelées tranchants, ses vigiles, ses coussins en peau de zèbre, ses tommettes, ses tapis en peau de léopard, ses sofas en antilope, son bar avec miroirs éclairés en rose, sa télévision par satellite, son téléphone par satellite, ses détecteurs de mouvement, ses boutons d’appel d’urgence ...

P. 391-392
– Il était en Allemagne la semaine dernière, à fouiner chez une bande de militants gauchises qui asticotent KVH. Si je n’avais pas été bonne poire, il aurait été rayé des listes électorales. Mais vos gars à Londres, ils ne le savent pas, ça, hein? Ils se font pas chier. Ils ont mieux à faire. Je vous parle, Donohue!
– Désolé, Kenny, je ne vous suis plus. Vous me demandez si mon service file Quayle. Je n’en ai pas la moindre idée. Si de précieux secrets d’État sont en danger. J’en doute. Si notre précieuse source sir Kenneth Curtiss doit être protégée. Nous ne vous avons jamais promis de protéger vos intérêts commerciaux, Kenny. Permettez-moi de vous le dire, je ne crois pas qu’il y ait une institution au monde, financière ou autre, qui s’y engagerait. Et qui survivrait.
– Je vous emmerde! Hurla Curtiss. Je peux enterrer votre putain de Service à moi tout seul si je veux, vous le savez, ça?
– Mais mon cher ami, je n’en n’ai jamais douté.
– Les mecs qui vous paient, je les invite à déjeuner. Je leur organise des soirées sur mon yacht à la con. Et allons-y les filles, le caviar, le champagne. En période électorale, c’est moi qui leur donne leur siège. Et allons-y les voitures, les biftons, les secrétaires à gros nichons. Je traite avec des sociétés qui font dix fois plus de fric que votre boîte n’en dépense en un an. Si je leur disais ce que je sais, vous seriez cuits. Alors, je vous emmerde Donohue.
[...]
– Pourquoi vous me faites ça? J’ai le droit de savoir! Je suis sir Kenneth Curtiss, bordel de merde! Tiens que l’année dernière, j’ai versé un demi-million de livres dans les caisses du parti, putain! Et à vous, le Renseignement britannique de mes deux, je vous ai fourni des infos en or! Je vous ai gracieusement rendu certains services d’un genre très, très spécial. Je...

P. 424/429  
– Qui vous a dit de le passer à la trappe, Sandy?
– Pellegrin, qui d’autre? «Brûlez-le, Sandy. Brûlez-en tous les exemplaires.» Ordre du trône. Je n’en n’avais gardé qu’un, je l’ai brûlé. Vite fait bien fait. Le bon élément, voyez-vous. Attentif à la sécurité. Comme je ne faisais pas confiance aux concierges, je l’ai emporté de mes blanches mains dans la salle des chaudières, et je l’ai balancé dans les flammes. Bien entraîné. Premier de classe.
– Porter savait?
– Mmoui, en gros. Sans approuver. Il n’apprécie pas Bernard. C’est la guerre ouverte entre eux. Enfin, ouverte façon Foreign Office. [...]
– Pellegrin a dit pourquoi vous deviez le faire disparaître, le brûler? Brûler tous les exemplaires?
[...]
– Avez-vous pensé à demander à Pellegrin pourquoi il fallait détruire le document? ...
– Pour faire une pierre deux coups, d’après Bernard. Il y avait des intérêts britanniques en jeu, déjà. Il faut bien protéger les siens.
– Vous l’avez cru? ...
– Je l’ai cru pour ThreeBees, évidemment. Le fleuron de l’industrie britannique en Afrique, le joyau de la Couronne, Curtiss, le chouchou des dirigeants africains, qui se distribue des pots-de-vin à droite et à gauche – c’est un trésor national, ce type. En plus il fricote avec la moitié du Cabinet, ce qui ne lui fait pas de mal.
– D’une pierre deux coups, vous disiez?
– KVH. Les types de Bâle nous faisaient la danse des sept voiles en laissant entendre qu’ils pourraient ouvrir un complexe chimique dans le sud du Pays de Galles, un autre à Cornouailles d’ici trois ans, et un troisième plus tard en Irlande du Nord. Richesse et prospérité pour nos régions en difficulté. Mais si on balançait tout sur le Dypraxa, terminé.
– Si on balançait tout?
– La molécule en était encore au stade des essais. Elle l’est toujours, en théorie. Si elle tue quelques patients condamnés, où est le drame? Elle n’était pas brevetée en Grande-Bretagne, donc pas de problème, si? Enfin, bon Dieu, Justin, il faut bien les tester sur quelqu’un, les médicaments, non? Et alors, on choisit qui, hein? Les étudiants en gestion de Harvard? ...
   Enfin, merde! Ce n’est pas le boulot du Foreign Office d’évaluer la sécurité des médicaments de synthèse! Il est censé graisser les rouages de l’industrie britannique, pas aller raconter partout qu’une compagnie britannique implantée en Afrique empoisonne ses clients. Vous connaissez la règle du jeu. On n’est pas payés pour faire du sentiment. Et ces gens qu’on tue seraient morts de toute façon. Regardez donc le taux de mortalité qu’ils ont, ici – non que ça intéresse grand monde, d’ailleurs. ...
– Les preuves étaient confondantes. Curtiss en a eu vent et a fait monter une opération de couverture par son homme de main. Mais Tessa et Bluhm ont aussi enquêté là-dessus. Ils sont retournés voir les gens qu’ils avaient interrogés : plus personne. Alors ils ont consigné dans leur rapport que non seulement ThreeBees empoisonnait les gens, mais en plus ils détruisaient les preuves après coup. «Ce témoin a disparu depuis notre rencontre. Ce témoin a été accusé de crime depuis notre rencontre. Ce village a été vidé de ses habitants.» Ils on fait très fort.
[...]
– Et à la lecture de ce rapport dont vous avez dû flairer l’authenticité, vous n’avez toujours pas éprouvé le besoin de dire quoi que ce soit aux Kenyans?
– Nom de Dieu, Quayle! Ça vous arrive souvent de mettre votre plus beau costume et de vous propulser au quartier général de la police locale pour les accuser d’orchestrer une opération de couverture en échange d’une obole de Kenny K? Ce n’est pas comme ça qu’on se fait des amis et qu’on influence les gens sous le soleil de Nairobi.
– J’imagine qu’il y avait aussi des données cliniques?
[...]
Des observations. Sur trente-sept cas en tout. De A à Z. Noms, adresses, traitement, date et lieu de l’enterrement. Les mêmes symptômes chaque fois. Somnolence, cécité, hémorragies, défaillance hépatique, bingo.
– Et KVH contestait des données?
– Non scientifiques, inductives, biaisées, tendancieuses... hyper-sensibilisées. Ça veut dire qu’on est trop sensible pour être fiable.

P. 455
Suivis à distance par Arthur et sa cour, Lorbeer et Justin arrivent à un dispensaire au toit de chaume qui rappelle un clubhouse provincial de cricket. Se frayant gentiment un chemin au milieu de malades qui hurlent, Lorbeer conduit Justin devant un rideau en acier gardé par deux Africains costauds en tee-shirt de Médecins sans frontières. On tire le rideau. ... Une auxiliaire médicale blanche et trois assistants mélangent et dosent des ingrédients derrière un comptoir en bois. Il règne une atmosphère de crise permanente mais contrôlée. [...]
   – Un généreux et philanthropique labo du New Jersey a fait don de ce produit aux nations pauvres et affamées du monde. [...] Pourquoi le labo a-t-il fait don de ce médicament? Parce qu’ils en ont fabriqué un meilleur et que l’ancien encombrerait le stock. Alors ils en font don à l’Afrique malgré la date de péremption à six mois et ils obtiennent un avantage fiscal de quelques millions de dollars pour leur acte de générosité. Sans compter qu’ils s’épargnent au passage quelques millions en stockage et en frais de destruction de médicaments invendables. Et en prime, tout le monde dit : «Oh, regardez ce qu’ils sont gentils», y compris les actionnaires... Ce lot est resté trois mois à la douane de Nairobi, le temps que les douaniers se fassent graisser la patte. Il y a environ deux ans, le même labo a expédié en Afrique des lotions capillaires, des remèdes antitabac et des coupe-faim. Ces salauds sont dépourvus de tout sentiment, sauf pour le dieu Profit. Voilà la vérité. [...]
   Ces mecs prétendent faire de l’humanitaire! Avec leur boulot pépère, leur salaire net d’impôts, leur retraire, leur belle voiture, les écoles internationales gratuites pour leurs gosses! Si souvent en déplacement qu’ils n’ont même plus le temps de dépenser leur fric. Je les ai vus, moi, faire des gueuletons dans des grands restaurants suisses avec les jeunes lobbyistes des labos. Pourquoi ils se mouilleraient au nom de l’humanité? Genève a quelques milliards de dollars à claquer? Génial! Donnons-les aux grands labos et faisons le bonheur des Américains!

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(1) Le laboratoire de microbiologie de Winnipeg (Manitoba) collectionne et/ou ressuscite les virus les plus dangereux (en principe éradiqués) en vue de répondre à de potentielles situations d’urgence. Il y a quelques années j’ai vu un documentaire sur un des laboratoires LNM situé en Alberta. Il était question du virus de la variole – absolument terrifiant! 

Catégorie hommes de science sans conscience, éligibles à des Prix Darwin. 
[Les Prix Darwin (Darwin Awards) saluent l'amélioration du génome humain en récompensant ceux et celles qui se sont accidentellement retirés du patrimoine génétique global en mourant à la suite de comportements particulièrement stupides de leur part. Les prix sont donc généralement décernés à titre posthume, mais parfois à des vivants devenus stériles pour la même raison. http://www.darwinawards.com/ ]   

En 2017, le gouvernement fédéral annonçait un financement de cinq millions de dollars pour le Laboratoire national de microbiologie du Canada (LNM) de Winnipeg afin reconfigurer l'espace et agrandir les lieux.
   Les cinq millions de dollars seraient utilisés pour convertir l'espace de laboratoire actuel de niveau de confinement 3 en «niveau de biosécurité le plus élevé», déclarait le gouvernement fédéral dans un communiqué de presse. L'établissement abrite déjà un laboratoire de niveau 4, qui sera agrandi grâce à cet investissement. Les laboratoires de confinement 4 sont équipés pour mener des diagnostics, mener des recherches et développer des vaccins.
   L'installation de Winnipeg est l'un des laboratoires nord-américains manipulant des agents pathogènes qui nécessitent le plus haut niveau de confinement. Il abrite également le Centre national des maladies animales exotiques de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. (Source : ICI Radio-Canada nouvelles, juillet 2017)

La ligne rouge
Marie Lambert-Chan
Québec science | 29.03.2018

Des chercheurs de l’Alberta ont ressuscité le virus de la variole équine. Une étude troublante qui soulève d’importantes questions éthiques.

L’histoire s’apparente à la prémisse d’un scénario hollywoodien : à l’aide de fragments d’ADN achetés sur Internet, deux scientifiques recréent en laboratoire la variole équine et en publient la «recette», ainsi disponible pour quiconque voudrait reproduire la forme humaine du virus qui a tué près de 300 millions de personnes avant d’être éradiqué en 1979. Malheureusement, cela n’a rien d’une histoire de science-fiction : en janvier dernier, deux virologues de l’université de l’Alberta ont publié dans PLOS One une telle feuille de route.

Personne ne les a arrêtés. Ni le comité d’éthique de leur établissement, ni l’Organisation mondiale de la santé (OMS) où ils ont présenté leurs travaux en 2016, ni le comité de révision de la revue savante, ni les autorités des agences canadiennes de la santé publique et d’inspection des aliments que les chercheurs disent avoir consultées... La variole a pourtant tué plus de personnes que toutes les autres maladies infectieuses réunies.

Doit-on tout publier? Y a-t-il des cas extrêmes où l’on doit tracer une ligne rouge?

À l’heure où le bioterrorisme est considéré comme une menace grandissante et où les risques de pandémie n’ont jamais été aussi élevés, comment est-il possible qu’aucune de ces entités n’ait davantage contesté la pertinence de ces travaux, et ce, en dépit des avertissements lancés par de nombreux experts en biosécurité ?

Les scientifiques albertains ont concédé que leur recherche tombait dans la catégorie du «dilemme du double usage», c’est-à-dire qu’elle peut être utilisée pour faire le bien comme le mal. Évidemment, à leurs yeux, ils poursuivent un noble objectif : concevoir un meilleur vaccin contre la variole et explorer une technologie qui pourrait les aider à produire des vaccins anticancéreux. Cela dit, leurs arguments tiennent difficilement la route. Le vaccin antivariolique a fait ses preuves. Pourquoi en produire un autre, surtout lorsqu’on ne recommande plus l’immunisation systématique de la population? Parce que l’étude est financée par une compagnie pharmaceutique, Tonix, qui espère commercialiser le futur vaccin.

Par ailleurs, sous le vernis des bonnes intentions des chercheurs se cachent des détails inquiétants qui ont émergé à la faveur du travail de journalistes américains. Le chercheur principal, David Evans, n’avait pas besoin de recréer le virus en laboratoire puisqu’il existe un spécimen dans les congélateurs des Centers for Disease Control and Prevention. Il a même demandé à l’obtenir, pour ensuite abandonner sa requête, jugeant que ce virus n’aurait pas été aussi efficace pour mettre au point un vaccin sécuritaire, d’où le besoin d’en synthétiser un de toutes pièces. Mais est-ce vrai? Rien ne le prouve. Qui plus est, le doute est permis; car David Evans a admis qu’il souhaitait prouver au monde que la synthèse de la variole équine était faisable. C’est ce qu’il a affirmé, selon des témoins, pendant une réunion du comité consultatif de l’OMS de la recherche sur le virus variolique où il siégeait en compagnie d’un autre chercheur qui a présidé le comité de révision de la revue PLOS One. Ce même comité qui a approuvé unanimement la publication de l’étude, alors que les revues Science et Nature Communications l’avaient refusée.

Cette saga soulève d’importantes questions qu’on ne peut plus ignorer. La science ne pourrait évoluer sans la liberté académique, soit. Mais doit-on tout publier? Y a-t-il des cas extrêmes où l’on doit tracer une ligne rouge? Si oui, qui est responsable? Ne devrait-on pas réfléchir à des mécanismes d’approbation et de surveillance qui impliqueraient à la fois les universités, les gouvernements, les organismes de subvention de la recherche, les journaux scientifiques, les organisations internationales et le privé? Trouver des réponses à ces questions est drôlement plus urgent que de mettre au point un nouveau vaccin contre un virus qui a disparu il y a 40 ans.

Un sommet de «pères verts»

La curie vaticane et ses grands défenseurs de la moralité sont au pied du mur.

«Les gens sont très enclins à établir des standards moraux pour les autres.» ~ Ralph Waldo Emerson

Hypocrite : Celui qui, professant des vertus qu'il ne respecte pas, s'assure l'avantage de paraître être ce qu'il méprise. ~ Ambrose Bierce (Le dictionnaire du Diable)

Non seulement devons-nous subir la pollution industrielle, mais aussi la pollution religieuse fondamentaliste de plus en plus envahissante (toutes religions confondues). Si les religions n’avaient aucun pouvoir politique et rendaient les croyants meilleurs, on ne s’en plaindrait pas, mais...

Comme je ne veux pas m’étendre sur les répugnantes perversions du clergé catholique, déjà abordées dans plusieurs articles regroupés sous le libellé «Religions», voici simplement quelques extraits et citations.

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«Qu’y a-t-il de mal à susciter une aversion intense envers la religion, si les activités de cette religion sont tellement scandaleuses, irrationnelles ou à l’encontre des droits humains qu'elles méritent d'être intensément détestées?» ~ Rowan Atkinson

L’avocat américain Jeff Anderson, qui s’attaque à l’Église catholique depuis plus de 30 ans, avait, en 2015, mené quelque 1500 poursuites dans plusieurs États. Il connaît le modus operandi de l’Église catholique et des communautés religieuses : «L'Église catholique est une énorme entreprise commerciale. [...] Ils ont d’immenses richesses, de nombreuses propriétés et investissements, mais ils en cachent une grande partie pour la mettre à l’abri des réclamations des victimes», disait-il en 2015.
   Le gouvernement Québécois a versé 84 millions de dollars en indemnisation aux orphelins de Duplessis. Les communautés religieuses mises en cause et l’Église catholique n’ont rien payé. Et elles n’ont pas présenté d’excuses.

Photo : Reuters / Yara Nardi. Des manifestants ont défilé dans Rome pour protester contre la culture du silence sur les agressions sexuelles au sein de l'Église catholique.

Comment les victimes peuvent-elles vivre avec ces traumatismes, ces atteintes à l’intégrité et aux droits de la personne, sans que justice soit rendue? L’Église catholique a choisi de protéger son statut et sa réputation au lieu de protéger les droits des enfants. Les compensations financières ne rendent aucunement justice aux victimes – elles achètent leur silence. Point.
   Au Canada, les institutions religieuses catholiques et protestantes ont longtemps caché les agressions sexuelles commises dans les orphelinats pour enfants «illégitimes» et les pensionnats autochtones. Rappelons que 150 000 enfants autochtones ont été arrachés à leur famille et placés dans des pensionnats pour la plupart sous l’égide de différentes communautés religieuses.  
   Témoignages de pensionnaires (Commission vérité et réconciliation) :
   «Ils me couraient après, m'attrapaient et m'amenaient à ce pédophile pour qu'il puisse m'agresser, profiter de moi comme il le voulait. Et on vivait dans la peur permanente.» ~ Richard Hall
   «On me sortait chaque soir. Et ça a continué jusqu'à ce que j'aie environ 12 ans. Et il y avait plusieurs superviseurs, des hommes et une femme. Et c'était dans le dortoir, c'était dans leur chambre; c'était dans l'abri d'auto; c'était dans son auto à lui; c'était dans le gymnase; à l'arrière du véhicule...» ~ Frances

Le plus terrifiant chez les agresseurs sexuels religieux, c’est que leur déviance n'est pas toujours évidente. Habituellement, ils ont l’air d’être gentils et normaux... jusqu'à ce qu'ils soient dénoncés. Ces histoires nous rappellent que la réputation d'un individu – et même sa place dans une communauté religieuse – ne l’empêche pas de commettre des actes honteux et méprisables. En réalité, son statut lui procure une impunité qui lui permet de perpétuer l’ignominie. (Friendly Atheist)

 
Aidez votre pédophile local. Fréquentez une paroisse catholique. 

Grâce au Pennsylvania Grand Jury’s Report, on a pu mettre des noms et des visages sur les prêtres ayant agressé sexuellement des enfants. En août dernier, j’ai passé plus de deux heures à éplucher ce rapport abominable qui concernait seulement la Pennsylvanie. Les scandales sexuels ne cessent d’éclabousser l’Église catholique. Quelle est l’ampleur du problème? Je me demandais à quoi ressemblerait un rapport couvrant tous les pays chrétiens – catholiques, protestants, évangélistes.

De toute évidence, les prêtres ont compris de travers la phrase du christ «laissez venir à moi les petits enfants».

Un pasteur américain déclarait l’été dernier «Dieu incendie la Californie à cause des homosexuels»... Il devrait lire Sodoma. Enquête au coeur du Vatican (In the Closet of the Vatican: Power, Homosexuality, Hypocrisy) du journaliste et sociologue français Frédéric Martel, publié en sept langues et lancé dans 20 pays. L’ouvrage documente l’homosexualité généralisée au sein du clergé catholique.

In the Closet of the Vatican: Power, Homosexuality, Hypocrisy
Some years ago a well-placed German Catholic priest sent me a long letter denouncing a network of gay clergy supposedly centred around Pope Benedict XVI’s private secretary, Archbishop Georg Gänswein. In official Catholic teaching it is not a sin to be gay, although the inclination is “an objective moral disorder”; but it is sinful to act on this inclination. How sinful depends on your confessor. The result is that gay clergy are officially innocent until guilty but in gossip guilty until proven innocent – which of course they never quite can be. Most of the men cited were identified only by their initials, and the sender himself hoped to remain anonymous. But with patience and the help of friends, I worked out who all the initials belonged to and tracked the author to his cathedral. He denied everything and expressed surprise that a reputable newspaper should be interested in such gossip. I will not easily forget his smirk as he said this.
   It was a glimpse of the poisonous world that Frédéric Martel, himself gay, has spent five years researching for this book.

De nos jours, pouvoir faire confiance à quelqu’un est un miracle!

Source ICI Radio-Canada nouvelles :

Février 2019 – Le pape François a défroqué l'ex-cardinal américain Theodore McCarrick, 88 ans, accusé d'abus sexuels il y a près d'un demi-siècle, une première historique qui conclut une spectaculaire descente aux enfers d'un prélat jadis très influent.
   C'est la première fois dans la longue histoire de l'Église catholique qu'un cardinal est défroqué pour des motifs d'abus sexuels.
   Le cardinal McCarrick, un prêtre qui fut promu évêque et archevêque dans l'archidiocèse de New York avant de partir pour Washington en 2001, était l'un des cardinaux américains les plus en vue à l'international. Il a été longtemps très influent pour lever des fonds américains pour le Saint-Siège.
   Bien qu'officiellement retraité, il continuait à voyager, notamment pour défendre des questions de droits humains. Il avait été particulièrement en pointe pour exiger des réformes pour sévir contre les prêtres pédophiles aux États-Unis.
   «Où est aujourd’hui l’ex-cardinal Theodore McCarrick? Dans un monastère où, on imagine, il doit méditer sur ce que lui réservent les dernières années de sa vie. Indépendant de fortune, dit-on, il ne croupit nullement dans une prison sombre et humide, menacé par ses codétenus.» ~ Alain Crevier, animateur de Second regard, ICI Radio-Canada

Octobre 2018 – Le pape François a défroqué deux évêques chiliens accusés d'abus sexuels sur des mineurs, au moment où l'Église catholique est plongée dans un scandale sans précédent dans ce pays d'Amérique du Sud et au niveau mondial.
   François avait déjà défroqué le mois dernier Fernando Karadima, un prêtre de 88 ans accusé d'avoir abusé d'adolescents pendant des années et au centre du scandale que traverse l'Église chilienne.
   Il a aussi accepté la démission d'une dizaine d'autres évêques chiliens. En mai, les 34 évêques du pays avaient proposé de démissionner collectivement après une réunion de crise sur cette affaire au Vatican.

Septembre 2018 – Le chef de l'Église catholique en Allemagne, le cardinal Reinhard Marx, a demandé pardon mardi aux milliers de victimes d'agressions sexuelles de la part de religieux, des actes qui remontent parfois à près de soixante-dix ans.
   L'Église était consciente de l'ampleur de ces crimes. «Nous sommes accablés et honteux», avait-il précisé.
   L'étude, qui porte sur plus de 38 000 dossiers étudiés dans 27 diocèses, montre que plus de la moitié des victimes étaient âgées de 13 ans ou moins.
   Un sixième des cas environ concerne des viols. Les trois quarts des victimes ont été agressées dans une église ou à l'occasion d'une rencontre avec leur agresseur dans le cadre d'activités pastorales.
   Dans de nombreux cas, des preuves ont été détruites ou manipulées, ajoute le document.

Mes pensées de sincère dégoût aux agresseurs sexuels catholiques, et damnation éternelle au feu de l’enfer tel que la Bible le décrit.


Sauvons les enfants, bannissons les religions!

C’est durant l’enfance que nous sommes le plus impressionnables; notre conscience n’est pas marquée par l’expérience. La quantité d’impressions qui s’accumulent en nous est imposante. Les psychologues spécialistes du comportement estiment que les signaux verbaux acquis grâce à nos parents dans notre tendre enfance, qui continuent à défiler dans nos têtes comme de vieux vinyles usés, correspondent à eux seuls à plus de 25 000 heures de pur conditionnement. Ce qui peut laisser des empreintes indélébiles.
   Au conditionnement parental, s’ajoute ensuite le conditionnement socioculturel, scolaire, et religieux si vos parents sont croyants. Nous apprenons à copier/coller des comportements, attitudes, croyances et opinions que nous ne sommes pas en mesure d’évaluer et que nous prenons pour acquis. Comment faire la part des choses? Nous sommes vulnérables, littéralement des éponges, et aucun recoin de notre conscience n’est épargné. Ce bagage porte la couleur de la société dans laquelle nous évoluons.

Avez-vous déjà vu des tueurs-kamikazes athées se faire sauter en public pour tuer le plus de croyants possible afin de promouvoir l’athéisme? À ma connaissance, il n’existe pas de «fous de l’athéisme».
   Sans idéaliser l’athéisme, en général les athées honorent la liberté d’expression, l’égalité entre hommes et femmes, le raisonnement scientifique, et respectent les intellectuels, les homosexuels et les croyants. En tout cas, les croyants n’ont pas à craindre une potentielle conquête du monde par les athées.
   Tout au long de l’histoire, les humains ont commis des génocides, alors, il n’est pas nécessaire d’avoir une imagination particulièrement morbide pour penser que ceux qui veulent en commettre prendront tous les moyens pour y arriver. Comme il y a toujours eu des gens prêts à mourir pour des causes. Là où le bât blesse, c’est quand des factions, drapées dans leur bon droit, entendent nous imposer leurs doctrines. Ainsi, ce ne sont pas les races et les ethnies elles-mêmes qui éveillent l’animosité (ou la phobie) mais plutôt leurs tentatives barbares, cruelles et arriérées de soumettre autrui à leurs convictions religieuses, nationalistes ou politiques.
   Le contrôle politico-religieux, basé sur des doctrines de conception humaine, reste le dénominateur commun de nos vains et récurrents débats autour de la laïcité, de la religion, de la foi et de l’athéisme.
   Si une idéologie religieuse, sectaire, politique, économique, sexiste, suprémaciste, etc., pousse un individu à tuer ses semblables, il peut toujours troquer sa doctrine pour quelque chose de plus viable, s’il est prêt à réévaluer objectivement son adhésion.


Aide-mémoire propice à la remise en question :   

«Une croyance est l’œuvre de notre esprit. Elle est humaine et nous la croyons Dieu», disait Fustel de Coulanges (1830-1889). Ce dernier, dans son ouvrage La Cité antique, mettait en lumière les rapports entre la propriété et les institutions politico-religieuses : «Les anciens ne connaissaient ni la liberté de la vie privée, ni la liberté de l’éducation, ni la liberté religieuse. La personne humaine comptait pour bien peu de chose vis-à-vis des autorités presque divines de l’Église et de l’État.»

Croyance : une croyance est une chose qui nous tient à cœur parce que nous pensons qu’elle est vraie; les croyances sont généralement acquises par lavage de cerveau parental, socioculturel, politique, religieux, médiatique, etc. (La quantité d’impressions qui s’accumulent en nous est imposante. Les psychologues en recherche comportementale ont estimé que les signaux verbaux acquis de nos parents durant l’enfance, et qui continuent à défiler dans nos têtes comme des vieux disques usées, correspondent à eux seuls à plus de 25 000 heures de pur conditionnement.) 

Religion : reconnaissance par l’homme d’un pouvoir ou d’un principe supérieur de qui dépend sa destinée et à qui obéissance et respect sont dus; attitude morale qui résulte de cette croyance, en conformité avec un modèle social, et qui peut constituer une règle de vie – incluant assez souvent des rituels, des objets de culte et des codes vestimentaires spécifiques.

Doctrine : ensemble de notions qu’on affirme être vraies et par lesquelles on prétend fournir une interprétation des faits, et orienter ou diriger l’action. 

Dogme : point de doctrine établi ou regardé comme une vérité fondamentale, incontestable – dans une religion, une école philosophique, etc.

20 février 2019

L’élite économique vue par Boucar Diouf

Un article de notre ami Boucar publié il y presque deux ans. On y retrouve les mobiles du mouvement Gilets Jaunes en France (1).

«Quand l’argent est sale... il pue! Mais il y a toujours des solutions pour qu’il n’ait plus d’odeur : ON LE BLANCHIT!» (Expressio.fr, ‘L’argent n’a pas d’odeur’)

Les dérives de l’élite économique planétaire

Boucar Diouf | Humoriste, conteur, biologiste et animateur

OPINION | La Presse+ | Le 8 avril 2017

Les puissants nomades, c’est l’élite planétaire qui gère les multinationales. Des gens sans appartenances particulières, parce que leurs affaires transcendent les frontières et que leur pognon pénètre parfois le nuage à l’abri du fisc.

Certaines de ces baleines bleues de l’économie sont si énormes qu’elles n’ont plus de prédateurs. Aux gouvernements, elles demandent des subventions, des baisses et des crédits d’impôt, un assouplissement des règles de protection de l’environnement, des tarifs d’électricité plus bas, etc.
   Elles réclament des carottes en brandissant le bâton de la menace de déménager leurs affaires ailleurs, où le tapis qui leur est déroulé est plus rouge et plus large. Bien des États se mettent alors au service de ce pouvoir financier au nom du diktat de cette croissance économique qui profite au sommet, mais très rarement au tronc et aux branches qui font pourtant la grosseur de l’arbre de la création de la richesse. Tout pour les patrons et des miettes pour les travailleurs.
   Que voulez-vous? Si on veut attirer les meilleurs d’entre eux, il faut mettre beaucoup de millions sur la table. Ce n’est pas moi qui fais cette affirmation, mais un des leurs qui s’appelle Alain Bellemare.
   Il faut, a-t-il dit devant la presse, des salaires semblables à ceux que la population dénonce pour attirer les meilleurs.
   De cette crème de la crème, il y a évidemment celui qui dit : «Il était une fois un gars qui racontait qu’en matière d’humilité, il n’y a pas grand monde qui lui arrive à la cheville.» Pourtant, parmi ces décideurs, il y a des gens qui sont beaucoup plus influents que compétents. Pour cause, le plus important, c’est d’avoir des amis dans les milieux du pouvoir à qui on peut parler et plaider la cause de la multinationale en échange du gros salaire qu’on reçoit. Si les ex-politiciens influents sont bien prisés dans ce groupe sélect, c’est bien plus pour leurs relations tentaculaires que la compétence extraordinaire dont parle M. Bellemare.
   En plus de manipuler les nations et de les saigner à blanc au profit des actionnaires, cette élite mondiale des affaires ne veut pas voir un État posséder un business juteux.
   Dans ce capitalisme-là, tout lucratif bien commun doit faire l’objet d’une prédation par les intérêts privés. Tapis dans l’ombre, ils salivent en regardant des fleurons comme Hydro-Québec et la Société des alcools du Québec. Ils poussent aussi des pions pour dire à nos gouvernants pourquoi ils devraient les privatiser.
   Certains de leurs amis et pions politiciens sortiront alors pour parler de l’importance de la compétition en répétant que ce sera bon pour les consommateurs. Devant ces élus qui disent vouloir notre bien, alors qu’ils défrichent souvent pour leurs anciens employeurs ou préparent leur future place au soleil, seule une mobilisation populaire provoque le recul.
   Quand le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, glisse dans le projet de loi omnibus C-29 une disposition qui permet aux banques de contourner la loi sur la protection du consommateur du Québec, il semble déblayer le terrain pour ses amis banquiers qui l’accueilleront à bras ouverts avec un gros salaire après son passage en politique.
   Moi, je préfère de beaucoup le monopole de la SAQ à une privatisation qui enrichirait quelques individus certainement plus intéressés par l’oseille que par le vin.
   La SAQ, en plus de donner de bons emplois à des gens d’ici, rapporte annuellement plus de 1 milliard dans le bas de laine des Québécois. L’exposer à la concurrence agressive ou la privatiser est une façon de permettre à des déjà très riches d’engranger une partie de l’argent qui nous revenait à tous.
   Contester l’efficacité de la SAQ ou d’Hydro-Québec est une chose, mais essayer de nous convaincre que les privatiser serait bon pour le consommateur est une grande entreprise de mystification. J’aime le modèle d’affaires de la SAQ parce qu’à Matane, Rouyn ou Westmount, la Société respecte également le consommateur et lui offre à la fois une belle diversité et une grande expertise.
   De toute façon, toute compétition dans ce domaine est aussi le début d’un cannibalisme qui, tôt ou tard, aboutit à l’émergence d’un plus gros qui force très souvent les plus petits à baisser pavillon. La mondialisation des économies est une chaîne alimentaire dans laquelle chacun mange celui qui le précède avant de devenir la nourriture de celui qui le suit.
   À la fin, il restera seulement les super-prédateurs dirigés par cette élite économique planétaire qui, en plus d’être réfractaire aux frontières, encourage les marchés ouverts et les accords commerciaux.
   Bien conscients qu’il est plus facile de manipuler des gens quand ils avancent en vagues dispersées, les politiques de division à la mode font aussi leur affaire. S’ils parlent d’ouvrir largement les frontières à l’immigration, ce n’est pas par souci pour le sort des damnés de la terre. Ils pensent plutôt à cette main-d’œuvre bon marché et non revendicatrice qui leur fera engranger toujours plus de profits.
   Ces fossoyeurs de la démocratie ont tant abusé qu’aujourd’hui, les contrecoups de leur irresponsabilité sont perceptibles partout. Les frontières qu’ils voulaient abolir deviennent des murs, le nationalisme et le repli identitaire explosent, et le monde est de plus en plus violent, car toutes ses richesses sont entre les mains d’une minuscule poignée d’individus qui vit dans un monde parallèle.
   Sinon, comment expliquer que dans le conseil d’administration de Bombardier, personne n’a vu venir la réaction populaire aux faramineuses augmentations de salaire? Personne de ce groupe sélect n’était assez sensé et connecté à la réalité pour dire : «Je crois que ce n’est pas une bonne idée de se voter des salaires si élevés quand la population s’est privée et a même souffert pour nous donner autant d’argent.»

(Les passages en gras sont de mon initiative)

Le masque démocratique tombe

Francis Lagacé | Le 10 février 2019

Pendant les Trente Glorieuses, le libéralisme économique a eu besoin du prétexte démocratique afin de détourner la main d'œuvre des projets socialistes, surtout après la contribution importante du monde communiste à la victoire contre l'Axe. L'invention de la social-démocratie alloua ce qu'il faut de corde pour créer une entente entre les «partenaires sociaux», ce qui permit au capitalisme de continuer à se développer sans trop agiter le mécontentement, les suites des réformes keynésiennes aidant.
   Mais, comme l'a déjà dit un ministre du gouvernement québécois, la démocratie, vous savez, c'est compliqué, il faut discuter, écouter, prendre des décisions ensemble, ça ne va pas assez vite. L'oligarchie ploutocratique, qui se partageait déjà le monde et son bassin de consommatrices-consommateurs séduits par la liberté de choix dans les étalages, voulut asservir plus vite, plus fort et plus complètement les différentes ressources de la planète : mines d'abord, mais aussi forêts, faunes terrestre, marine et humaine, qui doivent faire tourner la machine en travaillant toujours plus pour consommer toujours plus. L'évangile était déjà écrit : «Travaille, consomme, tais-toi!» [...]  
   Le masque démocratique est devenu de moins en moins nécessaire et les tactiques dictatoriales se firent de plus en plus courantes dans les démocraties dites libérales en les présentant sous des formes attrayantes comme le «nouveau management public», la «qualité totale», la «réingénierie», la «bonne gouvernance». La gouvernance (comme l'explique bien Alain Deneault dans son livre Gouvernance, le management totalitaire) est un piège qui consiste à faire valider par des élections un système de gestion anti-démocratique où les ploutocrates se cooptent et veillent à faire approuver par des politiques intéressés des règles qui les favorisent. C'est la base du fonctionnement des Commission européenne et autres Organisation mondiale du commerce. On impose alors cette gouvernance aux organismes publics et aux pays que l'on pille sans vergogne. Les mouvements ouvriers, pris dans le piège de la concertation, deviennent alors les spectateurs impuissants du raccourcissement de leurs chaînes. [...]
   Il n'y a pas non plus beaucoup de différence entre Poutine, Trump et Macron qui, tous trois, se voient comme des Messies de la bonne parole (religion nationale pour le premier, religion économique pour les deux autres). Les trois sont des partisans de la manière forte d'imposer la volonté hégémonique capitaliste. Ils ne sont juste pas dans le même camp. Cacher sa dictature plus ou moins soft dans laquelle les entreprises peuvent poursuivre l'État, mais pas l'inverse et dans laquelle les citoyens sont considérés comme quantité négligeable, sous celle (présumée ou réelle) des autres ne la rend pas moins détestable. [...]

Caricature : Serge Chapleau | La Presse 23.12.2018

Macron a d'ailleurs osé déclarer lors de ses vœux du nouvel an que le peuple n'était souverain que dans le geste de voter une fois tous les cinq ans. Il confond légitimité et résultat électoral. Mais le peuple a compris que le «gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple», ça veut dire qu'on peut retirer son appui à tout moment, sinon ce n'est pas de la démocratie, mais de la dictature électorale. C'est ce qui explique la contradiction radicale, fondamentale et irréconciliable entre les Gilets Jaunes et le pouvoir, qui cherche à se maintenir par la force et la répression puisqu'il estime avoir «gagné le jeu» et est absolument incapable de comprendre qu'on en est plus aux questions procédurales. Dans l'intelligence citoyenne, la force des arguments l'emporte; chez les brutes, c'est l'argument de la force.
   C'est ainsi que les gouvernements libéraux sont de plus en plus répressifs et que les initiatives citoyennes courent toujours le risque d'être récupérées, car le pouvoir souffre de cette irrémédiable obstination à vouloir se maintenir à tout prix. De là, l'arsenal et la force militaro-policière qui entoure les rencontres du G7 (et ses divers avatars). Répression d'autant plus nécessaire et serrée à mesure que les travailleuses et travailleurs sont mis en concurrence avec les robots, lesquels servent désormais de modèles au comportement attendu du subordonné : rapidité, flexibilité, pensée procédurale, substituabilité, silence, absence de contestation.
   Si des mouvements comme celui des Gilets Jaunes émergent, il faut rendre grâce à l'intelligence du peuple qui, d'abord atteint dans sa vie privée, se rend compte que c'est un déficit de justice sociale qui est à l'origine du malaise. Le grand malheur, c'est que l'apparence de démocratie n'étant même plus nécessaire, juste le nom suffit, le gouvernement français se permet de voter une loi attentatoire au droit fondamental de manifester en l'appelant Loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs. Et c'est sans compter toutes les autres qui se préparent, là et ailleurs dans le monde. Que la patrie des Droits de l'Homme soit redevenue celle des bons petits bourgeois qui scandent «Travail, Famille, Patrie!» au mépris de la majorité citoyenne devrait effrayer toutes les personnes qui militent pour les droits humains, mais ne comptez pas sur la presse hégémonique pour en parler, elle qui ne fait jamais seulement allusion à ceux-là qui tirent les ficelles de nos marionnettes libérales. 

(1)  À voir : Macron ou l’orgie des ultra-riches – Monique Pinçon-Charlot

L’enquête des Pinçon-Charlot, «Le Président des riches», paru en 2010 est sans doute un des coups symboliques les plus rudes qui aient été porté à la présidence de Nicolas Sarkozy. 
   Aujourd’hui le célèbre couple de sociologues publie «Le Président des ultra-riches», un livre qui ne contribuera pas à réconcilier les Français avec Emmanuel Macron, en pleine crise des Gilets jaunes. «Chronique du mépris de classe sans la politique d’Emmanuel Macron», est-il sous-titré. Ils y détaillent le parcours du «leader des marchés libres» comme l’avait surnommé le magazine Forbes, et les renvois d’ascenseurs constants en direction des plus nantis de ce Président choisi par la caste pour servir la caste. La démonstration est féroce, implacable. 
Par Aude Lancelin

18 février 2019

Bayer/Monsanto engrange l’oseille

Mise à jour 22.02.2019

La semaine verte – documentaire
Année de production : 2019
Date de diffusion : 2019-02-16

Ingrédient actif du RoundUp de Monsanto, le glyphosate est l'herbicide le plus vendu à travers le monde et l'un des plus controversé. Ce produit, quasi incontournable pour les agriculteurs aujourd'hui, se retrouve au cœur d'un débat très polarisé. Produit miracle ou substance à éviter?


Ou sur tou.tv :

La piste canadienne des Monsanto Papers
Émission Enquête, le 21 février 2019  

Les Monsanto Papers ont fait couler beaucoup d’encre aux États-Unis et en Europe, depuis deux ans, mais bien peu ici au Canada.
   Les Monsanto Papers font référence aux milliers de pages de documents internes du géant agrochimique Monsanto, divulguées dans le cadre de poursuites judiciaires aux Etats-Unis. Ils révèlent des pratiques troublantes pour défendre la réputation de son produit-vedette, le Roundup, dont des allégations de «ghostwriting» d’articles scientifiques.
   Au milieu de cette controverse, Santé Canada vient de renouveler l’homologation du glyphosate pour une durée de 15 ans. Cette situation soulève d’inquiétantes questions sur le processus d'homologation au pays.


Ou sur tou.tv :
 

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CE N'EST PAS
Musulmans contre Juifs – Égypte contre Israël – États-Unis contre Terrorisme – Capitalisme contre Islamisme – Pétrole contre Éolien – Tibet contre Chine – Apple contre Microsoft – BMW contre Mercedes – Real Madrid contre Barça – PS3 contre Xbox – Rap contre Rock

CE N'EST MÊME PAS
Religion contre Philosophie – Science contre Politique – Hommes contre Femmes – Pauvre contre Riche – Maître contre Esclave – Maladie contre Santé – Vérité contre Mensonge – Guerre contre Paix – Mal contre Bien – Eux contre Nous

C'EST SEULEMENT 
PROFIT CONTRE HUMANITÉ
Et vous ne savez toujours pas de quel côté vous situer 

Affiche : un génial auteur inconnu

Inhabitable pour les animaux, inhabitable pour nous! Plus personne sur la planète n’ignore que nous sommes à un point de bascule, sur le bord du gouffre, et que nous ne pouvons pas continuer ainsi INDÉFINIMENT. Nous devons décider si nous voulons faire les changements nécessaires pour rendre la planète  plus viable et hospitalière. Et si oui, pousser les décideurs politiques dans leurs derniers retranchements.


Concernant la citation du photoquote : bien qu’il s’agisse d’un cas américain, le parallèle avec l'agronome Louis Robert est évident – tous les lanceurs d’alerte risquent de ruiner leur propre existence en dénonçant des pratiques frauduleuses.
   Le tournage du court-métrage de Stephen Maing, The Surrender, a débuté en février 2015 et fut diffusé simultanément à l'enquête de Peter Maass, Destroyed by the Espionage Act. Le documentariste suit l'analyste de haut niveau des services de renseignements du département d'État américain, Stephen Kim, dans les jours précédant et suivant son incarcération en vertu de cette loi. Il fut accusé d’avoir révélé des informations classifiées à un journaliste. Le président Obama a poursuivi davantage de personnes pour violation de la Loi sur l'espionnage (Espionage Act) que tout autre président des États-Unis.
Field of Vision / The Intercept
Enquête de Peter Maass :

C’est en entendant un scientifique déboulonner les «chemtrails» que j’ai eu envie d’investiguer la dispersion de poisons chimiques dans l’environnement. Beaucoup de gens croient que les trainées laissées par les avions dans le ciel comportent des substances toxiques délibérément répandues dans l’atmosphère pour nous rendre malades et/ou nous décimer (une sorte de complot). 
   Oublions la théorie du complot et prenons pour acquis les explications scientifiques : Lorsqu’un avion traverse certaines couches atmosphériques, on peut observer l’apparition de trainées de condensation non persistantes appelées contrails. Elles peuvent également se transformer en banc de cirrus. Les facteurs physiques qui peuvent, en pratique, déterminer la formation des trainées de condensation sont : l’apport de noyaux de condensation dans une atmosphère sursaturée, l’apport d’eau sous forme de vapeur et le refroidissement de l’air. Tous les avions sont susceptibles de faire des traînées. Cela dépend essentiellement de la quantité d’humidité et de la température en haute atmosphère.

Néanmoins, il est impossible de croire à la bonne volonté de l'industrie agrochimique Monsanto (maintenant propriété de Bayer AG) quand on examine les multiples dégâts environnementaux, accidents industriels et scandales sanitaires dont cette entreprise est responsable.

– Vous souvenez-vous de l’affreux insecticide DDT, massivement pulvérisé dans les années 50/60? «DDT is good for me!», disait la pub. Plusieurs pays commencèrent à l’interdire après la publication du «Printemps silencieux» de Rachel Carson en 1962.

– Comment oublier la dispersion aérienne du défoliant appelé agent orange? Il fut interdit seulement en 1970. L’agent orange fut créé par Monsanto et Dow Chemical pour le département de la Défense des États-Unis. C’est le défoliant le plus connu car il fut largement utilisé au Viêt Nam. L’Académie nationale des sciences des États-Unis estime aujourd'hui que près de 80 millions de litres de ce défoliant ont été déversés. Dans son ouvrage Ecocide, Franz J. Broswimmer écrit que cet épandage a touché 20 % des forêts du Sud Viêt Nam et empoisonné 400 000 hectares de terrain agricole. Encore aujourd’hui, les parcs de bétail sont régulièrement pulvérisés de divers poisons, à l’insu des consommateurs.


– Monsanto créa l’herbicide Roundup à base de glyphosate en 1975. Son usage massif débuta au milieu des années 1990 et se poursuit depuis. Il est utilisé en épandage aérien ou en pulvérisateur manuel. C'est un herbicide non sélectif, d'où le qualificatif d’«herbicide total», dont la substance active (herbicide) est le glyphosate. Son usage massif par les agriculteurs depuis la fin des années 1990 (c'était alors l'herbicide le plus vendu au monde) a conduit à l'apparition de mauvaises herbes résistantes au glyphosate. En terme de toxicité aiguë, le glyphosate seul est réputé très peu toxique pour les animaux à sang chaud; cependant ajouté aux additifs et au surfactant qui composent le Roundup, il forme un produit irritant, toxique et écotoxique. Selon Monsanto le glyphosate serait rapidement dégradé (des bactéries du genre Pseudomonas pourraient dégrader le glyphosate en glycine, en passant par un intermédiaire, la sarcosine CH3 - NH - CH2 -CO2-32). Or ces produits de dégradation, dont l'AMPA, s'accumulent dans les nappes phréatiques en cas d'usage excessif.

– Des apiculteurs de la Caroline du Sud (États-Unis) ont découvert des millions d’abeilles mortes dans leurs exploitations, à la suite d’un épandage aérien de Naled, un pesticide controversé, destiné à éliminer les moustiques porteurs du virus Zika. Le Naled est toxique par ingestion, inhalation et absorption cutanée. Les vapeurs ou fumées du Naled sont corrosives pour les membranes des muqueuses tapissant la bouche, la gorge et les poumons, et l'inhalation peut causer de graves irritations. Une sensation de serrement dans la poitrine et de la toux sont communément ressentis après l'inhalation. Comme avec tous les composés organophosphorés, le Naled est facilement absorbé par la peau. Si la peau a été en contact avec le produit elle doit être lavée immédiatement avec du savon et de l'eau, et tous les vêtements contaminés doivent être retirés. Les personnes qui souffrent de problèmes respiratoires ou hépatiques exposées à des inhibiteurs du cholinestérase présentent un risque accru de problèmes de santé. Le Naled répandu à des températures ambiantes élevées ou à des rayons UV visibles, peut augmenter sa toxicité. L’insecticide est très toxique quel que soit le mode d'exposition.


– Les insecticides néonicotinoïdes, sont plus puissants que le DDT. En 2013, un ‘Bee Summit’ fut organisé par Monsanto et un ‘Bee care centre’ par Bayer AG pour prouver aux dirigeants politiques européens et américains que les fabricants de pesticides sont de bonne volonté et qu’ils prennent les mesures nécessaires afin de protéger les populations d’abeilles. Selon ces entreprises, leurs pesticides ne posent aucun problème. Par contre, les détracteurs déclarent que la science prouve le contraire. Les insectes disparaissent, puis les plantes «normales», puis les oiseaux, et puis... La chaîne se rompt et compromet l’alimentation planétaire au complet. Les insecticides néonicotinoïdes qu’on incorpore aux semences ou vaporise au-dessus des cultures, ont un mode d'action commun : ils affectent le système nerveux central des insectes, provoquant la paralysie et la mort. Les néonicotinoïdes sont parmi les insecticides les plus utilisés à travers le monde. Plusieurs études scientifiques ont souligné l'impact négatif de cette famille sur les abeilles et bourdons en laboratoire et lors de tests en conditions contrôlées; et de nombreux apiculteurs mettent en cause ces molécules pour expliquer le syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles. Une étude suggère que les néonicotinoïdes pourraient affecter défavorablement la santé humaine, spécialement le développement du cerveau. Alors que la «production mondiale de néonicotinoïdes augmente toujours» et que «tous les autres pollinisateurs sauvages sont affectés», l’étude recommande d'urgence d'interdire l'usage des néonicotinoïdes et de développer des alternatives aux insecticides qui soient inoffensives pour les pollinisateurs.

Sachant à quel point tous ces poisons sont dangereux pourquoi les gouvernements les autorisent-ils encore? Il semble que les lobbyistes (ceux qui fabriquent, distribuent et vendent ces substances toxiques) ont les mains dans les poches des fonctionnaires. Au diable la chaîne alimentaire, tout ce qui compte c’est le profit.

Faut-il revoir le processus d’homologation du glyphosate?

Catherine Mercier
ICI Radio-Canada nouvelles, le 18 février 2019

Le glyphosate, c'est la star des herbicides. Même si on le juge moins toxique que d'autres produits qu'il a remplacés, son utilisation à très grande échelle soulève des questions. Le glyphosate est aujourd'hui dans l'eau, dans les aliments que l'on mange et même dans notre urine. Plusieurs voix s'élèvent pour revoir son homologation.

En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), déclare le glyphosate «cancérigène probable» pour les humains. La nouvelle provoque une onde de choc. L’Europe, qui est en plein processus de réhomologation du glyphosate, est déchirée.
   Les manifestations se succèdent. Plus d’un million de personnes signent une pétition demandant l’interdiction du produit. Le vote de la Commission européenne est remis à six reprises. Au lieu des 15 ans initialement prévus, les députés européens font preuve de prudence et réautorisent le glyphosate pour 5 ans seulement.
   Au Canada, l’annonce de la réhomologation du produit tombe en avril 2017 : le glyphosate est reconduit pour 15 ans, jusqu’en 2032. Santé Canada conclut que le glyphosate ne pose «probablement pas de risque pour le cancer humain».
   Mais pourquoi une conclusion aussi divergente de celle de l’agence de l’OMS? Pour plusieurs raisons.
   D’abord, parce que le CIRC et Santé Canada n’ont pas regardé les mêmes études. L’agence de l’OMS s’est penchée seulement sur les études publiées dans des journaux scientifiques, des études publiques, révisées par des pairs. Les études financées par les compagnies de pesticides, souvent produites pour obtenir l’homologation d’un produit, ont été écartées.
   Du côté de Santé Canada, on a retenu des centaines d’études confidentielles, qui proviennent principalement de l’industrie. Cette réalité a fait sursauter Louise Vandelac, la directrice du CREPPA, le Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives. «Quand on s'est mis à regarder attentivement les documents, on s'est dit : “Mais ce sont essentiellement des documents non publiés, des documents secrets, auxquels on n'a pas accès”. Venant d'une industrie qui bénéficie de la décision, c'est quand même un peu anormal.»
   Au chapitre de la santé humaine, 636 études ont été retenues, dont 77 % proviennent de l’industrie, selon Santé Canada. À la direction de la gestion de la réévaluation, Frédéric Bissonnette explique que le Canada n’est pas le seul pays à accorder autant de poids aux études financées par l’industrie.
[...]
    «Quand on procède à une réévaluation, il faut avoir les données les plus récentes de la littérature scientifique pour être en mesure de voir s'il y a des problèmes. C'est rarement l'industrie qui met en évidence les problèmes qui se passent», souligne Louise Vandelac.
[...]  
   Les résultats obtenus il y a 30 ou 40 ans ne peuvent donc pas tenir compte d’enjeux inconnus à l’époque. «Il y a 20 ans, par exemple, on ne se posait pas la question des effets perturbateurs endocriniens parce qu'on ne les connaissait pas ou alors très peu. Maintenant, les nouveaux tests qui doivent être faits doivent aussi prendre en compte ces nouvelles découvertes et étudier les effets sur les hormones pendant le développement, les effets neurologiques. Ce sont des effets qui n'étaient pas forcément bien étudiés il y a 20 ans», explique Robin Mesnage, chercheur au King’s College de Londres.
   Autre différence, Santé Canada et le CIRC ne s’intéressent pas exactement aux mêmes produits. Le CIRC a surtout révisé les impacts des formulations de glyphosate, autrement dit le produit tel qu’il est vendu aux agriculteurs, alors que Santé Canada considère surtout la toxicité du glyphosate. Pourtant, cet ingrédient n’est jamais vendu seul. Dans le Roundup, le principe actif, le glyphosate, ne représente qu’environ 40 % de la formulation. D’autres molécules y sont ajoutées.

«La raison pour laquelle la majorité des études toxicologiques sont sur le principe actif, c’est parce que c'est vraiment la molécule qui est la plus susceptible d'influencer la santé humaine, [de poser] les risques à la santé humaine ou à l'environnement», soutient Frédéric Bissonnette, de Santé Canada.
   Or, ce n’est pas ce que les chercheurs ont découvert. Au King’s College de Londres, le Français Robin Mesnage nous explique qu’il a cherché à connaître les impacts des molécules qui accompagnent le glyphosate. «On a fait des études où on a comparé la toxicité de neuf formulations de glyphosate qui étaient différentes et on a vu que le glyphosate n'était pas l'ingrédient le plus toxique, dit-il. L'ingrédient qui était le plus toxique, c'était un de ces formulants, qui est considéré comme secret industriel, et il était 10 000 fois plus toxique que le glyphosate
[...]  
Pour André Comeau, chercheur pendant plus de 40 ans à Agriculture Canada, il est urgent de revoir tout le processus d’homologation. «On donne une protection à des compagnies pour mettre sur le marché des produits chimiques, et après ça, [...] c'est à la société de faire la preuve que le produit est nocif. Ça devrait être l'inverse. Ça devrait être la compagnie qui est obligée de nous prouver que le produit n'est pas dangereux et devrait le prouver avec preuves à l'appui disponibles. Donc, on inverse le fardeau de la preuve avec les pesticides.»

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