12 août 2017

Quand plus rien ne choque

Les organisateurs de festivités collectives DuCharnier vous invitent à célébrer le succès sans précédent du «Projet Dépotoir Toxique Mondial» lors d’un BBQ d’une envergure jamais vue. Plusieurs activités sont prévues, notamment la fameuse compétition «football nucléaire». Le band Body Count interprètera No Life Matters. Au menu : grand choix de grillades carbonisées (parillada mixta) de divers pays (pas de légumes ni fruits). Nous ne connaissons pas encore la date, mais cela ne saurait tarder. Nous vous tiendrons au courant.
Écrivez-nous à DuCharnier@facedebook.con


Comme dit Philippe Claudel : «Nous sommes devenus des monstres. On pourrait s’en affliger. Mieux vaut en rire.»

«Drôle d’époque. En vérité peu de choses nous choquent. Que faudrait-il pour nous choquer. Je ne sais pas. Que tout le monde s’aime peut-être. Que la paix soit partout répandue sur le monde comme un engrais biologique sur une jeune pelouse.» (p. 21)
   «Nous sommes des êtres de passage. La plupart de nos problèmes viennent de là. Nous refusons notre condition transitoire. Nous faisons comme si la vie était une étendue que nous pouvons démesurément agrandir et comme si notre corps devenait le lieu immense et unique. Jamais nous n’envisageons réellement notre présence comme un infime incident biologique, négligeable et somme toute grotesque dans le cycle des émergences et des disparitions. Nous hésitons entre le rire et les larmes, refusant l’abattement et la consternation qui seuls pourtant seraient en mesure de signifier notre insignifiance. Ce qui fait notre joie fait aussi notre souffrance. Nous pensons. Nous créons les conditions de notre consolation ainsi que celles de nos tourments. Nous remplissons le vide tout en le soulignant.» (p. 126-127)
   «Parfois des gestes simples nous contentent : faire la vaisselle. Tondre une pelouse. Peindre une porte. Feindre de respirer. La vie devient supportable quand on la feinte. Enfin presque.» (p. 130)

– Philippe Claudel

Source : Inhumaines; roman de mœurs contemporaines, Éditions Stock 2017
[L’homme est sans doute le seul animal à commettre deux fois les mêmes erreurs. Il est aussi l’unique à fabriquer le pire et à le dépasser sans cesse.]

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Les grosses chicanes internationales prouvent une fois de plus, et hors de tout doute, que se prendre au sérieux est la cause de tous nos problèmes, du cancer à la guerre nucléaire, et que la stupidité humaine est une énergie fossile pérenne qui ne se pulvérisera qu’avec notre extinction.

À quoi s’attendre si certains chefs d’État s’adonnent au dropkick ici et là? Encore une fois  un peu d’histoire dont nous n’apprenons rien – Hitler avait dit à propos de Leningrad : «nous rayerons cette ville de la surface de la terre». Trump a tenu les mêmes à l’égard de Pyongyang.
   Le siège débuta le 8 septembre 1941 et se termina le 27 janvier 1944. La ville fut encerclée pendant 872 jours, avec les conséquences dramatiques que cela implique pour le ravitaillement de la seconde ville de Russie. [...] Dans Leningrad même, la vie se résume aux longues queues devant les centres d’alimentations, en espérant ne pas avoir attendu pour rien et que les obus allemands tomberont ailleurs. La vie tient dans la carte d’approvisionnement distribuée par le parti, sésame pour obtenir quelques grammes de pain chaque jour. On n’hésite d’ailleurs pas à dissimuler la perte d’amis ou de membres de la famille pour garder leurs cartes. Plusieurs cas de cannibalisme sont constatés, notamment dans une école. Le siège durant, les hommes qui titubent sont laissés inertes sur le sol, car personne n’a bientôt plus la force de s’occuper d’eux. La nuit tombée, ils seront détroussés par ceux qui n’ont pas assez de vêtements chauds. La neige recouvre les cadavres et le froid préserve la ville des maladies jusqu’au printemps.  Toutes sortes de mélange ignoble à base de bottes de cuir, de colle à papier peint, de graisse industrielle ou même de peinture servent à rajouter quelques calories au quotidien. Le chauffage ne marche évidemment plus, et les demeures de bois de la ville sont rasées. 
Source :

Mangeriez-vous votre chat? 

Leningrad 1941, capture d'écran Youtube via sputniknews 

– Les chats-héros. Les autorités de Saint-Pétersbourg ont érigé un monument au chat, qui a sauvé de la famine des habitants de la ville assiégée à deux reprises. Pendant la première année du siège, les habitants affamés ont mangé tous les animaux domestiques, dont les chats, pour ne pas mourir de faim. L'absence de chats a provoqué une invasion de rongeurs. Après la percée du blocus en janvier 1943, l'un des premiers trains transportait quatre wagons de chats pour sauver les réserves des habitants éreintés.
– 150 000 bombes. Pendant le siège, Leningrad a été frappée par d'innombrables attaques d'aviation et d'artillerie à raison de plusieurs par jour. Au total, 150 000 obus et plus de 107 bombes incendiaires et brisantes ont été lancés sur Leningrad pendant le siège.
Source :

Devons-nous encore avoir peur du champignon nucléaire?
Annabelle Caillou
Le Devoir 12 août 2017

[Extrait] 

Banalisation de la bombe atomique?

Pour Barthelemy Courmont, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques en France (IRIS), la bombe atomique reste «paradoxale». «Arme suprême, objet des stratégies de dissuasion les plus sophistiquées et des fantasmes les plus créatifs quant à sa capacité de destruction de l’humanité», elle semble, selon lui, s’être banalisée dans un monde habitué à vivre avec le nucléaire.

Et sa multiplication – relativement modeste à ses yeux – ne peut à elle seule expliquer cette «banalisation». M. Courmont évoque plutôt un manque de recul des dirigeants et de la société civile, qui oublient «ce dont elle est capable et que son utilisation n’est pas uniquement cantonnée à la science-fiction. […] Engin de destruction apocalyptique pour les artistes, elle ne serait plus qu’une “arme comme les autres” pour les populations».

Les récentes déclarations de Donald Trump en témoignent, selon lui. Ses paroles évoquent celles du président américain Harry Truman lorsqu’en 1945 il a prévenu le Japon «d’une pluie de ruines provenant des airs, comme on n’en avait encore jamais vu sur terre», en référence à la bombe larguée sur Hiroshima. «Au-delà du caractère absurde des mots choisis par Donald Trump, il convient de montrer du doigt le manque de connaissance, de recul et de conscience par rapport à un événement aussi majeur dans l’histoire de l’humanité», se désole M. Courmont.


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Menaces nucléaires 
Stéphane Laporte

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