Les poèmes suivants sont extraits de :
Cent poèmes pour l’écologie
Choisis par René Maltête (photographe, 1930-2000)
Préface d’Hubert Reeves
Le cherche midi éditeur; 1991
Le Déluge
Par Jean L’Anselme
Il pleuvait comme vache qui pisse
mais il n’y avait plus de vaches.
Il faisait un temps de chien, un temps de cochon
mais il n’y avait plus de chiens ni de cochons.
Il faisait un beau temps pour les grenouilles, les
escargots, les limaces
mais il n’y avait plus ni grenouilles, ni escargots, ni
limaces.
N’y avait plus non plus d’éléphants
ni d’girafes
plus de phoques
plus de pingouins
plus de chats
plus de poules
plus de lapins.
Il n’y avait plus rien.
Plus rien sur cette terre
à force de laisser faire
et de se taire.
Alors Noé,
qui ne pouvait plus compter « un – deux »
en accouplant ses bêtes en marche
hurla « en avant marche,
après moi le déluge! »
Et ce fut la fin du monde,
le grand grabuge.
(Inédit)
Fable de la rivière
Par Jacques Gaucheron
Un doux pêcheur trempait une ligne dans l’eau
décolorée d’une rivière.
Passe-temps sans malice, avec un peu d’espoir
d’attraper quelque menue friture au moins,
sait-on jamais un gros poisson
pour le repas du soir.
Mais vous ne prendrez rien!
lui dit en se moquant un promeneur malin.
Pêcher ici dans la rivière,
c’était l’affaire d’un autre temps.
Depuis que sans vergogne d’assassines chimies
vont déversant dans le courant
d’invisibles poisons, ici tout s’asphyxie.
Que dites-vous, est-ce possible,
balbutia le pêcheur qui perdait contenance.
Mais c’est un crime, il faut chercher les assassins.
Si par chance un poisson passe auprès de votre bouchon
il aura, monsieur, ventre en l’air
N’en mangez pas c’est du poison.
Pourquoi les hommes de notre temps
perdent simplement la raison,
vous le trouverez bien
avec un peu de réflexion.
En tout cas
pour que poisson devienne grand
il faudra d’abord guérir les rivières.
Les grandes inventions
Par Joël Sadeler
Il inventa la poudre à laver le linge
Le linge fut propre
Mais l’eau polluée
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à laver l’eau
L’eau de la rivière fut propre
Mais l’herbe polluée
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à laver l’herbe
L’herbe de la rivière fut propre
Mais le lit pollué
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à laver le lit
Le lit de la rivière fut propre
Mais la terre polluée
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à la laver la terre
Et la terre fut lessivée…
P.S. Homo Hiroshima lave plus blanc.
(Croquis et croque-vie)
Dans sa préface (1991), Hubert Reeves disait :
«Notre planète, nous le découvrons avec stupeur, est bien malade. Chaque semaine, pratiquement, on nous signale une nouvelle agression à la biosphère, restée jusque-là insoupçonnée. Nous savons que si tout espoir n’est pas perdu, il faudra agir vite et avec efficacité pour que la Terre de nos enfants soit encore habitable.
[…]
Comme on le verra dans ces pages, la préoccupation écologique, (même si le mot est relativement récent), n’est pas un thème nouveau pour les poètes. Jamais pourtant cette préoccupation n’avait pris une telle ampleur; jamais la situation n’a été aussi dramatiquement pressante. Il faut remercier les éditeurs d’avoir rassemblé ici un ensemble de poèmes étalés le long des âges. Leur message prend aujourd’hui une nouvelle actualité.»
Eh bien, en 2013, chaque jour, pratiquement, on nous signale une couple de catastrophes – celles qui ne peuvent pas nous échapper. Ensuite, toutes celles qu’on peut nous dissimuler... c’est ben maudit, mais avec Internet, c’est de plus en plus difficile.
Aux antiquaires, les arbres!
À la fourrière, les animaux!
À la glacière, les oiseaux!
Disait Jacques Prévert
J’ajouterais : Aux charniers, les humains?
À voir si vous avez accès à la zone – matière à réflexion :
Cas de conscience, La cupidité
http://www.tou.tv/cas-de-conscience/S01E10
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