5 mars 2017

Le pecten maximus qui tue (Shell)

Je me souviens qu’entre 2000 et 2004, les incitations à boycotter Shell inondaient systématiquement nos boîtes de courriels. Certaines personnes connaissaient peut-être l’existence du documentaire Climate of Concern produit par Shell en 1991 (1).

«Regarder une biosphère en dérive s’écrouler sous notre nez est passablement lugubre. Le mépris et l’irrespect du vivant (humains, animaux, nature) ont atteint un paroxysme. La violence, la corruption et le déni culminent. Les hommes se sautent à la gorge les uns les autres au moindre prétexte. Les vieux systèmes patriarcaux échafaudés sur le mensonge agonisent. Les tyrans politiques, financiers, religieux et les faux scientistes pullulent, de même que les petits dictateurs de l’entourage individuel (milieu de travail, famille, etc.). À l’heure actuelle, il y a des barbaries plus graves et qui tuent plus de monde que toutes les pandémies de grippe réunies; pourtant, aucun vaccin en vue… Et, il va sans dire que les bizarreries climatiques, la surpopulation et la disparition rapide d’innombrables espèces et écosystèmes multiplient les problèmes; cela ressemble étrangement à un suicide collectif… inconscient
   Déjà dans les années 60, certains biologistes et scientistes sonnaient l’alarme. Je pense notamment à Rachel Carson dont le livre Silent Spring prédisait que l'empoisonnement graduel et irréversible des écosystèmes rendrait la terre impropre à toute vie. [] N'écoutant rien, nous avons continué de foncer dans le mur, la pédale de l’accélérateur collée au plancher. Avec le pétrole combiné au nucléaire, nous fonçons vers l’extinction à la vitesse de la lumière. Et bien sûr, avant d’y aboutir, nous aurons détruit et siphonné la terre jusqu’au dernier centimètre carré. Aussitôt que des prospecteurs découvrent des mines et des gisements inexploités, tout le monde applaudit et se précipite parce que cela signifie qu’on peut continuer, encore pour un temps, à vivre de la même manière sans se soucier des conséquences. Y a-t-il encore des humains assez naïfs pour croire que notre mode de vie barbare et archaïque (malgré toute la technologie, rien n’a changé sauf le décor) se poursuivra indéfiniment? À quoi bon une intelligence prétendument supérieure qui ne sert qu’à nous exterminer tous autant que nous sommes? Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas la sagesse qui nous exterminera, et nous n'avons pas besoin d'une boule de cristal ni d'un calendrier Maya pour prédire un futur déjà présent...» (Extrait de l’Introduction de ce blogue) 

Revenons à la pétrolière Shell. Dissimuler des vérités et des informations cruciales et vitales au grand public est criminel. Sommes-nous prêts à nous affirmer et à affronter la tromperie des corporations, les mensonges destructeurs des politiciens et les mensonges destinés à renforcer des systèmes socioéconomiques dépassés et inadéquats? Jusqu’où laisserons-nous aller les tyrans? Si le mensonge peut radicalement modifier le cours des événements, la vérité le peut aussi. L’hypocrisie des marchands de mort est renversante comme l’indiquent les extraits suivants.

Un peu d’histoire 

Réseau Voltaire, 18 mars 2004En un siècle, la petite compagnie anglaise de transport pétrolier a fusionné avec l’exploitant Royal Dutch et est devenue l’un des principaux acteurs du secteur. Répondant à une logique purement privée, ses dirigeants n’ont pas hésité à s’allier au IIIème Reich, à Abasha au Nigéria, ou au SLORC birman; les dictatures étant toujours moins regardantes sur les questions sociales et environnementales. Aujourd’hui, la compagnie jure qu’elle respecte de hautes normes éthiques, mais ses promesses seront d’autant plus difficiles à tenir que les tensions s’accroissent sur le marché pétrolier. 
   Shell est aujourd’hui une multinationale comptant plus de 2000 filiales et sociétés rattachées, présentes dans 143 pays et employant plus de 90 000 personnes. Elle reçoit 25 millions de clients par jour et réalise un chiffre d’affaires annuel de 179 milliards de dollars ce qui, comparé au PIB des États la placerait en 24e position mondiale [421,1 milliards US en 2014, et première position en 2013]. Pourtant, malgré cette puissance, Shell se veut apolitique et a toujours affiché sa neutralité dans tous les conflits. Si son seul parti est celui du profit, c’est un parti pris lourd de conséquences. 
   En 1972, Shell contrôle 12,9 % de la production mondiale de pétrole, en seconde place derrière Exxon. C’est une période transitoire pour l’industrie pétrolière, car elle passe d’une logique de surabondance où des prix suffisamment élevés devaient être maintenus, à une logique de pénurie artificielle entretenue par des décisions politiques. Shell sera la seule compagnie parmi les «majors» à anticiper le quadruplement du prix de l’énergie entraîné par les chocs pétroliers et la chute de la demande due à la crise économique. 
   Dérivés mortels – La liste des substances toxiques produites et commercialisées par Shell, pour des raisons de rentabilité ou d’avantages concurrentiels et malgré une connaissance préalable des risques de santé pour les populations exposées, est très longue. En voici quelques exemples. 
   Dès 1945, Shell développe une nouvelle classe de pesticides à partir des déchets de la fabrication du caoutchouc synthétique, les fameuses «drines» : principalement l’aldrine et la dieldrine, qui seront utilisés notamment pour lutter contre des insectes devenus résistants au DDT. La haute toxicité de ces produits pour toutes les autres espèces, dont l’homme, sera rapidement prouvée et leur utilisation interdite en Amérique du Nord et en Europe dans les années 70, ce qui n’empêchera pas Shell de les produire et de les commercialiser dans d’autres pays jusqu’à la fin du 20ème siècle.
   De même, le pesticide connu sous le nom de DBCP, utilisé pour traiter les bananes et principalement fabriqué par Shell et Dow Chemicals dès le début des années 50, deviendra tristement célèbre pour avoir rendu stériles la plupart des employés travaillant dans les usines où il était produit. La production sera arrêtée en 1977 et une série de procès intentés contre les fabricants, ce qui ne stoppera pas la pollution pour autant : à l’automne 1979, plus de 950 000 Californiens consommaient une eau dont le taux DBCP était considéré comme dangereux. 
   Apartheid et racisme environnemental – La dure réalité, dans les quartiers pauvres de Durban, c’est la plus grande pollution souterraine aux hydrocarbures documentée à ce jour. Dans cette zone se trouve la plus grande raffinerie de pétrole brut d’Afrique du Sud, qui a connu de nombreux accidents depuis son ouverture dans les années 60, accidents sérieusement documentés à partir des années 90 uniquement. On estime à environ 1 million de litres la quantité de pétrole disséminée dans le sous-sol de la partie Sud de cette ville du fait des fuites des vieux pipelines, ou encore 5 tonnes de fluoride d’hydrogène, substance très dangereuse, dispersées lors d’une explosion en 1998. Une pollution au plomb a également eu lieu en mars 2001 en raison de la vétusté des réservoirs utilisés, qui avaient plus de vingt ans. Le taux de leucémie à Durban est 24 fois supérieur à celui du reste de l’Afrique du Sud, mais Shell refuse toujours de prendre en charge l’assainissement des lieux.

Photo : Nigéria, mars 2016; catastrophe causée par Shell. Pius Utomi – EKPL / AFP / Getty images  

   Le changement climatique – Lorsque le problème des changements climatiques provoqués par l’augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère s’impose dans les débats scientifiques, au début des années 90, Sir John Collins, P.D.G. de Shell pour le Royaume-Uni déclare : «Le plus gros défi que doit relever l’industrie énergétique est celui de l’environnement global et du réchauffement global». Effectivement, Shell tentera de relever ce défi, mais en rejoignant la Global Climate Coalition. Ce groupe de pression dépense plusieurs dizaines de millions de dollars pour tenter d’influencer les négociations des Nations unies sur le climat qui devaient culminer en 1997 avec l’élaboration du Protocole de Kyoto. Il conteste les conclusions d’une majorité de scientifiques reconnus. Pourtant Shell entreprend simultanément de surélever ses plates-formes de forage en prévision de l’augmentation du niveau des eaux dû à la fonte des glaces. 
   En mai 2000 la Fondation Shell est créée, avec un budget initial de 30 millions de dollars qui seront consacrés à l’énergie durable et à des œuvres sociales dans le monde entier. Malgré les sommes conséquentes investies, beaucoup y voient l’affichage d’une bonne volonté destiné à s’acheter une crédibilité auprès de l’opinion publique. En effet, en comparaison des investissements effectués chaque jour dans les infrastructures pétrolières et gazières, c’est une goutte d’eau dans l’océan. Développer et produire des substances chimiques ou additifs pétroliers connus ou soupçonnés d’être des toxiques cancérigènes, mutagènes ou hormonaux, accélérer l’épuisement d’une ressource irremplaçable dont la combustion à l’échelle globale provoque des changements climatiques irréversibles, transformer brutalement des micro-économies agraires du monde sous-développé en complexes industriels polluants au service principalement du consommateur de l’hémisphère Nord, tout cela participe bien d’une toute autre logique.

Article intégral : http://www.voltairenet.org/article12931.html

À lire sur le même site, c’est fascinant :
Le dispositif Clinton pour discréditer Donald Trump par Thierry Meyssan
David Brock est considéré comme l’un des maîtres de l’agit-prop (agitation & propagande) du 21ème siècle. Personnalité sans scrupule, il peut défendre une cause aussi bien que la détruire, selon les besoins de son employeur. Il est à la tête d’un empire de la manipulation de masse.

Conséquemment, il est de plus en plus difficile de nous fier aux médias, «officiels» ou non. Il faut évaluer les hommes aux conséquences de leurs actes...

Caricaturiste : Dave Granlund. «La presse est l’ennemi du peuple»

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(1) Source : The Correspondent


Des documents confidentiels montrent que Shell a sonné l'alarme au sujet du réchauffement climatique dès 1986. Mais en dépit de ce panorama lucide sur les risques, le géant pétrolier a fait pression contre des législations climatiques rigoureuses pendant des décennies. Aujourd'hui nous présentons le film de 1991, produit par Shell : Climate of Concern.

Shell a réalisé un film sur le changement climatique en 1991 (puis, a négligé de tenir compte de ses propres mises en garde)

Le géant pétrolier Shell a dépensé des millions de dollars pour faire pression contre les mesures qui permettraient de protéger la planète d’une catastrophe climatique. Grâce à un film récemment obtenu par The Correspondent, il est maintenant clair que leur position n'est pas due à l'ignorance. Shell savait que les combustibles fossiles nous mettaient tous en péril – en fait, ils le savaient depuis plus d'un quart de siècle. Dans ce film éducatif Climate of Concern produit en 1991, Shell avertissait que ses propres produits pouvaient mener à des conditions météorologiques extrêmes comme des inondations, des famines et des déplacements de réfugiés climatiques. De plus, la compagnie notait que la réalité du changement climatique était «endossée par un large consensus de scientistes».  
   La publication de Climate of Concern résulte de plus d'un an d’enquête du journaliste Jelmer Mommers pour The Correspondent. Pour la version anglaise du document principal, nous nous sommes associés à Damian Carrington, rédacteur en chef de la section Environnement du Guardian, qui a effectué des recherches supplémentaires pour ce dossier.

Article et film intégral Climate of Concern (en anglais) :
https://thecorrespondent.com/6285/shell-made-a-film-about-climate-change-in-1991-then-neglected-to-heed-its-own-warning/692663565-875331f6

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Si Shell savait que le changement climatique représentait une réelle menace il y a 25 ans, pourquoi poursuivre dans la même voie aujourd'hui?
Jelmer Mommers & Damian Carrington

Le changement climatique se produit «à un rythme plus rapide qu'à aucun moment depuis la fin de l’ère glacière – un changement trop rapide auquel la vie ne pourrait pas s'adapter sans de graves bouleversements». Voilà la mise en garde formulée par le géant pétrolier Shell il y a plus de 25 ans. Le film expose clairement comment la combustion des énergies fossiles pourraient entraîner de graves conséquences dans le monde.
   «Le film montre que Shell avait compris que l’existence même de notre civilisation pourrait être menacée», a déclaré Jeremy Leggett, un entrepreneur en énergie solaire et ancien géologue qui avait déjà fait une recherche sur les dépôts schisteux, financée par Shell et BP. «Je constate qu’en ce moment ils soutiennent avec acharnement l'augmentation de l'utilisation du gaz pour des décennies à venir, malgré la preuve évidente que les combustibles fossiles doivent être éliminés complètement», dit-il. «Honnêtement, je pense que cette société est coupable d'une forme moderne de crime contre l'humanité. Ils se défendent en disant qu'ils se sont comportés de la même façon que leurs pairs, BP, Exxon et Chevron. Pour les gens comme moi, et nous sommes nombreux, c'est un argument absolument indéfendable.»
   Shell est toujours membre des groupes de pression qui se sont battus contre le Clean Power Plan de Barack Obama.

Article intégral (en anglais) :
https://thecorrespondent.com/6286/if-shell-knew-climate-change-was-dire-25-years-ago-why-still-business-as-usual-today/692773774-4d15b476

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Trump est une catastrophe climatique  
Jelmer Mommers

La liste des implications en environnement est particulièrement longue. Celle-ci inclut : l'économie en général, la consommation et la lutte contre toutes les formes d'ignorance et de climato-scepticisme.
   Il en existe désormais une nouvelle : lutter contre tout ce que Donald Trump défend.    
   [...] Il continuera de nier le changement climatique pendant les quatre prochaines années.
   Sa victoire est une catastrophe pour le climat.

Caricature : Serge Chapleau (La Presse, 2 mars 2017) 

Les choses pourraient empirer
[...] Nos ancêtres ont commencé à modifier le climat en exploitant les humains. Le charbon, le pétrole et le gaz, parallèlement à l'exploitation, au vol et à l'oppression, sont devenus l’essence même de notre système économique. Notre prospérité est basée sur l’exploitation de personnes que nous considérions implicitement ou explicitement comme inférieures.
   En finir avec l'ère des combustibles fossiles augmenterait nos chances de mettre fin à cette injustice. Des perturbations climatiques additionnelles garantiraient sa continuité. Le réchauffement global priverait les générations futures des possibilités qui viennent avec un climat stable, tout comme le racisme, l'exclusion et l'oppression éliminent l’égalité des chances. 
   Il n’y a qu’une seule réponse à toutes ces formes d'injustice : la résistance. [...] Le féminisme, l'antiracisme et l'action environnementale vont de pair et se renforcent mutuellement.

Trump ne peut pas stopper la transition énergétique
[...] Le changement climatique ne fait pas de cas des hommes politiques qui prétendent que nous pouvons nous  protéger du monde menaçant en fermant les yeux. [...] 
   Trump ne peut pas changer les lois de la thermodynamique (le réchauffement climatique augmentera malgré son démenti puisque le CO2 emmagasinera plus de chaleur dans l'atmosphère) ni stopper la transition énergétique mondiale. C'est déjà bien amorcé, à grande échelle.

Article intégral (en anglais) :
https://thecorrespondent.com/5741/trump-is-a-climate-catastrophe-but-the-journey-to-sustainability-will-go-on/632709869-c0847d28

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