7 octobre 2018

Une justice «ajustée» au fondamentalisme chrétien

Un an après le déclenchement de #MeToo, on nomme un présumé prédateur sexuel comme juge à la Cour suprême des États-Unis.

Photo : Jim Watson Agence France-Presse Des milliers de manifestants se sont rassemblés jeudi dernier à Washington pour s’opposer à la nomination à la Cour suprême de Brett Kavanaugh. Le juge est accusé d’agressions sexuelles.

«L'affaire du juge Kavanaugh, ce n'est pas tant l'intrusion du politique dans le système judiciaire américain, mais plutôt l'intrusion du religieux dans le politique. On ne mesure pas la force du fondamentalisme chrétien dans la vie politique de ce pays tant qu'on ne l'a pas vu en action, sur place.» ~ Yves Boisvert (La Presse, le 6 octobre 2018)


Qui tire les ficelles du pouvoir derrière Donald Trump? On pourrait croire que Mike Pence est en train de placer les pions d’une future république comme celle du roman de Margaret Atwood The Handmaid’s Tale (La servante écarlate). Résumé : La combinaison de pollutions environnementales et de maladies sexuellement transmissibles a entraîné une baisse dramatique de la fécondité. Les «Fils de Jacob», une secte politico-religieuse protestante fondamentaliste de type restaurationniste, en a profité pour prendre le pouvoir, détruisant la Maison-Blanche, la Cour suprême et le Congrès lors d'un coup d'État. Dans cette version totalitaire des États-Unis, la République de Gilead, les dissidents, les homosexuels et les prêtres catholiques sont condamnés à mort par pendaison. Les relations hommes/femmes obéissent dorénavant à des règles très strictes. Les hommes occupent toutes les positions du pouvoir, et les femmes ont été démises de leur statut de citoyennes à part entière; elles ne peuvent ni travailler, ni posséder d'argent, ni être propriétaires, ni lire (Wikipédia).
   Donc, si jamais un scénario similaire se produisait, les Américains s’exclameraient comme en novembre 2016 lorsque Trump fut élu : «mais nous ne pensions pas que c’était possible!»

When The Handmaid’s Tale television series arrived in April 2017, it went down like a bitter-tasting but restorative tonic.
   Women – and right-thinking men, but especially women – were in despair about the victory of Trumpism, and here was a show that made manifest our fear, anxiety and anger. It felt urgent and necessary.
   A dystopia where women were robbed of their legal, sexual, professional and reproductive freedoms wasn’t a distant danger; it was here, in Washington, D.C., and elsewhere, and if we weren’t hypervigilant, it would get worse. The show wasn’t just set in the near future – it was as if the showrunner, Bruce Miller, and his writers had a window into the actual future.
   In the months since, that has only become truer. Trump and his gang of thieves – honestly, they couldn’t be more like Dr. Evil and his henchpeople if they tried – have rolled back legal protections for LGBTQ+ people, defunded abortion and sex education, and made abstinence the official U.S. policy on birth control. Most of us view The Handmaid’s Tale as a cautionary one, but the Mike Pences of the world see it as a YouTube instructional video.
~ Johanna Schneller | Special to The Star | Wed. April 25, 2018 

Et peut-être que la servante DeMike dira comme la servante DeFred, l’utérus d’appoint du commandant Fred Waterford de la série :
«...Après la catastrophe, lorsqu'ils ont tiré sur le président et mitraillé le Congrès, l'armée a déclaré l'état d'urgence. Les journaux ont été censurés et d’autres fermés, pour des raisons de sécurité, disait-on. Les barrages routiers ont commencé à apparaître, ainsi que les Identipasses. Tout le monde approuvait puisqu'il était évident qu’on ne pouvait pas être trop prudent. Les comptes bancaires des femmes furent gelés, puis fermés, et elles furent forcées de quitter leur emploi. Cela s’est fait étape par étape. Il n’y a aucune pitié pour les membres de la résistance. Je me suis éveillée au monde. Avant, je dormais. C’est comme ça que tout est arrivé. Quand ils ont massacré le Congrès, on ne s’est pas réveillés. Quand ils ont invoqué le terrorisme pour suspendre la Constitution, on ne s’est pas réveillés non plus. Ils ont dit que ce serait temporaire. Rien ne change instantanément. Dans une marmite chauffée graduellement, on meurt bouilli sans s’en apercevoir.»

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J’ai lu sur le site Friendly Atheist que, selon un sondage réalisé la semaine dernière par NPR/PBS NewsHour/Marist, 54 % des républicains (dont les 48 % de chrétiens évangélistes blancs) auraient appuyé la nomination de Brett Kavanaugh même s’il avait été reconnu coupable d’agression sexuelle ou de viol. Les fondamentalistes chrétiens ont travaillé fort pour discréditer le témoignage du Dr Christine Blasey Ford, et les étudiants de Liberty University ont manifesté à la défense de Kavanaugh.
   Kavanaugh représente le cinquième vote décisif pouvant renverser le droit à l’avortement au niveau fédéral par exemple. Pour les Républicains, nommer un juge ultra conservateur à la Cour suprême est tout ce qui importe; ils ont d’ailleurs choisi un candidat à la présidence qui admettait ouvertement avoir commis des agressions sexuelles. Source : http://friendlyatheist.patheos.com/

[Ndlr : Liberty University est une université américaine privée, chrétienne évangélique baptiste, située à Lynchburg dans l'État de Virginie. L'institution enseigne le créationnisme Jeune-Terre, une version radicale du créationnisme, qui interprète la Bible comme un livre de sciences naturelles et d’histoire. Cette interprétation littérale des textes s’appuie sur la conviction qu’ils ont été «dictés par Dieu» et sont des vérités absolues, définitives et indiscutables. (Wikipédia)] 

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Un animateur de Fox News a comparé Kavanaugh au Christ, disant qu’ils ont tous deux été crucifiés
Michael Stone, Patheos, le 5 octobre 2018

Dans une déplorable démonstration d'arrogance conservatrice, l’animateur de Fox News Greg Gutfeld a comparé Brett Kavanaugh à Jésus-Christ, affirmant que la voie du candidat de Trump pour devenir juge à la Cour suprême était comparable à la crucifixion de Jésus-Christ.
   S'exprimant lors d'un segment de l'émission The Five, Gutfeld disait que Kavanaugh avait été crucifié par les sénateurs démocrates, parce qu’ils avaient demandé une enquête approfondie du FBI sur des allégations crédibles que Kavanaugh avait sexuellement agressé plusieurs femmes durant sa jeunesse. [...]

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À la suite de la nomination de Kavanaugh, le président d’American Atheists, Nick Fish, a publié la déclaration suivante :

   Dès le moment où Brett Kavanaugh a été nommé à ce poste, nous savions qu'il représenterait une véritable menace aux principes constitutionnels de l'égalité religieuse et de la séparation entre la religion et le gouvernement.
   Au cours de ce processus de nomination, nos pires craintes au sujet de la philosophie judiciaire et du tempérament de Kavanaugh ont été confirmées. Il s'est montré à plusieurs reprises comme un idéologue partisan qui s'intéresse davantage à la protection des privilèges religieux des sectes politiquement puissantes qu'à la défense de la véritable liberté religieuse.
   Les vues de Kavanaugh sur les questions religieuses sont profondément en dehors du courant dominant et menacent des décennies de précédent sur des questions allant de la subvention de la religion et du prosélytisme dans les écoles publiques par les contribuables, à la protection des droits civils pour les Américains LGBTQ et à l'accès aux soins de santé reproductive pour les femmes.
   Sa confirmation est un triste jour pour tous les Américains qui attachent de l'importance à l'égalité, à la justice et à l'équité. Ce processus a profondément sapé notre confiance que la Cour demeurera une instance impartiale pour résoudre les questions juridiques les plus importantes auxquelles notre pays est confronté.
   Kavanaugh sera plutôt le vote décisif dans les cas qui assurent que la religion conserve sa position privilégiée dans la politique américaine et étend son utilisation comme une arme contre les personnes vulnérables.

Le prix de la nomination de Brett Kavanaugh à la CS est incalculablement élevé. Elle brisera l'intégrité institutionnelle de la Cour et éviscérera les normes et les attentes en matière d'honnêteté et d'impartialité des candidats à la magistrature pendant de nombreuses années. Les vues de Kavanaugh sur la liberté religieuse sont dangereuses.
Il croit que :
la religion peut servir d'excuse à la discrimination
exiger que le gouvernement soit neutre, c'est comme «établir» l'athéisme
les écoles devraient être en mesure de promouvoir la religion auprès des élèves


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L’Amérique de Trump est un pays de désespoir
Alexandra Samuel National Observer, Opinion le 6 octobre 2018

«... C'est le même nuage noir qui descend chaque fois que je visite les États-Unis de l'ère Trump. Peut-être que ce sont les sillons sur le visage de mes amis progressistes, épuisés par la résistance et ne s’abandonnant que rarement à la vraie joie. Peut-être est-ce le fait de voir de plus en plus souvent des chapeaux, des autocollants de pare-chocs et des T-shirts chauvins, célébrant les armes et la grandeur de l’Amérique. Peut-être est-ce la façon dont les gens baissent la voix quand on parle de politique : pour l'instant, ce choix semble toujours être une question de civilité plutôt que de sécurité, mais cela évoque les dangers de la conversation publique dans un régime autoritaire.
   ...La peur, l'anxiété et la tristesse pèsent sur les visages croisés sur la rue. Je marche les yeux fixés en avant pour ne pas voir les derniers gros titres terrifiants défiler sur un écran proche; je garde mes écouteurs allumés de peur d'entendre un bavardage entre des passionnés de Trump. Les conversations occasionnelles et intimes entre étrangers qui ont été mes moments préférés quand je visitais les États-Unis – n'aimiez-vous pas la façon dont les Américains s'ouvraient facilement? – c’est maintenant une source de crainte : et si cette personne était un partisan de Trump?» 
Image : Justice Kavanaugh, par Jonathan Schmock http://jonathanschmock.com/

“Dans nos réalités individuelles – familles, cliques, communautés, lieux de travail – nous avons tous connu le patriarche, le suprémaciste masculin, le nationaliste, le raciste, ou juste le grand homme du coin qui ne tolère aucune opposition. Il ne peut jamais se tromper. Il ne peut jamais s'excuser. Il explose de rage chaque fois qu'on lui présente un autre point de vue. Il rabaisse les autres mais ne supporte aucune critique à son endroit. Il peut utiliser le sarcasme ou la cruauté pour démolir les autres, mais sa compréhension de la vie émotionnelle est superficielle. Il ne laissera pas les gens lui parler de ce qui se passe. Il ne cherche pas de résolution, c’est pour lui une impossibilité. Il est mesquin, le genre de personne qui attaque par email, mais qui ne prend pas l'appel quand le destinataire téléphone pour discuter du conflit. Il nie la complexité, et les gens autour de lui ne le contestent pas directement. Sa partenaire, ses amis, les gens qui se sentent protégés ou élevés par lui, ou qui profitent de son pouvoir, s’organisent pour que les autres ne pas s'opposent pas à lui, et ils en sont récompensés. Il ne demande à personne «Qu'est-ce que tu ressens?»; il ne dit jamais «Je ne comprends pas ce qui se passe. Qu’en penses-tu?» Il agit comme si les autres devaient suivre ses ordres, et quand ils refusent, il punit, intimide, fuit, avance de fausses accusations, organise l'exclusion du groupe, déforme les récits, et peut menacer et utiliser la loi ou même la violence. Une fois qu'il affirmé sa position, il s’attend à ce que tous les autres obéissent, se mettent en ligne, car c’est ainsi que la question doit être résolue : par l'obéissance.»
~ Sarah Schulman in Conflict is Not Abuse  

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Dans un régime chrétien fondamentaliste d’Amérique du Sud : 
Argentine – En août dernier, après plus de seize heures de débats, le Sénat avait rejeté la légalisation de l’avortement. L'Église catholique et son soi-disant progressiste pape François en étaient les principales causes. 

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