Les
diverses façons de réagir à une éventuelle extinction de notre espèce me
rappellent les étapes de deuil du Dr Elizabeth Kübler-Ross face à la mort d’un
proche ou à sa propre mort (diagnostic de maladie terminale). Ces étapes incluent le
choc/déni, la colère, le marchandage, la
dépression, l’acceptation – ou la résignation, l’acceptation fataliste. Ces étapes
ne se succèdent pas forcément dans cet ordre. En outre, certains individus peuvent
passer du choc/déni initial et sauter à l'étape d’acceptation. Le deuil a aussi
le sens de «perte définitive». Lorsqu'un événement provoque une crise, un
changement radical peut survenir.
Par
analogie à notre situation précaire :
– Certains
en sont à l’étape du choc/déni. Ils
viennent subitement de comprendre que les changements climatiques pourraient
avoir des effets négatifs sur leur propre existence et que l’humanité serait peut-être
en phase terminale. Ils rejettent l’information.
– D’autres
sont en colère parce que la réalité
les a rattrapés. Ils vérifient les informations, se révoltent, se remettent en
question et, réalisant qu’il est impossible de réparer les dommages, ils
peuvent se sentir coupables.
– D’autres
sont à l’étape du marchandage. Refusant
la soumission, ils s’engagent individuellement dans un virage «vert» radical. Ils
se bercent d’illusions.
– D’autres
sombrent dans la dépression, la
tristesse et le défaitisme.
– Y en
a-t-il des individus qui sont à l’étape de l’acceptation? Quand on vit un grand sentiment d’impuissance, la
première réaction est plutôt la résignation : «je ne peux absolument
rien faire pour changer cette situation...» L’acceptation permet de réorganiser
sa vie, de s’adapter malgré les changements non-désirés, dans la mesure de ses
capacités.
Pour ma
part, je suis comme un yoyo – parfois j’éprouve toutes les étapes de deuil en
une seule journée, dépendant des nouvelles du jour...
Caricature :
Serge Chapleau, La presse 01.09.2018
Il est
dans l’intérêt des grandes entreprises et des systèmes politiques de nous
endormir au gaz (ou au Fentanyl), ce qui accélérera notre extinction. Ce qui
frappe dur dans la campagne électorale, c’est que les quatre principaux partis
ne parlent aucunement de stopper l’exploitation pétrolière et gazière approuvée par
l’actuel ministre libéral de l’Environnement (pardon, du Développement durable),
Pierre Moreau. Les permis couvrent de larges portions de territoires de chaque
côté du fleuve Saint-Laurent, dans les réserves fauniques, près des lacs et des
rivières. Choquant.
Jour de
la terre, 2035
J’ai
choisi quelques extraits d’un article où l’auteur nous met en garde contre les vendeurs
«d’illusion verte» qui, peut-être par naïveté ou ignorance, prônent un système
de développement vert ou durable, copié sur celui de la société
industrielle actuelle. Il critique assez vertement Cyril Dion (1), l’auteur du
documentaire «Demain» largement encensé par la presse et le grand public, qui
vient de publier un ouvrage intitulé Petit
manuel de résistance contemporaine : Récits et stratégies pour transformer le
monde. Je ne connais pas Cyril Dion. Je vous suggère de lire l'article de Nicolas Casaux, que je ne connais pas non plus, dans son intégralité (lien à la fin des extraits). Ses propos pourraient en choquer plusieurs, mais comme disait Lao Tseu :
«Les paroles vraies ne sont pas agréables;
«Les paroles vraies ne sont pas agréables;
les paroles agréables ne
sont pas vraies.
Un homme de bien n'est
pas un discoureur;
un discoureur n'est pas
un homme de bien.
L'intelligence n'est pas
l'érudition;
L'érudition n'est pas
l'intelligence.»
[Ndlr :
les passages en bold sont de mon initiative]
Cyril Dion, bonimenteur de l’écologisme
médiatique et subventionné
Par
Nicolas Casaux | Le Partage, août 2018
On nous
demande souvent pourquoi nous critiquons les Colibris, Pierre Rabhi, Cyril Dion
& cie. J’y vois un malentendu important. Pour tenter de le dissiper,
revenons sur le dernier livre de Cyril Dion, Petit manuel de résistance contemporaine, récemment publié par la
maison d’édition de notre chère ministre de la Culture, Françoise Nyssen.
Bien qu’il reconnaisse à peu près les
ravages écologiques engendrés par la civilisation industrielle, son examen du
désastre social est presque inexistant. Cyril Dion ne propose aucune analyse
des nombreuses oppressions systémiques qui caractérisent la civilisation
industrielle (racisme, sexisme, etc.), des problèmes indissociables de
l’existence du pouvoir – autrement dit de l’accumulation de puissance par un
nombre restreint d’individus dans une société donnée –, de la relation entre la
taille d’une société et le degré de démocratie qu’elle peut incorporer, des
liens entre les différents types de technologie que l’on peut distinguer et les
structures sociales dont ils émergent et qu’ils renforcent, etc.
Cela explique sûrement pourquoi il a la
naïveté d’affirmer que le changement dont nous avons besoin repose
nécessairement sur une «coopération entre élus, entrepreneurs et citoyens» et
pourquoi le type de société idéal qu’il imagine ressemble à s’y méprendre à la
société industrielle actuelle.
Compter sur les dirigeants et les entrepreneurs
pour sauver la situation, c’est ne rien comprendre aux intérêts divergents des
différentes classes sociales, et ignorer l’histoire des luttes sociales; c’est
croire au père Noël. Les quelques avancées sociales des dernières décennies – si
l’on peut qualifier ainsi l’agrémentation des conditions de la servitude
moderne et généralisée qu’implique la civilisation – ont toujours été le fruit
de conflits entre, d’une part, le peuple et, d’autre part, les élites au
pouvoir. [...]
Et quel est donc l’objectif de Cyril Dion?
C’est une question qui n’a probablement pas de réponse étant donné que lui-même
ne semble pas savoir. D’un côté, il reconnaît que «les tenants de la ‘croissance verte’, du ‘développement durable’ à la sauce RSE
[…] se contentent bien souvent d’aménager l’existant : recycler un peu plus,
faire baisser les dépenses d’énergie, améliorer les processus de fabrication
pour limiter l’impact sur l’environnement, sans remettre en question le cœur du
modèle capitaliste-consumériste», mais de l’autre, c’est précisément ce qu’il
prône.
... Une société industrielle écologique,
c’est un oxymore. Au même titre qu’une société de masse démocratique. [...]
Ainsi que l’écrit Peter Dauvergne dans son
livre Environmentalism of the rich
(L’écologisme des riches) :
«Il est
facile de se laisser happer par l’écologisme des riches. Il suinte l’optimisme
et se prétend pragmatique et réaliste, en faisant appel à la volonté
compréhensible de dépasser le pessimisme et le cynisme – dont est souvent taxé
l’activisme écologique de la ‘vieille
école’. Les solutions qu’il propose
sont le fruit de l’innovation et du business, de la création de richesse, des
nouvelles technologies, des éco-marchés, du libre-échange, des investissements
étrangers, d’un développement plus poussé, et non pas de nouvelles législations
pour contenir les excès et transformer les modes de vie. Tout ce qui est
nécessaire, ce sont de petites étapes et de petits changements, permettant de
faire croire aux gens qu’ils progressent en direction de la soutenabilité sans
avoir à sacrifier quoi que ce soit.» [...]
Cyril
Dion est un marchand d’illusions. Il réconforte les angoissés qui craignent de
perdre leur mode de vie confortable et le mal nommé progrès parce qu’ils sont
aussi aveugles que lui quant à leurs réalités, et déculpabilise à bon compte
tous ceux qui vivent un peu mal le fait qu’elle détruise la planète en leur
assurant que la société technologique moderne peut tout à fait devenir
écolobio. Il le dit très bien lui-même. Son
principal souci consiste à «conserver le meilleur de la civilisation» et non
pas à défendre le monde naturel contre les innombrables destructions
qu’impliquent la civilisation industrielle et son inexorable expansion. Le
monde naturel, la planète, est secondaire, il s’agit de la préserver «au mieux».
Ce qui est littéralement cinglé. La santé de la biosphère devrait évidemment
être primordiale. D’autant que, répétons-le, le meilleur de la civilisation
n’est que nuisances.
Son discours peut se résumer en une phrase :
mais si, croyez-moi, il est possible
d’avoir une civilisation industrielle écologique et démocratique, d’avoir des
zavions écolos, des zautomobiles écolos, des routes écolos, etc. Un conte
pour enfant immature et une utopie indésirable, que la moindre analyse des
systèmes de pouvoirs qui caractérisent la civilisation, des implications des
technologies complexes et des industries dont il souhaite la continuation,
dissiperait instantanément.
Il ne faut pas confondre les riches qui
cherchent à préserver leur mode de vie de riche avec l’écologie. Ce sont deux
choses très différentes.
L’écologie, c’est Jairo Sandoval Mora, tué
le 31 mai 2013 alors qu’il protégeait les nids des tortues marines sur la plage
de Moin à Limon, sur la côte caraïbe du Costa Rica. C’est Berta Caceres,
assassinée le 2 mars 2016 au Honduras parce qu’elle luttait contre la
construction d’un barrage hydroélectrique, ces mégamachines qui tuent les
fleuves et les rivières mais dont les gouvernements, les multinationales et les
médias grand public disent qu’elles produisent une énergie «verte», ces
énergies que les Cyril Dion du monde promeuvent. L’écologie, ce sont tous ceux
que l’on assassine chaque année, en Afrique, parce qu’ils s’opposent au
braconnage d’animaux sauvages ou aux trafics de bois précieux, et ceux qui sont
menacés de mort ou que l’on jette en prison pour ces mêmes raisons, comme
Clovis Razafimalala, à Madagascar. L’écologie, c’est Isidro Baldenegro López,
assassiné le 15 janvier 2017 à Coloradas de la Virgen, au Mexique, parce qu’il
luttait pour préserver les forêts de la Sierra Madre. L’écologie c’est Rémi
Fraisse. L’écologie, ce sont les zadistes qui luttent pour préserver la vie
sauvage à Notre-Dame-des-Landes et ailleurs. Et tous les autres qui, partout
sur Terre, cherchent à défendre le monde naturel, les biomes et leurs
communautés biotiques, par amour et parce qu’ils savent que sans eux, ils ne
seraient pas.
***
Tandis
que l’on s’enfonce collectivement dans une dystopie digne de 1984 et du
Meilleur des mondes, où l’appareil de surveillance étatique ne cesse de se
perfectionner et d’être toujours plus envahissant, où l’individu, toujours plus
dépossédé, au point de n’avoir plus aucune influence sur le développement de la
société dont il participe, subit, impuissant, les décisions prises par les
élites au pouvoir, tandis que toutes les tendances indiquent clairement que la
situation écologique ne fait et ne va faire qu’empirer au cours des prochaines
décennies (triplement de la surface mondiale urbanisée, croissance frénétique
de la production mondiale de déchets et des extractions minières, réchauffement
climatique qui ira en s’aggravant étant donné que les émissions de GES ne
cessent d’augmenter, etc.), les discours absurdes des Cyril Dion et autres
Isabelle Delannoy ne nous sont d’aucune aide. Bien au contraire. [...]
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(1) Cyril
Dion est écrivain, réalisateur et militant écologiste.
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