J’aimerais aussi mentionner qu’en
2011, la Catalogne a interdit la corrida. Avec celles et ceux qui ont un cœur
au lieu d’une roche dans la poitrine, je me réjouissais de l’abolition des
spectacles de tauromachie. «Vous, les hommes, vous avez un problème avec la
testostérone. Un peu moins de sensibilité avec les choses. C’est une victoire
de Barcelone, de la Catalogne, de l’Europe. Chaque fois que l’humanité change en mieux, c’est une victoire du monde»,
disait à l’époque Mme Pilar Rohola, chroniqueuse et passionaria de la lutte
contre la tauromachie. Minuscule victoire, certes, puisque les taureaux allaient
affronter picadors et toreros ailleurs dans la péninsule ou dans les arènes
françaises. Je fus stupéfaite le jour où j’appris que la corrida était sur la
liste du Patrimoine Immatériel Français
de la Culture – la cruauté et la barbarie promues au rang de patrimoine
culturel! À ceux qui considèrent qu’il faut d’abord s’occuper des humains,
considérons que l’un n’empêche pas l’autre et que les deux réalités se
recoupent étrangement en matière de cruauté subie.
Bref, loin de moi l’intention d’analyser le conflit hispano-catalan; c’est hors de mes compétences. Cependant, je ne peux m’empêcher de déplorer les sinistres décisions dictatoriales du gouvernement espagnol.
J’ai
trouvé notre presse officielle (locale) vraiment stupide d’oser
demander pourquoi le président catalan s’était rendu à Bruxelles. Par sagesse
et mesure de prévention à la fois pour sa personne et la population catalane. Dites-moi,
qui voudrait être emprisonné pour 15-30 ans (peut-être même assassiné) par un
copié/collé de régime franquiste (1)? Le gouvernement central espagnol a catégoriquement refusé toute négociation
et traité la question comme s’il s’agissait d’un putsch!
J’ai le
plus grand des respects envers le peuple et le gouvernement actuel de la
Catalogne, d’une dignité incomparable. Il suffit de regarder les vidéos
montrant les actes violents de la Garde civile lors du vote le 1er
octobre pour comprendre ce que signifie répression
dans la tête du président espagnol. Un horrible présage de ce qui pourrait se
produire si le conflit ne se résout de manière intelligente et pacifique.
Les
événements ont pris la tournure d’un Catch 22 (perdant-perdant). En outre, mis
à part la Belgique, je trouve l’attitude des chefs d’états occidentaux d’une
lâcheté inouïe face aux décrets tyranniques du pouvoir espagnol.
Il faut
beaucoup d’intelligence pour répondre à un sot avec des mots qu’il puisse
comprendre.
«Carles Puigdemont, qui se considère toujours
comme le «président légitime» de la Catalogne, a par ailleurs déclaré que les accusations de sédition, de rébellion et de
malversation [et de
prévarication] que Madrid
entend porter contre lui et les membres de son cabinet sont infondées et
animées par des motifs politiques.
Le leader
indépendantiste se défend d'être venu en Belgique pour demander l'asile, disant
y être davantage pour des questions de
sécurité et de liberté. Il se dit d'ailleurs prêt à retourner en Catalogne
s'il obtient des garanties sur ces aspects. Carles Puigdemont, qui a été
destitué avec tout son gouvernement le week-end dernier par Madrid. Ces
accusations pourraient valoir des années d’emprisonnement à Carles Puigdemont
et ses ministres.
La
justice espagnole a également convoqué la présidente destituée du Parlement
catalan, Carme Forcadell, devant la Cour suprême espagnole pour être inculpée
après la déclaration d'indépendance de vendredi dernier. Cinq autres membres du
bureau des présidents du Parlement catalan ont aussi été convoqués par la
justice. Ils seront entendus les 2 et 3 novembre, en présence de leurs avocats.
Pendant
ce temps, en Catalogne, la Garde civile espagnole a perquisitionné au siège de
la police catalane dans le cadre d'une enquête sur le référendum
d'autodétermination du 1er octobre. Le plébiscite, qui avait été interdit par
la justice espagnole, a eu lieu malgré tout et a donné lieu à des violences
policières envers des électeurs qui désiraient exprimer leur droit de vote.» Source : Radio-Canada Info, 31 octobre 2017
«[La
mémoire humaine] n’est pas qu’une
somme de données, immédiatement accessibles ou immédiatement effaçables. Cette
capacité a une dimension qualitative, verticale, ontologique. D’abord elle
constitue et définit sans cesse notre identité d’homme. En elle, nous faisons l’épreuve
de notre singularité. Nos actes et nos manières d’être passés sont intégrés – jamais
réduits à néant. Ils passent dans le tissu de ce que nous sommes, identité
mobile, présente et passée, identité d’un corps et d’une personne prise dans l’être
et ce qui a été. [...] La mémoire humaine n’est pas
toute-puissante. Sa fragilité est en même temps force de l’imaginaire et de la
libre création. Les régimes totalitaires
l’ont compris : détruire l’homme, c’est d’abord et continuellement
détruire la mémoire en lui, la mémoire d’être soi et la mémoire de faire partie
du genre humain. Voilà qu’elle se transforme en espace neutre et malléable,
impersonnel, condamnée pour «trahison» : la mémoire devient coupable d’une
faute incorrigible, avoir été, avoir été la trace autonome et fière de la
subjectivité. Par conséquent, un
seul mot d’ordre : tuer l’autre en soi, tous les autres, tout ce que nous
sommes parce qu’un jour, nous l’avons été, cet être humain. Négation de l’histoire personnelle qui
donne naissance à toutes les négations.»
~ Marie-Noëlle
Agniau (Méditations du temps présent,
La poubelle de l’instant, p. 38; L’Harmattan 2008)
Une
fois de plus, je recommande vivement le film Le peuple interdit (1 et 2), du peintre et documentariste Alexandre Chartrand (sur tou.tv, pas
encore cadenassé dans l’Extra).
En 2014, un vote portant sur l’indépendance
de la Catalogne a été déclaré nul par le Tribunal constitutionnel de l’Espagne.
Ce documentaire nous transporte au cœur des plus grandes manifestations
d’Europe et des activités de militants engagés défiant les interdictions pour
exiger une démarche démocratique digne de leurs aspirations : la création d'un
nouvel état européen. Date de diffusion : 22 septembre 2017 Production : Le
Grand Imagier Inc. Réalisateur : Alexandre Chartrand
L’auteur suit le
processus d’autodétermination catalan depuis 2006. C’est un documentaire de
grande beauté, sobre, humain, émouvant. On «ressent» l’amour qu’il éprouve
envers les Catalans. Lors des manifestations, ces derniers expriment leurs
espoirs avec enthousiasme, mais sans hystérie ni débordement de colère, c’est
plutôt joyeux. Les célébrations de la «Diada» des dernières années, sous la
bannière de l’indépendance, ont parfois compté plus d’un million de personnes,
et à ma connaissance, aucun incident violent n’a eu lieu.
AIDE-MÉMOIRE
Catalogne
1930-2017 : le long chemin
La Catalogne a déclaré son indépendance vendredi,
mais ce n'est pas une première. C'est en fait la troisième fois en moins d'une
centaine d'années qu'est proclamée la République de la Catalogne. Le
gouvernement espagnol ne l'a cependant jamais entendu ainsi. Résumé, en une
trentaine de dates, de la quête parsemée d'embûches des nationalistes catalans.
Publié le vendredi 27 octobre 2017, mis à jour le
28 octobre 2017
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(1) La
guerre civile espagnole : récit d’un conflit sanglant –
De 1936 à 1939, l'Espagne s'est entre-déchirée dans une guerre opposant les
nationalistes de Franco et les républicains. En 1939, Barcelone et Madrid sont
conquises par les troupes franquistes, soutenues par Hitler et Mussolini. C'est
le début de la longue dictature du général Franco.
Le coup
d'État des nationalistes – La
guerre civile commence le 17 juillet 1936, lorsque des militaires dirigés par
le général Franco mènent un coup d'État contre le gouvernement républicain du
Front populaire. Élu démocratiquement en février 1936, le Front populaire est
formé d'une coalition de partis de gauche, appuyée notamment par les
nationalistes catalans et la Confédération nationale du travail (CNT), un
syndicat anarchiste.
Une guerre
violente, prélude à la Seconde Guerre mondiale – Dans un premier temps, le coup d'État est un échec complet.
L'intelligentsia et les ouvriers refusent de se laisser diriger par le
gouvernement de droite de Franco. De violents affrontements, des assassinats et
des exécutions ont lieu. En 1937, les nationalistes bombardent la ville basque
de Guernica, aidés par les avions nazis. Ce raid aérien entraîne la mort de
centaines de civils. La guerre sert de banc d'essai à Hitler et à Mussolini, en
préparation à la Seconde Guerre mondiale.
Des camps
de réfugiés en France – À
la fin de la guerre, des dizaines de milliers de réfugiés républicains, des
civils et des soldats, traversent la frontière française pour échapper à
l'emprisonnement ou à l'exécution. Les autorités françaises créent pour eux des
camps de réfugiés. Lorsque la guerre se termine, le Canada et la plupart des
pays occidentaux se réjouissent que le sang cesse de couler en Espagne. Mais,
sous le régime de Franco, la répression perdure jusque dans les années 1970.
Aujourd’hui l’histoire
| ICI Radio-Canada Première
110 000 personnes chantent Els Segadors (19 octobre 2014)
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