30 août 2013

Des chartes de tous ordres

Une charte des valeurs… un État laïque… La religion, la foi, la spiritualité, c’est intérieur. Mais les humains ont besoin de s’identifier, de se démarquer, d’afficher leur appartenance religieuse ou autre.

Les signes distinctifs, pas seulement religieux, courent les rues. Je me souviens que dans les années 50/60 les femmes portaient des foulards noués autour du cou, non pas comme signe religieux, mais parce que c’était la mode (très pratique quand on se promenait en voiture décapotable). Les religieuses portaient des cornettes, les clercs, des soutanes. Personne ne s’en formalisait, ça faisait partie du décor. La communauté hassidique du quartier voisin ne nous saluait jamais; nous faisions pareil. Aujourd’hui, les gens s’habillent n’importe comment. Si les Martiens débarquent sur terre, on va avoir du fun!

C’est sûr qu’un policier est mieux de porter un uniforme, de même qu’une infirmière en milieu hospitalier; c’est une façon de les reconnaître en cas de besoin…
       Par contre, le camouflage complet ou partiel du visage (bizarrement réservé aux femmes) devrait être banni, ici. Je veux savoir à qui j’ai affaire. Ainsi que le port d’une arme quelconque prescrit par une religion ou non. Les institutions gouvernementales devraient être laïques. Nous n’avons pas à subir les rituels de toutes les religions qui coexistent ici. Chacun est libre de suivre les prescriptions de la religion de son choix, mais il n’a pas le droit d’en imposer les dictats (fussent-ils religieux ou civils) aux autres citoyens, ici. Donc les gens qui voudraient intégrer leurs agendas de prières et de congés religieux/civiques (catholiques ou autres) à notre futur système laïque, devraient plutôt s'organiser en privé dans leur communauté. Bref, à Rome comme les Romains, et nous aurons moins de trouble! J

Voici quelques extraits de L’espèce fabulatrice (Nancy Huston); une base de réflexion et de relativisation pertinente au sujet des croyances socioreligieuses et de leurs éclaboussures.

(pp. 81-83)
À un tout petit enfant, on peut apprendre à parler n’importe quelle langue du monde, à chanter n’importe quel air, à aimer n’importe quelle nourriture et à croire en n’importe quel dieu.
       L’esprit humain est comme un disque de cire sur lequel des sillons seront gravés plus ou moins profondément. Les premières empreintes – langue maternelle, histoires, chansons, impressions gustatives, olfactives, visuelles – seront les plus profondes. C’est là la matière même de notre soi.
       Un bébé n’a pas de recul critique. Les premiers sillons l’attachent à ses parents même si ce sont des tortionnaires, et le rendent méfiant vis-à-vis des autres même si ce sont des saints.
       Impossible de surestimer l’importance de ces sillons gravés au cours des premiers mois et années de la vie. Alors, qu’«on» n’est pas encore là pour savoir, ils deviendront le siège de nos émotions fortes, façonnant cette région du cerveau que l’on appellera plus tard «les tripes». (C’est cela qui sera réactivé lorsque, plus tard, on sanglotera en écoutant tel morceau de musique, ou éprouvera le désir de violer un enfant. »
       L’ensemble de ces premières empreintes forment notre culture. Pour chacun et chacune, cette culture deviendra le monde même.

Accueillir un enfant, c’est à travers des histoires, lui ménager une place à l’intérieur de plusieurs cercles concentriques : famille/ethnie/Église/clan/tribu/pays…
       Pour qu’advienne son je, on doit le faire exister au milieu de plusieurs nous. Avec, toujours, plus ou moins proches et menaçants, des ils.
       Tu es des nôtres. Les autres, c’est l’ennemi. Voilà l’Arché-texte de l’espèce humaine, archaïque et archipuissant. Structure de base de tous les récits primitifs, depuis La guerre du feu jusqu’à La guerre des étoiles.
       Osons une tautologie : un groupe est un groupe. Pour sa cohésion et sa survie, il tendra spontanément à se percevoir comme le groupe, et à valoriser sa culture comme la culture. Venant plus tard, les éléments des autres cultures seront automatiquement mis en relation avec celle-ci.
       Comme tous les primates mais plus encore, les humains – fragiles, menacés – ont appris à survivre en s’attachant fortement au nous et en percevant tous les eux comme des ennemis potentiels.
       Oui, car elle est dure, la vie humaine; et nous avons peur. La peur est la réaction normale de tout animal menacé de mort; mais le fait de savoir d’avance qu’on va mourir, et de vivre dans la narrativité, change tout.
       Cela rend notre espèce, en un mot, parano.
       La paranoïa, maladie de la surinterprétation, est la maladie congénitale de notre espèce.

(pp. 85-89)
Comment survivre? En se liant, en se liguant.
       La fonction primordiale des histoires humaines, c’est l’inclusion et l’exclusion.
       Le nous s’instaure et se renforce par le récit bricolé du passé collectif. Par la mémoire, c’est-à-dire par des fictions. La fierté est le lien, le liant. Tout nous s’escrime à être fier d’être ce qu’il est; il le faut, pour la tranquillité et la sécurité des je qui le composent.
       Quand un être humain ne trouve pas de quoi être fier dans les différents nous dont il fait partie, il peut «disjoncter».
       Imaginons par exemple que, dans un pays majoritairement riche, catho-laïque et blanc, où ont immigré des travailleurs pauvres, musulmans et basanés, les fils de ceux-ci ne parviennent à se reconnaître avec fierté ni dans leurs congénères, ni dans les habitants du pays où ils sont nés et dont ils sont citoyens; de graves difficultés seraient à prévoir. L’ardu, avec la fierté, est de trouver la dose juste. Trop de fierté conduit à la violence; trop peu aussi.
       La violence est par ailleurs chérie pour elle-même, car elle est créatrice d’événements, c’est-à-dire d’histoires, c’est-à-dire de Sens.
       Encore aujourd’hui, dans bien des parties du monde, les adultes transmettent aux enfants le message suivant : «Nous seuls sommes humains, parlons une vraie langue et avons une vraie histoire. Ailleurs, on raconte des balivernes, des blasphèmes, etc. – dans d’autres langues – mais ce sont des charabias».
       Avoir peur, se méfier, se dresser contre les autres, être prêt à se défendre contre eux, se raconter des histoires dans lesquelles nous nous confrontons à ces eux menaçants et sortons victorieux de la confrontation : blabla qui a permis la survie de notre espèce.
       Les chimpanzés se liguent pour se protéger aussi, et éprouvent une fierté d’appartenance; mais ils ne se racontent pas éternellement leur généalogie, ni ne transforment en épopées les récits de leurs confrontations anciennes.
       Chaque pays raconte, de son Histoire comme de toutes les histoires, la version qui l’arrange, et qui le montre sous la lumière la plus flatteuse. Certains faits marquants seront engloutis à jamais dans le silence; d’autres, au contraire, deviendront fictions officielles et seront inlassablement soulignés, commémorés, enseignés.
       Quelle est la «véritable» histoire de votre famille, de votre patrie? Vous n’en savez rien, et pour cause. Ce que l’on nous apprend sur la nation, la lignée, etc., n’est pas du réel mais de la fiction. Les faits ont été soigneusement sélectionnés et agencés pour aboutir à un récit cohérent et édifiant. Où sont passés les nuls, les putes, les médiocres, les méfaits, les massacres, les conneries…? Tout récit historique est fictif dans la mesure où il ne raconte qu’une partie de l’histoire. (…) Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de faits; cela veut dire qu’il nous est impossible d’appréhender et de relater ces faits sans les interpréter.

(pp. 91-95)  
Tout Afro-Américain vivant aujourd’hui aux États-Unis, tout juif ou musulman vivant aujourd’hui au Proche-Orient pourrait théoriquement se dire à tout instant : «Bon, cela suffit. À partir de maintenant, je décide que je suis libre et autonome, et que l’héritage de mon peuple, avec ses exploits et ses tragédies, ne me préoccupera plus. Je ne veux plus être déterminé par le passé, je ne veux plus dépendre passivement de mes ancêtres. Je veux – tel le héros d’un roman de Sartre ou de Kundera – choisir ma vie tout seul!»
       S’il ne le fait pas, c’est qu’un tel geste porterait atteinte aux fondements fictifs de son identité : fidélité envers ses parents, ancêtres et coreligionnaires; compassion pour leur souffrance; besoin de transmettre leurs histoires.
       Mais bien sûr, s’il le fait, s’il renonce à ces fictions-là, il ne sera libre que d’en endosser une autre : celle puérile orgueilleuse, de l’individu prométhéen, auto-engendré et autosuffisant.
       (…) Les enfants sont à la merci des fictions que les adultes leur racontent. Ils n’ont d’autre choix que de les prendre pour argent comptant, surtout quand les parents ont l’air de les percevoir comme sacrées.
       Or ces fictions sont biaisées, presque toujours pauvres, et souvent dangereuses.
       Ce n’est que plus tard – et encore, s’il a de la chance – qu’il apprendra à remettre en cause certaines des fictions qu’il a absorbées dans sa prime jeunesse.
       Que veut dire «la chance»? «La chance» veut dire : l’accès à d’autres cultures – dont le caractère fictif nous saute aux yeux et, partant, nous aide à comprendre le caractère fictif de la nôtre – et surtout, dirais-je, l’accès aux romans de ces autres cultures. (…) La majorité des enfants humains n’ont pas cette chance.
       Les mauvaises fictions engendrent la haine, la guerre, les massacres. On peut torturer, tuer, mourir pour une mauvaise fiction. Cela arrive tous les jours.

(pp. 97-111)   
Récapitulons : aux bonobos, aux chimpanzés, la réalité suffit; ils en font sens.
       Aux humains, non; il leur faut un au-delà de la réalité, un en plus ou un ailleurs, un au-dessus ou un au-dessous : le Sens. (…)
      Le ciel, l’enfer, Dieu, l’immortalité de l’âme, les retrouvailles dans l’au-delà : balivernes, si l’on veut… mais qui ont la formidable efficacité, la formidable réalité de l’imaginaire. Tout cela aide effectivement les gens à vivre, à supporter la douleur de la perte, à faire le deuil, à renouveler leurs énergies pour le lendemain.
       Ainsi, il est impossible de dire que Dieu n’existe pas. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il n’existe pas ailleurs que dans les têtes humaines. Mais exister à ce point, dans tant de têtes humaines, c’est énorme comme existence! Ce qui existe dans les têtes humaines existe réellement. Il n’y a qu’à regarder les résultats. Sacrés résultats.
       La foi qu’ont des milliards d’êtres humains en une réalité transcendante les inspire, les soutient et les transforme au jour le jour. Elle peut les inciter à aider les pauvres, ou à s’attacher des bombes autour de la taille pour se faire sauter dans un autobus bondé.
       Dans notre espèce, comme le savait déjà Rousseau, le meilleur et le pire coulent de la même source.

Pour accéder à l’éthique, pour ordonner sa vie parmi ses semblables, l’homme a besoin de voir représenter le bien et le mal. (…)
       …Sur toute la surface de la Terre, dans leur incroyable diversité mais avec une force irrésistible, les croyances au sujet des dieux, des esprits et des ancêtres façonnent les esprits des hommes et soudent les communautés.
       Aucun raisonnement, aucune philosophie, aucun système de lois et de gouvernement, aussi juste et éclairé soit-il, ne peut éliminer les tensions, angoisses et conflits dus au fait que les humains vivent dans le temps, et se savent mortels. (…) Oui, car elle est dure, la vie humaine, et elle n’est pas devenue moins dure chez nous, en pays de Raison, que dans les parties du monde «encore» soumises aux superstitions monothéistes ou païennes.
       Affranchis des croyances de leurs ancêtres, les individus modernes sont non moins obligés de s’accommoder de ce fait désagréable, que la plupart de leurs désirs ne se réalisent pas et ne se réaliseront jamais.
       Comme ils tiennent à ce que leur souffrance ait du Sens, la lumière ne leur suffit pas; Ils ont besoin de comprendre les ténèbres. Ils tiennent non seulement à savoir, mais à croire. C’est pourquoi, dans le monde occidental à partir du XVIIIe siècle, s’est développée toute une culture du mal et du malheur : l’art moderne, depuis le roman jusqu’aux jeux vidéo violents, aux films gore, à la science-fiction, à la pornographie.

L’homme ne vit pas de pain seul, disait Jésus. En effet, c’est le bonobo qui vit de pain seul. L’homme a besoin de pain sensé.
       La foi renforce chaque individu en lui-même, et relie efficacement les individus entre eux. Communion, communication, communauté : c’est ce qui arrive quand des humains se mettent d’accord pour dire que c’est cela, le Sens de la vie… quel que soit le contenu du cela.
       Pourtant, ils se donneront entraide et réconfort au nom du Christ, d’Allah, du Bouddha, etc. L’entraide et le réconfort sont réels. Leurs causes n’on nul besoin de l’être (ailleurs que dans les esprits).
       Jésus, Lao-Tseu, Bouddha, etc., étaient de grands sages. (Sans doute mieux que toute autre doctrine, le bouddhisme dans sa version originelle a pointé les aspects fictifs de l’existence humaine.) Mais, à leur sagesse, les masses préfèrent toujours la soumission, l’obéissance, la conformité aux normes, les rituels, la superstition. (…)
       Le ciel, l’enfer : fictions, certes. On peut s’en indigner : combien de millions de pages gâchées en espoirs et en menaces? Combien de sermons tonitruants infligés à des ouailles terrorisées? Combien de vies passées à espérer… pour rien?
       Mais ce n’est pas pour rien, dans la mesure où ces terreurs et ces espoirs ont donné un Sens à des millions de vies. C’est tout ce qu’on leur demandait.
       Les born-again, aux États-Unis, invitent Jésus dans leur cœur et Le supplient d’en prendre les commandes. Ils s’en remettent à Lui pour toutes leurs décisions difficiles, comptent sur Lui pour les consoler et les rassurer. Ils ne sont pas déçus.
       Oui, toutes ces fictions aident réellement les gens à vivre. «La foi, dit Douglas Kennedy, est peut-être l’élan le plus important de la vie – le moyen fondamental grâce auquel la vaste majorité des gens survivent à chaque journée.»
       Opium du peuple? Si l’on veut. Sauf qu’il n’existe pas de peuple sans opium. Drogues, religion, politique, amour… Innombrables, en vérité, sont les opiums susceptibles de structurer de façon harmonieuse et convaincante notre réalité intérieure… nous aidant, par là, à croire en nous-mêmes, à agir dans le monde, à y déployer notre existence.
       Il faudrait mettre fin à toutes ces bêtises? Et comment? Aucune quantité de Zyklon B n’y suffirait.

On peut déplorer la résignation des croyants, leur fatalisme : «Nous sommes entre les mains de Dieu»; «Tout ce qui arrive, c’est Allah qui l’a voulu»…
       Les généticiens et les sociobiologistes, depuis un siècle et demi, nous parlent d’un autre type de fatalité. Dans les faits, nous disent-ils, il n’y a que le déterminisme, le hasard, et l’interaction infiniment imprévisible entre les deux.
       Le problème, c’est que la survie des humains dépend de leur capacité de vivre en société, et qu’on ne peut pas bâtir une société autour de tels faits.
       Autour de «Nous sommes entre les mains de Dieu», oui!
       Les prêtres racontent une histoire; les généticiens, non.
       Les explications ont deux aspects différents : elles doivent non seulement produire un modèle réel mais convaincre les utilisateurs. Incontestablement, l’approche scientifique « bat » l’approche religieuse pour le premier aspect – mais pas pour le deuxième!
        Nous ne disons plus, d’un malade mental, qu’il est possédé par le diable, qu’on lui a jeté un sort, ou que les humeurs dans son corps sont déséquilibrées. Appliquant une autre grille d’interprétation, nous cherchons dans son roman familial les raisons de sa déraison.
       Certes, par rapport à l’approche religieuse, l’approche psychanalytique a l’avantage de mettre en branle, volontairement notre machine interprétative. Elle sait que le soi est une construction, et cherche à capter dans notre parole sur le rêve, l’enfance, les syndromes de répétition, des traces de ce qui s’est mal embrayé dans la mise en place de ce soi.
       Pour autant, rien ne garantit qu’au bout de dix ans sur le divan, le malade sera mieux dans sa peau que l’adepte illuminé d’une secte religieuse, ou que le fanatique d’une cause politique.
       Par ailleurs la psychanalyse est vulnérable aux mêmes travers que les religions : abus de pouvoir, culte de la personnalité, dogmatisme, veulerie, soumissions, superstitions, rituels loufoques.
       Dans l’esprit de bien des psychanalystes, l’Inconscient occupe la même place que Dieu dans l’esprit des croyants : il explique tout!
       Toutes les explications auxquelles nous croyons confèrent effectivement du Sens à notre vie.

Être juif, c’est une fiction.
Être chrétien, c’est une fiction.
Être musulman, c’est une fiction.
Être hindou, c’est une fiction.
Être vaudouisant, etc. : fictions, toutes.

En soi, aucune de ces fictions n’est bonne ou mauvaise. Mais :
       Les bons juifs et les mauvais musulmans : fiction néfaste.
       Les bons musulmans et les mauvais juifs : fiction néfaste.
       Les bons chrétiens et les mauvais infidèles : fiction néfaste.
       Arché-textes, là encore. Guerres et massacres garantis.

       Le bon Samaritain : fiction faste. Car c’est l’histoire qui, au lieu de se présenter comme une vérité, se présente comme une histoire. Elle contient une vérité, à savoir qu’il nous est loisible de nous identifier à la souffrance des autres, et pas seulement aux nôtres.
       Polythéismes, monothéismes, nihilismes aussi : autant de fabulations qui donnent aux humains une prise sur leur existence.
       Elles ne sont pas vraies, mais cela est secondaire. Elles sont efficaces – dans l’exacte mesure où les adeptes y adhèrent et se comportent en conséquence.
       Il y a donc deux espèces de vérité : celle objective, dont les résultats peuvent être confrontés au réel (sciences, techniques, vie quotidienne) et celle, subjective, à laquelle on n’accède que par l’expérience intérieure (mythes, religions, littérature).
       Aucune religion ne peut fournir une réponse objective à la question de savoir à quelle fin existent l’univers et l’homme. Toutes, en revanche, proposent d’excellentes réponses subjectives.
       Le fait de croire en des choses irréelles nous aide à supporter la vie réelle.

(pp. 114-119)  
Nous tous : «Où j’étais avant de naître, maman? Pourquoi tout le monde il doit mourir, papa?»
       Les autres animaux ne se posent pas ces questions. Ils endurent naissance et mort sans savoir qu’ils sont nés, ni qu’ils mourront.
       D’où l’inépuisable obsession humaine de la sexualité (qui peut conduire à la naissance), de la violence (qui peut conduire à la mort), et de toutes les interactions possibles et imaginables entre les deux.
       Le propre de notre espèce n’est pas qu’elle se livre à la guerre depuis la nuit des temps (les chimpanzés et les fourmis en font autant), c’est qu’elle en fait toute une Histoire… et des millions d’histoires.
       Au départ : des centaines de milliers d’hommes entraînés, rodés, alignés, tirés à quatre épingles, effectuant des gestes à l’unisson, pas de l’oie, gauche, droite, saluts, mouvements aussi impeccablement coordonnés que ceux des danseurs d’un ballet classique, tanks rutilants, acrobaties d’avions, perfection des calculs, minutie des plans de bataille.
       Un peu plus tard : villes calcinées, bâtiments effondrés, montagne de gravats, terres empoisonnées, chaos de corps mutilés, déchirés, écrabouillés, coulant de partout, larmes, pisse, merde, vomi, fleuves de sang, visages arrachés, intestins dégoulinants, lambeaux de chair mêlés à la boue.
       Et après : médailles, statues, monuments, nouveaux défilés pour commémorer la victoire, nouveaux rituels pour honorer ceux qui ont fait le sacrifice ultime, nouvelles épopées pour consigner ces événements si marquants de notre vie collective et confirmer ainsi notre appartenance.
       Oui : l’une des fonctions fondamentales de la guerre humaine est bien d’engendrer des récits palpitants, bouleversants, mémorables. On ne se lasse jamais de la raconter, de la regarder, de la commenter. Épopées, pièces de théâtre, romans, films de fiction ou documentaires, reportages, journaux télévisés…
       Nos pensées sont réelles. Une réalité psychique est une réalité effective et efficace. Les chimères nous permettent de tuer. Elles ont donc de la réalité.
       Les animaux ne fonctionnent pas ainsi. Il faut cesser de dire, au sujet des êtres humains se livrant à des massacres ou à des orgies, qu’ils se comportent «comme des animaux», voire «pire que les animaux». Cela n’a tout simplement rien à voir. À la faveur de la guerre, l’homme joue son animalité, sa «sauvagerie»; les animaux n’en ont pas besoin. Aucun animal ne fait le mal pour le mal – ni, du reste, pour le bien.

(pp. 125-126)  
Le but de la guerre, pour chaque côté : détruire la contenance de l’autre, semer la zizanie dans ses certitudes identitaires. Dans la déportation, l’esclavage, le génocide, les victimes doivent être dépouillées au préalable de leurs histoires.  
       Rien de plus déstabilisant, de plus insécurisant, de plus affolant pour l’individu que de voir brusquement dispensées, tel un jeu de quilles, toutes ses assises identitaires. Plus de maison, plus de ville, plus de métier, plus d’habits, plus de cheveux, plus de lunettes…
       Le nom remplacé par un numéro.
       Les familles séparées, les langues mêlées…
       Dans ces conditions, il est très difficile de préserver une contenance.
       Avant de mourir, l’on est déjà mort à soi.
       Vous étiez rabbin? chef? professeur? mère de famille? grand comédien? Vous n’êtes plus rien de tout cela, regardez, vous êtes ridicule, une poupée, une chose à ma merci… Et, pour finir : une chose, réellement. Tas de chair sanguinolent. Poussière. Et moi : héros. Et mon pays : vainqueur.

Nancy Huston
L’espèce fabulatrice
Acte Sud / Leméac; 2008

23 août 2013

Réflexion du 23 août 2013



Carnage et abattage 
ou l’art de confondre
les femmes avec de la viande
et l’acte sexuel avec le meurtre
(Auteur inconnu)

Viols collectifs, tourisme sexuel, etc. : les humains se comportent encore comme de pauvres barbares préhistoriques.

23.08.2013
Une photojournaliste a été victime d'un viol collectif à Bombay. La femme de 23 ans a été agressée jeudi soir alors qu'elle prenait des photos de vieux immeubles pour un magazine, en compagnie d'un collègue, dans un quartier chic de Bombay. Son compagnon a également été sévèrement battu.

En mars 2013, une touriste suisse a été victime d’un viol collectif sous les yeux de son conjoint, lui-même tabassé par le groupe d’agresseurs. (Près d’Orcha, État du Madhya Pradesh.) 

En Inde, une femme serait violée toutes les 20 minutes, selon le Bureau national des statistiques criminelles. (Difficile de se fier aux statistiques quand la majorité des viols ne sont pas rapportés – en particulier dans les pays où la violence faite aux femmes est approuvée, considérée comme «normale et justifiable».) 

On peut juger «les autres» ailleurs, mais ici même au Québec, en 1989, le juge Denys Dionne déclarait en pleine cour : «Toute règle est faite, comme une femme, pour être violée.»

21 août 2013

Dans le ciel et l’océan

Non, ce n’est pas un coucher de soleil… c'est un test nucléaire.  

Parfois on gagne, parfois on APPREND. (Aphorisme) 

Et parfois on refuse d’apprendre

L’industrie chimique a amélioré notre qualité de vie en certains domaines, bien sûr. Mais, au total, elle a causé (et cause) plus de dégâts que la nature elle-même peut en créer, en fait, elle aggrave les catastrophes naturelles.

Prenons les armes chimiques : « Le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra une réunion extraordinaire mercredi après-midi sur l'usage présumé d'armes chimiques en Syrie, à la suite d'allégations de l'opposition syrienne selon lesquelles une attaque au gaz neurotoxique ait fait des centaines de morts en banlieue de Damas, une information démentie par le régime syrien. » (Source : Grands titres, Radio Canada)

Prenons le pétrole : Régurgitation de liquide noir à proximité d’un ancien puits de forage, colmaté depuis 40 ans aux îles de la Madeleine, plage Sandy Hook. « Le pétrole se conserve durant des décennies sous le sable. C’est peut-être la SOQUEM qui, en cherchant du sel en 1973, est tombée sur du pétrole et ne l’a pas dit, c’est peut-être un déversement lors du forage ou même des résidus de la Irving Whale. Tout est possible. il ne fait aucun doute qu’il s’agit de pétrole.» (Émilien Pelletier, professeur à l’Université du Québec à Rimouski membre de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie marine)

Prenons le nucléaire : C'est la première fois depuis la catastrophe à la centrale de Fukushima-Daiichi, la plus grave de l'histoire du nucléaire civil après celle de Tchernobyl en 1986, que l'autorité de sûreté nucléaire nippone diffuse une alerte Ines. Tepco, la société qui gère la centrale, a annoncé mardi que l'eau qui continue de s'échapper du réservoir est contaminée à un point tel qu'une personne se tenant à 50 centimètres recevrait en une heure une radiation cinq fois supérieure au niveau annuel maximal toléré au Japon pour les employés du secteur nucléaire. » (Source : Grands titres, Radio Canada)

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La semaine dernière à la biblio, j’ai choisi Haïku du XXe siècle, Le poème court japonais d’aujourd’hui par Corinne Atlan et Zéno Bianu (Éd. Poésie/Gallimard, 2007). L’anthologie regroupe des poètes ayant connu la fracture de Hiroshima ou nés après 1945.

«Les haïjin* présentés ici ont vécu ce siècle dans leur chair. Ils ont été blessés au front, ils ont connu la prison, la maladie, les deuils, les grands tremblements de terre. Ils témoignent aussi bien de l’extrême pauvreté qui caractérise l’immédiat après-guerre que de la reconstruction des villes et de l’expansion industrielle qui a suivi; ils nous parlent aussi bien d’un Japon sensuel et joyeux qui perdure, avec ses fêtes populaires, ses femmes en kimonos et ses ex-voto naïfs déposés à l’entrée des sanctuaires, que d’un Japon plus sombre où sévissent pollution, chômage, et où s’effondrent les valeurs traditionnelles. »  

* Ce terme différencie les « auteurs de haïku » des « poètes » classiques ou contemporains, appelés shijins. Le XXe siècle a vu s’épanouir le haïku sans mot-saison (muki-haïku) et le haïku de forme libre abandonnant le découpage classique en 5/7/5 syllabes.

Extraits de l’avant-propos

Autant et peut-être plus encore qu’un poème, le haïku est un mode de vie, un style d’être, une approche sensuelle du monde. Il est – et c’est sans doute ce qui fait encore toute sa force aujourd’hui – une initiation à la vie poétique, à une perception autre des êtres et des choses. Cette vie plus vaste que la vie, cette « vraie vie », si chère à Rimbaud, les meilleurs haïkus semblent nous en donner la clé – à la fois clé de sol et clé des champs. Comme s’ils ouvraient une brèche dans la réalité pour en prélever la part la plus juste. Comme s’ils étaient le lieu d’une exceptionnelle synergie entre rigueur formelle et densité émotionnelle. (…)
       Le haïku, poème condensé s’il en est, joue d’une sidérante indistinction entre « parole ordinaire » et « parole poétique ». Tout communique – tout communie. Les petits et les grands chaos du monde entrent dans l’écriture et l’imprègnent sans réserve. De sorte que tout haïku réussi nous apparaît comme un tremplin de méditation – traduisant au mieux ces moments où, saisis d’une évidence bouleversante, nous remarquons une fêlure sur le verre de la réalité. (…)
       …Bashô nous invite à écrire un haïku « comme on abat un grand arbre, comme on désarme un adversaire, comme on fend une pastèque, comme on engloutit une poire ».
       « Dans les vrais poèmes on ne trouve aucune autre unité que celle du fond de l’âme. (…) La poésie = le fond de l’âme révélé. » (Bernard Noël, À vif enfin la nuit)
       L’illimité n’est jamais ailleurs que sous nos pieds – voilà ce que semble nous dire le haïku contemporain, proche, plus que jamais, de la fameuse injonction rimbaldienne : « fixer des vertiges ». Loin, bien loin de la culture de masse centrée sur le kitsch et le quantifiable (…). Extraordinaire persistance à travers les siècles d’un genre littéraire capable d’éveiller en nous une conscience de la vie comme miracle. De réanimer notre puissance d’intuition.

Sélection 

Difficile de mourir
difficile de vivre –
lumière de fin d’été
~ Mitsuhashi Takajo

Juste avant le grand tremblement de terre
tout le monde
a rêvé
~ Sugiura Keisuke

Hiroshima –
j’ouvre enfin la bouche
pour manger un œuf
~ Saitô Sanki

Près de la gare
j’ai trinqué
avec cete époque aveuglante
~ Hoshinaga Fumio

La gare
pierre tombale des hommes –
tout s’embrume
~ Hoshinaga Fumio

Demain viendra toujours –
je songe à la marée basse
sans aller la voir
~ Yamaguchi Hatsujo

Ce jour-là
le ciel brûle –
une marche traverse
l’Arc de la Mort
~ Takayanagi Shigenobu

Pas le moindre coin d’ombre –
je marche
en ce quinze août
~ Sugawa Yôko

Nattes en paille de riz –
au dos de son tee-shirt
« PEACE »
~ Fuyuno Niji

Le ventilateur –
il tourne seulement
pour les vivants
~ Mayuzumi Shû

Pendu
dans une toile d’araignée –
le ciel de l’après-guerre
~ Suzuki Shin ’ichi

Mon père et ma mère ne sont plus –
la porte de derrière s’ouvre
sur la montagne aux arbres morts
~ Iida Ryûta

Pendant un moment
on ne la voyait plus –
la terre de mon pays détruit
~ Watanabe Hakusen

Faudra-t-il
traverser les nébuleuses
pour trouver un jardin de pierres?
~ Kimura Toshio

Suède : une meilleure stratégie énergétique



La Suède travaille à réduire sa dépendance au pétrole depuis plus 40 ans; et ça donne des résultats semble-t-il. À voir jusqu’au bout, entre autres, les eaux usées transformées en carburant – biogaz.

Nous avons du rattrapage en vue. En tout cas, nos élus auraient de quoi s’occuper, et je suis certaine que ça créerait de l’emploi.

18 août 2013

Les futurs nonagénaires

Portraits de sans-abri par Lee Jeffries http://leejeffries.500px.com/

Pourquoi vivre jusqu’à 90-plus n’est peut-être pas une si bonne nouvelle

Selon une étude gouvernementale récente, il y a tellement de gens qui pourraient devenir nonagénaires (90 ans et plus) dans les prochaines décennies que certains experts songent à redéfinir le «quatrième âge» (de 85 à 90 ans en ce moment).

Le rapport, publié par le National Institute on Aging et le U.S. Census Bureau, prévoit qu’autour de 2050, près de 9 millions de personnes auront au moins 90 ans. Pour mettre ce chiffre en perspective, on estime qu’il y a 2 millions de personnes de 90 ans et plus qui vivent actuellement en Amérique.

Une espérance de vie plus longue peut sembler être quelque chose à célébrer. Mais, la vraie question est : quelle sera la qualité de vie de ces 9 millions de personnes, et sur quel nombre incalculable de soignants faudra-t-il compter?

Un gros 84,7 % des personnes de 90-plus ont une déficience quelconque. Près de 70 % ont du mal à faire leurs courses seuls, ou trouvent extrêmement ardu de marcher et de monter des escaliers.

Plus troublant encore, 40 % des répondants ont déclaré avoir des problèmes cognitifs.

Quel a été l’impact des progrès de la médecine sur l'espérance de vie? Pour mettre la chose en perspective : en 1921, quand les nonagénaires d'aujourd'hui sont nés, leur espérance de vie était de 54 ans.

Les perspectives financières des futurs séniors ne semblent pas particulièrement roses non plus. Les séniors de 90-plus comptent désespérément sur la sécurité sociale et Medicare pour les aider à payer leurs factures. Selon l'enquête, le revenu de la moitié des nonagénaires provient de la sécurité sociale, et 98,8 % reçoivent des prestations de Medicare.

Alors que ces programmes d'aide gouvernementaux sont aujourd'hui disponibles pour les séniors, il existe certains doutes au sujet de leur solvabilité dans le futur. Si ces pourcentages restent constants, le personnel soignant se retrouvera face à des périodes de soins beaucoup plus longues et coûteuses.

Des rapports récents estiment que le Social Security Retirement Trust Fund (Fonds de retraite de la sécurité sociale) sera en faillite dès 2034; il ne reste que 16 ans avant que la population de 90-plus n’atteigne son apogée. On ne s’attend pas à ce que Medicare ne fasse beaucoup mieux. Cela pourrait signifier que les charges financières en soins pour les futurs séniors pèseront plus lourdement sur les épaules des aidants.

Donc, tandis que les progrès de la médecine continuent d’accroître l'espérance de vie, la question reste : qui prendra soin de notre population vieillissante, et comment s’en tireront-ils financièrement?

AgingCare.com :
http://www.agingcare.com/?utm_source=Care2&utm_medium=Partner

Dans le même ordre d’idée :
http://artdanstout.blogspot.ca/2013/08/parlure-philo-avec-une-nonagenaire.html  

17 août 2013

Nouveau

Trucs pour éviter le karma collectif
http://airkarma-mestengo.blogspot.ca/2013/08/trucs-pour-eviter-le-karma-collectif.html

Karma des nations
http://airkarma-mestengo.blogspot.ca/2013/08/karma-des-nations.html

AVERTISSEMENT
Ces articles contiennent des éléments à caractère ésotérique qui pourraient choquer les lecteurs allergiques à la notion de réincarnation. Je tiens à le mentionner. J

 


15 août 2013

Trêve de chaos


On demanda au Bouddha :
– Qu’as-tu gagné de la méditation? 
Il répondit :
– Rien! Cependant, laisse-moi te dire ce que j’ai perdu :
Colère
Anxiété
Dépression
Insécurité
Peur de vieillir et de mourir. 

Développez votre compassion
Richard Carlson

Rien ne nous aide autant à relativiser les choses que le fait d’accroître notre compassion à l’égard des autres. J’entends par compassion un sentiment de « sympathie », au sens étymologique d’un «ensemble d’impressions» pouvant aller jusqu’à une «participation à la souffrance d’autrui». Témoigner de la compassion, c’est ne plus regarder son nombril, c’est se glisser dans les chaussures de son prochain pour imaginer ce qu’il éprouve et, dans le même mouvement, ressentir de l’amour pour lui. C’est aussi reconnaître que les problèmes, la douleur ou la colère des autres sont aussi valides et réels que les nôtres – et souvent beaucoup plus graves! En prenant conscience de cela, et en essayant d’offrir notre aide, nous ouvrons notre cœur et nous accroissons notre gratitude envers l’existence.

La compassion est un sentiment que l’on peut développer avec un peu de pratique. Il comprend deux volets : l’intention et l’action. L’intention, ce n’est rien d’autre qu’une mise à disposition, un élargissement du champ de vos préoccupations. Vous ne vous souciez plus seulement de votre sort, mais de celui de votre entourage. Et l’action, c’est tout ce que vous allez entreprendre pour leur venir en aide. Ou bien vous pouvez simplement échanger un sourire ou un salut fraternel avec les gens que vous croisez dans la rue. L’important, ce n’est pas tant ce que vous faites, que de faire quelque chose, n’importe quoi, mais toujours avec amour.

La compassion accroît aussi notre sentiment de gratitude. En prenant conscience des vraies douleurs qui nous côtoient, nous détournons notre attention de ces petits ennuis que nous avons trop tendance à grossir.

Quand vous songez au miracle de la vie, au don de la vue – ne serait-ce que le fait de pouvoir lire ce livre –, à l’intelligence, à la capacité d’aimer, etc., vous comprenez mieux que nos prétendues «tuiles» ne sont que vulgaires «pépins» et que nous sommes nous-mêmes coupables de cette absurde inflation.

Extrait de :
Ne vous noyez pas dans un verre d’eau
Cent petits conseils pour vous simplifier la vie!
J’ai lu; Bien-être (1998)

Pensées du jour :

Peace by persuasion has a pleasant sound, but I think we should not be able to work it. We should have to tame the human race first, and history seems to show that that cannot be done.
~ Mark Twain (Letter to William T. Stead, 1/9/1899

Fais attention à tes pensées, elles deviennent souvent des paroles  
Fais attention à tes paroles, elles deviennent souvent des actions  
Fais attention à tes actions, elles deviennent souvent des habitudes   
Fais attention à tes habitudes, elles deviennent souvent ton caractère
Fais attention à ton caractère, il détermine souvent ton destin
(Auteur inconnu)

Les choses sont créées pour être utilisées et les personnes pour être aimées.  
Mais le problème dans le monde d'aujourd'hui est que les personnes sont utilisées et les choses sont aimées.
(Auteur inconnu)

There is nothing in which the birds differ more from man than the way in which they can build and yet leave a landscape as it was before.
~ Robert Lynd (The Blue Lion and Other Essays)

14 août 2013

Maux croisés

Une fois de plus, que voulons-nous? Ça :


Ou ça :

Ce serait fantastique si l’on cessait de nous prendre pour des imbéciles. C’est à la fois ironique et pathétique de voir comment certains experts scientifiques et médias «officiels» minimisent les effets des catastrophes environnementales.

Prenons Fukushima, ce sinistre exemple de «profit vs humanité». L’air et l’eau n’ont aucune frontière, on le sait. Alors, qui a besoin de150 études scientifiques pour comprendre que les particules radioactives et autres déjections toxiques se propagent sur toute la planète? En définitive, nous en paierons la facture, tous autant que nous sommes.

Prenons Haïti. La souche du choléra a été introduite par les casques bleus d’un contingent népalais de la mission de l'ONU dont les déjections ont pollué une importante rivière au nord de Port-au-Prince. L'épidémie a fait plus de 8000 morts depuis octobre 2010 et a infecté près de 650 000 personnes. Faut l’faire, ils étaient sensés aider.

Prenons Mégantic. On essaie de nous faire croire que les dégâts ne sont pas aussi graves que ce que la Société pour vaincre la pollution avance (parce que les échantillons avaient été prélevés peu après la catastrophe). Du pétrole, c’est du pétrole. Je dirais aux gens de Mégantic : fiez-vous à votre intuition plutôt qu’aux études; ou surveillez les poissons et les oiseaux morts sur les rives du lac (à moins qu’ils ne soient définitivement englués au fond du lac, ou vérifiez s’il n’y a pas d’animaux malades aux alentours – les animaux sont nos baromètres en matière de pollution.

Prenons les sinkholes (dolines) qu’on dirait de plus en plus fréquents. Voici une explication scientifique très instructive :
       Les dolines peuvent se former partout où il y a des roches solubles dans le sous-sol. C’est ce qu’on appelle un «terrain karstique» selon Randall Orndorff, directeur de l’Eastern Geology and Paleoclimate Science CenterUnited States Geological Survey.
       Les roches solubles qui peuvent former des dolines contiennent du calcaire, du gypse et du sel. Les précipitations abondantes sont un ingrédient clé pour l’ouverture d’un gouffre. Une fois infiltrée dans le souterrain, l'eau devient acide et, sans un drainage adéquat, elle peut créer une sorte de piscine propice aux dolines. (…)
       Les dolines peuvent également être artificielles, c’est-à-dire sans que des roches solubles soient présentes sous terre. Selon l'USGS, une tuyauterie qui fuit, de vieux puits miniers et un dysfonctionnement dans le traitement des eaux usées sont trois exemples attribuables à la négligence humaine.
       Les dolines survenant dans les zones urbaines sont dangereuses car tandis que la roche se dissout dans l'eau, des trous et des cavernes se forment sous la terre. À un certain moment ils deviennent suffisamment énormes pour provoquer des effondrements. La canalisation des aqueducs et des égouts est déjà présente dans le sous-sol. Selon Orndorff, au fur et à mesure que l'eau infiltre le souterrain, les infrastructures (conduites d'eaux usées et tuyaux d'aqueduc) s’érodent avec le temps et créent des cavernes qui contribuent à la formation de dolines.
       Des dolines naturelles peuvent aussi se former en raison de sécheresses et de pluies abondantes. Dans le cas d'une période de sécheresse, la nappe phréatique peut chuter et perdre la stabilité qu'elle avait auparavant. En outre, lorsque le calcaire se dissout, il forme un sol argileux qui retient beaucoup d'eau. Quand le sol argileux sèche, il perd son lien cohésif, et peut potentiellement causer un affaissement du sol.

Source – article complet :
http://www.accuweather.com/en/weather-news/sinkholes-proven-to-be-dangero/10802869

Et Montréal est une île où l’on ne finit pas d’empiler les buildings, les parcs à condos, et le monde… And what about New York? OMG!

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Voici donc un texte sorti de mon classeur de vieilles photocopies – non identifié, désolée mais à l’époque on ne se souciait pas de la propriété intellectuelle (commentaire au sujet de la propriété intellectuelle dans cet article si ça vous intéresse : http://situationplanetaire.blogspot.ca/2013/01/meme-gaia-est-fatiguee.html ).

Bref, de mémoire, ce document date du début des années 80.
Encore une fois on constate que le seuil critique a été dépassé depuis longtemps : 

Notre manque flagrant d’égard et d’empathie envers la planète elle-même (notamment à travers la surpopulation et la propagation de substances toxiques dans l’atmosphère et dans le sol) a atteint un seuil critique.

Nous nous moquions des anciens Romains qui préparaient leur nourriture dans des récipients en plomb. Nous les jugions insensés, stupides et irresponsables, alors même qu’ils n'avaient aucun moyen de prévoir les conséquences à long terme de l’empoisonnement au plomb. De notre côté, nous n'avons aucune excuse puisque nous connaissons les maux qu’entraînent l’accumulation des déchets chimiques, des émanations industrielles toxiques, des insecticides, des herbicides et autres. Nous sommes conscients des dangers, des possibles catastrophes, et pourtant, cette pollution continue et, en fait, elle s'intensifie. Les avantages financiers résultant de cette négligence crasse comptent-ils plus que le sort du monde et des générations à venir? Les conséquences des décisions actuelles sont largement sous-estimées, et cette mentalité arriviste axée sur la surexploitation, l’opulence, le profit et le prestige ne peut continuer encore très longtemps avant que d’autres graves répercussions deviennent apparentes.

La surpopulation est le principal problème dont découlent tous les autres. Considérant l'utilisation abusive des ressources, il y a trop de gens qui vivent sur terre en ce moment (1). Famines, pestes, guerres, catastrophes écologiques et autres calamités majeures dérivent de ce problème. Et à cause des changements climatiques, l’agriculture subit des contrecoups dramatiques. Les problèmes rencontrés en certaines régions ne sont que la «pointe de l'iceberg», car ces changements climatiques finiront par affecter les terres agricoles partout, même si pour le moment, les changements se font sentir plus lentement en certains pays. D’où le problème de la distribution alimentaire, qui d’ailleurs, a toujours été un problème. La possibilité de conflits armés (si minimes soient-ils) provoqués par la famine est très réelle et ces conflits ne pourront probablement pas être entièrement évités. 

Les menaces de guerre nucléaire sont évidemment bien connues, et ce spectre hante la planète depuis longtemps. Le plus navrant est ce perpétuel besoin de tester les armes nucléaires. Peu importe les prétextes invoqués pour déclencher ces explosions (attaquer des nations dites hostiles ou tester en zones «inoccupées») les particules rejetées dans l'atmosphère sont extrêmement dangereuses. Elles s’accumulent et se propagent, multipliant les risques de cancers, de mutations génétiques, de stérilité et quantité d’autres problèmes de santé dus à la contamination – identiques à ceux qu’on observe chez les employés des centrales nucléaires.

Aux substances nucléaires radioactives s’ajoutent bien d’autres substances nocives provenant des hydrocarbures, des dépotoirs, des eaux usées non traitées, des puits contaminés en particulier dans les pays technologiquement moins avancés. Le problème de la pollution vient  tout de suite après celui de la surpopulation en matière de gravité. Plusieurs régions du monde sont maintenant inhabitables à cause des poisons qui ont été répandus de manière irresponsable; et cela prendra plusieurs générations avant qu’elles ne redeviennent habitables. Il est tragique de penser que tout cela n’est pas nécessaire pour produire de l’énergie. D’autres sources pourraient fournir autant d’énergie, sinon plus, à moindre coût et sans nuire à l'environnement; l’énergie solaire et l’énergie géothermique par exemple. L’exploitation des marées, si l’on se donnait la peine de l’étudier sérieusement, pourrait facilement produire de l’énergie. L’amélioration des piles et des techniques de stockage rendrait ces méthodes «naturelles» plus efficaces, plus économiques, et n’introduirait presque pas d’éléments dommageables à l’environnement. Les combustibles fossiles ne sont nécessaires pour se transporter. Il est possible d’adapter les techniques des générations précédentes, comme la force motrice de la vapeur par exemple; ce qui ne veut pas dire circuler lentement en voiturettes avec pas plus de deux passagers…

Par ailleurs, les sommes colossales investies dans l’armement par les nations pourraient être utilisées à meilleur escient – considérant que l’unique vocation des armes est de détruire et tuer… La production d’armes est l’une des industries les plus lucratives, et celle-ci procure énormément de pouvoir et de prestige aux fabricants, notamment en milieu politique. Le système ne sert qu’à aggraver les problèmes. Si la mentalité globale, actuellement orientée sur les bénéfices et le prestige, bifurquait vers l’élimination de la toxicité et de la misère, alors ceux qui sont avides de pouvoir, de profit et de prestige n’auraient pas le choix de se tourner vers des activités pouvant mettre fin à ces problèmes.

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(1) Par exemple, en 1950, la population des États-Unis se situait à environ 180 millions d’individus; aujourd’hui (2013) est elle évaluée à environ 315 millions.

COMMENTAIRE

Plus j’avance, plus je crois que le seul et unique problème sur terre est d’avoir conçu des créatures contraintes à se manger les unes les autres… Vraiment stupide. Si «dieu» est un être d’amour comme certains le prétendent, comment aurait-il pu créer pareille absurdité?

Si le sujet vous intéresse :
http://airkarma-mestengo.blogspot.ca/2010/11/chapitre-1-terra-mart-le-buffet-du.html

12 août 2013

Le texto au volant par Werner Herzog



From one second to the next
(D’une seconde à l’autre)

Des témoignages au sujet d’accidents causés par des gens en train de texter au volant (en anglais). À voir même si l'on ne comprend pas l'anglais.

Pour ma part, je vois encore beaucoup de gens texter au volant ou converser en tenant leur cellulaire à l’oreille. C’est pourtant défendu. J’ai également reçu un clip où l’on voyait des texteurs marchant sur la rue buter contre un arbre, s’enfarger, se cogner sur des passants, etc. Fou dingue.

100 000 accidents par année impliquant des texteurs, et le nombre ne cesse d'augmenter.

Faites circuler – mais surtout pas tandis que vous conduisez !

Une campagne de sensibilisation a été lancée par AT&T :
It can wait (Ça peut attendre)

Derniers mots de certains texteurs (en effet, ils auraient pu attendre) :
«I’m on my way»; «I love you»

Don’t text while driving
Visit http://www.itcanwait.com to take the pledge, and learn more about the dangers of texting while driving.

10 août 2013

“Dear” letters


Chers amis Albertins,

Vous êtes fiers de la richesse que vous procurent la fracturation et l’extraction de carburants fossiles dans votre magnifique province. Vous vous vantez de «faire vivre» (contre votre gré) les autres provinces, en particulier ce Québec de fainéants qui ne savent pas s’enrichir. Sentiments tout à fait légitimes, bien sûr. 

Néanmoins, que ferez-vous

- quand l’acidité de votre sol aura augmenté au point de ne plus contenir aucun nutriment essentiel à l’agriculture, relâchant plutôt des métaux lourds : arsenic, baryum, cadmium, chrome, plomb, mercure, etc. Les humains et les animaux ne peuvent pas manger de plantes imprégnées de métaux lourds car ces derniers s’accumulent dans les tissus du corps et causent de sérieux problèmes de santé;

- quand le haut niveau de radioactivité (causé par l’évacuation d’uranium et de radium préalablement enfouis) répandu dans les cours d’eau et les lacs auront contaminé toute la chaîne alimentaire, incluant vos charmantes personnes;

- quand les produits chimiques utilisés pour la fracturation auront bousillé votre système immunitaire parce qu’ils interfèrent avec votre propre biochimie naturelle; 

- quand les fluides de la fracturation qui remontent à la surface auront empoisonné tout le vivant – végétation et animaux – jusqu’à des centaines de kilomètres au-delà du point de fracturation;

- quand cette propagation aura pollué toutes vos terres cultivables? 

Qu’allez-vous boire, manger et respirer?

Read more:
http://www.care2.com/greenliving/how-fracking-affects-your-farmers-market.html#ixzz2av34iUHc

Déversement CFB Cold Lake (Alberta), début août 2013 :
- plus de 1,1 million de litres de bitume déversés dans les marécages, les boisés et les cours d’eau;
- 2 400 litres par jour depuis juin; 4 points de fuite

Un accident similaire (même compagnie) s’est produit dans la même région en 2009.


Déversement à Wabamun, le 3 août 2005 – un train du CNR transportant des bunkers de fuel a déraillé à quelques mètres des chalets en bordure du lac.

***

Chers amis Québécois,

Vous ne pourrez sans doute pas aider les Albertains étant donné que vous entendez copier leur manière de s’enrichir, en laissant, entre autres, serpenter un pipeline à travers la province.

Dommage que vous ne tiriez pas les leçons appropriées des nombreuses catastrophes qui se produisent également chez nos voisins du Sud (Arkansas, Californie, Colorado, Delaware, Louisiane, Maryland, New Jersey, New Mexico, New York, Caroline du Nord, Dakota du Nord, Ohio, Oklahoma, Michigan, Pennsylvanie, Virginie, Wyoming), et partout sur la planète.

Qui et comment une prospérité aussi délétère peut-elle séduire?
Je ne comprends pas.

7 août 2013

La «situation» en peu de mots



Transistors
Louis-Jean Cormier
Album "Le treizième étage"

On court vers le vide
Se remplir le cœur
Des jours stupides
Des bulldozers dans le journal

On court vers le vide
Se remplir le corps
Des pluies acides
Des transistors qui nous avalent
On se fait mal c’est à croire qu’on se sent bien à bout de souffle
Un pied sur le bord du gouffre
Et l’autre qui devine ce qui s’en vient

On court vers le vide
Se remplir les poches
D’argent liquide
Et d’idées croches qui mènent le bal
On se fait mal c’est à croire qu’on se sent bien à bout de souffle
Un pied sur le bord du gouffre
Et l’autre qui devine ce qui s’en vient