En 1989, Alexandre Trudeau accompagne son père
lors d’une rencontre diplomatique en Chine. Le jeune homme de 16 ans est charmé
par ce pays qui sort tout juste de la tourmente des événements de la place Tiananmen.
Il se jure alors d’y revenir pour découvrir le pays dans ce qu’il appelle de
«meilleures conditions».
Il y
retourne au début des années 2000 avec l’objectif de mieux comprendre le géant
chinois. «Il y a 20 ans, le modèle de réussite [dans le monde] était basé sur
les États-Unis, explique-t-il. La Chine est quant à elle arrivée avec un modèle
d’autocratie.»
Il en
tire l’ouvrage Un barbare en Chine
nouvelle dont le titre est un clin d’œil à Deux innocents en Chine rouge, coécrit par Pierre Elliott Trudeau
et Jacques Hébert à la fin des années 1960.
La sortie
de son livre coïncidait avec la mission économique de Justin Trudeau en Chine.
«J’ai envoyé mon livre à mon frère six mois avant son voyage. Il m’a dit qu’il
l’avait lu.» Que ce soit pour la Chine ou la délicate question des droits et
libertés, Alexandre Trudeau n’hésite pas à aller à contre-courant des idées de
son frère aîné.
Audiofil
Parlant de
la Chine. Les Chinois comptent désormais parmi les grands prédateurs de la planète.
Diable qu’on s’est moqué des futuristes
qui craignaient un «péril jaune», non pas militaire tel qu’on le voyait au
début du 20e siècle, mais économique.
L’intrusion se fait en pantoufles à coûts d’investissements dans les industries,
de partenariats majoritaires, d’achats de terres arables, de spéculations
immobilières (allez faire un tour à Vancouver), etc.
Pourquoi
pensez-vous que l’aéroport Pierre-Elliot Trudeau offre des vols sans escale
Montréal-Pékin? Montréal deuxième Vancouver? Pourquoi Min Ying Holdings
voulait-il établir son méga centre commercial en banlieue de Montréal? Pourquoi nos banques ont-elles servi de
prête-noms aux Chinois pour l’achat de terres agricoles? Etc. La Chine est
devenue au cours des dernières années le 2e partenaire économique du Québec
après les États-Unis.
Quand t’as
épuisé tes propres ressources, tu vas en chercher ailleurs. Les investisseurs
chinois grafignent pour s’approprier les
mines de métaux rares du Québec. Ces derniers servent à la fabrication de
nombreux biens de consommation : téléphones cellulaires, baladeurs, processeurs,
pièces informatiques; écrans de téléviseurs et d’ordinateurs; véhicules
hybrides et véhicules électriques; superconducteurs; aimants permanents
(moteurs électriques); alliages et superalliages (aéronautique); instruments
chirurgicaux et implants; optique filtres pour rayons X, lasers; raffinage du
pétrole, additifs et catalyseurs; verres et céramiques; batteries rechargeables
et accumulateurs; éoliennes; cellules photovoltaïques; ampoules lumineuses
ultra-efficaces; systèmes de radar et équipements militaires; convertisseurs
catalytiques; industrie chimique et industrie nucléaire; produits de polissage.
Plus de
six mois après la vente de la mine Québec
Lithium à la compagnie chinoise Jien International, des actionnaires sont
toujours dans l'incertitude. L'entreprise de RB Energy, qui possédait la mine Québec Lithium avant d'avoir des
problèmes financiers, n'a toujours pas déclaré faillite, mais n'a plus aucun
actif depuis la vente. Les actionnaires n'ont pas été consultés lors de la
transaction qui a fait passer la mine aux mains de la compagnie chinoise.
Certains crient
holà! mais les gouvernements les ignorent. Attendez de voir ce qui se
passera avec les producteurs de fromages québécois...
Malheureusement, les Chinois ne respectent ni les
humains, ni les animaux, ni la nature, ni le vivant, ni l’inerte. Leur
contribution à la disparition de grandes espèces comme les éléphants pour leurs
ridicules sculptures en ivoire, n’est que la pointe de l’iceberg. Ils n’ont
aucun scrupule à maquiller des produits impropres à la consommation.
En raison
d’une législation laxiste en matière de sécurité sanitaire des aliments et des
médicaments, nombre de consommateurs de produits chinois s’exposent à des
risques de maladies ou d’empoisonnement. Ce risque est présent tant à l’achat
d’une denrée aussi banale que de l’huile de cuisson, que lors de la vaccination
des enfants.
En Chine,
de nombreux restaurateurs et industriels de l’agro-alimentaire badigeonnent et
trempent leurs aliments dans des produits chimiques dangereux. Ces
professionnels utilisent du formol ou du formaldéhyde cancérigène pour embellir
leurs fruits de mer, ainsi que des opiacés mélangés aux nouilles. En matière de
trafic de stupéfiants, ils n’ont rien à envier à la mafia internationale. La
Chine aura beau couvrir ses pratiques de panneaux solaires et se draper de conscience
environnementale, ce n’est qu’un masque.
Voyez : Aliments
à la Frankenstein
En tout cas, je salue bien bas le courageux auteur
de L’empire de l’or rouge, Enquête
mondiale sur la tomate d’industrie (Fayard, Paris 2017; 288 pages)
L'or rouge
ou les dessous de l'industrie de la tomate
La tomate est un fruit, celui de la convoitise,
estime Jean-Baptiste Malet
Le Devoir 22 juillet 2017
Par Fabien
Deglise
La tomate permet de comprendre un peu mieux le
monde dans lequel on vit et de saisir les paradoxes et les incohérences de
l’économie mondialisée, résume l’essayiste.
La sauce à «spag’» de matante Lucille, la pizza
«toute garnie» du resto du coin ou la boisson aux légumes pour se donner bonne
conscience risquent de ne plus avoir le même goût après la lecture de L’Empire
de l’or rouge (Fayard), essai étonnant qui a conduit pendant deux ans son
auteur, le journaliste français Jean-Baptiste Malet, aux quatre coins du globe,
dans les coulisses d’une industrie pour le moins singulière : celle de la
tomate.
Fruit
pour les botanistes, légume pour le commun des mortels, la tomate est devenue
au fil des ans et sous l’effet de la mondialisation bien plus que cela : c’est
désormais une matière première industrialisée et convoitée qui circule en
baril, comme le pétrole, qui ment aux consommateurs sur sa véritable nature,
qui abuse de leur pauvreté, de leur apathie, qui engraisse les multinationales
et la mafia italienne. Pis, lorsqu’on analyse ses flux commerciaux, la tomate permet
de comprendre un peu mieux le monde dans lequel on vit et de saisir les
paradoxes et les incohérences de l’économie mondialisée, résume l’essayiste.
Rien de moins.
«Nous sommes entrés dans la civilisation de
la tomate, la marchandise la plus accessible de l’ère capitaliste», résume à
l’autre bout du fil le jeune auteur joint cette semaine par Le Devoir à Paris.
Marché
globalisé
En 2013, le journaliste qui écrit entre autres
pour Rue89, L’Humanité et Le Monde diplomatique s’était fait remarquer pour
avoir infiltré Amazon afin de poser un regard critique nourri de l’intérieur
sur les conditions de travail redoutables imposées par la multinationale
américaine de la vente en ligne.
«Tous les
êtres humains mangent de la tomate dans tous les pays du monde à raison de 5 kg
par an et par personne. Elle représente un marché de 10 milliards de dollars,
mais aussi un marché globalisé qui en dit beaucoup sur l’économie néolibérale
et sur cette idéologie qui en dicte les règles», souvent au mépris des humains
qui s’en nourrissent, poursuit-il.
Il suffit
d’aller en Chine, d’ailleurs, pour en prendre conscience. Ce qu’il a fait en
partant à la rencontre de Chalkis, l’entreprise militaro-agricole de l’empire
du Milieu qui s’est imposée depuis le début du siècle comme l’un des grands
exportateurs mondiaux de concentré de tomates, mis en baril, puis envoyé en
Italie, aux États-Unis, dans le sud de la France où, après reconditionnement,
il devient sauce tomate se drapant dans l’identité de son pays d’adoption,
souvent avec l’exploitation d’un drapeau italien sur l’étiquette, d’une
iconographie évoquant la Provence et de l’imagerie de tomates bien rondes et
bien mûres dont ce concentré chinois n’est certainement pas issu.
La tomate
d’industrie, les agronomes «l’appellent pour plaisanter la tomate de combat»,
écrit Jean-Baptiste Malet dans son livre. «Elle est à la tomate fraîche ce
qu’une pomme est à une poire. C’est un autre fruit, une autre géopolitique, un
autre business. La tomate d’industrie est un fruit artificiellement créé par
des généticiens, dont les caractéristiques ont été pensées pour être
parfaitement adaptées à sa transformation industrielle. […] Cette tomate
d’industrie n’est pas ronde : elle est oblongue. Elle est aussi plus lourde,
plus dense qu’une tomate fraîche, car elle contient beaucoup moins d’eau.»
Des racines
ontariennes
Soupe, sauce, pizza, condiment, boisson… La tomate
d’industrie, cultivée en Chine, mais aussi en Italie, au Mexique ou en
Californie, est désormais partout. La faute revient d’ailleurs à un Ontarien,
découvre-t-on dans ce livre, qui dans les années 1950 a inventé le baril
aseptique en s’inspirant de ceux utilisés par les compagnies pharmaceutiques
pour le transport de leurs matières médicamenteuses, afin de conditionner de
manière optimale la tomate et de permettre son déplacement par bateau à travers
le monde.
L’homme
travaillait dans l’usine de la Heinz Company à Leamington en Ontario, l’un des
fleurons de cette compagnie spécialisée dans la tomate. Ironiquement, l’usine, qui carburait aux tomates canadiennes –
y compris celles du Québec –, a fermé ses portes en 2014,
frappée de plein fouet par la tomate chinoise et par les coûts d’une
main-d’oeuvre chinoise que les travailleurs canadiens ne pouvaient pas
concurrencer.
«La mondialisation de la tomate, c’est
aussi absurde que ça, dit Jean-Baptiste Malet. Le Canada pourrait être
autosuffisant en matière de tomate, mais comme pour d’autres pays, les règles
du commerce mondial érodent l’agriculture locale, tuent les industries qui y
étaient liées et le font dans une opacité entretenue par les grands acteurs de
ce milieu parce qu’elle leur permet de générer des mégaprofits.»
En 2015,
le Canada a importé pour plus de 800 millions de dollars de tomates fraîches,
en conserve, en concentré ou en jus, avec les histoires sombres qui viennent
parfois avec, indiquent les chiffres du ministère fédéral du Développement
économique.
Mafia et
additifs
En Chine, le journaliste a découvert que les
concentrés de tomate pure ne l’étaient pas toujours. On y ajoute de la fibre de
soya, de l’amidon, du dextrose, du colorant pour en influencer la texture,
l’apparence, mais surtout pour les rendre plus profitables, particulièrement
sur les marchés africains, où ces concentrés de tomate de très mauvaise qualité
sont déversés par les Chinois, les Européens, les Américains sans vergogne,
mais aussi sans que les étiquettes fassent mention de ces ajouts.
En
Italie, il a arpenté les territoires agro-industriels mafieux, qui génèrent une
économie parallèle de 15 milliards dans la nourriture uniquement et par la
tomate en particulier. Là-bas, on peut faire «cadeau» d’une usine de
transformation de la tomate à un Chinois, pour «service rendu».
En
Californie, il a vu les dégâts sur l’environnement induits par des productions
intensives qui se foutent des lendemains, guidées par la doctrine
libertarienne, avec leur hyper individualisme érigé en outil de destruction sociale,
politique et environnementale.
En Chine,
il a parlé pesticides interdits, et a compris aussi que les prisonniers, les
minorités et les migrants sont exploités pour alimenter ce commerce de la
tomate mondialisée.
«Les
industriels disent qu’il n’y a pas de problème, c’est faux. Il y en a plusieurs
que l’on ne voit pas et qui, dans des démocraties comme les nôtres, devraient
faire l’objet de débat. Et pour cela, le consommateur a besoin de savoir ce
qu’il mange vraiment.»
Dans son
livre, il écrit : «Puisque l’industrie est un pouvoir, pourquoi l’industrie ne
serait-elle pas contrôlée par des contre-pouvoirs démocratiques? Pendant
combien de temps encore faudrait-il accepter de consommer des produits opaques?»
Au
téléphone, il ajoute : «Nos sociétés sont organisées selon des règles
idéologiques qui se font au détriment du bon sens. Il faut réguler à nouveau
plusieurs industries, plusieurs commerces, forcer, dans le cas de la tomate, la
traçabilité de cette matière première, mais aussi de tous les ingrédients qui
entrent dans la composition d’un produit alimentaire, afin de donner aux
consommateurs l’information sur sa provenance, sur ce qu’il est vraiment, sur
ce qu’il représente. Et on doit passer par la case politique pour ça», plutôt
que par cette autorégulation, promue par le courant néolibéral depuis des lunes
et qui, par la tomate, comme d’autres matières à importation d’ailleurs,
démontre depuis longtemps son inefficacité, selon l’essayiste.
Son livre
va faire l’objet d’un documentaire qui devrait être diffusé sur les ondes de
TV5 dans le courant de l’automne.
Pour lui,
la tomate est devenue «une caricature des excès du capitalisme». Excès qui,
forcément, lorsqu’il est question de la table, peuvent facilement tomber sur
l’estomac.
Résumé de l’éditeur
Que mange-t-on quand on ouvre une boîte de
concentré, verse du ketchup dans son assiette ou entame une pizza? Des tomates
d’industrie. Transformées en usine, conditionnées en barils de concentré, elles
circulent d’un continent à l’autre. Toute l’humanité en consomme, pourtant
personne n’en a vu.
Où,
comment et par qui ces tomates sont-elles cultivées et récoltées ?
Durant
deux ans, des confins de la Chine à l’Italie, de la Californie au Ghana,
Jean-Baptiste Malet a mené une enquête inédite et originale. Il a rencontré
traders, cueilleurs, entrepreneurs, paysans, généticiens, fabricants de machine,
et même un « général »
chinois.
Des
ghettos où la main-d’œuvre des récoltes est engagée parmi les migrants aux
conserveries qui coupent du concentré incomestible avec des additifs suspects,
il a remonté une filière opaque et très lucrative, qui attise les convoitises :
les mafias s’intéressent aussi à la sauce tomate.
L’Empire
de l’or rouge nous raconte le capitalisme mondialisé. Il est le roman d’une
marchandise universelle.
~~~
Clin d’œil au procureur Robert Mueller chargé d’enquêter
sur les liens entre le clan Trump et la Russie :
Vous ne pouvez pas être «moitié-moitié». Vous êtes soit «coupable» ou «non-coupable».
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