30 mars 2019

Pourquoi privilégier l’État laïque?

Les raisons ne manquent pas! Voici un exemple d’accommodement déraisonnable : les sikhs peuvent porter leur kirpan partout et en tout temps au Canada, même les enfants à l’école (1). Or, le port d’une arme blanche, tel un couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche, est prohibé.
   Le kirpan est un poignard d'une longueur de 18 cm de long fait partie des Cinq K (les cinq obligations) que la religion sikhe impose aux hommes : interdiction de se couper les cheveux (kesh) maintenus par un peigne de bois (kangha) sous un turban, port du caleçon bouffant (kachera) et du bracelet de fer (kara).
   Le port du kirpan est interdit en France, au Danemark et dans plusieurs États américains. En Italie, un sikh portant le kirpan a été condamné pour port d’arme illégal en mai 2017 : «Il n’est pas tolérable que l’attachement à ses propres valeurs, même légales selon le droit en vigueur dans le pays d’origine, conduise à la violation consciente de celles de la société d’accueil», a jugé la Cour de cassation italienne. «Si l’intégration n’impose pas l’abandon de la culture d’origine [...], le respect des droits de l’homme et des normes judiciaires de la société accueillante constituent une limite infranchissable», ont insisté les juges alors que le parquet avait demandé l’annulation de la condamnation, estimant que la tradition culturelle de l’homme justifiait le port du poignard.

Supposons que les adeptes du Culte de la Licorne Rose croient que leur dieu exige qu’ils portent une corne frontale en permanence – comment réagiriez-vous devant un policier à corne qui vous remet une contravention?!

Un résumé : Laïcité : religion et législation font-elles bon ménage?




Un film à voir tandis que la question fait des vagues au Québec une fois de plus...

Quand les pouvoirs s'emmêlent

Quatre pays, quatre villes, un seul combat : celui des femmes dans l’espace public, mais aussi la sphère privée. Dans certains coins du monde, celui-ci n’est pas encore gagné, ou sérieusement menacé. C’est ce que démontre Quand les pouvoirs s’emmêlent, lorsque le politique et le religieux, qu’il soit catholique ou musulman, décident de sonner le glas, celui des libertés parfois gagnées à l’arraché.
   La documentariste Yvonne Defour, habituée de parcourir le vaste monde avec sa caméra (Marchés sur Terre, Le sexe autour du monde), témoigne de ces luttes en allant à la rencontre de militantes, mais aussi d’hommes épris de justice sociale, accompagnée de l’acteur Vincent Graton, témoin parfois ahuri des régressions qui ont cours à Tunis, à Paris, et à Washington. De retour à la maison, il constate que tout n’est pas idyllique, et que les luttes d’ici trouvent un curieux écho dans celles que l’on découvre ailleurs, le tout sur fond de harcèlement sexuel, de laïcité, de droits reproductifs et de représentation politique aux plus hautes sphères de l’État. Mais à la base s’activent des indignées au discours éloquent, passionné, viscéral, le tout dans une forme dynamique et séduisante. Et certaines figures de proue, particulièrement en Tunisie, le font parfois au péril de leur vie.

André Lavoie | Le Devoir, octobre 2018

Vincent Graton à Washington D.C. Photo : Productions Mi-Lou

Produit par Louisa Déry et Michèle Grondin et réalisé par Yvonne Defour, ce documentaire, présenté par Vincent Graton, pose un regard critique sur les liens ambigus qu’entretiennent la religion et la politique au détriment des libertés des femmes à travers le monde. La question fondamentale qu’avance le film est la fragilité des droits des femmes dans notre monde moderne. Le documentaire explore l’importance de la laïcité dans notre société et l’évoque comme une solution possible à l’égalité des droits entre tous les individus.
   De nos jours, partout dans le monde, un rapprochement s’opère entre les pouvoirs religieux et politique, menaçant ainsi les droits des femmes durement acquis. De la Tunisie au Québec, en passant par la France et les États-Unis, Vincent Graton est allé à la rencontre de femmes et d’hommes avertis pour tenter de comprendre les enjeux d’un sujet complexe et important pour préserver les droits des femmes. Tout comme Vincent, les spectateurs profiteront des propos éclairants des intervenants pour prendre conscience de l’enjeu et comprendre en quoi l’établissement d’un cadre défini protégeant l’état de l’influence des pouvoirs religieux est une clé de la solution.
   Un film qui fait le constat que les droits des femmes ne sont jamais acquis. Un documentaire humain et puissant qui laisse une place aux témoignages de femmes et d’hommes qui se sont investis au nom de la liberté.

Les intervenants
• Lina Ben Mhenni, blogueuse et militante
• Khedija Cherif, sociologue, ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates
• Naziha Labidi, ministre de la Femme, de la famille et de l’enfance
• Hafidha Chekir, juriste et auteur
• Habib Kazdagli, doyen – Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités, Université de la Manouba
• Khadija T. Moalla, PhD, consultante senior en droit international
• Delphine Horvilleur, rabbin
• Zohra Bitan, militante et auteur
• Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité
• Florence Montreynaud, historienne et auteur
• Jacques Berlinerblau, PhD, professeur, Georgetown University
• Heather D. Boonstra, directrice des politiques publiques, Guttmacher Institute
• Kathleen Dumais, représentante, 15e District du Maryland
• Eleonor Smeal, présidente, Feminist Majority
• Diane Guilbaut, sociologue, présidente – Pour les droits des femmes du Québec
• Julie Latour, avocate
• Normand Baillargeon, philosophe et auteur

CTVM info https://ctvm.info/

Vincent Graton est un comédien reconnu pour son engagement social. Pour les besoins du documentaire Quand les pouvoirs s’emmêlent, il a voyagé sur trois continents pour constater la fragilité croissante des droits des femmes, dans la foulée des liens ambigus entre la religion et la politique qui gagnent du terrain un peu partout.
   Il nous amène à nous questionner sur des dénominateurs communs qui rapprochent le fondamentalisme islamique nord-africain, la droite religieuse des États fondamentalistes américains et le catholicisme tout puissant du Québec d’avant la Révolution tranquille lorsqu’il s’agit de la place des femmes et de leurs droits dans la société. On constate que lorsque les pouvoirs s’emmêlent, ils font peser une menace authentique sur une société basée sur l’égalité et l’ouverture.

Doc Humanité, ICI Radio-Canada

Ou :


Comprendre la laïcité en 50 notions essentielles!
«La laïcité est une notion “à la mode”. On en parle à longueur d'ondes, elle couvre les kiosques à journaux, on la met à toutes les sauces. Bien sûr, tout le monde est pour. Ou presque. Mais, mal connue, instrumentalisée, la laïcité devient parfois un prétexte commode pour parler d'autre chose. Intellectuellement, bien sûr il n'y a pas qu'une laïcité. La notion est soumise, depuis ses origines, à de nombreux débats, toujours très vifs aujourd'hui. Juridiquement, la notion n'est pas si difficile à comprendre si on accepte de s'y arrêter un peu. La laïcité française est d'abord et avant tout une réalité concrète et quotidienne, très encadrée. La plupart des réponses aux difficultés auxquelles elle est parfois confrontée se trouve, le plus souvent, dans l'observation de cette réalité.»

50 notions clés sur La Laïcité pour les Nuls | Nicolas Cadene | Collection Pour les Nuls Culture Générale (2016)

La laïcité en voie d’extinction

Quelle que soit la façon dont on tente d’édulcorer les religions, celles-ci restent des prisons psychologiques (et parfois physiques) construites sur la peur, le jugement, l'exclusion, le péché, la culpabilisation et des promesses de salut éternel (parfois obtenu par procuration). Alors, plus quelqu’un est désespéré ou démuni, psychologiquement et/ou matériellement, plus il a de chance de se laisser embrigader. Le marketing est plus puissant et efficace que la raison et la science. Pourquoi y a-t-il autant de religions et de prescriptions différentes s’il n’y a qu’un seul Dieu?
   Le contrôle politico-religieux, ce sépulcre de croyances, prescriptions et doctrines de conception humaine, reste le dénominateur commun derrière ces vains et récurrents débats autour de la laïcité et des religions, ou de l’athéisme et de la foi. Mais n’oublions pas l’essentiel derrière tout ce charabia à propos des signes  et codes vestimentaires religieux : l’égalité des droits femmes-hommes et la neutralité confessionnelle des institutions gouvernementales.
   Les objets et les vêtements ont une valeur symbolique, et ce sont les gens qui leur attribuent une valeur identitaire. Si vous étudiez l’histoire du vêtement vous verrez comme cet aspect du débat est futile. En réalité, il vaut mieux étudier les lois et rituels religieux intégrés aux lois civiles inégalitaires...
   Dans les années 50/60, les religions les plus répandues au Canada étaient le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme. Peu à peu, l’arrivée d’immigrants de toutes races, ethnies et confessions a modifié le paysage. Il fallait se familiariser à de nouveaux codes vestimentaires et religieux. On se demandait quelle influence aurait cette insertion cosmopolite sur notre propre culture, et surtout comment toutes ces religions allaient coexister hors des quartiers-ghettos des grandes villes. Les frictions étaient quasi inévitables puisque des minorités jadis invisibles devenaient soudainement très visibles.
   Les déguisements, les objets, les rituels et les coutumes, de nature socioculturelle et/ou religieuse, font partie de la vie; ils servent à démarquer et à identifier. Le déguisement exprime ce que nous croyons être ou pensons devoir être.
   Tous les codes vestimentaires sont permis, des plus simples aux plus sophistiquées, aux plus ridicules. Mis à part la cagoule, qu’on devrait réserver aux températures de moins 20°C et aux vols de banque, où est le problème? On s’en balance des gréements, la plupart du temps choisis par souci de conformisme, d’appartenance ou inversement en réaction à ces deux éléments. Là où le bât blesse, c’est lorsqu’un groupe, drapé dans son bon droit, entend imposer à autrui ses dogmes, ses rituels, ses codes vestimentaires et alimentaires, ses objets de culte et ainsi de suite.
   Même si l’on peut généralement s’habiller n’importe comment, il y a des professions qui requièrent le port d’un uniforme. Par exemple, un policier en service et une infirmière en milieu hospitalier de sorte qu’on puisse les identifier rapidement en cas d’urgence. Par contre, le camouflage complet ou partiel du visage (bizarrement réservé aux femmes) devrait être banni.
   Quand on étudie les religions traditionnelles ainsi que d’autres moins répandues, on est frappé par la quantité inimaginable de rituels, de préceptes, de contraintes, d’interdictions et de superstitions auxquelles se soumettent les croyants et que certains d’entre eux défendent bec et ongles même au prix de leur vie. Tout ça pour plaire à un Dieu dont les caractéristiques varient passablement d’une confession à l’autre. Le moins qu’on puisse dire c’est que certaines religions sont «combatives» en raison de leur extrême propension au prosélytisme et au contrôle, tandis que d’autres sont plus pacifiques et libérales.
   Même si toutes les religions et les sectes prêchent l’amour, celui-ci brille souvent par son absence – «ce que tu fais parle plus fort que ce que tu dis» disait Albert Schweitzer... Entre la théorie et la vraie vie, il y a parfois des années-lumière.
   Ce ne sont pas les races et les ethnies elles-mêmes qui éveillent l’animosité mais leurs coutumes religieuses et civiles souvent discriminatoires.
   Les institutions gouvernementales doivent être laïques. Nous n’avons pas à subir les rituels et les lois cléricales de toutes les religions qui coexistent ici. Même avec la meilleure volonté du monde, il serait impossible d’accommoder et d’homogénéiser autant de pratiques disparates!
   Chacun est libre de suivre les prescriptions de sa religion ou de sa secte, mais il n’a pas le droit d’en imposer les dictats aux autres citoyens. Si les pratiquants ont des agendas de congés religieux/civiques et des horaires de prière particuliers, ainsi que des restrictions alimentaires, ils peuvent s'organiser en privé, dans leurs propres communautés. Je ne mange pas d’animaux (simplement par compassion), et quand je suis invitée chez des carnivores, on me sert les légumes d’accompagnements... les hôtes n’ont pas à imposer un menu végétarien à tous parce que je suis là.

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(1) La Cour supérieure du Québec avait confirmé la validité d'une interdiction du kirpan dans certains contextes ou lieux (avions, tribunaux). Toutefois, dans un arrêt rendu en mars 2006 dans l'affaire Multani, la Cour suprême du Canada a conclu, en se fondant sur la liberté religieuse garantie par la Constitution, qu'en milieu scolaire, le port du kirpan par un élève ne pouvait faire l'objet d'une interdiction totale, dans la mesure où il était porté dans des conditions sécuritaires.
   En septembre 2008, le service de police de Montréal a annoncé qu'un étudiant de 13 ans était accusé d'en avoir menacé un autre avec son kirpan. Il a été acquitté de l'accusation le 15 avril 2009.
   Autorisé dans les enceintes scolaires au nom des «accommodements raisonnables», l'Assemblée nationale de Québec a cependant voté unanimement en février 2011 pour interdire le port du kirpan dans tous les édifices du parlement.
   En novembre 2017, le gouvernement canadien permettait désormais le port du kirpan dans un avion, à l’exception des vols en direction des États-Unis. Cette loi a soulevé une vive polémique chez les citoyens.

Parmi les parades adaptatives du premier ministre : Justin Trudeau visitant le principal Temple Sikh d’Ottawa à l’occasion du Festival des lumières (Diwali), le mercredi 11 novembre 2015. (Photo : Darren Brown / Ottawa Citizen)

28 mars 2019

Fourre-tout clérical

Aidez vos prêtres pédophiles, offrez-leur une église mobile : la religion de rue en toute intimité. En cas de dérapage, changer de patelin ou de ville sera un jeu d’enfant... (Photo 1923)


«Une fois que la loi commence à autoriser des exceptions fondées sur des ‘croyances religieuses sincères’, les méfaits et la discrimination qui en découleront ne cesseront plus.» ~ George Takei

«Dieu avait clairement une pauvre opinion du sens moral.» ~ Mark Twain

Si le clergé catholique s’auto-enquête, l’on peut compter sur la complaisance habituelle et l’omerta.

Cinq diocèses de la région de Montréal mandatent l'ex-juge Anne-Marie Trahan pour déterminer l'ampleur des crimes sexuels commis sur des mineurs par des prêtres ou d'autres employés du clergé au cours des sept dernières décennies, a annoncé mercredi l'archidiocèse de Montréal.
   La juge retraitée de la Cour supérieure du Québec cherchera plus précisément à déterminer le nombre et la nature des allégations d'agressions sexuelles commis par des membres du clergé et de leur personnel dans les diocèses de Montréal, Joliette, Saint-Jean-Longueuil, Saint-Jérôme et Valleyfield de 1950 à aujourd'hui.
   L'objectif de l'opération, inspirée par d'autres initiatives du genre menées ailleurs dans le monde, consiste à «faire la lumière sur les agissements du passé», indique l'archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, dans un communiqué publié mercredi matin. «Nous voulons tous donner la priorité à la transparence et aller au fond des choses dans la recherche de la vérité.»
   Selon l'archidiocèse, l'ex-juge Trahan a accepté de mener cette «enquête approfondie» après avoir obtenu l'assurance des autorités ecclésiales participantes qu'elle aurait «toute leur collaboration pour obtenir un accès complet à l'ensemble des dossiers visés [...] et pour la publication des conclusions statistiques du rapport».
   Le document comprendra plus précisément «des statistiques sur les allégations d'abus sexuel de mineurs de l'ensemble du personnel clérical et laïc des cinq diocèses, dans le respect des règles entourant la protection des renseignements personnels et de la vie privée», indique-t-on. (ICI Radio-Canada/nouvelles)

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Mgr Christian Lépine. (Photo : Jacques Nadeau/Le Devoir) 

Si la croix pèse trop... (Graffiti / France) 

 Enquête «bonbon»?

Le directeur des communications du Comité des victimes de prêtres, Carlo Tarini, n'est toutefois pas convaincu que l'enquête favorisera les victimes et déplore que celles-ci n'aient pas été consultées.
   «Mgr Lépine étant un évêque, cette juge à la retraite va enquêter sur les agissements de celui qui signe son chèque et ce n'est véritablement pas ce dont on a besoin», regrette-t-il.
   «Les victimes n'ont pas été consultées, elles ne font pas partie du processus. Les représentants des victimes ne font pas partie du processus. C'est une enquête maison, une enquête bonbon, avec une juge choisie par la personne dont les agissements vont être enquêtés. Comment peut-elle arriver, cette juge à la retraite, à identifier des malversations potentielles?» demande M. Tarini.
   Mgr Lépine estime que dans son expérience de juge, Mme Trahan a été confrontée à des expériences d'abus et qu'elle s'est toujours montrée attentive ou soucieuse de l'impact de ces agressions sur les victimes. C'est l'une des raisons qui l'ont poussé à lui confier l'enquête. «C'est une façon de dire aux victimes qu'on est là pour les entendre, qu'on est désireux de les entendre. C'est une main tendue aux victimes», a-t-il assuré.
    M. Tarini préférerait voir les victimes se tourner vers la police et les organismes d'aide plutôt que de participer à l'enquête, qui devrait durer de 18 à 24 mois et dont le rapport sera ensuite rendu public.
   «Si votre vie est endommagée par le traitement de motards, vous ne cognez pas au bunker des motards pour leur demander de vous aider et d'enquêter là-dessus, ce n'est pas la façon de faire», illustre-t-il.
   Ce qu'il espère maintenant, c'est que l'annonce de mercredi convaincra le gouvernement caquiste de lancer une enquête publique sur les agissements de l'Église catholique.

Caroline St-Pierre | Jean-Philippe Denoncourt | La Presse Canadienne

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Un prêtre pourchassant deux enfants. (Graffiti sur un mur de Lisbonne, 2011)  

Extrait | La Presse https://www.lapresse.ca/

Une pluie d'actions collectives Depuis 2004, au moins huit prêtres ont été condamnés par les tribunaux québécois pour des agressions sexuelles sur des mineurs. En parallèle, 14 communautés religieuses et un évêché ont fait ou font actuellement l'objet d'actions collectives pour des sévices infligés à d'anciens pensionnaires. Quatre se sont déjà soldées par des compensations, qui totalisent 55 millions de dollars, mais plusieurs d'entre elles sont toujours en cours.

2008: les frères de Sainte-Croix Cette première action collective intentée au Québec contre une communauté religieuse s'est conclue par une entente à l'amiable de 18 millions de dollars pour 200 victimes des prêtres de trois collèges tenus par les Frères de Sainte-Croix, dont le collège Notre-Dame. Une seconde demande d'action collective a été autorisée en 2017 pour 40 nouvelles victimes. Cette fois, la liste des lieux visés inclut l'oratoire Saint-Joseph, où des agressions se seraient produites.

2014: les Pères Rédemptoristes La communauté religieuse a été condamnée à verser 17 millions de dollars aux victimes d'agressions sexuelles commises par six prêtres, enseignants au Séminaire Saint-Alphonse. Frank Tremblay, le plaignant à l'origine de l'action de groupe, s'était félicité à l'époque de cette «victoire historique».

2015: les Clercs Saint-Viateur L'action collective intentée contre la communauté religieuse en 2015 s'est soldée par une somme globale de 20 millions de dollars qui a été partagée entre les plaignants. C'est la somme la plus élevée jamais concédée dans une telle action collective au Québec.

2017: les Frères du Sacré-Cœur Une première action collective a été autorisée en 2017. Le requérant, un homme de 57 ans, allègue avoir été violé à plus de 300 reprises lorsqu'il était au Collège Mont-Sacré-Coeur, à Granby. Une quinzaine de religieux sont visés par des accusations de pédophilie. Une seconde demande d'action collective a été déposée, il y a quelques semaines, pour des agressions commises au Camp Le Manoir, géré par la même communauté religieuse.

2017: les Frères Maristes En août 2017, une action collective a été autorisée contre les Frères Maristes et l'un de leurs membres, le père Réjean Trudel, qui oeuvrait dans une ressource d'hébergement de Saint-Hyacinthe, le Patro Lokal, entre 1970 et 1986.

2017: Servites de Marie En novembre 2017, les Servites de Marie sont visés par une demande d'action collective. Un requérant allègue avoir été agressé de manière systématique par le père Jacques Desgrandschamps, au Collège Notre-Dame-des-Servites.

2018: les Soeurs de la Charité Une demande d'action collective a été déposée en avril dernier par un ancien pensionnaire du Mont d'Youville, à Québec, tenu par les Soeurs de la Charité. Le requérant affirme y avoir subi de nombreux sévices sexuels entre 12 et 14 ans.

2018: Oblats de la Côte-Nord Une demande d'action collective a été déposée en février de l'an dernier contre les Oblats de Marie Immaculée pour des agressions sexuelles qui auraient été commises par le père Alexis Joveneau et d'autres membres de la communauté religieuse.

2018: sept congrégations Les orphelins de Duplessis, insatisfaits de l'entente conclue avec le gouvernement de Bernard Landry en 2001, qui accordait 25 000 $ à certains d'entre eux, réclament de nouveau des compensations pour des sévices subis dans plusieurs institutions. Leur demande d'action collective, déposée l'an dernier, vise sept communautés religieuses et les deux ordres de gouvernement.

2019: l'évêché de Chicoutimi Une première au Québec : l'évêché de Chicoutimi et neuf paroisses sont l'objet d'une action collective, autorisée par les tribunaux en janvier dernier. Une centaine de présumées victimes du prêtre Paul-André Harvey prennent part à l'action collective.

Et ailleurs?
Contrairement au Canada, de nombreux pays ont effectué des travaux d'envergure pour connaître l'ampleur exacte, à l'intérieur de leurs frontières, du problème des agressions sexuelles commises par des prêtres sur des mineurs. Petit tour du monde des résultats.

États-Unis 10 667 victimes C'est le nombre de victimes faites par les 4392 prêtres qui ont fait l'objet d'allégations d'agression sexuelle aux États-Unis, entre 1950 et 2002. Il s'agissait, à 80 %, de victimes masculines. Comment en est-on venu à ces chiffres, très précis? En 2002, à l'initiative de l'Assemblée des évêques des États-Unis, tous les diocèses américains ont dû faire une revue des dossiers de leurs prêtres pour une période allant de 1950 à 2010. Avec l'aide du John Jay College of Criminal Justice, les diocèses américains ont rempli des questionnaires pour chaque prêtre qui avait commis des agressions sexuelles à l'endroit de mineurs, que ces actes aient été sanctionnés ou non par la justice. Le rapport définitif publié en 2004, qui compte plusieurs centaines de pages, donne une montagne de détails sur la nature des actes, le nombre de victimes et, également, le traitement ou l'absence de traitement qu'on a offert aux prêtres agresseurs. De plus, l'été dernier, un jury citoyen de Pennsylvanie, faisant suite à une enquête du procureur de l'État, a rédigé un rapport qui dénombrait 300 prêtres prédateurs, qui auraient fait plus d'un millier de victimes. Seulement deux d'entre eux avaient été traduits devant la justice.

Irlande 700 pages C'est le nombre de pages du volumineux rapport déposé par la juge Yvonne Murphy qui a mené, pendant trois ans, une enquête sur les prêtres agresseurs en Irlande sur une période qui couvrait trois décennies. L'enquête a examiné les plaintes pour 320 agressions sur des enfants. Un seul prêtre aurait, à lui seul, agressé plus de 100 enfants. Un autre a avoué avoir agressé des enfants à raison de deux par mois pendant toute la durée de son ministère de 25 ans. Quatre archevêques ont d'ailleurs été montrés du doigt pour avoir couvert les prêtres agresseurs. «Les structures et les règles de l'Église catholique ont favorisé cette dissimulation», souligne la juge. Le rapport de la juge Murphy n'était pas le premier qui éclaboussait l'Église catholique irlandaise. Six mois plus tôt, le juge Sean Ryan avait établi que 2000 enfants sur les 35 000 hébergés dans les réseaux d'écoles religieuses avaient subi des agressions physiques et sexuelles de la part des prêtres.

Australie 7 % C'est le pourcentage de prêtres qui auraient été visés par des accusations d'agression sexuelle sur des enfants en Australie, a établi une Commission royale d'enquête menée dans tout le pays en 2017. Plus de 4400 agressions auraient été commises par 1880 agresseurs et auraient été dénoncées aux autorités ecclésiastiques. Dans certains diocèses, le pourcentage de prêtres agresseurs atteignait les 15 %. L'enquête de la commission a duré quatre ans et a recueilli les témoignages de milliers de victimes. L'âge moyen des victimes était de 11 ans. Le rapport définitif, rédigé par l'avocate Gail Furness, souligne que ces religieux agresseurs étaient fréquemment déplacés, et couverts, par la hiérarchie catholique.

Allemagne 13 ans C'est l'âge moyen des 3677 victimes de prêtres agresseurs répertoriées sur le territoire allemand lors d'une enquête menée par des universitaires à la demande de la Conférence épiscopale. Le rapport définitif, rendu public en septembre dernier, établit que 1670 prêtres ont agressé ces mineurs entre les années 1946 et 2014. L'étude a porté sur plus de 38 000 dossiers de prêtres, répartis dans 27 diocèses. Le sixième des cas était des viols. Quatre pour cent de ces prêtres sont toujours en fonction. Un an plus tôt, l'Église catholique allemande avait déjà été éclaboussée par un scandale quand on a établi que 547 enfants de choeur avaient été agressés à Ratisbonne entre 1945 et 1992.

Pays-Bas 800 prêtres C'est le nombre de prêtres agresseurs répertoriés par une commission d'enquête, présidée en 2011 par l'ancien ministre de l'Éducation des Pays-Bas, Wim Deetman. La commission a mené une enquête exhaustive et indépendante sur les sévices infligés par des prêtres à leurs victimes. Ces prêtres, qui ont sévi entre 1945 et 2010, auraient fait «plusieurs dizaines de milliers de victimes», a établi la commission. «Le chiffre [du nombre de victimes] est absolument énorme», a déclaré M. Deetman. Selon lui, l'Église néerlandaise était au courant du problème depuis des décennies. 

Belgique 457 plaintes C'est le nombre de plaintes reçues par la commission créée en 2011 par l'Église catholique belge et présidée par le pédopsychiatre Peter Adriaenssens en l'espace de six mois pour des agressions sexuelles commises par des prêtres. L'organisme a été créé à la suite des aveux de l'évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, qui avait démissionné après avoir avoué des actes pédophiles. La commission a identifié 180 prêtres agresseurs, dont 91 encore vivants. Le parquet fédéral a par la suite communiqué à ses antennes locales les noms d'une centaine de ces prêtres et religieux, toujours en vie, afin de mieux exercer une surveillance sur eux. 

26 mars 2019

Nous naissons tous athées

«Le dieu qui préside le système de croyances judéo-chrétien présente une ressemblance inquiétante avec ces créations imparfaites connues sous le nom d'êtres humains. Cela suggère soit qu'il nous a vraiment façonnés à son image, soit qu'on l'a façonné à la nôtre.» ~ Michael Parenti


Si certains chrétiens ont adopté un rapport individualiste à la religion de sorte qu’il s’agit pour eux d’une affaire essentiellement privée, d’autres croyants, comme les sikhs, les juifs et les musulmans préservent toujours le rapport communautaire de leur religion; pour eux, les signes ostensibles extérieurs sont essentiels parce qu’ils marquent publiquement leur appartenance à cette communauté. En outre, pour ces croyants pratiquants, suivre les préceptes de leur religion n'est pas une décision (un choix) mais une obligation.

Arrêtons de dorloter l’intégrisme
Le Devoir | 5 octobre 2013

Nadia Alexan
Professeure retraitée d’origine égyptienne et fondatrice de Citizens in Action

Photo: Jacques Nadeau - Le Devoir Pour Nadia Alexan, le voile véhicule le prosélytisme d’un islam fanatique et totalitaire.

Pourquoi j’appuie la Charte des valeurs québécoises, que je préfère appeler Charte de la citoyenneté? Je suis d’origine égyptienne. Tout le temps que j’ai vécu en Égypte, où j’ai grandi et suis allée à l’école et à l’université dans les années soixante, je n’ai jamais vu une seule femme voilée. Qu’est-il arrivé depuis ce temps pour que le voile soit si répandu? L’islam politique propagé par les pétrodollars de l’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats arabes unis a envahi non seulement le Moyen-Orient, où il n’arrête pas de réclamer le retour strict de la charia, mais aussi l’Occident, où il mène une campagne très énergique pour conquérir la civilisation des Lumières et ramener la gloire du califat du VIe siècle.
   Ce courant salafiste mine les gains faits par des féministes courageuses, comme les Égyptiennes Hoda Sharaawi et Nawal el Saadawi, qui se sont battues pour faire avancer les droits des femmes et les sortir de l’emprise de la religion. Les musulmanes portant le voile qui se prétendent féministes trahissent le combat mené par ces femmes héroïques, qui se sont débarrassées du voile, symbole de la soumission au patriarcat.


«[...] les gens ont besoin d'un peu d'amour, et bon dieu que c'est triste, parfois, de voir toute la merde qu'il leur faut traverser pour en trouver.»
~ Richard Brautigan (La vengeance de la pelouse)

Un point de vue pondéré et lucide :

De la nécessité d’une charte de la laïcité
Le Devoir | 18 février 2017

Jocelyne St-Arnaud
Professeure associée au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, et chercheuse associée au Centre de recherche en éthique (CRE)

Il est évident que la charte des valeurs divise. Le principal argument invoqué par ses opposants consiste à dire qu’elle est discriminatoire. Le fait d’avoir lié politiquement les valeurs exposées dans la charte spécifiquement au Québec et à un parti nuit à la compréhension des valeurs qui y figurent et laisse croire que ces valeurs sont celles des Québécois de souche, qu’elles sont liées à son histoire et à sa culture. Pourtant, il n’en est rien. La valeur qui y est fortement affirmée est celle de l’égalité hommes-femmes. Cette valeur n’est pourtant pas spécifiquement québécoise, elle est mise de l’avant par toutes les sociétés qui ont brisé avec la tradition paternaliste qui prévalait au Québec jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle sous la montée du féminisme. Le paternalisme sociétal a été étroitement lié et soutenu par les religions. La religion catholique, très présente dans l’histoire du Québec, est toujours très paternaliste, refusant aux femmes l’accès au sacerdoce et par là, à la hiérarchie institutionnelle. Le principe d’égalité entre les hommes et les femmes n’est donc pas lié à la tradition québécoise, pas plus qu’aux sociétés basées sur les valeurs traditionnelles qui renforcent leur pouvoir au moyen de la culture religieuse.
   L’égalité hommes-femmes peut se définir par un accès égal aux postes et aux emplois et par des salaires égaux pour une même tâche. Dans la charte des valeurs, elle est interprétée dans le but de promouvoir une société laïque qui apparaît comme le seul moyen de définir un espace civil et par le fait même de respecter toutes les religions. Le Québec a connu dans le passé l’union du politique et du religieux, mais la Révolution tranquille des années 1960 a clairement établi la distinction et la séparation entre la sphère privée, lieu où les individus peuvent pratiquer leur religion comme bon leur semble, et la sphère publique, lieu où s’exercent les rôles citoyens.
   Depuis les révolutions française et états-unienne qui sont à l’origine de la création des chartes, ce qui est promu dans l’espace public, c’est le principe d’égalité devant la loi. Ce principe garantit une égale protection de la loi pour tous les citoyens. La charte des valeurs vise à définir un espace laïque dans lequel tous les citoyens de toutes origines pourront évoluer sans une discrimination qui serait basée sur la culture ou la religion.

Le rôle de la charte de la laïcité

Proposer la laïcité comme fondement du pluralisme permet d’éviter l’arbitraire du cas par cas, utilisé jusqu’à maintenant par les tribunaux pour juger de la pertinence des accommodements dits raisonnables. En effet, les tribunaux canadiens ont donné raison aux revendications basées sur des motifs religieux, que ce soit le kirpan à l’école ou le niqab (voile intégral) au tribunal. Ces jugements entraînent de l’iniquité envers les autres citoyens. Pourquoi un jeune homme porterait-il le kirpan à l’école alors que les armes blanches y sont prohibées? Pourquoi une musulmane porterait-elle le voile intégral pour témoigner contre son agresseur? Toutes les victimes ne souhaiteraient-elles pas en faire autant? En faisant des exceptions aux règles établies pour des motifs religieux, les juges introduisent une inégalité devant la loi (ou devant la règle institutionnelle) et de la discrimination envers les autres citoyens. En effet, les cas qui font jurisprudence créent de nouvelles catégories institutionnelles qui autorisent un traitement différent pour des personnes sur la base d’un critère religieux. Si la nouvelle règle institutionnelle est appliquée de manière impartiale, tous les jeunes sikhs qui veulent porter le kirpan à l’école peuvent maintenant le faire; de la même manière, toutes les musulmanes portant le niqab peuvent témoigner devant le tribunal en ayant le visage couvert.
   La religion ne saurait redevenir un critère fondant une règle institutionnelle, parce que les critères qui servent à la création d’une classe institutionnelle doivent être pertinents au regard du but poursuivi. Si la raison de ne pas porter d’arme à l’école concerne la sécurité, cette raison est bafouée par le jugement qui utilise le motif religieux pour apporter une exception à la règle; la religion n’est pas un critère pertinent au regard d’une nouvelle règle ou même d’une exception à la règle institutionnelle. La même réflexion vaut pour le port du niqab. Si chacun demandait des modifications aux règles institutionnelles en fonction de sa religion, voire de sa culture, les institutions deviendraient ingérables.
   La charte de la laïcité a donc pour but d’affirmer le caractère laïque des institutions de l’État, parce que c’est la seule façon de créer un espace civil où chacun peut évoluer sans brimer les autres et sans être brimé lui-même. Si ce qui précède se justifie rationnellement et éthiquement, la laïcité en matière de règles institutionnelles peut permettre le respect du pluralisme des valeurs, alors que le respect du pluralisme ne peut en soi constituer un principe intégrateur ni fonder des règles institutionnelles sur des caractéristiques communes comme condition d’un vivre-ensemble harmonieux.

Article intégral :


Voici un exemple illustrant les propos de l’article «Prévenir la violence antimusulmane» (ci-après); ironiquement, les femmes musulmanes ont le droit de refuser de se faire examiner par des hommes médecins :  
   La Presse – La mairesse Valérie Plante demande au conseiller à l'éthique de se pencher sur les écrits controversés de la conseillère Lynne Shand. Elle estime que les élus doivent faire preuve de retenue, surtout à la suite de l'attentat de Christchurch, en Nouvelle-Zélande.
   Un citoyen a profité de la période des questions lors du conseil municipal pour dénoncer les écrits qu'il juge islamophobes de la conseillère d'arrondissement. Dans une publication cette fin de semaine, elle déplorait avoir été traitée par une médecin portant le voile, y voyant un signe de «l'islamisation du Québec». Le citoyen a réclamé une enquête en éthique, estimant qu'«elle est incapable de représenter une partie non négligeable de la population et qu'elle représente une menace à la vie sociale».
   Invitée à se rétracter, Lynne Shand a présenté officiellement ses excuses dans un autre message diffusé sur les réseaux sociaux. «Je tiens profondément à m'excuser des propos qui auraient pu blesser ou offusquer certaines personnes», a-t-elle écrit.

«Les convictions religieuses peuvent compliquer l’impératif de soins de l’hôpital : par exemple le cas de patientes refusant qu’un personnel masculin entre dans leur chambre pour des questions de pudeur, celui de femmes musulmanes souhaitant accoucher en burqa en dépit de règles d’hygiène de base, celui de femmes juives refusant de tirer leur lait pendant le jour du shabbat, celui des femmes (ou de leur mari) refusant qu’elle soient examinées par un médecin homme, etc.»

Prévenir la violence antimusulmane

David Rand
Athéologie | 20 mars 2019

Nous sommes toujours sous le choc de cet horrible attentat terroriste qui a eu lieu à Christchurch en Nouvelle Zélande, le vendredi 15 mars, et qui a fait une cinquantaine de morts et autant de blessés. Même si la période de deuil est loin d’être achevée, il est essentiel de réfléchir à la façon de prévenir des attaques semblables à l’avenir.
   Des similitudes avec le massacre de la mosquée de Québec, le 29 janvier 2017, ont été évoquées. Mis à part le fait que le nombre de victimes de la récente attaque est beaucoup plus élevé, il y a tout de même des différences importantes.
   Le tueur de Christchurch a eu des motifs manifestement idéologiques. Je n’ai pas eu l’occasion de lire son long manifeste, mais il semble y exprimer un désir de vengeance envers des attaques islamistes, ainsi qu’un fort racisme de type suprémacisme blanc. Deux observations sautent immédiatement aux yeux. Primo, il met bêtement tous les musulmans dans le même panier, les associant tous à la frange la plus violente et extrémiste. Secundo, il considère que cette catégorie de gens se distingue des soi-disant «blancs», comme si l’appartenance religieuse constituait une race. Où a-t-il pu aller piger une telle idée saugrenue? Peut-être chez les multiculturalistes, c’est-à-dire les communautaristes, qui s’allient si allègrement avec les religions et défendent si farouchement les privilèges religieux.
   Mais le tueur de Québec, par contre, n’avait pas de mobiles racistes et était motivé surtout par la peur. Il n’était pas motivé par le suprémacisme blanc, malgré les allégations tendancieuses d’une certaine «gauche» qui racialise tout et voit du racisme partout. C’était un jeune homme, psychologiquement instable, qui avait été la cible d’intimidation durant toute sa courte vie et qui craignait le terrorisme islamiste.
   Ces distinctions étant précisées, les deux attaques ont toutefois plusieurs aspects en commun. Chacune des deux tueries était antimusulmane, chacune a fauché de nombreuses vies et en a laissé meurtries plusieurs autres, des victimes innocentes tuées et blessées. Et chacune a été, malheureusement mais évidemment, un immense cadeau pour l’islam politique, qui mène une campagne sans relâche contre la laïcité, contre les valeurs des Lumières et contre toute critique de la religion que ce mouvement d’extrême droite instrumentalise. [...]  
   Nous l’avons vu en 2017 avec, entre autres, la motion M-103, qui a suivi de près la tuerie de Québec, dont le but était de mettre une chape de plomb sur toute critique de l’islam en condamnant la soi-disant «islamophobie», tandis que le vrai problème est la violence antimusulmane. Et nous le voyons encore aujourd’hui, dans la foulée de l’attentat de Christchurch. Les néozélandaises [étaient] invitées à porter le hijab le vendredi 22 mars; cette absurde idée est extrêmement irresponsable, car cela montrera une solidarité avec l’islamisme, non pas avec les Musulmanes. La stratégie des islamistes est toujours : (1) amalgamer critique de la religion et violence contre les croyants et (2) confondre race et religion, les deux afin de salir toute opposition à leur programme.

La violence religieuse antireligieuse

L’idée que la critique des dogmes d’une religion soit la cause de la violence contre les adhérents de cette religion ne tient tout simplement pas la route.
   La critique du christianisme n’est pas la cause des attentats contre les chrétiens et contre les Églises – p.ex. au Moyen-Orient ou au Nigeria. Au contraire, ces actes antichrétiens ont surtout été motivés par l’islam politique. La critique du judaïsme ne se trouve pas parmi les diverses causes de gestes anti-juifs. Au contraire, les causes principales sont plutôt l’antisémitisme classique du genre nazi qui s’inspire grandement du christianisme luthérien, auquel il faut ajouter les dogmes anti-juifs de l’islam ainsi que la confusion avec l’antisionisme pratiquée par une certaine gauche.
   Il est évident qu’une cause majeure de la violence contre des communautés religieuses, peut-être la cause principale, c’est la religion elle-même, c’est-à-dire la concurrence religieuse. Cette concurrence ne s’opère pas au niveau des croyances, mais plutôt au niveau de l’appartenance : c’est-à-dire que les personnes sont visées, non pas les dogmes. Les chrétiens de droite n’aiment pas les musulmans et les juifs, les juifs intégristes n’aiment pas les musulmans et les chrétiens, les islamistes en veulent aux juifs et aux chrétiens – et, en passant, tous les trois détestent les incroyants qui, eux, se taisent et ne font rien.
   Depuis plusieurs années et pour diverses raisons, la plupart de nos politiciens et grands médias véhiculent une idée fixe, une pensée unique à l’égard de l’islam : quiconque ose émettre la moindre inquiétude à l’égard de cette religion ou qui ose suggérer des liens entre cette dernière et sa variante politique islamiste est immédiatement la cible d’intimidation, subit un flot d’accusations calomnieuses de racisme, d’«islamophobie», d’intolérance, de xénophobie, d’affinité avec l’extrême droite et une pléthore d’autres infamies.
   Lorsque le peuple n’a plus le droit d’exprimer ses inquiétudes légitimes ouvertement, sans violence, lorsque tout espoir d’un débat sain de ces questions est étouffé, alors ces inquiétudes finiront par s’exprimer de façon explosive, avec un risque accru de violence perpétrée par les gens les plus instables ou radicalisés. Ce n’est pas pour rien que le tueur de Québec est passé à l’acte durant la gouvernance du PLQ, ce parti qui s’est opposé férocement à la Charte de la laïcité en diffamant tous ceux et celles qui l’appuyaient.
   Une mesure nécessaire pour favoriser la paix sociale et réduire les risques d’extrémisme est justement la laïcité, c’est-à-dire une nette séparation entre les religions et l’État. D’abord, c’est la bonne chose à faire pour protéger les citoyens contre les visées politiques des religions. De plus, en poursuivant la laïcisation de l’État, le public voit que les autorités d’État prennent au sérieux leurs inquiétudes légitimes à l’égard de l’ingérence religieuse dans les institutions d’État.
   Pour résumer, rien ne justifie la thèse selon laquelle la violence antimusulmane serait causée par la critique de l’islam. Au contraire, c’est plutôt la censure sociale et légale de cette critique qui en est responsable. Cette violence fait le jeu des deux mouvements d’extrême droite mutuellement opposés : l’extrême droite islamiste et l’extrême droite classique qui s’apparente au christianisme. Ces deux extrêmes se nourrissent mutuellement et sont tous les deux nourris par le communautarisme qui nous empoisonne la vie avec ses obsessions racialistes.
   Voici, donc, quelques suggestions pour réduire les risques de violence causée par cette concurrence religieuse malsaine :
– Contrôle des armes à feu.
– Arrêter de stigmatiser la critique des religions en général et de l’islam en particulier.
– Arrêter la racialisation de la religion (p.ex. l’imposture des accusations d’islamophobie).
– Être solidaires des apostats – ceux de l’islam en particulier, car cette religion nie la liberté de conscience.
– Séparer les religions de l’État, y compris l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique.
– Promouvoir l’universalisme au lieu du communautarisme.

Source : Libres penseurs athées

Seth Andrews a retweeté Armin Navabi
“When universities are unwilling (or afraid) to allow controversial ideas, they're no longer institutions for learning. They're protectorates for anyone/everyone who declares a claim to be ‘sacred’.” (The Thinking Atheist, 21 mars)

L'UMR annule la rencontre avec un ex-musulman devenu athée à cause de l'attaque terroriste néo-zélandaise

CBC News | 21 mars 2019

Un ex-musulman, maintenant athée et militant laïque, dit que l'Université Mount Royal a réagi de façon excessive en annulant sa conférence qui était prévue sur le campus.


Armin Navabi, qui vit en Colombie-Britannique, avait été invité par la Société Athée de Calgary (Atheist Society of Calgary) pour partager son cheminement et discuter des raisons pour lesquelles il ne croit pas que la foi islamique puisse être réformée.
   Il se dit déçu de ne pas avoir la chance de participer à des discussions passionnées avec le personnel et les étudiants, y compris ceux qui pratiquent encore l'islam, à cause de la décision de dernière minute de l'UMR.
   «Que veulent-ils? Moins d’échanges? Moins de communication est exactement ce qui conduit les gens à avoir des positions radicales extrêmes», a déclaré Navabi. «Ce que je veux dire, c’est que moins il y aura de dialogues entre nous, plus il y aura de coups de poing et de balles échangés. «Dialoguer est exactement ce dont nous avons besoin face à une tragédie comme celle-là.»
   La Société Athée de Calgary espérait offrir un espace sécuritaire pour une communication ouverte et une occasion pour les gens d'en apprendre davantage sur l’athéisme selon le point de vue de Navabi. Le groupe disait que c'était aussi une occasion de faire savoir à certaines personnes qu'elles ne sont pas seules.
   «Il y a des gens qui en veulent vraiment aux ex-musulmans qui ont rejeté leur religion, et ils sont dans une position vraiment difficile. Nous voulions simplement donner aux étudiants qui pourraient être dans la même position, une occasion de communiquer et d'expliquer aux gens comment et pourquoi ils en sont arrivés là», a dit Lois Edwards, qui est membre du conseil de la Société Athée de Calgary, et un contact athée au centre interconfessionnel de l’université.