22 avril 2018

Le plastique : on en parle mais on fait peu

Le plastique est le thème du Jour de la Terre. Hum. 

À Ottawa, la croissance économique et les emplois dans l'industrie des énergies fossiles passent avant la protection de l’environnement qui, en réalité, se retrouve en dernière position des priorités. Beaucoup de pays manquent d'eau potable. Ici, nous la gaspillons pour augmenter toujours plus la production de pétrole bitumineux. C'est un non-sens. J'ai honte. Pire encore, le gouvernement canadien en panique a approuvé l'arrestation de manifestants pacifiques qui s'opposent au pipeline Trans Mountain, dont Kennedy Stewart et Elizabeth May le 23 mars dernier, les accusant d'activités criminelles. Plus de 200 manifestants ont été arrêtés depuis le début des manifestations. Comme dit Bill McKibben : "When you can't win an argument, jail your opponent."  

Je bois au triomphe de l’intelligence sur l’argent!


Justin Trudeau ne s'engage pas à interdire les pailles en plastique
Le Canada adhérera volontiers à une déclaration internationale visant à nettoyer les océans, mais le premier ministre Justin Trudeau ne s'est pas engagé, jeudi, à interdire l'usage des pailles en plastique, comme le souhaite son homologue britannique.
La Presse canadienne
   Theresa May, qui a demandé aux autres membres du Commonwealth de réduire leur utilisation du plastique, s'apprête à dévoiler un projet sans précédent qui interdira au Royaume-Uni les produits de plastique à usage unique, comme les pailles, les verres et les cotons-tiges, afin de nettoyer les océans du monde.
   Ottawa s'apprête aussi à interdire, en juillet, les microbilles dans les produits d'hygiène personnelle, mais n'a pas annoncé de calendrier pour les autres types de plastique. Plusieurs pays ont déjà éliminé les sacs de plastique à usage unique. Au Canada, seules certaines municipalités ont fait des gestes concrets.

Déchets de plastique : Ottawa veut améliorer la santé des océans
En ce Jour de la Terre, la ministre fédérale de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, souligne que le gouvernement est à la recherche de solutions pour améliorer la santé de nos océans, un thème prioritaire du prochain sommet du G7 dans Charlevoix.


De son côté, Greenpeace Canada réclame un cadre national pour réguler la production, la vente et la récupération du plastique à usage unique par les grandes compagnies. La porte-parole de l'organisme, Loujain Kurdi, affirme notamment qu'il y a 10 000 tonnes de plastique dans les Grands Lacs, et que 85 % de nos oiseaux marins au Canada ont ingéré du plastique.
   Mme Kurdi insiste sur l'urgence d'en faire davantage pour le gouvernement canadien afin qu'il ne soit pas parmi les derniers pays à agir sur ce problème-là.

Source : Presse canadienne

Un premier bilan
Jean Lemire

10 décembre 2012

«[...] Il faut entendre le silence régner dans les forêts tropicales; voir la blancheur de certains récifs coralliens pour comprendre toute la portée de la crise climatique sur la planète; essayer de comprendre comment on tue quelque 75 millions de requins par année pour nourrir une industrie de la soupe aux ailerons, une atrocité que nous tolérons au nom d’une certaine culture; constater comment les espèces envahissantes font des dommages irréversibles aux habitats de la planète, par nos exportations de libre marché; voir l’indifférence, l’insouciance et le gel alarmant du ‘je-m’en-foutisme’ de certains de nos dirigeants, qui voient la sauvegarde de notre planète comme un frein à la sacro-sainte croissance économique.
   Le bilan est simple : nous manquerons de temps – et de moyens – pour sauver la vie, sous toutes ses formes. Et pendant ce temps, nous hésitons à réaliser une entente pour faire suite au protocole de Kyoto... Avec 9 milliards d’humains à la fin du prochain siècle et une température moyenne en hausse de 4 à 5°C, on peut prédire sans se tromper que les décennies à venir seront celles de la lutte pour notre propre survie.
   Sans doute initiée par cette crise climatique mondiale, nos enfants verront peut-être la fin de l’ère économique, un modèle basé sur une économie qui dépend de la consommation toujours grandissante des humains pour supporter ce système. Un dogme qui suppose l’extraction et le marchandage des ressources naturelles, au-delà des règles élémentaires de régénération, sans soucis réels pour demain et les générations à venir. Un modèle insoutenable!
   Il ne reste qu’à espérer que l’héritage de ces temps difficiles engendrera un nouvel équilibre entre l’humanité et la nature, où le développement durable dressera les nouvelles règles de croissance et d’évolution. Mais il faudra sans doute toucher le fond du baril pour espérer le changement vital de nos façons de faire. La fin inévitablement tragique de l’ère économique pourrait bien initier une nouvelle ère de responsabilisation universelle, basée sur le respect de la vie et sur ce qui la supporte. Une ère nouvelle, où l’évaluation de la croissance d’un peuple serait mesurée en ‘qualité’ plutôt qu’en ‘quantité’.»

Jean Lemire, biologiste et explorateur québécois, fut chef des expéditions Mission Arctique (2002), Mission Baleines (2003), Mission Antarctique (2005-2006) et la mission 1000 jours pour la planète (2012-2016), toutes réalisées à bord du voilier Sedna IV. http://sedna.radio-canada.ca/fr/accueil

L'odyssée des illusions : le cri du coeur de Jean Lemire
La Presse | 17 novembre 2016

Les réflexions de Jean Lemire sont au coeur de son plus récent ouvrage, L'Odyssée des illusions, publié aux éditions La Presse. Il revisite pour l'occasion ses grandes expéditions, depuis l'Arctique jusqu'à l'Antarctique en passant par son tour du globe (1000 jours pour la planète), achevé en octobre dernier. Les quelque 150 photos sont à couper le souffle, fidèles à la beauté sauvage des coins explorés par l'équipage. [...]

Réconcilier l'écologie et l'économie
Aujourd'hui, il estime que le sort de la planète ne doit plus rester l'affaire des écologistes seuls. «J'en suis arrivé à la conclusion qu'il faut réconcilier les deux ‘écos’, l'écologie et l'économie. Aucune solution n'est possible sans plus de justice sociale. Les parents dont la priorité est de s'assurer que leurs enfants vont manger pendant la journée ne peuvent pas avoir la même conscience environnementale. Les acteurs du monde financier doivent se mobiliser.» C'est pour cette raison qu'il a demandé à l'homme d'affaires Alexandre Taillefer de signer la préface du livre.
   Il souhaite aussi une plus grande implication des décideurs. «L'environnement, ce n'est pas juste un titre qu'on ajoute à une fonction ministérielle. Il faut des gestes. C'est bien beau d'être populaire, de prendre des selfies et de déclarer que le Canada est de retour, mais quand on voit que le gouvernement Trudeau s'apprête à approuver le projet de pipeline, je m'interroge. On en est encore là? Les petites mesures, les petits gestes ne suffisent plus. Est-ce qu'on va finir par faire ce qu'il faut pour empêcher le pire de se produire? Parfois, j'ai peur que non.»
   Jean Lemire se défend toutefois d'avoir écrit un livre déprimant, et encore moins fataliste. «La montagne est haute, c'est vrai, mais il faut la gravir. Sinon, que lèguerons-nous aux générations futures?»



La planète et les chaussettes de Justin
David Goudreault
La Tribune 20 avril 2018

«Il faut savoir que, non seulement notre lieu d’habitation, mais l’espèce humaine elle-même est en danger.» ~ Hubert Reeves

CHRONIQUE / Nous sommes tous un peu Justin : «Oui oui, ça nous touche, nous concerne et nous consterne. L’environnement est une priorité et nous passons à l’action...» Certains l’assument avec moins d’hypocrisie, d’autres seraient prêts à retourner ciel et terre pour s’en défendre, mais comme notre fin stratège de premier ministre, notre écologisme en est un de façade.

De petits gestes suffisent à nous donner bonne conscience : un peu de recyclage par ci, une pomme bio par là et le tour est joué. Mais c’est oublié que notre recyclage est de plus en plus insignifiant, les Chinois n’achètent plus en masse nos cargos de papiers souillés (qui polluaient déjà par leur expédition et leur traitement). Et c’est aussi omettre que nos dispendieux fruits et légumes bios voyagent davantage que nous, que l’empreinte écologique de leur transport suffit souvent à annuler leur bienfait environnemental. Consommer local? Excellente idée, bonne chance! Il faut du courage et de l’organisation pour se nourrir ou se vêtir de produits locaux. Jetez un œil dans vos armoires, ouvrez vos tiroirs; trouvez-vous des pâtes, des conserves, des bobettes ou des chaussettes made in Québec? Non. On importe. Et Justin veut qu’on exporte...
   En campagne électorale, Trudeau fils n’en finissait plus d’embrasser la terre-mère, de la caresser de mille promesses : le Canada doit être un leader des énergies renouvelables, fini le temps des énergies fossiles, etc. Mais le voilà qui revient au pays à bride abattue pour régler l’impasse politique qui bloque le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. Non seulement il réaménage son horaire, mais il délaisse rapidement son inutile rôle de médiateur pour enfiler sa casquette d’entrepreneur. «On va pouvoir démontrer aux investisseurs que nous sommes un pays de droit où, quand les processus sont suivis comme il faut et qu’on approuve des projets, on est capables de créer ces projets». En d’autres mots, malgré la grogne des Premières Nations, le rejet populaire et l’insoumission de la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral est prêt à tout pour favoriser l’exportation du pétrole de l’Alberta. Et notre bon Justin qui repartait le lundi suivant pour signer des accords bilatéraux avec la France sur la lutte contre les changements climatiques. Contradictoire, dites-vous?
   Je suis un peu écologiste et très fatigué. Les écologistes acharnés qui font preuve de cohérence soutenue entre leurs idées et leurs actions doivent être carrément épuisés. Aux limites du véganisme, informé, voyageur écoresponsable et dons en sus, j’y ai cru. Je me suis slaqué le pompon depuis. Toujours pas de viande, mais un peu plus de poisson et d’indulgence au menu. Les arriérés qui laissent tourner leurs moteurs m’énervent autant, mais je reste zen. L’explosion des ventes de VUS et de pick-up au Québec me laisse presque de marbre. L’extinction imminente des papillons monarques ne me concerne plus, pas plus que la mort récente de Sudan, le dernier rhinocéros blanc de la planète. Je mange des pommes bios et je mets mon carton dans le bon bac. Pour tout le reste, je n’y peux rien...
   Mais Justin y pourrait quelque chose, lui. Voilà la cruelle vérité qui se dissimule derrière la responsabilisation individuelle martelée par les campagnes gouvernementales : les individus, même informés et mobilisés, ne peuvent endiguer le réchauffement climatique et le saccage de la biodiversité tant que les grandes industries pourront polluer en paix. Monsanto détruit davantage de sols fertiles qu’on ne peut produire de vergers bio; Walmart fait parcourir davantage de kilomètres à ses cochonneries de plastique que nos voitures électriques ne pourraient en couvrir; les pétrolières déversent davantage de pétrole dans l’eau et dans le sol que celui que je pourrais économiser en échangeant ma Corolla pour un unicycle.
   La population est sensibilisée, même si nos choix de consommateurs ne le reflètent pas toujours. Les scientifiques sonnent l’alarme depuis trop longtemps déjà. On a atteint un certain consensus sur l’urgence d’établir des mesures d’envergure pour freiner la pollution. Mais la volonté politique manque à l’appel.
   Trump s’en sacre comme de sa première pute. Climatosceptique assumé, il a le mérite de donner l’heure juste : il ne faut pas compter sur l’immense pollueur qu’est notre voisin du sud. Mais Justin lui, avec ses belles promesses vertes, ses diversions, ses engagements non contraignants sur trente ans et ses chaussettes assorties, il joue sur tous les tableaux, mais surtout sur celui de l’industrie. Des industries trop souvent subventionnées ou placées à l’abri de l’impôt, des coûts sociaux et environnementaux liés à leurs activités. Toujours l’économie avant l’écologie, à tout prix.
   Ce dimanche, c’est le jour de la Terre. Vous aviez prévu quelque chose de spécial pour la célébrer? Les multinationales, les pétrolières et Justin Trudeau non plus.



Comment le plastique a envahi notre vie depuis les années 50 (1)  

«Un matin comme un autre. J’ouvre un œil. Je me retourne dans mes draps cinquante pour cent polyester (plastique). J’éteins mon radioréveil en styrène (plastique). Je gagne à tâtons les dalles en vinyle (plastique) de ma salle de bains. Pommeau de douche en plastique. Shampooing dans un flacon de plastique. Porte-serviette en plastique, serviette en fibres synthétiques : plastiques, vous dis-je!
   Je m’habille : 50 pour 100 polyester (plastique). Je me chausse : mes semelles sont en polyéthylène (plastique). Petit déjeuner : cafetière électrique en plastique et gâteau emballé dans du plastique. Par bonheur, le café est bio... Je bois un jus de fruit que contenait une bouteille en polychlorure de vinyle (plastique). Je me passe un DVD de musique, support en mylar (plastique). Je sors ma poubelle en plastique.
   Je suis plastifié jusqu’à l’os... Notre civilisation se drogue aux plastiques. Elle est emballée dedans comme la mouche dans la toile d’araignée. Elle en use et en abuse, de toutes les textures et de toutes les couleurs. Elle ne peut plus s’en passer. Non seulement elle emballe et s’emballe, mais elle suremballe!
   Or, les plastiques sont préparés, synthétisés, polymérisés à partir du pétrole. Ils recèlent du chlore et cent composés polluants qui provoquent des allergies, des stérilités, des cancers, des naissances anormales. Nous en fabriquons des dizaines de millions de tonnes par an, que nous jetons à peine employées; qui encombrent nos décharges; ou que nous brûlons en commettant des crimes à la dioxine ou aux PCB...     
   Je suis anéanti. Je pense me recoucher pour oublier. J’entends pleurer dans la chambre voisine. Mon petit-fils se réveille. Je crois que je vais aller lui voler sa tétine (en plastique), me la planter entre les lèvres et la sucer une heure ou deux pour me rassurer.
   Nos déchets de plastique se retrouvent en grande quantité partout, notamment dans la mer. Ils y flottent, en surface ou entre deux eaux. Ils sont là pour des siècles... Ils tournent avec les grands courants océaniques. On en a découvert deux concentrations hallucinantes, l’une dans le Pacifique Nord, l’autre dans l’Atlantique Nord, qu’on appelle les «grands gyres» ou les «grands maelströms». Dans ces zones, les océanographes ne pêchent pas moins de 5 kilogrammes de ces déchets par kilomètre carré, soit six fois plus que de plancton! Bon appétit aux tortues marines, aux grands poissons, aux dauphins qui gobent ces débris de toutes tailles, par inadvertance ou par erreur, en les confondant avec des proies…
   Je l’ai dit plusieurs fois : je suis bipolaire. 90 % de désespoir, 10 % d’espoir...
J’écris pour clamer ce que je vois poindre au XXIe siècle : d’immenses peines pour nos enfants et petits-enfants. Des désastres difficiles à imaginer, mais qu’il nous faut quand même tenter de décrire d’avance – si nous voulons nous donner une chance de les éviter...» ~ Yves Paccalet (ancien blogue fermé, décembre 2012)

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(1) Après la Libération en 1945 et avec les années 50, la consommation de masse et la diversification crée une explosion des demandes et confortent l’essor de cette industrie nouvelle. Les matières plastiques seront essentiellement fabriquées par la pétrochimie, à partir du pétrole ou du gaz naturel. Les usages sont très variés et entrent «dans les petits objets de la vie de tous les jours».
   Le choc pétrolier de 1973 marque un tournant : les plastiques, considérés comme matières de substitution jetables et bas de gamme, deviennent souvent des matériaux sophistiqués et de haute technicité. La production mondiale de plastiques augmente chaque année (+ 2,9 % en 2012) et pose des problèmes liés à la pétrochimie et au devenir des plastiques usagés. La prise de conscience des enjeux environnementaux se développe et incite à de nouveaux progrès : amélioration du recyclage et de la biodégradabilité, utilisation de matières premières renouvelables, utilisation raisonnée des matériaux…
   Depuis 1950, année à laquelle le plastique fait son apparition dans notre vie quotidienne, nous avons produit et consommé à l’échelle mondiale 8,4 milliards de tonnes de plastique.

Source : Expédition LE 7e CONTINENT

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