16 mars 2017

La consternation à son comble


En 1953, près d'une décennie avant d’initier un mouvement de protection de l'environnement avec la publication de Printemps silencieux, la biologiste et écrivaine Rachel Carson réalisa qu'elle n'avait pas d'autre choix que d'incarner la philosophie qui animerait toute sa vie : «Le péché du silence, alors que nous devrions protester, fait de nous des lâches.»

Après l’arrivée d’Eisenhower au pouvoir (janvier 1953), le gouvernement commença rapidement à mettre en place des politiques qui détruisaient l’environnement au profit du business. L’agence gouvernementale Fish and Wildlife Service – dont Carson était la rédactrice en chef – était au sommet de la liste des cibles de l’administration républicaine. (Rappelez-vous qu’il n'y avait pas d'Agence de protection de l'environnement à l'époque; l'APE a été créé en 1970, en grande partie grâce au travail de Carson – un triomphe qu’elle n’a pu apprécier car elle morte d’un cancer quelques années avant.)

Depuis sa création en 1938, l’agence Fish and Wildlife Service avait été responsable de la protection et de la préservation de la nature. Albert M. Day – un scientifique de terrain et ardent défenseur de l'environnement – était membre de l’organisation depuis le début et il en devint le directeur en 1946. Toutefois, après avoir nommé un homme d'affaires au poste de Secrétaire de l'intérieur, le gouvernement républicain congédia et remplaça Day par un pion politique non scientifique qui signa le retrait des mesures de protection environnementale durement acquises afin de transformer les ressources naturelles en commodités rentables – une décision qui «devrait profondément troubler tous les citoyens sérieux», disait Carson. Elle envoya une lettre pour exprimer sa vive consternation; celle-ci fut publiée dans tous les journaux à grand tirage de l’époque (un succès viral selon notre vocabulaire d’aujourd’hui).

Cette lettre, republiée dans Lost Woods: The Discovered Writing of Rachel Carson, est d’une pertinence stupéfiante car la situation actuelle nous montre que l'histoire se répète sous le visage d'une autre administration prête à exploiter la fragilité de la nature et ses précieuses ressources limitées pour des gains politiques et commerciaux impitoyables.

Avec un regard qui pourrait réellement redonner sa grandeur à l’Amérique, Carson écrivait :

La vraie richesse d’un pays réside dans les ressources de la terre – le sol, l'eau, les forêts, les minéraux et la faune. Les utiliser pour répondre aux besoins actuels tout en assurant leur conservation nécessite un programme délicatement équilibré et continuel, fondé sur la recherche la plus extensive. À vrai dire, les administrer n'est pas, et ne peut pas être, une question de politique.

De par une longue tradition, les agences responsables de ces ressources ont été dirigées par des hommes d'expérience, des professionnels qui comprenaient et respectaient les découvertes et les recommandations des scientifiques.
[...]
Pendant de nombreuses années, des citoyens sincèrement dévoués à l’intérêt public à travers tout le pays ont travaillé pour la conservation des ressources naturelles, réalisant leur importance vitale pour la nation. Apparemment leur avancée durement acquise sera anéantei par une administration politique qui nous ramène à l'âge des ténèbres de l'exploitation et de la destruction effrénées.

Un siècle plus tôt, Walt Whitman disait dans son traité sur le respect de la démocratie : «Si l'Amérique est éligible à la déchéance et à la ruine, celle-ci viendra de l'intérieur, non pas de l’extérieur.» À cela, s’ajoute la remarque de Carson d’une cuisante actualité :

C'est l'une des ironies de notre temps : nous nous concentrons sur la défense de notre pays contre des ennemis de l’extérieur, alors que nous devrions prendre garde à ceux qui voudraient le détruire de l'intérieur.

Bien que le courageux tollé de Carson ait eu peu d’impact politique dans l'immédiat, il a stimulé l’adrénaline et la conscience du public – un germe d’éveil qui sera fertilisé une décennie plus tard avec Printemps silencieux. Un catalyseur, non seulement pour la création de l’EPA mais aussi pour la conscience environnementale moderne; c'est le seul espoir de survie à long terme pour notre Pale Blue Dot (1). Carson nous rappelle que les bénéfices du courage et de la résistance ne sont pas toujours immédiatement apparents, mais cela fonctionne comme une puissante force tectonique qui peut changer l'avenir de manière significative.

Lost Woods: The Discovered Writing of Rachel Carson, Beacon Press, 1998

Article intégral en anglais : Maria Popova, https://www.brainpickings.org/

(1) Ce Point bleu pâle (Pale Blue Dot, par Carl Sagan)
https://situationplanetaire.blogspot.ca/2013/03/une-redite.html

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Photo : BNCP CO.UK

Heartbreaking news about lead use in our National Wildlife Refuges
Laura Erickson (1)

http://blog.lauraerickson.com/

I hate political, or personal, drama it’s rather an odd thing for a Chicago woman of Irish descent, born-and-raised as a Cubs fan, but that’s just the way I am. I got all three of those traits, along with my normally low blood pressure, from my Grandpa. 
     But today I can feel that blood pressure rising, and not at a good time. I had a heart attack two years ago, and breast cancer surgery just yesterday, and then BAM! Today I get a news alert that the Trump Administration just rescinded the ban on lead ammunition and fishing tackle in our National Wildlife Refuges! 
     It took the Obama Administration almost 8 years to enact that ban, in large part because special interest groups fought so hard to prevent it, led of course by the NRA, which fights against any and every regulation that could in any way protect human beings, Bald Eagles, and other living things from being at the wrong end of the firearms the NRA so fetishizes. Even as its membership declines, the NRA’s actual power seems ever growing, thanks to its main contributors gun and ammo manufacturers, who have long stirred public paranoia to keep sales high. After every mass shooting, ads stirring fears of gun confiscation surge, with gun sales to match. Even optics retailers see a surge in business after these mass shootings, due to the surge in sales of rifle scopes to put on many of those new rifles. This seems ironic because one would think guns sold for self protection would be expected to be used at closer range, but in our society, profit trumps reason. 
     The dangers of lead ammo and tackle to wildlife have long been established. [...] By 1971, mountains of data and scientific studies proved that lead shot was a leading cause of mortality in ducks, geese, and swans, some of which dabble for food in the muck, and all of which pick up “grit,” including much of the lead shot that rains over wetlands during hunting season, to help them digest their food. 
     One or two pellets of ingested lead, ground up in the gizzard, shoot toxic levels of lead into a bird's blood, killing many outright, and weakening others to make them less resistant to avian cholera and other diseases. Yet it wasn’t until 1991, two full decades after all that data started piling up, that the U.S. Fish and Wildlife Service finally banned lead shot for waterfowl hunting. We also have abundant data that lead shot and bullets poison upland birds and other wildlife. Some pick it up on the ground, and others, especially Bald Eagles and other scavengers, in the carcasses of game animals that eluded the hunters or in the gut piles left behind. 
     The number of Bald Eagles that are dead or severely weakened by lead poisoning spikes at rehab facilities every year during hunting season. There is also abundant evidence that the families of hunters who use lead ammo, especially lead bullets for deer, are exposed to dangerous levels of lead when they eat that game. Bullets fragment into tinier pieces in what's called a "snowstorm" when they hit a deer at high impact, and some tiny fragments are virtually impossible to detect and remove. 
     Gun and ammo manufacturers don’t care about that kind of collateral damage their focus is on selling guns and ammo the more, the better. [...] 
     It’s so frustrating when an obvious solution to any serious problem is held hostage by one gigantic special interest group. And in what alternate universe is it not a problem when hundreds of Bald Eagles, along with other wildlife and human beings, are poisoned by lead every year? [...]  

(1) Ornithologist, scientist, wildlife rehabilitator, teacher and writer, recipient of many awards.  

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En tous cas, les businessmen dépourvus d’intelligence environnementale et scientifique mènent la vie dure à la planète. Des «lumières» d’ingéniosité quand il s’agit de bousiller et de varloper la terre. Carson grimperait dans les rideaux.

Un énorme vampire suceur d’énergies fossiles
Voyez ce monstre mortifère : vidéo, photos et cartes sur la page d’origine 
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1021096/liquefaction-gaz-arctique-russie-sabetta-yamal

Curieux de voir ce qui se passe sur leur territoire, les malheureux renards polaires s'approchent des installations. Ils ne craignent pas les humains... parce qu'ils ne les connaissent pas! J'ignore s'ils sont en voie d'extinction ou pas, mais il pourrait avoir le même sort que les éléphants, rhinocéros, requins, etc. Espérons qu'ils n'aient pas de propriétés aphrodisiaques ou médicinales en plus de leur belle fourrure que parvenus  et poules de luxe convoiteront. Comme pour les visons, il existe peut-être des usines d'élevage intensif. Ah, ces misérables moneymakers. Vivre et laisser vivre ne veut rien dire aujourd'hui. Relisons attentivement Victor Hugo :
"De quel droit volez-vous la vie à des vivants?
Ne peux-tu vivre heureux sans cela?
Qu'est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là?
Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle?
Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
Et si la servitude inutile des bêtes
Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes?
Qui sait si le carcan ne sort pas des licous?
Oh! de nos actions qui sait les contre-coups
Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre?
Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde!
La balance invisible a deux plateaux obscurs.
Nous avons des tyrans parce que nous en sommes."
(Extrait de Liberté)  

Voici le plus grand projet de liquéfaction de gaz de l’Arctique

Un reportage de Raymond Saint-Pierre, correspondant à l’étranger pour ICI Radio-Canada

Le complexe gazier de Sabetta, dans le nord de la Russie. Photo : Radio-Canada / Alex Sergeev

Un immense projet d'exploitation de gaz naturel démarrera bientôt ses activités dans le Grand Nord de la Russie, dans la péninsule du Yamal, dont le sol contient 22 % de toutes les réserves de gaz naturel au monde.

État des lieux.

Il y a quatre ans, la péninsule de Yamal était pratiquement déserte. Aujourd’hui, près de 30 000 travailleurs s’affairent à la construction de ce projet colossal dans le froid glacial de Sabetta. 
     Les températures peuvent descendre à moins 50 degrés dans cette partie de l’Arctique russe. De plus, durant les trois mois de noirceur qui assombrissent cette région située à 600 kilomètres au nord du cercle polaire, les travaux doivent se poursuivre à la lumière de projecteurs. À la fin de chaque mois, les travailleurs rentrent chez eux et sont remplacés par 30 000 autres ouvriers. 
     Le projet est financé par la pétrolière française Total et par les entreprises Novatek de Russie et CNPC de Chine. En raison des conditions de travail arides qu’engendre le froid sibérien, une partie importante de la construction des trois usines de liquéfaction de gaz du projet a été réalisée en Asie.

«Bien sûr, le défi de la construction était qu’on ne pouvait pas avoir plus de 100 000 personnes ici pour construire cette usine.» ~ Stéphane Le Galles, chef de projet

Ainsi, 172 modules ont été fabriqués à l’étranger [en Chine] par 55 000 travailleurs. Les modules sont ensuite assemblés sur place, à Sabetta, comme un gigantesque jeu de Lego. Quatre immenses réservoirs de 45 mètres de hauteur ont également été bâtis pour stocker le gaz.

Un des immenses réservoirs de Sabetta. Photo : Radio-Canada / Alex Sergeev

La vaste installation repose sur des dizaines de milliers de piliers enfoncés dans un pergélisol jusqu’à plus de 20 mètres pour la stabiliser. L’ingénierie est révolutionnaire. 
     «On développe des modes de construction en milieu exceptionnel. Notre expérience pourra servir à d’autres, pas seulement en Russie. […] Nous sommes des pionniers de l’Arctique.» ~ Dimitry Fomin, directeur du chantier de l'usine de liquéfaction

Passage du Nord-Est

Afin de recevoir tout le matériel de ce chantier, un port a été construit. L’infrastructure servira aussi par la suite à l’expédition du gaz liquéfié. 
     Pendant six à neuf mois par année, les eaux de la région sont gelées, et des brise-glaces assurent l’accès à Sabetta. Les changements climatiques rendent toutefois la région de plus en plus accessible. 
     Sabetta sert ainsi de modèle pour vendre une nouvelle voie maritime. La Russie veut octroyer des droits de passage sur la route maritime du nord, une solution moins longue et moins coûteuse que le canal de Suez. 
     En Corée du Sud, 15 méthaniers et brise-glaces sont en construction pour expédier le gaz en Asie et en Europe. Cependant, Sabetta n’est pas encore tout à fait prêt pour les accueillir. Les travaux doivent encore continuer jour et nuit pour au moins les trois prochaines années. 
     Si tout se déroule comme prévu, les premières livraisons de gaz naturel liquéfié débuteront à la fin de l’été prochain. La construction de ce projet pharaonique doit être achevée en 2019.

Image : Pawel Kuczynski

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