22 novembre 2010

Euthanasie - À qui appartient ce corps?

De «réglementer» l’euthanasie...
Voyez aussi «Air Karma» : Karmaction.

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Le suicide, c’est l’ultime expression de la liberté. De savoir que l’on peut choisir sa mort, ça aide à vivre.
Guy Bedos


Tuer des millions d’individus sous des prétextes comme la guerre (attaque ou défense) est légal. Notons qu’en l’occurrence il s’agit de la vie des autres! Pourquoi est-il illégal d’aider quelqu’un qui nous supplie de mettre un terme à ses souffrances parce qu’il n’a pas la capacité physique de le faire par lui-même?

La logique humaine est vraiment étrange…

On craint les abus, les dérapages, l’eugénisme. Laissez-moi rire… L’eugénisme existait bien avant la dernière guerre et il continue sa course à travers toutes sortes de moyens considérés «légaux». Dans nos manuels d’histoire on appelait ça des génocides – on en trouve par légions.

Par ailleurs, faut-il rappeler que notre mode de vie dit civilisé nous «assiste» quotidiennement dans notre propre suicide, et fait figure de serial mass killer - surmenage mental et émotionnel, stimulation inconsidérée des sens, trépidations et abus de tous genres, pollution sonore destructrice, lumière artificielle excessive, conditions de vie anormales, abus d’alcool, de drogues et de médicaments pour compenser, intoxications diverses dues à l’extrême toxicité des sols, de l’eau et de l’air...  

Autre paradoxe : on nous empoisonne avec des médicaments pour rallonger notre vie, mais pas suffisamment pour nous tuer… Ainsi, plus de vieillards, plus de maladie d’Alzheimer, plus de profits. La santé n’est pas du tout payante. Imaginez un instant que les humains cessent subitement d’être malades, tout le personnel médical serait en chômage à la grandeur de la planète, et une catastrophe économique s’ensuivrait…

Bon, un peu de sérieux. J’aimerais d’abord partager le témoignage d’une dame (dont je tairai l’identité) qui démontre clairement que nous prolongeons la vie des gens contre leur gré non pas par amour, mais bien par attachement, peur et égoïsme :

(…) J’espère que vous avez eu l’occasion d’assister une personne agonisante jusqu’à la fin de sa vie. Que vous avez pu la voir souffrir et implorer la mort. Que vous lui avez tenu la main pendant qu’elle se vomissait tripes et boyaux (souvent même ses propres selles), que vous avez assisté à ses hurlements quand le personnel hospitalier la mobilisait dans son lit ou essayait de lui installer une énième perfusion.

J’espère que vous avez vu les plaies de ses fesses causées pas son incontinence, que vous avez bien regardé à travers ses yeux désespérés afin d’y lire l’humiliation, le chagrin, la perte de sa dignité.

J’espère que vous étiez là quand ses poumons se déchiraient pour essayer d’avoir un peu d’air. Que vous l’avez vue lutter pour préserver encore une journée de plus le mince fil qui la retient en vie pour que vous ayez l’occasion de lui dire, une dernière fois demain, que vous l’aimez; pour que vous ayez l’esprit libre lors de ses funérailles et que vos droits à vous aient été respectés.

Par conséquent, s’il vous plaît, rendez-moi un grand service : détestez-moi.
Alors, à qui donc appartient ce corps...
à l’univers, à Dieu, à l’État, à la science, à la famille?

Avons-nous un quelconque libre-arbitre?

Il me semble que nous devrions examiner l’euthanasie et le suicide – assisté ou non – sous l’angle des croyances personnelles et collectives; ce ne serait pas un luxe. Notre perception de la mort et du suicide découle de ces croyances. L’athée conçoit la mort différemment du croyant – et chez les croyants les dogmes à ce propos varient d’une religion à l’autre. Les religions judéo-chrétiennes et plusieurs écoles de pensée ésotériques refusent de compter le suicide parmi les morts légitimes. Par ailleurs, certaines religions encouragent le suicide pour l’honneur. Un article paru en février 2003 dans ‘The Oprah Magazine’ rapportait que le gouvernement de l’Oregon avait légalisé le suicide assisté pour les malades incurables en perte d’autonomie. Cette loi a été votée après deux référendums ayant reçus une approbation qui dépassait largement le minimum requis. La faction chrétienne a quand même essayé de la faire abolir et récidive régulièrement.

Le soldat et le prêtre sont les pires ennemis de l’humanité,
car si le soldat tue, le prêtre ment.
Victor Hugo

On peut concevoir la naissance comme une mort à la vie de l’au-delà, et la mort comme une renaissance à la vie de l’au-delà. Nos incarnations successives sont comme les pages d’un grand livre, qu’on tourne les unes après les autres. Ce que nous appelons vie et mort ne sont ni le début ni la fin de quoi que ce soit, mais simplement des éléments d’un mouvement éternel. La mort est un incontournable de la vie biologique et n’est rien d’autre qu’un changement de forme – un passage d’un état de conscience à un autre, un intermède entre deux vies, un changement d’adresse temporaire ou permanent. Il est clair que nous venons de quelque part et que nous retournons quelque part, et le nom qu’on donne au lieu – néant, nirvana, paradis ou enfer – importe peu. On ne peut « tuer » la pensée, l’énergie; on la transforme. Et, comme le disait si bien Jacques Languirand, «si quelqu’un croit qu’il y a quelque chose après la mort et que c’est vrai, eh bien tant mieux pour lui. Et s’il n’y a rien, ce n’est pas grave, il ne le saura pas, il n’existera plus!»

Dans un documentaire sur la mort, on a interviewé de très jeunes enfants. Un père racontait qu’il avait été stupéfait d’entendre sa fillette de 4 ans lui dire de but en blanc : «Je sais où vont les gens quand ils meurent, ils retournent à la normale» (I know where people go when they die, they go back to normal) Une autre enfant âgée de 5 ans disait sensiblement la même chose : «Mourir, c’est redevenir normal, une lumière.» Faut-il spécifier qu’à cet âge-là, les enfants n’ont pas encore subi le lavage de cerveau parental et socioculturel qui les rendra amnésiques pour le restant de leur vie?

À l’éternelle triple question : Qui suis-je? D’où viens-je? Où vais-je?, je réponds :
Je suis chez moi, je viens de chez moi, et j’y retourne. 
Pierre Dac  

À mon avis, si nous avons le privilège de naître, nous avons également celui de mourir quand bon nous semble. Des facteurs psychologiques et physiologiques, la peur de mourir, l’amnésie spirituelle, les croyances religieuses, socioculturelles, ésotériques, la culpabilité et l’importance démesurée qu’on accorde au corps physique prolongent indûment la vie de plusieurs. Tous ces malades incurables et vieillards médicamentés à outrance, impotents, à moitié ou totalement inconscients, gardés vivants pour les revenus ou la recherche médicale, font peine à voir; c’est à croire qu’ils ont gagné un billet de loto «Mort à Vie».

Aucun «Dieu» digne de ce nom n’imposerait des horreurs telles qu’on s’en inflige entre humains. Le mythe de la souffrance, de l’auto-flagellation ou de la torture obligatoire en vue d’un salut ou d’une prétendue évolution biologique ou spirituelle ne sert que le système; il faut garder les gens ignorants de leur véritable nature pour mieux les manipuler.

Nous avons tous un agenda et une date d’expiration. Étant donné que nous ne pouvons pas nous dématérialiser à volonté comme dans Star Trek nous devons choisir une façon de quitter : tares génétiques, maladies et infections, malnutrition, accidents, homicides, suicides, etc. Malheureusement, nous avons gobé l’idée que c’était «Dieu» ou l’univers qui décidait de nous éliminer. Or «on» ne nous oblige pas à nous incarner ici-bas pas plus qu’à quitter la matière d’une façon spécifique.

Dans un monde de dualité comme le nôtre, la souffrance est inévitable. Faut-il en rajouter? Si nous avions facilement accès aux bonnes pilules ou à l’injection mortelle, nous pourrions au moins mourir en douceur au lieu de nous jeter en bas d’un pont, nous tirer une balle dans la tête, nous laisser mourir de faim ou crever à petit feu d’une maladie dégénérative. Quant aux personnes irréversiblement hypothéquées qui veulent vivre quand même, c’est leur choix; on ne peut pas juger de leur motivation. Est-il nécessaire de dire que chacun s’incarne avec un but largement déterminé par ses vies antérieures?

Qu’on me comprenne bien, il n’est pas question ici de tuer les gens contre leur gré, d’organiser des suicides collectifs ni de pratiquer l’eugénisme. J’apporte cette nuance pour dissiper toute trace d’ambiguïté. J’essaie de désincarner un peu cette peur archaïque de la mort, l’hyperémotivité qu’elle éveille et l’obligation de vivre à tout prix en raison de croyances surannées ou à cause de l’égoïsme de l’entourage. De nombreuses études ont démontré que les gens craignent davantage la souffrance que la mort. Bien souvent, c’est la peur de mourir qui tient les gens en vie… l’ego perd les pédales devant la mort parce que son but est de vivre éternellement dans la matière.

La mort n’est qu’un malaise physique passager; le dernier d’ailleurs.
Auteur inconnu

Les gens qui désapprouvent l’euthanasie disent souvent : «Il faut laisser faire la nature, laisser la mort se produire d’elle-même, vivre jusqu’au bout». Pardon? Avec les médicaments qu’on administre pour prolonger artificiellement la vie, on fausse la donne au prix d’énormes souffrances physiques et psychiques chez les intéressés. Simplement parce qu’on refuse d’éliminer un corps désormais incapable de servir – un corps que la nature éliminerait naturellement.

Vivre est un droit, non pas une obligation
Ramón Sampedro
Film biographique La mer intérieure Mar Adentro  

La vie de Ramón Sampedro a été portée à l’écran par Alejandro Amenábar en 2004 (ce film avait cependant été précédé, en 1999, d’un long-métrage intitulé Condenado a vivirCondamné à vivre, produit par Roberto Bodegas).


La mer intérieure a suscité tellement d’intérêt en Espagne, que le gouvernement a ouvert le débat sur la légalisation de l’euthanasie.

Résumé : Ramón Sampedro devient tétraplégique à la suite d'un accident. Cloué à son lit, son corps est une prison à la merci de l’entourage pour le moindre besoin physique. Il est incapable d’assumer les fonctions de base du corps – boire, manger, uriner, déféquer, etc. Il est donc condamné à vivre par procuration, à nourrir sa vie émotionnelle et mentale avec les expériences des autres, en virtuel pour ainsi dire! Peut-on appeler ça vivre? Quant à vivre uniquement dans sa tête, il vaut mieux le faire en astral, au moins on a une liberté de mouvement – et c’est d’ailleurs ce qu’il fait pour échapper à sa prison corporelle. Je ne saurais dire s’il est avantageux d’être aussi intelligent, lucide, sensible et charismatique que lui dans une telle condition, à la fois victime de l’altruisme et de l’égoïsme de la famille et des amis. Peut-être qu’il a choisi de vivre cette expérience pour enseigner aux «cœurs de pierre» - ça prenait quelqu’un de mentalement alerte pour témoigner.

Sampedro revendiquera donc le droit de mourir dans la dignité pendant près de 30 ans, en vain. Un combat en faveur de la liberté, son seul Dieu. Au terme d’une longue bataille juridique, il organisera son suicide par empoisonnement au cyanure de potassium avec l’aide de ses amis fidèles.

J’ai visionné ce film trois fois - pour sa beauté et son humanisme, et prendre des notes…

Ramón Sampedro a écrit deux livres. Cartas desde el infierno (littéralement de l'espagnol Lettres de l'enfer) publié en 1996, regroupe ses écrits jusqu'à cette date. Le recueil de poèmes Cando eu caia (littéralement du galicien Quand je tombais) a été publié après sa mort en 1998.

Un autre film à voir – ou revoir : Au delà de nos rêves (1998) – What Dreams May Come. Ce film illustre vraiment bien la vie astrale d’après mort. Un personnage vivant de l’autre côté du voile dit à un nouvel arrivant qui se demande ce qui lui arrive : «Quand ta maison tombe en ruine, tu la quittes, voilà tout.» Dans une autre séquence, un sage dit au sujet d’une suicidée qui se crée un enfer astral par remord : «Tout est illusion. Ce sont ses illusions à elle. Les suicidés se croient obligés de se punir 

En ce qui me concerne, j’aurais bien aimé que mon ami David meure de la même manière que ma chatte. Elle s’est endormie rapidement, puis elle a quitté le corps paisiblement, SANS SOUFFRIR – en cinq minutes… La compassion vient du fond du cœur, non pas de la conception intellectuelle qu’on peut en avoir; et elle sert entre autres à soulager la souffrance d’autrui quand c’est possible, sans interférer avec le libre-arbitre de la personne, bien sûr.

En conclusion, dans la vie comme dans la mort, nos croyances et nos attitudes colorent notre vision. On peut voir la maladie comme une issue sans espoir ou comme une étape de remise en question. On peut voir la mort comme une fin injuste ou comme un joyeux passage vers une autre rive. On peut voir les deuils comme des situations insurmontables ou comme des occasions de rassembler son courage pour passer à autre chose. On peut se révolter contre la mort d’un être cher ou célébrer la vie qui continue autrement pour lui.

La mort est le présent d’une nouvelle vie.  


***
Le moins qu’on puisse dire c’est que Mark Twain était en faveur du suicide :  

Vous voyez, la foudre refuse de me frapper - voilà où se trouve l’anomalie. Nous devons nous foudroyer nous-mêmes, comme l’a fait Barney Bernato. Mais personne n’en a le courage avant d’être devenu fou.
Lettre à Henry Rogers, 6/16/1897

Mais nous sommes tous des fous, de toute façon… Les suicidés semblent être les seules personnes raisonnables.
Notebook, #40, (janvier 1897-juillet 1900)

En conclusion, il n’y a que deux sortes de sages : ceux qui se suicident et ceux qui atrophient leur faculté de raisonnement par la boisson.
Notebook, 1898

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