Voyez la
note (2) de cet article :
Ah oui,
j’oubliais, la CAQ compte plusieurs députés climatosceptiques dans ses rangs.
Le
1er octobre était donc un jour sombre pour la planète.
La décroissance, un scénario absolument
inévitable
Médium
large | ICI Radio-Canada Première | Le 4 octobre 2018
«Il y aura décroissance quoi qu'il en soit.
Soit on l'organise, et ça fait moins mal, soit on la subit de la nature, et là,
ça va être très, très violent.» Selon Yves-Marie Abraham, professeur en gestion, il ne s'agit plus de
limiter les effets du réchauffement climatique – une bataille perdue de toute
façon –, mais bien de préparer nos sociétés à la vie avec moins de ressources.
En compagnie du communicateur scientifique Jérémy Bouchez, de l'auteur
écologiste Serge Mongeau et de la consultante zéro déchet Mélissa de
Lafontaine, il explique à Catherine Perrin en quoi la protection de
l'environnement est liée aux inégalités sociales.
Nos invités étaient de passage à l’approche
du premier Festival de la décroissance, qui aura lieu le 6 octobre au Campus
MIL de l’Université de Montréal.
«L’espoir qu’on nous vend, c’est un
découplage entre croissance économique et [conséquences] écologiques. Tout
montre que nous ne sommes pas capables d’accomplir ce découplage», affirme
Yves-Marie Abraham, rappelant que même la production à partir de matières
recyclables a des effets environnementaux.
Droit de panique
«Je
revendique d’être catastrophiste. Ce n’est plus une honte, je le dis
clairement, dit-il également. Parlant de ses plus récents contacts avec des
chercheurs scientifiques, il ajoute : «J’ai parlé à des gens qui étaient en
problèmes de santé mentale. Ils voient ce qui arrive, ils ont les données, ils
voient l’inaction générale. C’est comme quelqu’un qui serait au fond d’un bus,
qui verrait le mur droit devant et qui crierait, et personne ne l’écouterait.
C’est terrible.»
«Les
utopistes, aujourd’hui, ce sont ceux qui continuent de défendre ce système [de
la croissance]. C’est inadmissible, c’est criminel, même, de défendre ce
monde-là. Les réalistes, aujourd’hui, c’est vraiment nous.» ~ Yves-Marie
Abraham
L’illusion du développement durable
«Le plus
loin que les gouvernements vont, actuellement, c’est de parler de développement
durable, déplore Serge Mongeau, père du concept de la simplicité volontaire.
Or, le développement durable, c’est continuer dans notre société de
consommation, mais retarder un petit peu les échéances. Passer de l’auto à
essence à l’auto électrique, ce n’est pas un vrai progrès. On [utilise] moins
d’essence, mais finalement, on va la prendre dans la production d’électricité,
pour produire tous les métaux que ça prend pour faire des autos, etc. Les
gouvernements […] disent : "On va essayer d’améliorer [les choses], mais
on ne changera pas fondamentalement.»
«On n’a rien réglé et on ne réglera rien en
donnant un pouvoir d’achat plus grand à tout le monde.» ~ Serge Mongeau
Moins de biens, plus de liens
«Le
système économique dominant crée des inégalités parce qu’il n’y a pas de
redistribution des richesses et qu’on les surexploite en plus, observe Jérémy
Bouchez. Ce qu’on dit beaucoup en décroissance, c’est : moins de biens, plus de
liens. Les liens sont là aussi pour recréer l’égalité entre les gens et […]
avec les autres espèces. On représente 0,01 % de la masse des êtres vivants sur
la planète, et on est responsables de 85 % des dégâts environnementaux et de la
problématique de la sixième extinction. Donc, c’est plus large que les
inégalités entre êtres humains, c’est avec toutes les espèces. Mais
fondamentalement, vivre sur une planète avec des ressources limitées et de les
surexploiter, ça crée forcément des inégalités. C’est presque une conséquence
logique.»
«Il ne faut pas que ça vienne seulement d’en
haut. Il va falloir que des choses viennent d’en haut, mais qu’elles soient
attendues et souhaitées en bas.» ~ Serge Mongeau
Nécessaire double discours
«On
essaie de communiquer aux gens de bouger et d’être actifs, mais si on dit des
choses négatives, ils ont tendance à figer, à se mettre en boule et à ne rien
faire, constate Mélissa de Lafontaine. Il faut, d’un côté, savoir ce qui s’en
vient, mais rester positif dans notre discours pour donner le goût aux gens de
venir vers nous et d’amener des changements dans leur vie. Ce n’est absolument
pas simple.»
Audiofil :
Festival
de la décroissance :
La vidéo
de Rad sur la décroissance (devenue virale en passant...) :
C’est
évident que la Nature va nous sortir du décor les deux pieds devant, mais on ne
veut pas le savoir. Voici un article très intéressant qui explique en partie
pourquoi la CAQ a obtenu la majorité – quand les humains ont peur, ils font n’importe
quoi...
Les changements climatiques et le syndrome
de l’autruche
ICI
Radio-Canada Nouvelles | Le 29 septembre 2018
Photo :
Getty Images/Buena Vista Images. Une autruche avec la tête dans le sable.
Les changements climatiques ont le même
effet sur la population que sur les politiciens. L'enjeu les préoccupe, mais
quand vient le temps de passer de la parole aux actes, il y a un pas qu'ils ne
sont pas prêts à franchir. Les scientifiques nous disent pourtant que la
planète a un grave cancer et nous faisons l'autruche. Pourquoi?
Un texte
d'Étienne Leblanc, journaliste
spécialisé en environnement
Au
Québec, de gauche à droite du spectre politique, aucun parti ayant fait élire
des députés ne remet en question les changements climatiques.
On peut donc supposer que tous les chefs
sont en accord avec le discours scientifique selon lequel le réchauffement se
manifeste plus vite que prévu et que les risques qu'il devienne incontrôlable
sont grands.
Au terme d'un été qui a vu se développer des
canicules historiques partout dans l'hémisphère nord, est-ce nécessaire de
reprendre ici la ritournelle des effets que provoque ce bouleversement du
climat? Nous savons que les canicules, les inondations et les événements
climatiques extrêmes seront de plus en plus nombreux.
Photo : Getty Images/AFP/Fabrice Coffrini. Un tournesol desséché, Suisse. La canicule
européenne affecte les cultures, comme celle des tournesols.
Mais
malgré l'alerte climatique lancée par les scientifiques, personne ne semble
prendre la mesure des dangers qui s'annoncent.
Ni la plupart des politiciens qui aspirent à
prendre le pouvoir ni les citoyens qui ne sont pas très mobilisés.
Face à la menace climatique, les premiers
proposent d'élargir les autoroutes et continuent d'opposer dans les discours
l'économie et l'environnement; les seconds mettent l'environnement au sommet de
leur liste de priorités, mais se rebiffent quand on leur soumet l'idée qu'ils
devront payer de leur poche ou qu'ils devront changer leur mode de vie (voir
les données de la Boussole électorale de Radio-Canada).
Le décalage entre ce que nous savons et les
gestes que nous sommes prêts à poser est immense.
C'est le fameux syndrome de l'autruche, bien
documenté par des sociologues et des psychologues : face à un problème qui nous semble insurmontable, nous faisons tout
pour l'ignorer.
Un ennemi mal défini
«Les
problèmes auxquels nous portons attention ont un ennemi clair», explique George
Marshall en entrevue à Radio-Canada. C'est le cofondateur de l'ONG Climate
Outreach et auteur du livre Le syndrome
de l'autruche : pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique.
Un livre pour lequel il a consulté de nombreux chercheurs qui ont étudié la
question de la perception du risque et de la réaction publique qui s'ensuit.
Photo :
George Marshall, auteur et cofondateur de l'ONG Climate Outreach
M.
Marshall cite en exemple la lutte contre le terrorisme. «Dans les faits, la
menace est très faible pour chacun d'entre nous, dit-il. Mais nous y réagissons
très promptement, parce que l'ennemi est clair et notre cerveau est configuré
pour y réagir. Les changements climatiques ne sont pas ce genre de menace, car
il n'y a pas d'ennemi clair», dit-il.
C'est ainsi qu'il explique l'action
internationale prise rapidement en 1987 avec le Protocole de Montréal pour
contrer l'expansion du trou dans la couche d'ozone. Il s'agissait de remplacer
un type de gaz par une nouvelle technologie.
Se basant sur les travaux de psychologues
spécialistes de la perception du risque, George Marshall affirme que les
gouvernements et les citoyens se mobiliseront si la menace est concrète, assez
soudaine, assez grave et si on peut l'associer à un rival clairement
identifiable.
«Si les changements climatiques étaient causés
par la Corée du Nord, notre réaction serait immédiate.» ~ George Marshall
Les gens se mobiliseront contre
l'aménagement d'un dépotoir de déchets nucléaires, d'une autoroute ou d'un
pipeline, mais pas nécessairement contre les changements climatiques. Autrement
dit, pas contre les voitures, les avions, la viande ou les maisons trop
grandes.
«C'est difficile à réconcilier, parce que
dans le cas du climat, l'ennemi, c'est chacun d'entre nous. Nous sommes
grégaires, ajoute M. Marshall, on aime se savoir partie d'un groupe qui se bat
contre un autre groupe, mais quand il s'agit de se battre tout le monde ensemble,
il n'y a plus d'ennemi».
Comme tout le monde contribue au problème,
tout le monde a une bonne raison de l'ignorer.
Nier la réalité
«On a une
grande aptitude à ne pas voir le danger qui va nous frapper, souligne
Pierre-Henri Gouyon, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Dès
qu'on naît, on sait qu'on va mourir. Donc, on essaie de l'occulter de nos vies
tous les jours», dit-il.
Comme la menace est abstraite, comme elle
n'est pas immédiate, l'émotion nécessaire à la mise en place d'une réaction
vive et appropriée n'est pas là.
Pour les fins de son livre, George Marshall
a consulté des chercheurs en psychologie qui travaillent avec des victimes de
catastrophes naturelles. Il s'est aussi rendu dans le New Jersey, qui a été en
partie dévasté par l'ouragan Sandy en 2012, où il a constaté que de nombreux
riverains sont convaincus que ça n'arrivera plus jamais.
Photo :
Reuters/Eric Thaver. En 2012, les fortes marées de l'ouragan Sandy ont déplacé
une maison de Mantoloking, au New Jersey.
«Intellectuellement,
notre cerveau comprend l'ampleur du problème, mentionne George Marshall. Mais
nous ne le ressentons pas. Nous balayons les gros problèmes sous le tapis pour
rester sains d'esprit», dit-il.
Le cerveau ne serait tout simplement pas
programmé pour répondre à des menaces si diffuses et si lointaines.
«Dites à un ado que la cigarette qu'il fume
va le faire mourir à 60 ans, et il va vous rire au visage», cite en exemple M.
Marshall.
«On n'arrive pas à croire ce qu'on sait,
savoir ne nous oblige pas à croire.» ~ Pierre-Henri Gouyon
Se priver maintenant, mais pourquoi?
Une des
raisons pour lesquelles personne n'ose prendre le taureau de la crise
climatique par les cornes, c'est qu'elle appelle à un abandon de ce qui rend la
vie harmonieuse. Nos véhicules, nos déplacements rapides en avion, nos grandes
maisons chauffées ou notre succulent repas quotidien de viande.
Si elle était prise sérieusement, la crise
climatique obligerait aussi les gouvernements à sacrifier de lucratifs projets
de développement économique au nom de l'avenir de la planète.
«Prendre des mesures pour lutter aujourd'hui
contre les changements climatiques implique qu'il y a un coût immédiat afin
d'éviter des pertes plus importantes dans l'avenir», indique M. Marshall.
Le problème, c'est qu'il est impossible de
connaître ces pertes futures avec précision. Les conséquences sont incertaines,
ce qui plombe grandement une possible mobilisation publique, qu'elle soit
citoyenne ou étatique.
De plus, la crise climatique est confrontée
au problème économique du resquilleur, qu'on peut illustrer ainsi : si mon
voisin prend sa voiture, pourquoi me priverais-je de la mienne? Pourquoi
profiterait-il de mes actions alors qu'il ne fait rien?
Photo :
Radio-Canada/Jean-Simon Fabien. De la congestion routière sur l'autoroute
Laurentienne.
Et de
toute façon, qu'est-ce que ça change pour la planète si je ne prends pas ma
voiture? Après tout, ce n'est qu'une seule petite voiture parmi des millions
d'autres!
Ainsi, selon cette logique, pourquoi
l'Alberta se priverait-elle de ses sables bitumineux au nom de l'environnement
alors que la Chine carbure au charbon pour assurer son développement?
«Chacun d'entre nous a l'impression que
l'action personnelle est diluée dans une responsabilité collective à l'échelle
planétaire, et que l'impact de notre action n'en vaut pas la peine», explique
Pierre-Henri Gouyon.
Un discours positif
Alors,
que faire pour stopper cette fuite en avant?
«Il faut en parler d'une autre façon, pense
George Marshall. Si vous me dites que je dois agir pour éviter la catastrophe à
mes enfants, cela suggère que si je continue à prendre ma voiture, je me fous
de mes enfants! Ça me fâche et ça me donne encore moins envie d'agir», dit-il.
Il est d'avis que le discours public doit donc
mettre l'emphase sur les problèmes concrets, et les avantages que cela nous
procure au quotidien. «Quand on parle du transport, il faut mettre les
changements climatiques au bas de la liste et parler plutôt de qualité de l'air»,
suggère M. Marshall.
Il conseille aussi de parler beaucoup plus
des bénéfices de lutter contre les changements climatiques : les emplois,
l'image, la fierté nationale.
«Si je travaillais au Québec, je parlerais d'abord
et avant tout du Québec», dit-il. Il suggère ainsi aux élus et aux électeurs de
réfléchir à ce qui les rend fiers au quotidien, en tant que Québécois. L'image
qu'ils projettent à l'étranger, leur sentiment de faire partie d'un peuple
moderne et innovateur ou leur désir d'être du bon côté de l'histoire.
«Nous
savons qu'une des bonnes façons de mobiliser les gens, c'est de les rendre
fiers de ce qu'ils font et de ce qu'ils sont», conclut M. Marshall.
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