23 mai 2011

Dans les chaussures de la déprimée

Hier j’ai écrit ce billet en revenant de l’hôpital; j’ignorais que c’était la «Semaine de la maladie mentale»…

***
Le parloir de la mort


J’attends ma mort.
Depuis plusieurs années.
Me revoilà à l’hôpital.
La patiente d’à côté saute des coches.
La matrone l’attache
Et lui administre un «calmant».
Je suis mieux de me taire.

Je veux mourir.
Mais je n’ai pas le droit.
Pourtant on m’a permis de naître.

Le mois dernier, une infection urinaire.
Ce mois-ci, une pancréatite,  
Une vésicule biliaire pierreuse.

Les autres fois, c’était l’angoisse, la peur
Et les crises de panique
Qui m’amenaient épisodiquement
À l’urgence.
Parfois en manque de pilules-bonbons :
Ativan (Lorazepam), Paxil, Risperdal,
Clonazepam, et je ne sais plus quoi.
Lorsque l’effet disparaît,
C’est l’enfer de l’accro aux benzo
Je rêvais qu’on me livre
Une cargaison d’Ativan,
La p’tite pilule miracle avec
Hallucinations schizophréniques
Et actes manqués en prime!
Dépendance, sevrage, dépendance, sevrage.
Une méthode efficace
Pour vendre de la drogue légale.

Ce matin, j’ai encore arraché
L’aiguille du soluté.
Une autre hémorragie,
Comme le mois dernier.
Le plancher était couvert de mon sang.
Si au moins j’avais pu me vider
Pour de bon.

Depuis un an on m’administre de l’Ebixa
Un médicament censé ralentir
La progression de l’Alzheimer.
Faites-moi rire!  
Même si on me répète une chose
Plusieurs fois, j’oublie instantanément.
Il faut répéter, répéter, répéter
Sans résultat.
Je vois l’exaspération
Dans les yeux de l’entourage
Et je suis moi-même très frustrée,
Mais je n’y peux rien.

Je veux mourir
Mais je n’ai pas le droit
De choisir mon heure
Ni la manière.

J’ai supplié les gens de l’entourage
De trouver quelqu’un
Qui me donnerait l’injection mortelle.
En vain. Je les comprends,
Ils iraient en prison.
Je ne souhaite pas ça.
Être prisonnière de mon propre corps suffit.

Je ne me souviens pas comment mourir.
Dommage pour moi,  
Car je souffre, j’ai terriblement mal
De mon arthrose, ostéoporose, et
De tous mes organes qui se décomposent
Suintent et puent par dedans
En prélude à la décomposition
Suivant la mise en terre.

Les médicaments/drogues
N’éliminent pas la douleur.
Je ne suis pas décharnée,   
Je suis enflée, gonflée
Comme un ballon soufflé à l’hélium
Prêt à exploser!

Mes avant-bras sont couverts de «bleus»
Dus aux perfusions.
Mes veines fuient, elles n’en veulent plus!  
Mais moi, je ne peux pas fuir.
J’ai faim, mais je suis incapable
De manger ces choses  
Qu’on ose appeler nourriture.

Je suis confuse.
Je demande à tout instant
Où l’on va m’emmener
Si je vais retourner chez moi…
Ce qu’on va faire de moi.  
Ma destination finale  
Est la mort de toute façon.
Pourquoi attendre?  

Je ne sais plus rien.
Je ne sais pas où je suis.
Je ne sais pas ce que je fais ici.
Je ne suis plus rien
Dans le mortel.  

Je veux mourir
J’ai fait ma part,
Il est temps de partir.
J’ai besoin d’aide.

Prolonger la vie humaine?   
Êtes-vous sérieux?
L’important n’est pas de
VIVRE LONGTEMPS
Mais de
BIEN VIVRE !

Autrefois on disait
«Il est mort de sa belle mort»
Cela ne veut plus rien dire de nos jours...

*** 
«Vivre est un droit, non pas une obligation.»
~ Ramon Sampedro, La mer intérieure

Tout le monde n'a pas envie de vivre éternellement sur terre quand même!

Liens concernant l’acharnement thérapeutique et la mort digne :
http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/09/qui-appartient-ce-corps.html
http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/09/euthanasie-suite.html

AQDMD Le droit de choisir :
http://www.aqdmd.qc.ca/page1.php

***
COMMENTAIRE

J’ai mis les chaussures de ma mère, âgée de 90 ans, le temps de parler pour elle. «Le parloir de la mort» reproduit ses propos – que j’entends depuis un bon moment.

- Sa vue ne lui permet plus de lire – c’était son passe-temps préféré.
- Son audition est foutue – s’ensuivent mésinterprétations et discussions interminables.
- Il ne lui reste que la fichue télévision comme distraction – le parfait média pour créer de la dépression même chez le plus optimiste des optimistes…

Le personnel (très bien conditionné) des soins infirmiers où elle habite profère toujours le même diagnostic fatal : votre mère est déprimée et s’isole! Avec une odeur de reproche…

N’importe qui en ferait autant dans de telles conditions de «vie».
La réaction de ma mère est tout à fait NORMALE !

Qui plus est, il est maintenant reconnu que la tendance au suicide fait partie des effets secondaires du Paxil – pour ne mentionner que celui-là… 

Des publicités comme «La dépression ça fait mal; remplissez la liste des symptômes et parlez-en à votre médecin» veulent nous faire croire que tout le monde est dû pour sombrer dans la dépression un jour ou l’autre, que c’est «la» maladie du 3e millénaire.

Je ne nie pas l’existence de la vraie maladie mentale, ou de la vraie folie, qu’elle soit d’origine génétique ou autre. Et je suis persuadée que certains médicaments peuvent être salutaires en cas de détresse provenant de traumatismes graves ou en raison d’un milieu de vie la favorisant.

Mais, affirmer qu’éprouver tel ou tel groupe d’émotions est un trouble mental ou une maladie mentale, ça, c’est vraiment dingue. Le catalogue DMS serait-il infaillible?

Mais, dieu merci, le système de «santé» est là, et il entend bien résoudre nos problèmes coûte que coûte. Je suppose que tous les médecins et les psy ne donnent pas dans le «marketing de la maladie mentale». Plusieurs sont peut-être même inconscients des ravages occasionnés par les dangereuses pilules-bonbons qui ne guérissent pas et tuent à petit feu. Néanmoins, tout le monde sait que le «vivotant» rapporte des milliards.

Les situations de la vie génèrent des pensées qui à leur tour éveillent des émotions – douloureuses ou joyeuses. Il est normal d’éprouver des émotions puisque nous sommes des êtres dotés de cette faculté et que c’est un aspect inévitable de l’expérience terrestre.

Le pendule des émotions vacille de gauche à droite, sans arrêt. Les vrais problèmes surviennent lorsqu’on veut fixer le pendule à un endroit précis, notamment du côté joyeux. Mais c’est impossible. La seule façon de supprimer les émotions est de court-circuiter les neurones du cerveau limbique à l’aide de médicaments ou d’électrochocs.

La méditation ne garantie pas le soulagement immédiat ni la suppression des émotions, bien sûr. Mais avec du temps et de la persévérance, l’on finit par relativiser ou dédramatiser, à porter un regard éclairé et lucide sur les événements… et sans pilules.

Prendre des antidépresseurs à vie ou méditer à vie relève d’un choix personnel; mais ce choix n’aura pas les mêmes conséquences sur l’état de santé biologique.

En ce qui me concerne, je n'ai de leçons à donner à personne; je trouve simplement l'obligation de vivre en totale perte d'autonomie plus que triste.

Pour plus de détails concernant le mental, les émotions et la méditation :
http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/07/en-cas-de-deprimite-aigue.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/08/la-serenite-dans-le-trouble.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/07/inattendu.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/10/le-passe.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/coups-de-cafard.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/12/swing-emotionnel.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/03/quotient-emotionnel.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/01/la-tragedie.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/laudace.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/reconnaitre-la-souffrance.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/le-renoncement.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/10/les-attentes.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/09/intuition-et-creativite.html

Série «Désarmer le mental 1, 2, 3» - 01/06/10 Libellé Joko Beck

Concernant la maladie mentale : Série “The Marketing of Madness” 
http://www.youtube.com/watch?v=Y1nbZCNDgbY&feature=player_embedded

1 commentaire:

  1. La perte de statut social (vieillesse) et d'autonomie, la peur de la solitude, la peur de souffrir, le refus de lâcher prise...misère!
    Tout ne s’arrange pas nécessairement, tout ne se redresse pas obligatoirement, tout ne se répare pas forcément.
    Cependant on peut effectivement verser dans les rouages et sur les pivots l’huile de l'amour et non le vitriol de la peur...

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