4 octobre 2018

Et maintenant, qu’allons-nous faire?

L’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec (CAQ) est simplement une catastrophe environnementale supplémentaire – on ne les compte plus! Il est évident que ce parti a le même style de gérance environnementale que le Parti libéral du Québec (PLQ), qui prévoyait un plus grand empiétement sur les terres agricoles. La CAQ accordera sans doute plus de permis d’exploitation gazière, pétrolière et minière, et privilégiera l’augmentation du trafic de cargos pétroliers sur le fleuve Saint-Laurent. M. Legault a promis des élargissements d’autoroutes : «si on veut avoir un impact sur l’environnement on doit essayer que les automobilistes soient le moins longtemps possible coincés dans le trafic», disait son député Sylvain Lévesque. Il a aussi promis la bétonisation des milieux humides et le retour des motoneiges dans un parc national. Bienvenue au royaume des entrepreneurs et promoteurs de tous acabits. À l’instar de Couillard, Legault pense que l’économie doit rouler à plein régime (le bolide foncera plus vite dans le mur). Voilà pourquoi il entend inciter Investissement Québec à attirer davantage de capitaux étrangers.
Voyez la note (2) de cet article :

Ah oui, j’oubliais, la CAQ compte plusieurs députés climatosceptiques dans ses rangs. 
Le 1er octobre était donc un jour sombre pour la planète.  


La décroissance, un scénario absolument inévitable

Médium large | ICI Radio-Canada Première | Le 4 octobre 2018

«Il y aura décroissance quoi qu'il en soit. Soit on l'organise, et ça fait moins mal, soit on la subit de la nature, et là, ça va être très, très violent.» Selon Yves-Marie Abraham, professeur en gestion, il ne s'agit plus de limiter les effets du réchauffement climatique – une bataille perdue de toute façon –, mais bien de préparer nos sociétés à la vie avec moins de ressources. En compagnie du communicateur scientifique Jérémy Bouchez, de l'auteur écologiste Serge Mongeau et de la consultante zéro déchet Mélissa de Lafontaine, il explique à Catherine Perrin en quoi la protection de l'environnement est liée aux inégalités sociales.
   Nos invités étaient de passage à l’approche du premier Festival de la décroissance, qui aura lieu le 6 octobre au Campus MIL de l’Université de Montréal.
   «L’espoir qu’on nous vend, c’est un découplage entre croissance économique et [conséquences] écologiques. Tout montre que nous ne sommes pas capables d’accomplir ce découplage», affirme Yves-Marie Abraham, rappelant que même la production à partir de matières recyclables a des effets environnementaux.

Droit de panique

«Je revendique d’être catastrophiste. Ce n’est plus une honte, je le dis clairement, dit-il également. Parlant de ses plus récents contacts avec des chercheurs scientifiques, il ajoute : «J’ai parlé à des gens qui étaient en problèmes de santé mentale. Ils voient ce qui arrive, ils ont les données, ils voient l’inaction générale. C’est comme quelqu’un qui serait au fond d’un bus, qui verrait le mur droit devant et qui crierait, et personne ne l’écouterait. C’est terrible.»

«Les utopistes, aujourd’hui, ce sont ceux qui continuent de défendre ce système [de la croissance]. C’est inadmissible, c’est criminel, même, de défendre ce monde-là. Les réalistes, aujourd’hui, c’est vraiment nous.» ~ Yves-Marie Abraham

L’illusion du développement durable

«Le plus loin que les gouvernements vont, actuellement, c’est de parler de développement durable, déplore Serge Mongeau, père du concept de la simplicité volontaire. Or, le développement durable, c’est continuer dans notre société de consommation, mais retarder un petit peu les échéances. Passer de l’auto à essence à l’auto électrique, ce n’est pas un vrai progrès. On [utilise] moins d’essence, mais finalement, on va la prendre dans la production d’électricité, pour produire tous les métaux que ça prend pour faire des autos, etc. Les gouvernements […] disent : "On va essayer d’améliorer [les choses], mais on ne changera pas fondamentalement.»
  «On n’a rien réglé et on ne réglera rien en donnant un pouvoir d’achat plus grand à tout le monde.» ~ Serge Mongeau

Moins de biens, plus de liens

«Le système économique dominant crée des inégalités parce qu’il n’y a pas de redistribution des richesses et qu’on les surexploite en plus, observe Jérémy Bouchez. Ce qu’on dit beaucoup en décroissance, c’est : moins de biens, plus de liens. Les liens sont là aussi pour recréer l’égalité entre les gens et […] avec les autres espèces. On représente 0,01 % de la masse des êtres vivants sur la planète, et on est responsables de 85 % des dégâts environnementaux et de la problématique de la sixième extinction. Donc, c’est plus large que les inégalités entre êtres humains, c’est avec toutes les espèces. Mais fondamentalement, vivre sur une planète avec des ressources limitées et de les surexploiter, ça crée forcément des inégalités. C’est presque une conséquence logique.»
   «Il ne faut pas que ça vienne seulement d’en haut. Il va falloir que des choses viennent d’en haut, mais qu’elles soient attendues et souhaitées en bas.» ~ Serge Mongeau

Nécessaire double discours

«On essaie de communiquer aux gens de bouger et d’être actifs, mais si on dit des choses négatives, ils ont tendance à figer, à se mettre en boule et à ne rien faire, constate Mélissa de Lafontaine. Il faut, d’un côté, savoir ce qui s’en vient, mais rester positif dans notre discours pour donner le goût aux gens de venir vers nous et d’amener des changements dans leur vie. Ce n’est absolument pas simple.»

Audiofil :
           
Festival de la décroissance :

La vidéo de Rad sur la décroissance (devenue virale en passant...) :

C’est évident que la Nature va nous sortir du décor les deux pieds devant, mais on ne veut pas le savoir. Voici un article très intéressant qui explique en partie pourquoi la CAQ a obtenu la majorité – quand les humains ont peur, ils font n’importe quoi...

Les changements climatiques et le syndrome de l’autruche

ICI Radio-Canada Nouvelles | Le 29 septembre 2018

Photo : Getty Images/Buena Vista Images. Une autruche avec la tête dans le sable.

Les changements climatiques ont le même effet sur la population que sur les politiciens. L'enjeu les préoccupe, mais quand vient le temps de passer de la parole aux actes, il y a un pas qu'ils ne sont pas prêts à franchir. Les scientifiques nous disent pourtant que la planète a un grave cancer et nous faisons l'autruche. Pourquoi?

Un texte d'Étienne Leblanc, journaliste spécialisé en environnement

Au Québec, de gauche à droite du spectre politique, aucun parti ayant fait élire des députés ne remet en question les changements climatiques.
   On peut donc supposer que tous les chefs sont en accord avec le discours scientifique selon lequel le réchauffement se manifeste plus vite que prévu et que les risques qu'il devienne incontrôlable sont grands.
   Au terme d'un été qui a vu se développer des canicules historiques partout dans l'hémisphère nord, est-ce nécessaire de reprendre ici la ritournelle des effets que provoque ce bouleversement du climat? Nous savons que les canicules, les inondations et les événements climatiques extrêmes seront de plus en plus nombreux.

Photo : Getty Images/AFP/Fabrice Coffrini. Un tournesol desséché, Suisse. La canicule européenne affecte les cultures, comme celle des tournesols.

Mais malgré l'alerte climatique lancée par les scientifiques, personne ne semble prendre la mesure des dangers qui s'annoncent.
   Ni la plupart des politiciens qui aspirent à prendre le pouvoir ni les citoyens qui ne sont pas très mobilisés.
   Face à la menace climatique, les premiers proposent d'élargir les autoroutes et continuent d'opposer dans les discours l'économie et l'environnement; les seconds mettent l'environnement au sommet de leur liste de priorités, mais se rebiffent quand on leur soumet l'idée qu'ils devront payer de leur poche ou qu'ils devront changer leur mode de vie (voir les données de la Boussole électorale de Radio-Canada).
   Le décalage entre ce que nous savons et les gestes que nous sommes prêts à poser est immense.
   C'est le fameux syndrome de l'autruche, bien documenté par des sociologues et des psychologues : face à un problème qui nous semble insurmontable, nous faisons tout pour l'ignorer.

Un ennemi mal défini

«Les problèmes auxquels nous portons attention ont un ennemi clair», explique George Marshall en entrevue à Radio-Canada. C'est le cofondateur de l'ONG Climate Outreach et auteur du livre Le syndrome de l'autruche : pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique. Un livre pour lequel il a consulté de nombreux chercheurs qui ont étudié la question de la perception du risque et de la réaction publique qui s'ensuit.

Photo : George Marshall, auteur et cofondateur de l'ONG Climate Outreach 

M. Marshall cite en exemple la lutte contre le terrorisme. «Dans les faits, la menace est très faible pour chacun d'entre nous, dit-il. Mais nous y réagissons très promptement, parce que l'ennemi est clair et notre cerveau est configuré pour y réagir. Les changements climatiques ne sont pas ce genre de menace, car il n'y a pas d'ennemi clair», dit-il.
   C'est ainsi qu'il explique l'action internationale prise rapidement en 1987 avec le Protocole de Montréal pour contrer l'expansion du trou dans la couche d'ozone. Il s'agissait de remplacer un type de gaz par une nouvelle technologie.
   Se basant sur les travaux de psychologues spécialistes de la perception du risque, George Marshall affirme que les gouvernements et les citoyens se mobiliseront si la menace est concrète, assez soudaine, assez grave et si on peut l'associer à un rival clairement identifiable.
   «Si les changements climatiques étaient causés par la Corée du Nord, notre réaction serait immédiate.» ~ George Marshall
   Les gens se mobiliseront contre l'aménagement d'un dépotoir de déchets nucléaires, d'une autoroute ou d'un pipeline, mais pas nécessairement contre les changements climatiques. Autrement dit, pas contre les voitures, les avions, la viande ou les maisons trop grandes.
   «C'est difficile à réconcilier, parce que dans le cas du climat, l'ennemi, c'est chacun d'entre nous. Nous sommes grégaires, ajoute M. Marshall, on aime se savoir partie d'un groupe qui se bat contre un autre groupe, mais quand il s'agit de se battre tout le monde ensemble, il n'y a plus d'ennemi».
   Comme tout le monde contribue au problème, tout le monde a une bonne raison de l'ignorer.

Nier la réalité

«On a une grande aptitude à ne pas voir le danger qui va nous frapper, souligne Pierre-Henri Gouyon, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Dès qu'on naît, on sait qu'on va mourir. Donc, on essaie de l'occulter de nos vies tous les jours», dit-il.
   Comme la menace est abstraite, comme elle n'est pas immédiate, l'émotion nécessaire à la mise en place d'une réaction vive et appropriée n'est pas là.
   Pour les fins de son livre, George Marshall a consulté des chercheurs en psychologie qui travaillent avec des victimes de catastrophes naturelles. Il s'est aussi rendu dans le New Jersey, qui a été en partie dévasté par l'ouragan Sandy en 2012, où il a constaté que de nombreux riverains sont convaincus que ça n'arrivera plus jamais.

Photo : Reuters/Eric Thaver. En 2012, les fortes marées de l'ouragan Sandy ont déplacé une maison de Mantoloking, au New Jersey.

«Intellectuellement, notre cerveau comprend l'ampleur du problème, mentionne George Marshall. Mais nous ne le ressentons pas. Nous balayons les gros problèmes sous le tapis pour rester sains d'esprit», dit-il.
   Le cerveau ne serait tout simplement pas programmé pour répondre à des menaces si diffuses et si lointaines.
   «Dites à un ado que la cigarette qu'il fume va le faire mourir à 60 ans, et il va vous rire au visage», cite en exemple M. Marshall.
   «On n'arrive pas à croire ce qu'on sait, savoir ne nous oblige pas à croire.» ~ Pierre-Henri Gouyon

Se priver maintenant, mais pourquoi?

Une des raisons pour lesquelles personne n'ose prendre le taureau de la crise climatique par les cornes, c'est qu'elle appelle à un abandon de ce qui rend la vie harmonieuse. Nos véhicules, nos déplacements rapides en avion, nos grandes maisons chauffées ou notre succulent repas quotidien de viande.
   Si elle était prise sérieusement, la crise climatique obligerait aussi les gouvernements à sacrifier de lucratifs projets de développement économique au nom de l'avenir de la planète.
   «Prendre des mesures pour lutter aujourd'hui contre les changements climatiques implique qu'il y a un coût immédiat afin d'éviter des pertes plus importantes dans l'avenir», indique M. Marshall.
   Le problème, c'est qu'il est impossible de connaître ces pertes futures avec précision. Les conséquences sont incertaines, ce qui plombe grandement une possible mobilisation publique, qu'elle soit citoyenne ou étatique.
   De plus, la crise climatique est confrontée au problème économique du resquilleur, qu'on peut illustrer ainsi : si mon voisin prend sa voiture, pourquoi me priverais-je de la mienne? Pourquoi profiterait-il de mes actions alors qu'il ne fait rien?

Photo : Radio-Canada/Jean-Simon Fabien. De la congestion routière sur l'autoroute Laurentienne.

Et de toute façon, qu'est-ce que ça change pour la planète si je ne prends pas ma voiture? Après tout, ce n'est qu'une seule petite voiture parmi des millions d'autres!
   Ainsi, selon cette logique, pourquoi l'Alberta se priverait-elle de ses sables bitumineux au nom de l'environnement alors que la Chine carbure au charbon pour assurer son développement?
   «Chacun d'entre nous a l'impression que l'action personnelle est diluée dans une responsabilité collective à l'échelle planétaire, et que l'impact de notre action n'en vaut pas la peine», explique Pierre-Henri Gouyon.

Un discours positif

Alors, que faire pour stopper cette fuite en avant?
   «Il faut en parler d'une autre façon, pense George Marshall. Si vous me dites que je dois agir pour éviter la catastrophe à mes enfants, cela suggère que si je continue à prendre ma voiture, je me fous de mes enfants! Ça me fâche et ça me donne encore moins envie d'agir», dit-il.
   Il est d'avis que le discours public doit donc mettre l'emphase sur les problèmes concrets, et les avantages que cela nous procure au quotidien. «Quand on parle du transport, il faut mettre les changements climatiques au bas de la liste et parler plutôt de qualité de l'air», suggère M. Marshall.
   Il conseille aussi de parler beaucoup plus des bénéfices de lutter contre les changements climatiques : les emplois, l'image, la fierté nationale.
   «Si je travaillais au Québec, je parlerais d'abord et avant tout du Québec», dit-il. Il suggère ainsi aux élus et aux électeurs de réfléchir à ce qui les rend fiers au quotidien, en tant que Québécois. L'image qu'ils projettent à l'étranger, leur sentiment de faire partie d'un peuple moderne et innovateur ou leur désir d'être du bon côté de l'histoire.
   «Nous savons qu'une des bonnes façons de mobiliser les gens, c'est de les rendre fiers de ce qu'ils font et de ce qu'ils sont», conclut M. Marshall.

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