10 avril 2018

900 000 raisons de boycotter Trans Mountain

Le projet Trans Mountain vise à tripler la capacité du pipeline existant, la faisant passer de 300 000 à 890 000 barils de pétrole par jour. (1)  

L’épique combat d’Hubert Reeves pour la biodiversité

Guillaume Bourgault-Côté

Le Devoir | 9 avril 2018



Devant le péril qui menace l’humanité, Hubert Reeves appelle à dire non, et se battre avec l’obstination d’un enfant.


«Les décisions qui vont être prises ces années-ci vont influencer le cours de la vie humaine pendant des milliers d’années.»

C’est l’astrophysicien Hubert Reeves qui le pense et le dit : l’heure est critique si l’on veut sauver la planète du sort que l’humanité lui concocte à grands coups de gaz à effet de serre et de pompage de ressources naturelles. Critique… mais pas sans espoir.
   «On est dans un combat épique entre deux forces, expose-t-il à la fin du documentaire La Terre vue du coeur : une force de destruction et de détérioration, puis une force de restauration. Et les deux courants croissent.» «Personne n’a la moindre idée de ce que sera cette planète dans 50 ans», ajoute Reeves. Mais dans ces circonstances, une seule attitude est possible : lutter, croit celui dont le regard sur la question a gagné en optimisme au fil des ans.
   Le légendaire scientifique à la barbe blanche établit ailleurs dans le film de Iolande Cadrin-Rossignol un parallèle entre la situation actuelle et celle prévalant durant la Deuxième Guerre mondiale.
   Le mouvement nazi faisait alors craindre la disparition de la civilisation, rappelle-t-il. «Cependant, une personne a dit non – Churchill. Il a dit : “On va défendre la civilisation jusqu’au bout. On va être obstinés comme des enfants.” Et à partir de son courage, les choses ont progressivement évolué et on a pu sauver la civilisation.»
   «Aujourd’hui, ce n’est pas la civilisation qui est en péril, c’est l’avenir de l’humanité, soutient Reeves. Mais il faut une attitude analogue à celle de Churchill : il faut dire non, nous allons nous battre.»
   Ces constats – et ce requiem – traversent le film de Cadrin-Rossignol, qui travaille pour la troisième fois avec Hubert Reeves. Sorte de grand plaidoyer pour la sauvegarde de la biodiversité terrestre, La Terre vue du coeur aborde des thèmes connus (la sixième extinction provoquée par l’être humain, les ravages infligés à la planète, l’interdépendance des êtres vivants…) en visant un triple objectif : faire comprendre la menace; illustrer la prodigieuse beauté de la biodiversité terrestre et océanique; et susciter des envies d’action.
   On pourrait ainsi l’inscrire dans la mouvance du documentaire français Demain, qui a connu beaucoup de succès il y a deux ans. Le traitement est différent, mais le ton (dans les deux cas, on s’adresse à un public qui ne suit pas le dossier au jour le jour) et le message fondamental – des actions positives sont possibles – se ressemblent passablement.
   «On ne voulait pas un film exaspérant ou accablant, disait la réalisatrice mercredi en entrevue. Beaucoup de films sur le sujet disent que c’est épouvantable. La réalité est que la situation est urgente, oui, mais aussi qu’il faut agir. Et on a voulu que les gens sortent du film avec le pouvoir de changer les choses, peu importe qui ils sont.»

Des énergies partout
Le documentaire est construit autour des interventions et observations d’Hubert Reeves, filmé dans sa ferme en Bourgogne. Mais autour de ce pivot, d’autres scientifiques, auteurs, avocats, philosophes ou militants font oeuvre de pédagogie en démontrant ce qui ne fonctionne pas, mais aussi quelles solutions existent pour renverser la vapeur.
   On croise ainsi une exploratrice américaine des eaux profondes, une botaniste autochtone américaine, l’écrivain et sociologue français Frédéric Lenoir, le directeur du Jardin botanique de Montréal, une spécialiste de l’intelligence animale, etc. «Des spécialistes, mais aussi des gens engagés», note Iolande Cadrin-Rossignol.
   «Il y a des gens partout, des énergies, des consciences qui font bouger les choses», dit Lenoir dans le film. Il transmet le message qu’il faut « passer à une logique de qualité plutôt que de quantité : ne pas considérer la planète comme un objet qu’on peut piller. Il faut considérer que la nature est un organisme vivant avec qui on doit être en relation, en communion.» D’un intervenant à l’autre, les sujets d’intérêt changent, mais pas la finalité de la réflexion.
   Michel Labrecque, du Jardin botanique de Montréal, a reçu le film comme un «appel à ne pas baisser les bras. J’ai été bouleversé, mais ravi, de voir qu’on est plusieurs intervenants de différentes sphères, de toutes sortes de formations, et que nos propos concordent, disait-il la semaine dernière. On est tous avec les mêmes inquiétudes, mais en même temps on est tous accrochés à de l’espoir».
   «Personne n’arrive avec une solution miracle, ou encore en disant que c’est la catastrophe. On amène notre petite lumière à cette tragédie», ajoute-t-il.
   Elle aussi présente dans le film, Élise Desaulniers – la directrice générale de la SPCA de Montréal – estime que le documentaire est l’un « des rares où on voit qu’il y a un dialogue, et non une division, entre le mouvement écolo et celui pour le droit des animaux».

Un appel au coeur
Pour offrir un film qui en imposerait suffisamment côté biodiversité, Mme Cadrin-Rossignol s’est tournée vers l’achat d’archives de «sources très différentes». «Un travail très long, lourd et coûteux», dit-elle.
   Mais l’impact visuel est là : la puissance des morses de l’Arctique, les forces mystérieuses des forêts tropicales, l’éclat de la bioluminescence qui anime les profondeurs des océans… La Terre vue du coeur fait ainsi justement appel au coeur pour inspirer la prise de conscience. «C’est un regard qui essaie de comprendre, mais aussi de sentir», suggère le sage Reeves.

Des séances, des discussions
La Terre vue du coeur, avec Hubert Reeves, prendra l’affiche en salle le 13 avril, et fera l’objet de présentations spéciales le 22 avril pour souligner le Jour de la Terre. Des discussions avec des intervenants du film sont aussi prévues après certaines séances : les 13 et 15 avril au Cinéma Beaubien à Montréal, de même que le 14 avril au Cinéma Le Clap de Québec.

La terre vue du cœur – En salles du 13 au 19 avril au Cinéma Beaubien et au Cineplex Quartier Latin à Montréal, et au Cinéma Le Clap et au Cinéma Cartier à Québec.
Projections partout ailleurs au Québec et en Europe le 22 avril pour le Jour de la Terre / Earth Day. 

Projections 22 avril : https://www.laterrevueducoeur.com/o-voir-le-film/


En attendant, au choix : deux bandes-annonces un peu différentes. 



 

Trop tardLa fin d'un monde et le début d'un nouveau
Harvey L. Mead | Écosociété 2017

Il est trop tard pour préserver la vie telle que nous la connaissons. Trop tard aussi pour le développement durable. C’est le constat implacable que dresse Harvey L. Mead, vétéran de la scène environnementale. Depuis la publication en 1972 du rapport du Club de Rome sur les limites à la croissance, véritable boussole du mouvement écologiste, la situation, loin de s’être améliorée, n’a fait qu’empirer. Les belles heures du développement économique sont derrière nous, les émissions de gaz à effet de serre et la pollution continuent d’augmenter, les changements climatiques s’accélèrent, les ressources se raréfient…
   Refusant de sombrer dans un pessimisme stérile, Harvey L. Mead prend le parti d’un optimisme opérationnel pour combattre l’inertie idéologique ambiante, convaincu que nous n’avons pas d’autre choix: soit nous changeons notre système par un effort communautaire massif, soit ce système s’effondrera sous le poids de ses excès, qu’ils soient économiques, sociaux ou écologiques.
   L’idée d’une transition «douce» pour modifier la trajectoire délétère que nous avons prise est impossible, tout comme le maintien du paradigme de la croissance. Les défenseur.e.s de l’environnement et les militant.e.s pour le changement social doivent urgemment intégrer cet état de fait. Faut-il pour autant sombrer dans le désespoir? Au contraire! Il est impératif de définir les bases de nouveaux systèmes socioéconomiques qui survivront à la série d’effondrements à venir. Car c’est bien la fin d’un monde et le début d’un nouveau que nous devons bâtir. Retroussons-nous les manches, il est trop tard pour désespérer!

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(1) Le Canada, le deuxième plus grand pollueur de la planète à cause de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta, ne lâche pas prise... 

Kinder Morgan : non, l’économie et l’environnement ne vont pas toujours de pair Par Fannie Olivier 
Article intégral :

Quand il affirme que l’économie et l’environnement vont de pair, Justin Trudeau sous-entend que pour que soient acceptés des projets énergétiques polluants, il doit en même temps y avoir des actions musclées pour lutter contre leurs effets néfastes sur le climat. En d’autres mots : il faut accepter l’expansion de l’oléoduc de Kinder Morgan pour qu’un prix sur le carbone soit imposé.
   Les environnementalistes, la Colombie-Britannique et une kyrielle de groupes autochtones continuent de s’opposer au pipeline malgré l’intention d’Ottawa d’imposer une taxe sur le carbone. Et les détracteurs d’une taxe carbone n’ont pas adouci leur position devant l’éventualité de l’élargissement de la capacité du pipeline.
   Parce qu’au fond, les deux dossiers sont bel et bien séparés. Tous les Canadiens ressentiront l’effet (modeste) d’un prix sur le carbone dans leur portefeuille. Mais seulement ceux qui habitent près du tracé de Kinder Morgan ou sur la côte pacifique seraient frappés advenant un déversement pétrolier. C’est un cas typique du «pas dans ma cour» : le pétrole acheminé dans l’oléoduc Trans Mountain n’étant pas destiné aux Britanno-Colombiens, mais à l’exportation vers les marchés asiatiques, quel intérêt ont-ils à accepter le risque d’un déversement? Personne pour l’instant ne leur a répondu d’une façon qu’ils ont trouvée satisfaisante.
   Justin Trudeau assure que le projet de Kinder Morgan est dans «l’intérêt national» et qu’il ira de l’avant coûte que coûte. S’il affirme que toutes les options sont sur la table pour que la Colombie-Britannique cesse son obstruction, il ne spécifie toutefois pas quelles sont ces options.
   Selon l’article 92 de la Constitution canadienne, c’est à Ottawa de trancher quand de tels projets traversent plusieurs provinces. La portée de ses pouvoirs paraît assez claire, mais ses outils demeurent limités.

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Ottawa dit manquer de ressources pour protéger les espèces en péril
Environnement Canada a fait cet aveu étonnant devant la Cour fédérale, en septembre dernier, dans le cadre d'un recours juridique déposé par la Société pour la nature et les parcs (SNAP).
   «Ce que je dis, c'est que ce n'est pas tant une question de politique [policy] qu'une considération pragmatique. Nous avons des ressources limitées pour répondre aux exigences du Registre public des espèces en péril. Nous devons donc faire des choix difficiles.»

Ottawa songe à investir dans l'oléoduc Trans Mountain
Le gouvernement fédéral n'a pas exclu lundi d'investir des sommes pour l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain afin qu'il aille de l'avant, comme songe à le faire le gouvernement de l'Alberta.
   «Notre gouvernement examine activement toutes les options à sa disposition pour faire avancer ce projet, qu'elles soient réglementaires, juridiques ou financières, a fait savoir le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jim Carr, par courriel. Nous travaillerons de concert avec tous les partenaires de bonne volonté. Ce pipeline va se construire.»
http://www.lapresse.ca/affaires/economie/energie-et-ressources  

Suggestions : pas de fonds publics pour l’oléoduc Trans Mountain, ni pour les défilés de mode en Inde ni les cours de danse de Mélanie Joly (ministre du Patrimoine canadien).

Caricature : Serge Chapleau, 6 avril 2018; La Presse 

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