3 mars 2017

La question qui tue

Je suis en train de réviser mon testament pour inclure l’option «consentement anticipé à l’aide médicale à mourir», même si elle n’est pas encore légale. Le mandat d’inaptitude est insuffisant pour éviter l’acharnement thérapeutique. Si la maladie d’Alzheimer frappe, je refuse de finir mes jours dans un CHSLD. Ma mère n’a pas cessé de nous demander de l’aider à mourir dès le moment où elle a mis les pieds dans une résidence de soins prolongés. Je l’aimais, mais pas au point de risquer la prison. Néanmoins, je comprends qu’un conjoint ou un membre de la famille succombe à la tentation de soulager la personne, en dépit des conséquences pénales encourues.

Comment oublier l’affaire Latimer; résumé (en français, 2011) 
http://ici.tou.tv/tout-le-monde-en-parlait/s06e08

À voir aussi Road to Mercy:
http://www.cbc.ca/firsthand/features/the-twenty-year-battle-for-medical-assistance-in-death-legislation-in-canad

Photo : livre «The Ruins of Detroit» par Yves Marchand et Romain Maffre (2010)  
http://www.marevueweb.com/photographies/la-ville-de-detroit-en-ruine/

Normalement, si la maison tombe en ruine, on la quitte. Nous aurions intérêt à réviser notre perception de la mort. «Il me semblait comprendre intuitivement, pour la première fois, le sens du mot ‘périssable’. Jusque-là, c’était pour moi une notion confuse, à caractère religieux, une périphrase pour éviter d’appeler la mort par son nom, de dire que ‘le nom de la mort est la mort’». (Henning Mankell, Sable mouvant, p. 330)

Très peu de gens peuvent se payer un voyage en Suisse pour bénéficier de l’aide médicale à mourir sans verdict préétabli de mort imminente – voyez le reportage du journal Le Devoir (1). D’où l’importance capitale du consentement anticipé. Bazzo disait à Desrochers (émission Le 15-18) : «Je suis absolument terrifiée par cette question-là... devant la possibilité que ça devienne systémique.» Par ailleurs, elles se questionnaient sur la notion de vie «indigne» qui, selon elles, serait bien relative. Ont-elles eu l’occasion de visiter des CHSLD? 
     Évidemment, tout le monde n’a pas le même degré de tolérance à la souffrance et à la perte d’autonomie. Pour moi, la vie devient indigne quand on est dépendant d’autrui pour ses besoins de base – que l’incapacité résulte de la maladie physique ou mentale. Mon niveau de tolérance serait nul, sauf si l'incapacité était temporaire.

Extraits d’articles libellé Euthanasie

Quiconque a vu des personnes souffrant de démence s’arracher les cheveux sur la tête (littéralement), délirer, avoir de soudains accès de violence, tomber par terre parce qu’elles sont dopées et se comporter comme des chimpanzés, comprend très bien que la démence (Alzheimer et/ou sénilité) mérite l’aide médicale à mourir au même titre que le cancer terminal et d’autres maladies incurables.
     L’entreposage des personnes en soins prolongés est un business lucratif (pour les médecins, l’industrie pharmaceutique, les services d’appoint...) – ça fait rouler l’économie! Par contre, les préposés aux bénéficiaires qui font le sale boulot (nourrir à la cuillère, baigner, torcher, changer les couches nauséabondes) sont mal rémunérés. Il faudrait réviser l’écart salarial abyssal entre médecins et préposés... 
     Le pire argument invoqué contre l’aide médicale à mourir est justement cette peur irrationnelle des dérapages. Le personnel médical se mettra-t-il soudain à assassiner tous les handicapés mentaux/physiques, les séniors et les malades incurables – sans leur consentement ou celui de leur famille? Une sorte d’eugénisme nazi? Je ne dis pas que la possibilité n’existe pas, il y a des médecins et des préposés malveillants et l’on sait que les humains sont capables des pires ignominies. Cependant, selon ce que j’ai vu dans les foyers d’accueil pour personnes en grave perte d’autonomie, l’expérience nazie consiste à utiliser les hébergés comme cobayes (sans leur consentement) pour tester des traitements et des médicaments et étudier la démence et la maladie d’Alzheimer. Je me croyais parfois au milieu d’un laboratoire de vivisection – à la différence que les chimpanzés étaient des humains. Et il est faux de dire qu’on réussit à éliminer complètement les souffrances physiques, encore moins les souffrances psychologiques; j’en ai été témoin. 
     Certains médecins sont toujours hostiles à l’aide médicale à mourir. En revanche, ils permettent aux patients de se suicider par refus de traitements, médicaments et nourriture – beaucoup de souffrance et une agonie pouvant durer jusqu’à deux semaines et plus. Sadique, non? Pourquoi agissent-ils de la sorte? Parce qu’ainsi le malade assume l’entière responsabilité morale de son acte. Les médecins peuvent s’en laver les mains au Purell tout en les regardant agoniser. 
     Il fut un temps où la tentative de suicide était passible de la peine de mort (post-mortem s’il y avait lieu!). L’avantage était qu’en bout de ligne (ou de corde...) la personne atteignait son but. 
   Le respect de l’autonomie de la personne, en droit, a justifié la dépénalisation du suicide (ou tentative de). Cette décision des législateurs ne préjuge pas de la moralité du geste, elle implique seulement que, pour autant qu’elle soit seule en cause, toute personne doit pouvoir juger en toute conscience si elle peut mettre fin à ses jours; et la société doit respecter sa décision. 
     Avant la dépénalisation de l’aide médicale à mourir, les patients incapables de se suicider en raison de leur incapacité physique pouvaient rester indéfiniment prisonniers de leurs corps, cloués à leurs grabats. On appelle ça vivre... 
     Les gens qui sont contre l’aide médicale à mourir n’ont qu’à s’abstenir d’en faire la demande, c'est simple. Pourquoi en priver le 84 % de la population qui est en faveur? Vivre est un droit, non pas une obligation (Ramon Sampedro); mais, l’État et les lobbies religieux estiment que c’est une obligation
     On rédige ainsi des lois pour obtenir des votes et faire plaisir aux frileux qui croient en Dieu, au paradis et à l’enfer éternels, sans offrir d’alternative aux athées qui n’y croient pas. «Le mot Dieu n’est pour moi rien d’autre que l’expression et le produit de la faiblesse humaine, la Bible est une collection de légendes honorables, mais toujours purement primitives et néanmoins assez puériles. Aucune interprétation, peu importe sa subtilité, ne pourra me faire changer d’avis. Pour moi, la religion juive, comme toutes les autres religions, est l’incarnation des superstitions les plus enfantines...», disait Albert Einstein dans une lettre adressée à Erik Gutkind.

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(1) Dernier voyage, Journal Le Devoir

Voir Rome et mourir
Monique Hamel, la battante qui voulait choisir sa fin
25 février 2017 | Isabelle Paré | Santé 

Le débat sur l’aide à mourir a resurgi cette semaine, à la lumière du meurtre présumé commis par le conjoint d’une femme atteinte d’Alzheimer. Depuis, des voix s’élèvent pour étendre l’accès à l’aide à mourir aux personnes qui ne sont pas à l’agonie. «Le Devoir» publie la lettre posthume de Monique Hamel et le récit de son combat obstiné pour mourir comme elle le voulait. Voici son histoire. 
     Monique Hamel est partie sans crier gare le 2 février en Suisse, faute d’avoir eu accès à l’aide à mourir au Québec, malgré la douleur qui lui tenait lieu de deuxième peau depuis 20 ans. Pour en finir avec cette colocataire maudite, elle s’est résignée à mourir loin de sa famille, loin de ses amis. Là où le droit à une mort lucide n’est pas lié à l’imminence du décès, mais jugé à l’aune de la souffrance vécue. [...]

Voir Rome et mourir (partie 2)
Monique Hamel, la battante qui voulait choisir sa fin
25 février 2017 | Isabelle Paré | Santé

C’était il y a six mois. La carapace de Monique a commencé à se fissurer, une brèche s’est ouverte. La petite lettre reçue de Suisse 10 ans plus tôt, approuvant sa demande d’euthanasie, est revenue la hanter. Depuis 2005, elle l’avait sagement enfouie dans un tiroir, dans un recoin de sa mémoire, comme une assurance contre l’insupportable. Tout ce temps, elle savait qu’il y avait un quai quelque part, une bouée à laquelle s’accrocher. Au cas où elle craquerait. [...] 
     Mathilde [qui l’a accompagnée] est repartie avec, dans sa valise, les vêtements et la lettre de son amie. La lettre d’une femme de paroles, de théâtre, qui a choisi d’utiliser les mots pour faire résonner sa colère, pour dire l’injustice qu’elle ressentait. 
     «Tout ce qu’elle a souhaité, elle l’a eu. Quand elle est partie, je lui tenais la main. Dans cette main, il y avait celles de tous ses amis, qui étaient là, assure Mathilde. Si elle avait pu mourir ici, au Québec, ses proches auraient pu l’entourer. Elle aurait vraiment aimé mourir parmi les siens.»

Articles complets :
http://www.ledevoir.com/societe/sante/492623/une-quebecoise-privee-de-l-aide-a-mourir-se-tourne-vers-la-suisse-pour-mettre-fin-a-ses-souffrances

Mourir dans la dignité… à l’étranger
25 février 2017 | Monique Hamel - Pédagogue, auteure et chercheuse | Actualités en société 

Au Canada, concernant l’euthanasie et le suicide assisté, en refusant d’inclure les pathologies non mortelles, les élus fédéraux qui ont manqué de courage malgré les recommandations de l’arrêt Carter de la Cour suprême n’ont aucune idée de ce qu’ils font vivre aux personnes affublées d’une telle pathologie; de par la nouvelle loi, ils ont exclu toutes les personnes souffrantes dont la mort n’est pas «raisonnablement prévisible». Conséquemment, de mon côté, puisque la neuropathie ou la radiculopathie chronique sévère dont je souffre depuis 20 ans n’est pas mortelle, je n’ai d’autre choix que de me tourner vers la Suisse... et seuls mes proches sont au courant. Il m’est impossible de vivre ce cheminement avec mes professionnels de la santé, seulement avec des médecins et des professionnels suisses que je ne connais pas. 
     La Suisse est le seul pays qui accepte les étrangers. Pour résumer, Dignitas – Vivre dignement – Mourir dignement – accepte toujours d’aider les étrangers à des conditions claires et strictes en accord avec la loi suisse. [...] Au Québec, le suicide assisté est encore un sujet tabou.

Douleur et isolement
Je pars à cause de la douleur neurologique avant tout, mais aussi du handicap, bien sûr, et de l’isolement qui en découle. Contrairement à ce que prétendent certains professionnels du Collectif de médecins du refus médical de l’euthanasie, toute leur gentillesse et leur empathie ne me retiendraient pas. Les patients ne sont pas nécessairement des personnes angoissées, vulnérables et influençables comme le prétendent les auteurs de ce collectif dans un texte écrit en 2013. 
     De plus, même si les CHSLD étaient de vrais endroits de vie dignes de ce nom, cela ne viendrait pas compenser le niveau de douleur. Qui plus est, si vous entendez un médecin prétendre qu’il peut soulager toutes formes de douleur, même les douleurs neurologiques, il ment; ce n’est que de la prétention. [...] 
     Combien de personnes malades tentent de se suicider ou demandent à un proche de les aider avec les risques médicaux et juridiques que cela comporte? Les élus ont manqué de courage et pourtant, la majorité de la population, soit 84 % des Québécois et des Canadiens (sondage effectué par la firme Ipsos-Reid en 2014), est favorable à l’euthanasie et au suicide assisté. Qui plus est, 70 % des médecins y sont également favorables. Puis, il y a l’Association québécoise du droit de mourir dans la dignité dont les membres, pour la plupart, sont des professionnels de la santé. Par chance, les sociétés évoluent! Le Canada et le Québec sont juste un tantinet en retard.

Empêtrée dans la bureaucratie
[...] Donc ma vie quel lapsus! ma mort dépend des autres, des élus, des médecins étrangers et surtout, des médecins québécois et canadiens qui se prennent pour Dieu et refusent que je prenne ma décision seule afin de mourir dignement dans mon pays avec mes proches et mes professionnels plutôt qu’à l’étranger. De plus, mourir en Suisse n’est pas accessible à tous; près de 20 000 $ pour le tout, avec le billet d’avion et l’hôtel.

Douleur de la colère
Je suis tellement en colère, tellement! [...] Je vais mourir avec des étrangers plus courageux et humanistes que nos médecins et nos décideurs. Je vous laisse en espérant que nos élus finissent par avoir suffisamment de courage et d’empathie pour permettre aux personnes souffrantes de décider du moment de leur mort, ici au Québec et au Canada. ...

Lettre intégrale :
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/492620/mourir-dans-la-dignite-a-l-etranger?utm_campaign=Autopost&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#link_time=1488147134

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Une histoire brise-cœur, insensée, à cause des barrières imposées par des législateurs enferrés dans le «conformément à la loi».

Till death do us part
Kelly Grant The Globe and Mail | Wednesday, Jan. 18, 2017


After 55 years of marriage, Ernie and Kay Sievewright decided to share a medically-assisted death together. Doctors deemed them eligible for the procedure, but in the end, they were forced to die four days apart because of legal concerns.

http://www.theglobeandmail.com/news/national/the-evolving-legality-of-assisteddying/article33652252/

AQDMD (Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité) https://aqdmd.org/

Aide médicale à mourir : Deux associations québécoises demandent au gouvernement fédéral de permettre le consentement anticipé
https://aqdmd.org/salle-de-presse/aide-medicale-a-mourir-deux-associations-quebecoises-demandent-gouvernement-federal-de-permettre-consentement-anticipe/

Dying With Dignity Canada
http://www.dyingwithdignity.ca/advance_consent_assisted_dying_poll

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