17 mai 2011

Soleil et sable

Il y a plusieurs années, j’ai rencontré des artistes algériens (d’origine Berbère). Comme plusieurs, j’avais admiré des fresques, rêvé de soleil et de traversée du désert. Et bien sûr, j’avais lu quelques versions tronquées, sinon édulcorées, de la guerre d’Algérie. Le témoignage de leur vécu m’a bouleversée – des corps et des âmes mutilés, troublés et marqués à jamais. Et l'indécrottable infernalia planétaire se poursuit de plus belle.
What a crazy planet!  

Passons. En outre, je ne connaissais rien de la littérature du pays. Récemment, étant donné ce qui se passe dans la région, j’ai eu envie de découvrir quelques auteurs contemporains.  


Quelques textes en partage; ce n'est qu'un début.  

***
MOULOUD MAMMERI (1917-1989) : anthropologue, écrivain et linguiste, né à Taourit-Mimoun. Il passe son adolescence chez un oncle au Maroc, puis va étudier à Alger. Il participe à la Seconde guerre mondiale et devient par la suite professeur de lettres à Médéa, puis à Ben Aknoun. Pendant la guerre d’Algérie, il va au Maroc, puis revient en Algérie en 1962. Il enseigne à l’université d’Alger et dirige le Centre de Recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques jusqu’en 1980. Il meurt en 1989 dans un accident de voiture. Son œuvre littéraire comprend quatre romans, deux pièces de théâtre et des recueils de poésie.

Quand je regarde en arrière  

Quand je regarde en arrière, je n'ai nul regret, je n'aurais pas voulu vivre autrement ...De toutes façons, un fantasme n'est jamais que cela. Je ne me dis pas : J'aurais voulu être un citoyen d'Athènes au temps de Périclès, ni un citoyen de Grenade sous les Abencérages, ni un bourgeois de la Vienne des valses. Je suis né dans un canton écarté de haute montagne, d'une vieille race qui, depuis des millénaires n'a pas cessé d'être là, avec les uns, avec les autres...qui, sous le soleil ou la neige, à travers les sables garamantes ou les vieilles cités du Tell, a déroulé sa saga, ses épreuves et ses fastes, qui a contribué dans l'histoire, de diverses façons, à rendre plus humaine la vie des hommes.

Les tenants d'un chauvinisme souffreteux peuvent aller déplorant la trop grande ouverture de l'éventail : Hannibal a conçu sa stratégie en punique ; c'est en latin qu'Augustin a dit la cité de Dieu, en arabe qu'Ibn Khaldoun a exposé les lois des révolutions des hommes. Personnellement, il me plait de constater dès le début de l'histoire cette ample faculté d'accueil. Car il se peut que les ghettos sécurisent, mais qu'ils stérilisent c'est sûr.

C'est par là que je voudrais finir. Ceux qui, pour quitter la scène, attendent toujours d'avoir récité la dernière réplique à mon avis se trompent : il n'y a jamais de dernière réplique - ou alors chaque réplique est la dernière - on peut arrêter la noria à peu près à n'importe quel godet, le bal à n'importe quelle figure de la danse. Le nombre de jours qu'il me reste à vivre, Dieu seul le sait. Mais quelque soit le point de la course où le terme m'atteindra, je partirai avec la certitude chevillée que quelque soient les obstacles que l'histoire lui apportera, c'est dans le sens de sa libération que mon peuple - et avec lui les autres - ira. L'ignorance, les préjugés, l'inculture peuvent un instant entraver ce libre mouvement, mais il est sûr que le jour inévitablement viendra où l'on distinguera la vérité de ses faux semblants.

Tout le reste est littérature.

~ Mouloud Mammeri


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Rectification : J'ai malheureusement attribué le texte qui suit à Mouloud Mammeri. Toutes mes excuses à son auteur, François WAFO. Par ailleurs, voici sa version originale qui a également été modifiée au fur et à mesure des publications sur le Net. Veuillez lire le commentaire ci-après.  

N'abandonne jamais

Quand les choses vont vraiment mal comme elles savent si bien aller quelquefois,

Quand la route sur laquelle tu chemines péniblement semble s’achever au sommet d’une colline,

Quand est haut le désespoir et basse la confiance,

Quand les fonds sont bas et que les dettes culminent,

Quand la réussite est absente et que l’échec te côtoie,

Quand les soucis te poussent à la déprime,

Reposes-toi et pousses un soupir si tu veux…
mais n’abandonne jamais.

La vie est si étrange, avec ses revers et ses détours, comme chacun a pu le vérifier un jour.

Le bonheur comme le malheur vient à l’improviste, ne laissant que le temps d’apprécier le bien ou le mal causé.

Ne baisses jamais les bras s’ils peuvent encore être levés,
Gardes haute la tête et fier le regard.

Beaucoup qui ont été abattus par un échec auraient pu réussir s’ils avaient persévéré.

N’abandonne jamais même si tout te semble aller lentement,

Car un autre souffle peut apporter la réussite, le succès n’étant que l’envers de l’échec,

Et tu ne peux jamais savoir à quelle distance se trouve le but, il peut être proche alors qu’il te semble si lointain.

Aussi, continues la lutte au plus fort du combat car c’est quand tout semble perdu que tu ne dois pas abandonner.

François WAFO
(Extrait de 'Reflets', ©2001)


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Collette Grégoire, dite ANNA GREKI (1931-1966), poétesse d’expression française née à Batna (Aurès). Elle fait ses études primaires et secondaires en Algérie. Puis, elle interrompt ses études supérieures à Paris pour participer activement au combat pour l’indépendance de l’Algérie. Institutrice à Annaba (Bône) puis à Alger, militante du Parti communiste algérien, elle est arrêtée en 1957, internée à la prison Barberousse d’Alger, transférée en novembre 1958 au camp de Beni Messous puis expulsée d’Algérie. Elle rejoint alors son mari à Tunis où est publié son premier recueil avant de rentrer en Algérie en 1962. Achevant sa licence en 1965, elle enseigne au lycée Abdelkader d’Alger. Elle laisse à sa mort brutale un second recueil et un roman inachevé.

Je ne sais plus

Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur
C'est ma manière d'avoir du cœur à revendre
C'est ma manière d'avoir raison des douleurs
C'est ma manière de faire flamber des cendres
A force de coups de cœur à force de rage
La seule façon loyale qui me ménage
Une route réfléchie au bord du naufrage
Avec son pesant d'or de joie et de détresse
Ces lèvres de ta bouche ma double richesse

A fond de cale à fleur de peau à l'abordage
Ma science se déroule comme des cordages
Judicieux où l'acier brûle ces méduses
Secrètes que j'ai draguées au fin fond du large
là où le ciel aigu coupe au rasoir la terre
Là où les hommes nus n'ont plus besoin d'excuses
Pour rire déployés sous un ciel tortionnaire

Ils m'ont dit des paroles à rentrer sous terre
Mais je n'en tairai rien car il y a mieux à faire
Que de fermer les yeux quand on ouvre son ventre
Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur

Avec la rage au corps aimer comme on se bat
Je suis impitoyable comme un cerveau neuf
Qui sait se satisfaire de ses certitudes
Dans la main que je prends je ne vois que la main
Dont la poignée ne vaut pas plus cher que la mienne
C'est bien suffisant pour que j'en aie gratitude

De quel droit exiger par exemple du jasmin
Qu'il soit plus que parfum étoilé plus que fleur
De quel droit exiger que le corps qui m'étreint
Plante en moi sa douceur à jamais à jamais
Et que je te sois chère parce que je t'aimais

Plus souvent qu'à mon tour parce que je suis jeune
Je jette l'ancre dans ma mémoire et j'ai peur
Quand de mes amis l'ombre me descend au cœur

Quand de mes amis absents je vois le visage
Qui s'ouvre à la place de mes yeux – je suis jeune -
Ce qui n'est pas une excuse mais un devoir
Exigeant un devoir poignant à ne pas croire
Qu'il fasse si doux ce soir au bord de la plage
Prise au défaut de ton épaule à ne pas croire

Dressées comme un roseau dans ma langue les cris
De mes amis coupent la quiétude meurtrie
Pour toujours – dans ma langue et dans tous les replis -
De la nuit luisante – je ne sais plus aimer
Qu'avec cette plaie au cœur qu'avec cette plaie
Dans ma mémoire rassemblée comme un filet
Grenade désamorcée la nuit lourde roule

Sous ses lauriers roses là où la mer fermente
Avec des odeurs de goudron chaud dans la houle
Je pense aux amis morts sans qu'on les ait aimés
Eux que l'on a jugés avant de les entendre
Je pense aux amis qui furent assassinés
A cause de l'amour qu'ils savaient prodiguer

Je ne sais plus aimer qu'avec la rage au cœur

A la saignée des bras les oiseaux viennent boire 


~ Anna Greki  

1 commentaire:

  1. Anonyme19.6.11

    Bonjour,
    je me permets vous faire ce message, pour rectifier une méprise faite régulièrement sur l'auteur du poème que vous avez repris dans votre espace. En effet, il est très souvent attribué à tord à Mouloud Mammeri qui n’est malheureusement pas l'auteur, comme c’est très souvent mentionné dans certains sites ou blogs, puisque j'en suis l'auteur. Ecrit en 2001 pour une personne qui m'est chère et qui traversait une mauvaise passe, il fait partie d’un ensemble de poème consignés dans un recueil que j’ai intitulé ‘Reflets’, et que je fais très régulièrement profiter mon entourage à travers des mails depuis 10 ans, et qui a été repris par bien de personnes à leur compte en omettant régulièrement de spécifier le nom de l’auteur que j’ai toujours pris soins de spécifier à la fin du poème avant l’envoi à mes proches. Il n’est ainsi pas d’origine anglaise comme on le précise souvent, celui-ci ayant été écrit en français à l’origine.
    Je suis un peu dépite de voir ce poème référence sur plusieurs sites et blogs avec une fausse référence de l'auteur, ou auteur inconnu, ou encore traduction de l’anglais, et j’essaie de rétablir l'ordre des choses.

    C’est pourquoi je vous prie de bien vouloir en prendre compte dans votre page, en rectifiant le nom de l’auteur. Par ailleurs, le texte de ce poème a subit depuis de légères corrections. Je vous donne ci-dessous, la version originale. .

    Bien cordialement,

    François WAFO
    Enseignant Université de Lyon 1 (IUFM de Lyon 1)
    Membre du Laboratoire de Recherche PAEDI (Université Blaise Pascal Clermont Ferrant)
    Mail : françoiswafo@yahoo.fr

    ****************
    N’abandonne jamais

    Quand les choses vont vraiment mal comme elles savent si bien aller quelquefois,

    Quand la route sur laquelle tu chemines péniblement semble s’achever au sommet d’une colline,

    Quand est haut le désespoir et basse la confiance,

    Quand les fonds sont bas et que les dettes culminent,

    Quand la réussite est absente et que l’échec te côtoie,

    Quand les soucis te poussent à la déprime,

    Reposes-toi et pousses un soupir si tu veux…
    mais n’abandonne jamais.

    La vie est si étrange, avec ses revers et ses détours, comme chacun a pu le vérifier un jour.

    Le bonheur comme le malheur vient à l’improviste, ne laissant que le temps d’apprécier le bien ou le mal causé.

    Ne baisses jamais les bras s’ils peuvent encore être levés,
    Gardes haute la tête et fier le regard.

    Beaucoup qui ont été abattus par un échec auraient pu réussir s’ils avaient persévéré.

    N’abandonne jamais même si tout te semble aller
    lentement,

    Car un autre souffle peut apporter la réussite, le
    succès n’étant que l’envers de l’échec,

    Et tu ne peux jamais savoir à quelle distance se trouve le but, il peut être proche alors qu’il te semble si lointain.

    Aussi, continues la lutte au plus fort du combat car c’est quand tout semble perdu que tu ne dois pas abandonner.


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    François WAFO
    (Extrait de 'Reflets', ©2001)
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