20 octobre 2018

La famille CAQ

Soixante-quatorze enfants (députés élus) dont vingt-six ministres. 
Ça fait du monde à messe!

Photo : Sébastien St-Jean, Agence QMI. Le mercredi 3 octobre à Boucherville, les deux délégués de la CAQ, ont eu de la difficulté à répondre aux questions des journalistes. M. Jolin-Barrette s'est soudainement esquivé sans s'excuser ni expliqué son départ. Le 18 octobre 2018, Geneviève Guilbault a été nommée vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, et Simon Jolin-Barrette nommé leader parlementaire et ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion.

Si ces deux députés avaient sonné chez moi pendant la campagne électorale, j’aurais claqué la porte en pensant que c’était des Témoins de Jéhovah.

Parmi les choses qui me rebutent dans la formation ADQ / CAQ c’est leur côté catholique pro-vie, anti-avortement, pro-reproduction-familles tout azimut, à principes moraux proches de l’idéologie de Duplessis. Je parie qu’ils vont proposer un deal pour régler le port du voile au sein de la fonction publique (incluant les établissements scolaires) : nous enlevons le crucifix du Salon bleu et en échange les musulmanes ne portent pas de voile dans nos institutions. Paradoxal? Pas du tout, on ne veut simplement pas de conflit ouvert entre catholiques fondamentalistes et musulmans fondamentalistes.

L’ADQ / CAQ a toujours défendu des politiques de centre droit : réduction de la taille de l'État, ménage des finances publiques, abolition de certaines institutions, grande ouverture au secteur privé, création d’une économie de propriétaires, augmentation du salaire des profs en retour d'une évaluation des résultats de leur travail, etc. Des relations houleuses avec les syndicats en perspective. Bref, un système genre Thatcher/Reagan, ou Donald Trump, ou Institut Fraser : le développement économique passe par la privatisation et le démantèlement des services publics. Les électeurs qui ont voté pour la CAQ ont dû croire qu’un gouvernement constitué d’économistes et de spéculateurs les aideraient à devenir riches du jour au lendemain. Bonne chance, ce système fonctionne au mérite. Quant à la protection de l’environnement, la CAQ ouvre les portes à l’exploitation minière, gazière et pétrolière à la grandeur de la province, et prévoit même un retour à Anticosti. Incroyable.

Pourquoi héritons-nous de tels dirigeants? «L’une des raisons est la manière dont les multinationales squattent depuis des décennies le système éducatif canadien. Les universités forment les cerveaux dont l’économie capitaliste a besoin. Comment espérer voir surgir des dirigeants pleins de sagesse dans un pays où les écoles enseignent ce que le pouvoir politique leur enjoint d’enseigner?» (Nancy Huston; BRUT, Lux Éditeur, 2015)

Photo : La Presse. La famille CAQ. Découvrez les têtes en gros plan; si vous avez des notions de morphologie, amusez-vous, c'est passionnant :

Exactement un mois avant la formation du cabinet ministériel caquiste, Léo-Paul Lauzon a pris le soin de mettre en garde les électeurs tentés de faire élire un gouvernement caquiste. Peine perdue. Voici donc ce qui nous attend pendant les quatre prochaines années. J’ai ajouté aux noms des députés mentionnés (en gras) le ministère dont ils ont hérité.


La CAQ: un vrai danger public
Léo-Paul Lauzon *

Journal de Montréal | Mardi, 18 septembre 2018  

Avec la CAQ, c’est le patronat au pouvoir

Sérieusement, dites-moi que ce n’est pas vrai que vous allez voter pour la CAQ, un parti politique pire que le PLQ? Ce n’est pas peu dire, vous n’avez qu’à les regarder aller en campagne électorale. En vrais ignorants qu’ils sont, comme François Legault nous en a fait la démonstration cette fin de semaine sur le dossier de l’immigration, ils font déferler de grands principes flous, ils promettent des choses absolument impossibles à atteindre (comme les «plusses» belles écoles du monde), de baisser les impôts et de réduire la taille de l’État tout en assurant plus de services publics. Ils affichent de la méconnaissance en matière de protection de l’environnement, subjuguée au développement économique à tout crin. Une croissance économique qui n’est qu’une chimère pour eux.

Chaque jour la CAQ s’enfonce

À lire les incongruités déballées par la CAQ au quotidien par son chef et ses supposés gros canons, toute personne dotée d’un minimum d’intelligence et de lucidité peut facilement constater que ce parti politique se ridiculise chaque fois qu’il ouvre la bouche. C’est du n’importe quoi, et de ce fait, ce parti est dangereux. Mes amis, aux prochaines élections, si vous êtes le moindrement conscientisés aux grands enjeux de société, ne votez pas CAQ ou PLQ. À la place, pensez Québec solidaire ou Parti québécois. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai pas avertis.

À bas la blague du réchauffement climatique

Un enfant de dix ans est capable de faire preuve de plus de connaissances sur l’environnement que François Legault. Mais quelles méconnaissances environnementales chez celui qui veut être premier ministre! L’avez-vous entendu parler d’environnement? Et puis, comment le trouvez-vous?
   Pour une poignée de redevances très minimes, avec la CAQ, au diable les émissions de gaz à effet de serre et la protection du milieu. Déjà que le PLQ était loin d’être un modèle, la CAQ sera pire. Oui, c’est possible d’être pire. Il ne faut pas sous-estimer les capacités de la CAQ comme celles de Trump l’ont été. Les libéraux, malgré leur déni hypocrite, vont permettre les forages dans les cours d’eau du Québec : «Des forages permis dans les lacs et rivières» (Le Devoir, 3 août 2018). Cours d’eau, réserves fauniques et terres agricoles | «Les réserves fauniques ouvertes à l’exploration pétrolière», et «Exploration pétrolière et gazière | Québec refuse de mettre les terres agricoles à l’abri» (Le Devoir, 18 août et 17 novembre 2016).
   Prix de consolation, le PLQ avait au moins mis fin en 2018 à l’exploration pétrolière et gazière à l’île d’Anticosti, ce à quoi la CAQ s’oppose : «Anticosti | Legault reste ouvert à l’exploration pétrolière» (Le Devoir, 12 septembre 2018). Qu’en pensez-vous? Si la CAQ est prête à «driller» à Anticosti, elle va forer partout. Elle va nous présenter ça au nom fallacieux du développement durable et responsable. Développement durable, un leitmotiv formulé par des démagogues qui rime avec croissance économique à n’importe quel prix. C’est ainsi que l’illustre Jean Charest avait largué cette autre perle : «Selon Jean Charest | La motoneige serait compatible avec le développement durable» (Le Journal de Montréal, 18 décembre 2004). Dans la même lignée que Charest, mais en plus petit : «Environnement | La CAQ veut rouvrir le parc national du Mont-Tremblant aux motoneiges» (Le Devoir, 17 septembre 2018). Et on va recommencer à avoir de vrais gros sentiers de motoneige et de quatre roues au nom de l’«essor économique» et du soutien aux commerçants, comme l’a dit la candidate caquiste «écolo» Nadine Girault [ministre des Relations internationales et de la Francophonie]. Tiens, pourquoi pas ouvrir nos parcs nationaux aux forestières au nom du progrès? Je vous le redis, voulez-vous vraiment céder les rênes de l’État à des gens comme la dame Girault? Ou encore au candidat de la CAQ dans Lac-Saint-Jean, Éric Girard [ministre des Finances], qui pose la question suivante : «Changements climatiques | “On se base sur quoi?” demande Éric Girard, un candidat de la CAQ» (Huffington Post, 17 septembre 2018). Dans l’article on apprend qu’il est «sceptique face aux phénomènes météorologiques extrêmes qui confirment l’impact des changements climatiques sur la planète». Il me semble qu’on doit se baser davantage sur la science que sur son avis personnel.

La sauvegarde des terres agricoles

Au nom de la sécurité nationale et du bien-être collectif, il faut, comme ailleurs en Occident, empêcher à tout prix la cession des terres agricoles à des spéculateurs et à de grosses firmes qui vont alors dicter à leur guise les prix de produits agricoles et, rendement oblige, ne faire aucun cas de la pollution en utilisant plein de pesticides, en détruisant beaucoup de milieux humides et en embauchant beaucoup de travailleurs «temporaires» de l’étranger afin de réduire les coûts de main-d’œuvre.
   Oui, la détention de terres agricoles au Québec depuis quelques années par des fonds d’investissement inquiète avec raison tous les partis politiques au Québec qui veulent légiférer, sauf la CAQ : «L’accaparement des terres agricoles n’inquiète pas la CAQ» (Le Devoir, 7 septembre 2018). La CAQ va même l’encourager afin de faire plaisir au fonds d’investissement privé Pangea, détenu par Charles Sirois, qui détient plus de 6000 hectares de terres au Québec. Charles Sirois est cet affairiste qui a cofondé la CAQ avec son très bon ami François Legault. Vous ne me croyez pas? Alors, lisez le titre de cet article : «CAQ | Legault et Sirois présentent leur plan» (La Presse, 2 juin 2011). Soyez assurés que Charles Sirois va en mener très large au gouvernement si jamais la CAQ est portée au pouvoir (ce qui voudrait aussi dire que vous aurez été assez idiots pour voter pour la CAQ en octobre prochain).

Les trous de mémoire du candidat vedette

L’ex-vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Christian Dubé [ministre de l’Administration gouvernementale et président du Conseil du Trésor], celui qui est pressenti pour devenir ministre des Finances dans un hypothétique gouvernement caquiste, n’est pas très porté sur l’éthique, surtout quand vient le temps d’accommoder des proches et encore plus sa douce moitié : «La Caisse investissait dans une entreprise dont sa conjointe était actionnaire. Dubé ne se souvient plus s’il s’était retiré des réunions» (Le Journal de Montréal, 13 septembre 2018). Pas encore élu, et déjà il vous prend pour des valises. Et pour Christian Dubé, la Caisse de dépôt a bien fait de vendre les actions qu’elle détenait dans Rona à l’américaine Lowe’s : «La vente de Rona était justifiée, dit Christian Dubé» (Le Journal de Montréal, 7 septembre 2018). Pis, commencez-vous à changer d’idée?

Des promesses qui ne se concrétiseraient jamais

Vous croyez vraiment à des promesses comme ça? «Un médecin de famille pour tous les enfants» (Le Devoir, 13 septembre 2018). Et pour les parents des enfants, qu’arrive-t-il? Et puis cette autre : «Un médecin ou une super infirmière en moins de 36 heures promet la CAQ» (Le Journal de Montréal, 2 septembre 2018). Beaucoup de promesses sans jamais rentrer dans les détails, mais c’est Québec solidaire qui est accusé de vivre au pays des Bisounours?

Legault contre les paradis fiscaux

Eugénie Bouchard est cette joueuse de tennis qui a décidé qu’elle ne voulait plus payer d’impôt au Québec. Alors elle vient de s’installer aux Bahamas, un paradis fiscal : «François Legault critique Eugénie Bouchard» (Le Journal de Montréal, 5 septembre 2018). Comme son candidat vedette Christian Dubé, Legault a souvent des trous de mémoire. En 2016 : «Il affirme qu’Air Transat (compagnie dont il était un important actionnaire) n’a jamais créé de filiales dans un paradis fiscal, puis reconnaît ensuite que l’entreprise avait une antenne à la Barbade» (Le Journal de Québec, 25 janvier 2016). L’arroseur arrosé!

Moins d’État et d’impôt, mais plus de services publics

«La CAQ vise l’abolition de 5000 postes dans la fonction publique» (Le Devoir, 29 août 2018). Et aussi le parti promet des baisses d’impôts pour tous, donc moins d’État qui toutefois serait plus «performant» et livrerait plus de services publics. Cela ne tient pas la route. Des maisons des aînés d’ici vingt ans et «5000 classes additionnelles pour la CAQ» (Le Journal de Montréal, 12 septembre 2018). Moins d’argent, moins de fonctionnaires, moins d’État, mais plus de services!

En vrac

«La CAQ créerait deux classes d’université», dont certaines, avec des frais de scolarité plus élevés dans les «grandes» universités (Le Devoir, 29 janvier 2018). Réservées à qui?
   «La députée caquiste Geneviève Guilbault [vice-première ministre et ministre de la sécurité publique] vante le modèle de garderies (commerciales privées non subventionnées)» (Le Devoir, 17 octobre 2017). Faux : les garderies privées commerciales sont «full» subventionnées. Surprise : «Garderies privées | Christian Lévesque (de la CAQ) devient lobbyiste» (Le Journal de Montréal, 16 avril 2013). Malheureusement, les CPE publics n’ont pas de lobbyiste.
   Enfin, la CAQ mise sur l’économiste de la grosse droite Youri Chassin, anciennement de l’Institut économique de Montréal, dans Saint-Jérôme, qui affirme ne pas croire au bien commun. Pour finir : «La CAQ propose le bénévolat forcé chez les jeunes» (Le Journal de Montréal, 8 novembre 2016). Et trop occupé, «François Legault n’a jamais participé au défilé de la Fierté» (Le Journal de Montréal, 21 août 2018). La CAQ et Legault ont des principes moraux très élevés.

* Léo-Paul Lauzon est professeur et homme politique. Lors de l'élection fédérale canadienne de 2006, il était candidat néodémocrate dans la circonscription d'Outremont. Il déclarait s'être lancé en politique dans le but de s'attaquer aux inégalités socio-économiques. Il tient un blogue hébergé par Le Journal de Montréal.


En complément, quelques ministres qui risquent de gérer leurs ministères comme des entreprises privées :

Pierre Fitzgibbon, homme d'affaires, ministre de l’Économie et de l’Innovation. Il était associé directeur de Partenaires Walter Capital depuis novembre 2015.
Marie-Ève Proulx, gestionnaire, ministre déléguée au Développement économique régional. En 2013, elle a démarré son entreprise de consultation et de coaching de gestion.
François Bonnardel, homme d'affaires, ministre des Transports. Il a été élu une première fois comme député de l'Action démocratique du Québec (ADQ) dans Shefford en 2007, puis il a été réélu en 2008. Il s’est ensuite joint à la CAQ, avec qui il a été réélu en 2012 et 2014. (1)
Jonathan Julien, gestionnaire, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles. Il est l’ancien bras droit de l’actuel maire de Québec, Régis Labeaume.
Marie-Chantal Chassé, entrepreneure, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Elle était en résidence au Centech, l’incubateur de l’École de technologie supérieure qui facilite le démarrage d'entreprises technologiques.
Jean Boulet, avocat, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Il a œuvré au sein des cabinets Heenan Blaikie et Lavery. Il se spécialise dans le droit du travail, la négociation de conventions collectives et le droit de la santé et de la sécurité du travail.
André Lamontagne, homme d'affaires, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. Député depuis 2014, il était auparavant propriétaire, partenaire et administrateur de plusieurs entreprises privées.
Pierre Dufour, homme d'affaires, ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs. Il est copropriétaire d'une agence de voyages à Amos. Il a aussi été directeur général au sein du Centre local de développement de la Vallée-de-l’Or.

----
(1) Bonnardel et Normandeau, un couple suspect – En avril 2009, la vice-première ministre Nathalie Normandeau annonce qu’elle a une relation amoureuse avec un membre de l’opposition, François Bonnardel, député adéquiste de Shefford. Les analystes soupèsent les enjeux éthiques soulevés par cette liaison. Comment assurer le secret des délibérations et des documents du Conseil des ministres, tant au PLQ qu’à l’ADQ? Quel traitement le ministère des Affaires municipales réserve-t-il aux dossiers touchant la circonscription du député de l'opposition? Jean Charest refusera la démission de Normandeau. 

Un beau petit couple quand même. 

Après leur rupture, Normandeau aura une liaison avec l'ancien directeur du Service de police de la ville de Montréal, Yvan Delorme. 
 
Le 17 mars 2016, elle fut arrêtée par l'Unité permanente anticorruption (UPAC) en lien avec du financement illégal de partis politiques. Elle fait face à sept chefs d'accusation qui pourraient lui valoir jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. Elle est accusée de complot, fraude, abus de confiance, corruption de fonctionnaires et utilisation de la charge publique pour obtenir des faveurs. D'autres personnalités politiques ont également été arrêtées au même moment. Nathalie Normandeau n’a toujours pas subi de procès, et je doute que ce sera le cas en raison de notre système de justice défaillant et inefficace, surtout depuis l’adoption de l’arrêt Jordan par la Cour suprême – ce système plafonne la durée des procédures judiciaires et du procès à 18 mois pour une cour provinciale et à 30 moins pour les cours supérieures. Beaucoup d’accusés ayant commis des crimes graves ont ainsi été libérés. 

Aucun commentaire:

Publier un commentaire