L’épique combat d’Hubert Reeves pour la
biodiversité
Guillaume Bourgault-Côté
Le Devoir | 9 avril 2018
Devant le péril qui menace l’humanité,
Hubert Reeves appelle à dire non, et se battre avec l’obstination d’un enfant.
«Les décisions qui vont être prises ces années-ci vont influencer le cours de la vie humaine pendant des milliers d’années.»
C’est
l’astrophysicien Hubert Reeves qui le pense et le dit : l’heure est critique si
l’on veut sauver la planète du sort que l’humanité lui concocte à grands coups
de gaz à effet de serre et de pompage de ressources naturelles. Critique… mais
pas sans espoir.
«On est dans un combat épique entre deux
forces, expose-t-il à la fin du documentaire La Terre vue du coeur : une force
de destruction et de détérioration, puis une force de restauration. Et les deux
courants croissent.» «Personne n’a la moindre idée de ce que sera cette planète
dans 50 ans», ajoute Reeves. Mais dans ces circonstances, une seule attitude
est possible : lutter, croit celui dont le regard sur la question a gagné en
optimisme au fil des ans.
Le légendaire scientifique à la barbe
blanche établit ailleurs dans le film de Iolande Cadrin-Rossignol un parallèle
entre la situation actuelle et celle prévalant durant la Deuxième Guerre
mondiale.
Le mouvement nazi faisait alors craindre la
disparition de la civilisation, rappelle-t-il. «Cependant, une personne a dit
non – Churchill. Il a dit : “On va défendre la civilisation jusqu’au bout. On
va être obstinés comme des enfants.” Et à partir de son courage, les choses ont
progressivement évolué et on a pu sauver la civilisation.»
«Aujourd’hui, ce n’est pas la civilisation
qui est en péril, c’est l’avenir de l’humanité, soutient Reeves. Mais il faut
une attitude analogue à celle de Churchill : il faut dire non, nous allons nous
battre.»
Ces constats – et ce requiem – traversent le
film de Cadrin-Rossignol, qui travaille pour la troisième fois avec Hubert
Reeves. Sorte de grand plaidoyer pour la sauvegarde de la biodiversité
terrestre, La Terre vue du coeur
aborde des thèmes connus (la sixième extinction provoquée par l’être humain,
les ravages infligés à la planète, l’interdépendance des êtres vivants…) en
visant un triple objectif : faire comprendre la menace; illustrer la
prodigieuse beauté de la biodiversité terrestre et océanique; et susciter des
envies d’action.
On pourrait ainsi l’inscrire dans la
mouvance du documentaire français Demain,
qui a connu beaucoup de succès il y a deux ans. Le traitement est différent,
mais le ton (dans les deux cas, on s’adresse à un public qui ne suit pas le
dossier au jour le jour) et le message fondamental – des actions positives sont
possibles – se ressemblent passablement.
«On ne voulait pas un film exaspérant ou
accablant, disait la réalisatrice mercredi en entrevue. Beaucoup de films sur
le sujet disent que c’est épouvantable. La réalité est que la situation est
urgente, oui, mais aussi qu’il faut agir. Et on a voulu que les gens sortent du
film avec le pouvoir de changer les choses, peu importe qui ils sont.»
Des énergies partout
Le
documentaire est construit autour des interventions et observations d’Hubert
Reeves, filmé dans sa ferme en Bourgogne. Mais autour de ce pivot, d’autres
scientifiques, auteurs, avocats, philosophes ou militants font oeuvre de
pédagogie en démontrant ce qui ne fonctionne pas, mais aussi quelles solutions
existent pour renverser la vapeur.
On croise ainsi une exploratrice américaine
des eaux profondes, une botaniste autochtone américaine, l’écrivain et
sociologue français Frédéric Lenoir, le directeur du Jardin botanique de
Montréal, une spécialiste de l’intelligence animale, etc. «Des spécialistes,
mais aussi des gens engagés», note Iolande Cadrin-Rossignol.
«Il y a des gens partout, des énergies, des
consciences qui font bouger les choses», dit Lenoir dans le film. Il transmet
le message qu’il faut « passer à une logique de qualité plutôt que de quantité
: ne pas considérer la planète comme un objet qu’on peut piller. Il faut
considérer que la nature est un organisme vivant avec qui on doit être en relation,
en communion.» D’un intervenant à l’autre, les sujets d’intérêt changent, mais
pas la finalité de la réflexion.
Michel Labrecque, du Jardin botanique de
Montréal, a reçu le film comme un «appel à ne pas baisser les bras. J’ai été
bouleversé, mais ravi, de voir qu’on est plusieurs intervenants de différentes
sphères, de toutes sortes de formations, et que nos propos concordent,
disait-il la semaine dernière. On est tous avec les mêmes inquiétudes, mais en
même temps on est tous accrochés à de l’espoir».
«Personne n’arrive avec une solution
miracle, ou encore en disant que c’est la catastrophe. On amène notre petite
lumière à cette tragédie», ajoute-t-il.
Elle aussi présente dans le film, Élise
Desaulniers – la directrice générale de la SPCA de Montréal – estime que le
documentaire est l’un « des rares où on voit qu’il y a un dialogue, et non une
division, entre le mouvement écolo et celui pour le droit des animaux».
Un appel au coeur
Pour
offrir un film qui en imposerait suffisamment côté biodiversité, Mme
Cadrin-Rossignol s’est tournée vers l’achat d’archives de «sources très
différentes». «Un travail très long, lourd et coûteux», dit-elle.
Mais l’impact visuel est là : la puissance
des morses de l’Arctique, les forces mystérieuses des forêts tropicales,
l’éclat de la bioluminescence qui anime les profondeurs des océans… La Terre
vue du coeur fait ainsi justement appel au coeur pour inspirer la prise de
conscience. «C’est un regard qui essaie de comprendre, mais aussi de sentir»,
suggère le sage Reeves.
Des séances, des discussions
La Terre
vue du coeur, avec Hubert Reeves, prendra l’affiche en salle le 13 avril, et
fera l’objet de présentations spéciales le 22 avril pour souligner le Jour de
la Terre. Des discussions avec des intervenants du film sont aussi prévues
après certaines séances : les 13 et 15 avril au Cinéma Beaubien à Montréal, de
même que le 14 avril au Cinéma Le Clap de Québec.
La terre
vue du cœur – En salles du 13 au 19 avril
au Cinéma Beaubien et au Cineplex Quartier Latin à Montréal, et au Cinéma Le
Clap et au Cinéma Cartier à Québec.
Projections
partout ailleurs au Québec et en Europe le 22
avril pour le Jour de la Terre / Earth Day.
Projections 22 avril : https://www.laterrevueducoeur.com/o-voir-le-film/
Projections 22 avril : https://www.laterrevueducoeur.com/o-voir-le-film/
En attendant, au choix : deux bandes-annonces un peu différentes.
Trop tard – La fin d'un monde et le début d'un nouveau
Harvey L. Mead | Écosociété 2017
Il est
trop tard pour préserver la vie telle que nous la connaissons. Trop tard aussi
pour le développement durable. C’est le constat implacable que dresse Harvey L.
Mead, vétéran de la scène environnementale. Depuis la publication en 1972 du
rapport du Club de Rome sur les limites à la croissance, véritable boussole du
mouvement écologiste, la situation, loin de s’être améliorée, n’a fait
qu’empirer. Les belles heures du développement économique sont derrière nous,
les émissions de gaz à effet de serre et la pollution continuent d’augmenter,
les changements climatiques s’accélèrent, les ressources se raréfient…
Refusant de sombrer dans un pessimisme
stérile, Harvey L. Mead prend le parti d’un optimisme opérationnel pour
combattre l’inertie idéologique ambiante, convaincu que nous n’avons pas
d’autre choix: soit nous changeons notre système par un effort communautaire
massif, soit ce système s’effondrera sous le poids de ses excès, qu’ils soient
économiques, sociaux ou écologiques.
L’idée d’une transition «douce» pour modifier
la trajectoire délétère que nous avons prise est impossible, tout comme le
maintien du paradigme de la croissance. Les défenseur.e.s de l’environnement et
les militant.e.s pour le changement social doivent urgemment intégrer cet état
de fait. Faut-il pour autant sombrer
dans le désespoir? Au contraire! Il est impératif de définir les bases de
nouveaux systèmes socioéconomiques qui survivront à la série d’effondrements à
venir. Car c’est bien la fin d’un monde et le début d’un nouveau que nous devons
bâtir. Retroussons-nous les manches, il est trop tard pour désespérer!
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(1) Le Canada, le deuxième plus grand pollueur de la planète à cause de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta, ne lâche pas prise...
Kinder Morgan : non, l’économie et l’environnement ne vont pas toujours de pair Par Fannie Olivier
Article intégral :
Quand il
affirme que l’économie et l’environnement vont de pair, Justin Trudeau
sous-entend que pour que soient acceptés des projets énergétiques polluants, il
doit en même temps y avoir des actions musclées pour lutter contre leurs effets
néfastes sur le climat. En d’autres mots : il faut accepter l’expansion de
l’oléoduc de Kinder Morgan pour qu’un prix sur le carbone soit imposé.
Les environnementalistes, la
Colombie-Britannique et une kyrielle de groupes autochtones continuent de
s’opposer au pipeline malgré l’intention d’Ottawa d’imposer une taxe sur le
carbone. Et les détracteurs d’une taxe carbone n’ont pas adouci leur position
devant l’éventualité de l’élargissement de la capacité du pipeline.
Parce qu’au fond, les deux dossiers sont bel
et bien séparés. Tous les Canadiens ressentiront l’effet (modeste) d’un prix
sur le carbone dans leur portefeuille. Mais seulement ceux qui habitent près du
tracé de Kinder Morgan ou sur la côte pacifique seraient frappés advenant un
déversement pétrolier. C’est un cas typique du «pas dans ma cour» : le pétrole acheminé dans l’oléoduc Trans
Mountain n’étant pas destiné aux Britanno-Colombiens, mais à l’exportation vers
les marchés asiatiques, quel intérêt ont-ils à accepter le risque d’un
déversement? Personne pour l’instant ne leur a répondu d’une façon qu’ils ont
trouvée satisfaisante.
Justin Trudeau assure que le projet de
Kinder Morgan est dans «l’intérêt national» et qu’il ira de l’avant coûte que
coûte. S’il affirme que toutes les options sont sur la table pour que la
Colombie-Britannique cesse son obstruction, il ne spécifie toutefois pas
quelles sont ces options.
Selon l’article 92 de la Constitution
canadienne, c’est à Ottawa de trancher quand de tels projets traversent
plusieurs provinces. La portée de ses pouvoirs paraît assez claire, mais ses
outils demeurent limités.
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Ottawa dit manquer de ressources pour
protéger les espèces en péril
Environnement
Canada a fait cet aveu étonnant devant la Cour fédérale, en septembre dernier,
dans le cadre d'un recours juridique déposé par la Société pour la nature et
les parcs (SNAP).
«Ce que
je dis, c'est que ce n'est pas tant une question de politique [policy] qu'une
considération pragmatique. Nous avons des ressources limitées pour répondre aux
exigences du Registre public des espèces en péril. Nous devons donc faire des
choix difficiles.»
Ottawa songe à investir dans l'oléoduc Trans Mountain
Le
gouvernement fédéral n'a pas exclu lundi d'investir des sommes pour l'expansion
de l'oléoduc Trans Mountain afin qu'il aille de l'avant, comme songe à le faire
le gouvernement de l'Alberta.
«Notre gouvernement examine activement
toutes les options à sa disposition pour faire avancer ce projet, qu'elles
soient réglementaires, juridiques ou financières, a fait savoir le ministre fédéral
des Ressources naturelles, Jim Carr, par courriel. Nous travaillerons de
concert avec tous les partenaires de bonne volonté. Ce pipeline va se
construire.»
http://www.lapresse.ca/affaires/economie/energie-et-ressources Suggestions : pas de fonds publics pour l’oléoduc Trans Mountain, ni pour les défilés de mode en Inde ni les cours de danse de Mélanie Joly (ministre du Patrimoine canadien).
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