18 juillet 2019

L’ambigüe association «transition verte» et gaz de schiste

Les lobbyistes gaziers se invitent dans la vallée...  

Il est totalement absurde et anormal de se battre pour avoir de l’eau propre et de l’air respirable. Ce droit fondamental est en train d’expirer en vertu du «droit» de polluer/saccager accordé aux industriels par des gestionnaires politiques irresponsables.
   Les spéculateurs gaziers d’entreprises américaines, canadiennes et internationales ne lâchent pas le Québec (l’Ouest canadien leur est déjà acquis à 90 %). Les campagnes sournoises des promoteurs gaziers font miroiter des lendemains qui chantent, de la prospérité et de nombreux emplois aux populations prises en otage. L’inacceptation sociale ne les empêchera jamais de foncer.

«Qu’est-ce que cela peut faire que je lutte pour la mauvaise cause puisque je suis de bonne foi? Et qu’est-ce que cela peut faire que je sois de mauvaise foi puisque c’est pour la bonne cause?» ~ Jacques Prévert

Caricature : Pascal, Le Devoir 15 juillet 2019 

Monsieur Legault s’oppose énergiquement à un nouvel oléoduc albertain traversant le territoire québécois. Par contre, il approuve l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, et une usine de liquéfaction de gaz naturel GNL Saguenay et son pipeline (voyez Le «drink» de la dernière heure, 8 juillet 2019).
   À cela s’ajoute un terminal en carburant pour avions à Montréal-Est. J’ai mentionné ce projet (voyez Le Saint-Laurent vandalisé – suite, 4 juillet 2019), mais les informations étaient dispensées au compte-gouttes.
   Le journaliste Alexandre Shields (Le Devoir) fournit plus de détails.
Nous jouons avec le feu... Très anxiogène, le film d’horreur de Lac-Mégantic rejoue automatiquement dans notre tête :   

Le terminal maritime de carburant d’avion qui sera construit dans l’est de Montréal servira principalement à répondre aux besoins de l’aéroport Pearson de Toronto. Près de 11 000 wagons-citernes chargés de kérosène partiront ainsi chaque année de ce terminal, traversant l’île de Montréal d’est en ouest, en direction de l’Ontario. Un transport qui longera des secteurs habités et qui soulève des inquiétudes, même si les autorités affirment que tout est prévu pour assurer la sécurité des citoyens.
   Le gouvernement du Québec a officiellement approuvé au début du mois la construction de ce nouveau terminal de réception et de stockage de carburant d’avion, qui sera installé par la Corporation internationale d’avitaillement de Montréal (CIAM) sur le bord du fleuve Saint-Laurent, dans l’est de la ville.
   La semaine dernière, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a aussi mis en ligne différents «avis» concernant ce projet, dont un produit par la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP).
   Celui-ci stipule que le projet modifiera la chaîne d’approvisionnement en carburant, notamment en augmentant le transport ferroviaire et par camions-citernes sur le territoire montréalais. «Ces modifications substantielles dans la chaîne d’approvisionnement accroissent le potentiel d’incidents avec des conséquences pour l’environnement et la santé des Montréalais plus élevées», ajoute la DRSP.
   Selon les données de la CIAM, entre 830 millions et 1,1 milliard de litres de kérosène déchargés au futur terminal seront destinés chaque année à l’aéroport Pearson de Toronto, soit deux fois et demie la quantité destinée à l’aéroport de Montréal. Tout ce carburant sera transporté dans des wagons-citernes de 110 000 litres chacun, à raison de «20 à 30 wagons» par jour.

Photo: iStock. Ici, des wagons-citernes DOT-111A équipés de boucliers en acier pour empêcher la perforation des citernes en cas de déraillement. 

Sur une base annuelle, le promoteur précise qu’un total de 10 950 wagons pourraient être nécessaires. En supposant un convoi d’une taille moyenne de 72 wagons, soit la taille du convoi de Lac-Mégantic en 2013, c’est l’équivalent de 152 convois qui quitteront chaque année les installations de la CIAM. Ces wagons chargés de kérosène traverseront l’île de Montréal d’est en ouest, en longeant plusieurs secteurs habités, notamment à Saint-Léonard, Ahuntsic, Dorval et Beaconsfield.
   Il faut ajouter à cela près de 3000 camions qui partiront chaque année de Montréal-Est et de l’aéroport de Dorval (où le kérosène sera acheminé par le pipeline Trans-Nord, qui a connu plusieurs «incidents» au cours des dernières années) pour aller livrer du carburant à l’aéroport d’Ottawa, soit environ 150 millions de litres par année.
   Pour le président du Collectif en environnement de Mercier-Est, Raymond Moquin, il est aussi préoccupant de voir les convois ferroviaires de kérosène passer dans des secteurs habités. Il déplore que «Montréal, et notamment l’est de Montréal, devra assumer des risques bien réels pour approvisionner principalement l’aéroport de Toronto». En tout, 77 % du carburant livré par bateau au nouveau terminal de la CIAM sera destiné à des aéroports situés en Ontario.
   Dans le cas du carburant d’avion destiné à l’aéroport de Toronto, il devrait être transporté dans des wagons «DOT-111 renforcés», et ce, jusqu’en 2025.

Article intégral

DOT-111 (non renforcés) = wagons qui ont explosé à Lac-Mégantic

Lac-Mégantic 1 : un désastre causé par des affairistes  

Lac-Mégantic 2 : la démocratie est soluble dans le pétrole

Lac-Mégantic : guérir au son des DOT-111

Gisement de Bakken : désastre écologique et drames humains 
   Le pétrole qui a enflammé et ruiné Lac-Mégantic provenait du gisement de pétrole de Bakken dans le Dakota du Nord. La production est colossale – vingt millions de barils de pétrole de schiste chaque mois (en 2013) – doit être vendue et acheminée vers les marchés. En 2012, le cow-boy Hunter Harrison s’en assurera en prenant les commandes de la compagnie ferroviaire Canadian Pacific Railroad et de ses sous-traitants comme MMA (voyez Lac-Mégantic 1 et 2).

Un développement économique basé sur le pillage des ressources, dont les retombées écologiques seront lugubres, nous pousse littéralement dans le couloir de la mort.

Énergie : deux gazières veulent relancer les forages dans la vallée du Saint-Laurent
Alexandre Shields | Le Devoir, 5 juillet 2019

Près de 10 ans après le début de la saga du gaz de schiste, les entreprises Questerre et Utica Resources espèrent relancer les projets gaziers dans la vallée du Saint-Laurent. Celles-ci ont d’ailleurs inscrit récemment des lobbyistes au registre québécois dans le but de promouvoir leurs projets, déjà contestés par des groupes écologistes.
   L’entreprise albertaine Questerre a ainsi inscrit le 27 juin deux nouveaux mandats de lobbyistes-conseils ayant un mandat similaire lié au développement d’un «projet pilote d’évaluation d’une technologie propre appliquée à la production gazière», selon ce qu’on peut lire au registre des lobbyistes.
   Leur demande est présentée en vertu de l’article 29 de la Loi sur la qualité de l’environnement, qui permet au ministre d’autoriser une entreprise à «déroger à une disposition de la présente loi ou d’un règlement pris en vertu de celle-ci». Il faut dire qu’en vertu de la réglementation actuelle, il est interdit au Québec de réaliser des forages avec fracturation dans le schiste, soit la formation géologique des basses terres du Saint-Laurent présentant un potentiel en gaz de schiste.
   Est-ce que Questerre a l’intention de réaliser un ou des forages avec fracturation? Les demandes du Devoir envoyées jeudi au président de l’entreprise, Michael Binnion, sont demeurées sans réponse. Ce dernier, qui est aussi président de l’Association de l’énergie du Québec – nouveau nom de l’Association pétrolière et gazière du Québec –, disait ce printemps que son entreprise étudiait «de nouvelles technologies» d’exploitation gazière.
   Le nouveau mandat des lobbyistes de Questerre précise d’ailleurs que les démarches visent à amener le gouvernement à adopter «une technologie propre appliquée à la production gazière fondée sur l’hydroélectricité, qui est à faible intensité de gaz à effet de serre, de rejets liquides, à faible niveau de décibels et d’utilisation d’eau potable».
   L’entreprise albertaine n’est par ailleurs pas la seule à vouloir relancer les projets gaziers dans la vallée du Saint-Laurent, puisque Utica Resources a la volonté de lancer un projet de «réservoir de gaz naturel conventionnel» dans la région de Saint-Janvier-de-Joly, au sud-ouest de Québec.
   Utica Resources a également inscrit récemment trois lobbyistes-conseils au registre québécois, en plus des trois lobbyistes de l’entreprise. Leurs mandats comprennent notamment des démarches «auprès des ministères afin d’obtenir l’ensemble des autorisations requises pour un projet éventuel de forage exploratoire dans les basses terres du Saint-Laurent».
   Au cabinet du ministre de l’Énergie et des ressources naturelles Jonatan Julien, on précise que le gouvernement entend faire respecter le «cadre légal et réglementaire extrêmement strict» et que «tout projet doit s’y conformer».
   Les groupes écologistes dénoncent les projets de Questerre et d’Utica Resources. Ils s’opposent aux «manoeuvres» des entreprises gazières, «qui persistent à vouloir développer la filière gazière malgré l’urgence climatique».


Le forage du gaz de schiste n'est ni bon marché, ni propre, ni infini, et jamais «vert» L’histoire de l’exploitation pétrolière est sursaturée de catastrophes environnementales.

Photo : Nicolas Lemay Bluteau. Puits de gaz de schiste foré dans la Forêt seigneuriale Joly de Lotbinière vers 2010.

La formation rocheuse de schiste d'Utica riche en gaz s'étend principalement dans la vallée du Saint-Laurent. Le sous-sol du Centre-du-Québec, de Chaudière-Appalaches et de la Montérégie a la réputation de contenir les gisements les plus importants.
   Le forage stratigraphique couvre une grande partie du bassin des Appalaches. Entre 2006 et 2009, 24 puits (horizontaux et verticaux) ont été creusés pour explorer les réserves entre Montréal et Québec. Forest Oil Corp, basée à Denver CO, a investi dans la prospection au Québec, ainsi qu’en Ohio, en Pennsylvanie, en Virginie du Sud et dans l’état de New York.
   Plusieurs compagnies prospectent dans la vallée (Montérégie, Laurentides, Lanaudière, Mauricie, Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Bas-Saint-Laurent, Gaspésie). Parmi ces compagnies : Talisman Energy (Calgary), Questerre Energy (compagnie internationale  basée à Calgary détenant un permis d’exploration d’un million d’acres en territoire québécois), Gastem (Montréal), Canbriam Energy (Calgary), Utica Resources (filiale de la société autrichienne Lansdowne Partners Austria). Il s’agit d’une liste non exhaustive car il est difficile de remonter la filière jusqu’à la tête de la pyramide.
   Plusieurs pays financent les compagnies, dont les Émirats arabes unis, par exemple. Les entreprises pétrolières/gazières majeures détiennent des permis d’exploitation et/ou des baux d’exploitation (claims) valides pour plusieurs décennies...

Carte : science direct.

Pour savoir si votre région et votre propriété sont ciblées, visitez le site du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) :

Wikipedia – Le gaz naturel, ou gaz fossile, est un mélange gazeux d'hydrocarbures constitué principalement de méthane, mais comprenant généralement une certaine quantité d'autres alcanes supérieurs, et parfois un faible pourcentage de dioxyde de carbone, d'azote, de sulfure d'hydrogène ou d'hélium. Naturellement présent dans certaines roches poreuses, il est extrait par forage et est utilisé comme combustible fossile ou par la carbochimie.
   Depuis 2004, la technique principalement retenue est l'hydrofracturation associée à un «forage horizontal» dirigé. Elle permet d'atteindre et disloquer un plus grand volume de schiste avec un seul forage. Le schiste est pré-fracturé par des trains d'explosions puis une injection sous très haute pression d'un fluide de fracturation constitué d'eau, de sable et d'additifs (toxiques pour certains) étend cette fracturation. Chaque puits peut être fracturé (stimulé) plusieurs dizaines de fois. Chaque fracturation consomme de 7 à 28 millions de litres d'eau dont une partie seulement est récupérée. Cette pratique, notamment aux États-Unis, est de plus en plus contestée, dénoncée comme affectant le sous-sol, les écosystèmes en surface et la santé. Les fuites de gaz semblent fréquentes et pourraient contaminer des puits. L'utilisation de produits toxiques risque de polluer les nappes phréatiques. L'eau de fracking remonte avec des contaminants indésirables pour la santé et les écosystèmes (sels, métaux et radionucléides) pour toute personne vivant près d'une source d'extraction. Le gaz naturel et le pétrole brut sont souvent associés et extraits simultanément des mêmes gisements, ou encore des mêmes zones de production. Les hydrocarbures liquides proviennent du pétrole brut pour une proportion moyenne de l'ordre de 80 %; les 20 % restants, parmi les fractions les plus légères, le propane et le butane sont presque toujours liquéfiés pour en faciliter le transport. L'exploration (recherche de gisements) et l'extraction du gaz naturel utilisent des techniques à peu près identiques à celles de l'industrie du pétrole.
   Pour transporter le gaz naturel des gisements vers les lieux de consommation, les gazoducs sont le moyen le plus courant. Mais une part croissante du gaz consommé est transportée sous forme liquide, à −162 °C et à pression atmosphérique, dans des méthaniers du lieu de production vers les lieux de consommation : c'est ce que l'on appelle le GNL, ou Gaz Naturel Liquéfié. Sous cette forme liquide, le gaz naturel offre, à volume égal avec le fioul domestique, un pouvoir calorifique qui correspond à plus de la moitié du pouvoir calorifique de celui-ci. La filière du gaz naturel liquéfié nécessite cependant une taille importante pour être économiquement viable, il faut donc une forte production à exporter pour justifier la construction d'une usine de liquéfaction et, inversement, d'importants besoin d'importation pour construire un terminal de réception.
   En 2018 le Canada se classait au quatrième rang des producteurs de gaz naturel après les États-Unis, la Russie et l’Iran.
   Les principaux dangers du gaz naturel sont liés au fait qu'il est extrait, véhiculé et fourni sous pression, qu'il est inflammable et explosif. L’exploitation offshore ou terrestre de gaz profonds (à plus de 4 ou 5 km de profondeur), chauds (de 190 °C à plus de 200 °C), très corrosifs et sous très haute pression est sources de risques nouveaux.
   Les gisements les plus accessibles étant en cours d'épuisement, les industriels gaziers doivent forer plus profondément et exploiter des gaz «non-conventionnels» souvent plus sales, c'est-à-dire plus acides, corrosifs et toxiques. Le torchage et les fuites ont, en outre, des effets directs et indirects sur le climat et l'acidification des milieux.
   Le gaz naturel est souvent présenté comme moins polluant que le pétrole et préférable au charbon, avec des émissions de CO2 inférieures de 40 % et pratiquement pas d'émissions de dioxyde de soufre s'il est désoufré. Mais les fuites de méthane menacent d'annuler ces avantages, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui estime que chaque année, les compagnies pétrolières et gazières émettent plus de 75 millions de tonnes de méthane dans l'atmosphère, et que le taux de fuite moyen atteint 1,7 % pour la chaîne du gaz; cela représente, selon les sources, 13 % à 20 % des émissions de méthane 
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_naturel )

En résumé

– Le boom de la fracturation est temporaire. Son intérêt économique va en diminuant car la quantité de gaz de schiste extraite d’un puits décline de 80 à 95 % après 3 ans; il faut donc constamment creuser de nouveaux puits
– La fracturation hydraulique nécessite de grandes quantités d'eau quoiqu’en disent les compagnies; et la recycler, en partie, requiert d’autres produits chimiques toxiques. Cette grande quantité d’eau mélangée aux produits chimiques se répand lors des opérations de forage. La pollution environnementale ne provient pas de la fracturation elle-même, mais de ce qui se passe avant et après, notamment lors du transport et du stockage des énormes quantités de déchets chimiques générées par l’activité   
– Adieu air frais. Voici les composés toxiques libérés dans l’atmosphère : benzène, butane, éthane, hydrogène sulfuré, pentane, propane, toluène et xylène
– L’eau du robinet peut devenir imbuvable (c’est pourquoi Nestlé s’empare de l’eau de source partout dans le monde – pour éventuellement la revendre à prix exorbitant)
– La fracturation hydraulique cause des secousses sismiques 
– Les terres agricoles deviennent des décharges de métaux lourds – arsenic, baryum, cadmium, chrome, plomb, mercure; le bétail et la faune sont affectés; les animaux sont attirés par le goût salé des fluides de fracturation et des eaux usée, et comme ce sont des poisons, les animaux meurent ou souffrent de graves problèmes de santé, d’une diminution des fonctions de reproduction, et les petits de malformations à la naissance Des vaches maigrissent et perdent leur queue
– Le profit est au-dessus des préoccupations environnementales; les promoteurs, les investisseurs et les actionnaires ne veulent qu’une chose : faire de l’argent
– Parfois, les revenus ne couvrent pas les coûts d’extraction et d’exploitation
– Les emplois sont moins nombreux que ce que les études de marché, produites par l’industrie, prétendent. Celles-ci incluent des emplois corrélés à l’expansion : restauration rapide, bars, prostitution et strip-tease (comme à Fort McMurray)... Sur certains chantiers plus costauds l’industrie inclut dans ses retombées économiques, la construction de «man camps» temporaires, l’installation de caravanes, l’aménagement d’un terrain de camping-cars, baraques temporaires, etc.   
– Certains pays ont interdit la fracturation hydraulique (Bulgarie, France, Luxembourg)

Un rapport publié en 2011 dans Proceedings of the National Academy of Sciences  révélait que les échantillons d'eau potable prélevés dans 68 puits de Marcellus et d'Utica étaient contaminés au méthane. De plus, les concentrations de méthane étaient en moyenne 17 fois plus élevées dans les puits à proximité des sites de fracturation actifs, comparativement à ceux des zones inactives.

Source : Craig J Todd (22 juillet 2014)

Réduisons notre utilisation des hydrocarbures et continuons de chercher des alternatives moins «sales» et énergivores. Le monde se portera mieux sans fracturation hydraulique.

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