20 octobre 2017

SexLeak planétaire

Souhaitons que les dénonciations d’agression et de harcèlement sexuels ne restent pas lettre morte comme ce fut le cas tant de fois. Vu l’ampleur, peut-être que...

When enough is enough justice comes.

Caricature : Dave Granlund http://www.davegranlund.com/cartoons/

«Quand des hommes brisent des vies, la moindre des choses est de briser le silence.»
~ Guillaume Wagner (humoriste)  

Bien trouvé ce slogan : ‘Pour que la honte change de camp’

Le mot-clic dit tout : #balancetonporc

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Selon le code pénal français :

Se prétendre victime de propos tendancieux ne suffit pas toujours à obtenir réparation. Les juridictions du travail appréhendent désormais le contexte dans lequel les actes se sont déroulés. Sont considérées comme des situations de harcèlement sexuel :
une «personne qui impose à plusieurs reprises des propos ou des gestes sexistes, homophobes, ou obscènes»;
une «personne qui importune quotidiennement son collègue de travail en lui adressant des messages ou objets à connotation sexuelle malgré sa demande de cesser»;
le «propriétaire d'un logement, examinateur d'un concours ou employeur qui exigent une relation sexuelle en échange de la signature d'un contrat de bail, de la réussite d'un examen ou d'une embauche».
    La qualification de harcèlement sexuel ne nécessite pas la répétition d'agissements : un fait unique peut suffire à qualifier un acte comme constituant un harcèlement sexuel.    
   Toutefois, un contexte de familiarité réciproque pourrait annihiler les faits de harcèlement. Ainsi, si la personne accusée peut prouver que son accusateur a également eu des comportements familiers, voire évocateurs, à son égard, le harcèlement peut ne pas être reconnu. Exemple : on ne pouvait pas reprocher à l'accusé, un employé, d'avoir embrassé sa collaboratrice, puisque ces agissements «s'inscrivaient dans le cadre de relation de familiarité réciproque». En effet, la personne ayant porté plainte envoyait à l'accusé des mails ponctués de formules affectueuses.
    Ainsi, lorsqu'on estime être victime de harcèlement, il est primordial de ne donner à l'agresseur aucun signe pouvant être interprété comme évocateur ou encourageant. La clarté du comportement de la victime détermine la suite donnée à la plainte.
Joanne Bagshaw Ph.D. https://www.psychologytoday.com/ :
    Le mot-clic #metoo est devenu viral, et beaucoup de RSS Facebook ont été inondés de messages de femmes pour la plupart bien accueillis, mais souvent avec étonnement. Je trouve surprenant que les gens soient surpris de voir le nombre de femmes qui subissent des agressions sexuelles. Est-ce vraiment surprenant? Une femme sur cinq est agressée au cours de sa vie de tous les jours, la plupart du temps par quelqu’un de son entourage, ce qui signifie qu'au moins une femme de votre famille, plusieurs filles de votre classe et plusieurs femmes de votre milieu de travail ont été agressées sexuellement. Comment se fait-il que nous n’en savons pas plus sur la vie des femmes?
    Le harcèlement sexuel peut être plus difficile à prouver. De plus, les femmes sont confrontées à une double contrainte : leurs histoires ne sont pas crues, mais elles sont blâmées si elles ne les rapportent pas.

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Alors que les empires d’Éric Salvail et de Gibert Rozon implosent sous leurs yeux, Rose-Aimée Automne T. Morin, une ancienne employée des deux géants, nous explique pourquoi elle a choisi de se taire. Même si elle voyait bien ce qui se passait. Comme tout le monde.

J’ai travaillé pour Éric Salvail et Gilbert Rozon. Voici pourquoi je n’ai rien dit.
Par Rose-Aimée Morin | URBANIA | 19 octobre 2017

    Salut,
    Je suis ici pour présenter mes excuses.
    J’ai souvent souligné l’importance de la dénonciation. Je vous ai encouragés à parler, j’ai maudit le backlash que subissent les victimes qui prennent parole et je nous ai invités à collectivement nous fâcher contre la culture du viol et ses acteurs. Pourtant, j’ai travaillé pour Éric Salvail pendant trois ans et, alors que j’étais régulièrement témoin de scènes répréhensibles telles que citées dans l’enquête de La Presse, je n’ai pas dit un mot.
    Je n’ai absolument pas été à la hauteur de ce que je prêche. J’ai failli à mes valeurs, comme plusieurs personnalités du milieu médiatique.
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    Après Salvail, j’ai travaillé pour Gilbert Rozon. La seule fois où je l’ai croisé sur un plateau, il m’a chuchoté à l’oreille qu’il aimerait regarder sous ma jupe, convaincu que ce qu’il y avait là était très beau. Je n’ai rien dit publiquement, parce que rendue-là, j’avais l’impression que c’était normal, pour un boss, d’être complètement déplacé. De mettre le sexe au cœur de ses relations de travail.
    Mais c’est terminé. La digue a lâché. Le courage de celles et ceux qui parlent enclenche déjà une transformation. On ne pourra plus rester de marbre devant le comportement de ceux que le pouvoir rend malveillants de la sorte. J’imagine avec délectation certains décideurs trembler devant la vague de dénonciations et de conscientisation qui happe présentement l’Amérique.
[...]  


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Être victime ou non 

Par Michelle Larivey, psychologue (1944-2004)
La lettre du psy* | Ressources en Développement | Mai 2003

Qu'est-ce qui fait que certaines personnes sont une cible facile pour ceux qui veulent abuser d'elles? Quel est le jeu de forces et l'interaction pernicieuse qui s'établissent entre le «souffre-douleur» et son «bourreau»? Pourquoi ces personnes tolèrent-elles cette injustice et sont-elles incapables de se défendre? Il est possible d'agir sur la situation et même d'abandonner définitivement l’attitude de «victime consentante».

Tout le monde peut se trouver en position de victime. On peut être victime d’un accident, d’un acte terroriste, d’une erreur judiciaire, d’agression physique ou psychologique... Essentiellement on appelle victime quelqu’un qui «subit» un tourment infligé contre sa volonté.
    Dans une situation donnée, certaines personnes ont naturellement tendance à devenir des victimes car elles n’ont pas les moyens de se défendre contre l’agression qui leur est infligée. C’est le cas de toute personne vulnérable physiquement ou psychiquement, comme les enfants, les vieillards, les malades, les déficients mentaux. Mais c’est aussi le cas de ceux qui, par leur attitude, prêtent le flanc aux abus.
    On pourrait dire que, par définition, la victime n’est aucunement responsable de son sort. Elle pâtit d’un acte qui lui vient de l’extérieur : l’action d’une autre personne ou un «acte de Dieu» comme on désigne souvent les cataclysmes naturels. Dans beaucoup de cas, en effet, la victime n’y est pour rien dans ce qui lui arrive. Mais il arrive aussi assez souvent qu’elle participe à ce qu’on lui fait subir.
    Il n’y a pas matière à nous inquiéter s’il nous est déjà arrivé d’être la victime de quelqu’un ou d’un système, surtout si nous avons compris comment cela a pu arriver et si nous avons tiré les leçons de cette expérience. Mais si nous sommes souvent dans une telle situation, il est justifié de croire que nous avons un grave problème. Il est alors urgent de comprendre comment nous contribuons au mauvais traitement qui nous est infligé et d’apprendre à nous sortir de ce scénario autodestructeur.

Pourquoi accepte-t-on d’être une victime?

La situation actuelle

Parce qu’elles n’osent pas réagir ouvertement, les «victimes» n’ont jamais l’occasion de déceler la peur qui caractérise ceux qui s’acharnent sur les gens sans défenses. Elles n’ont jamais l’occasion de voir que leurs «bourreaux» tout-puissants sont trop timorés pour perpétrer leur agression ouvertement. Cette ignorance contribue à les maintenir dans leur attitude passive et leur position de victime.
    Mais même si elles pouvaient percevoir cette faiblesse chez leur agresseur, elles resteraient souvent incapables de se défendre. Il leur manquerait encore le respect de soi; seul ingrédient capable de les inciter à exiger le respect des autres. En effet, pour commander le respect, il faut d’abord s’aimer soi-même, se considérer comme une «personne valable» qui mérite d’être traitée comme telle. Et pour cela, il ne suffit pas de s’estimer au plan professionnel. L’assurance de sa compétence ne donne pas nécessairement le sentiment d’être valable en tant que personne. C’est d’une estime de soi beaucoup plus vaste qu’il s’agit ici.
    Il faut souligner aussi que les victimes qui se laissent maltraiter sans réagir ont tendance à s’imaginer que les autres fonctionnent à partir des mêmes principes qu’elles. Comme il s’agit généralement de «bonnes personnes» qui accordent de l’importance au respect de l’autre et qui évitent d’en abuser, elles s’attendent à ce que leur agresseur se restreigne lui-même, au nom des mêmes valeurs. Par peur de la confrontation qui en résulterait, elles refusent de constater que ce sont d’autres règles du jeu qui s’appliquent.
    En résumé on peut donc dire que chacun put devenir victime par accident mais qu’il faut un comportement particulier pour le demeurer. Il faut un aveuglement nourri par la peur de réagir ouvertement, un manque important dans l’estime de soi et une naïveté volontaire sur les motifs des autres. Et comme la position de victime entretient le manque d’estime de soi en nous maintenant dans une passivité humiliante devant les affronts, il est plus difficile d’en sortir si on y est resté plus longtemps.

Les origines de la faible estime de soi

Pour que le rôle de victime devienne une situation durable, il faut donc un terrain favorable : il faut une faiblesse importante dans le respect de la personne pour elle-même. C’est cette déficience qui ouvre la porte aux abus répétés. Examinons plus précisément les deux principaux facteurs qui sont à l’origine de cette vulnérabilité.

La famille
Au départ, le respect de soi s’appuie avant tout sur le respect que nos parents ont manifesté pour l’être que nous sommes, avec notre personnalité, nos qualités propres et nos aspirations particulières. Si nos parents nous ont considéré et traité comme un être valable, nous avons tendance à adopter la même attitude envers nous-mêmes.
La femme battue a appris, au contact de ses parents, qu’elle méritait d’être traitée avec brutalité. Depuis cette époque, elle n’a pas développé suffisamment son estime d’elle-même pour considérer comme insupportable d’être ainsi traitée par son mari et mettre fin à ces abus.
    La personne qui se laisse aujourd’hui dénigrer sans se révolter a vraisemblablement été traitée de façon analogue dans sa famille. C’est là qu’elle a appris qu’il était «normal» qu’on lui fasse cela. C’est sa perception d’elle-même qu’elle devra changer pour cesser de tolérer ce type de mépris.

Le manque d’estime de soi
Mais l’influence de la famille est loin de tout expliquer. En effet, chacun de nous est responsable de continuer son développement psychique tout au long de sa vie. C’est une loi de la nature qui s’applique à tous les êtres vivants. Chez les humains, grâce à des fonctions mentales et psychiques plus évoluées, cette responsabilité inclut la possibilité de corriger la plupart des «mauvais plis» acquis pendant la première éducation. Quelque soit le rapport que nos parents ont entretenu avec nous il nous faut «mériter» notre propre respect.
    Au-delà du respect dû à un être humain comme créature vivante, il y a celui qui découle de sa valeur comme personne. Or chacun d’entre nous faisons continuellement une «évaluation» de notre valeur «en tant que personne». Nos critères d’évaluation sont individuels; ils sont les reflets de notre propre échelle de valeurs. C’est le résultat de cette évaluation qu’on désigne en parlant de «l’estime de soi». Celle-ci varie continuellement selon la façon dont nous respectons nos propres valeurs.
    Le respect de soi est proportionnel à cette estime de soi. C’est parce que nous nous estimons que nous tenons à nous respecter. Tout comme l’amour qu’on porte à un autre est empreint de l’estime qu’on lui porte, l’estime de soi est un des ingrédients importants de l’amour de soi.
    L’estime de soi se gagne essentiellement en étant «fidèle» à ce qui est important pour nous, c’est à dire en vivant selon nos valeurs et en prenant les risques nécessaires pour réaliser nos aspirations. L’estime de soi est donc la fierté particulière que nous tirons de ces façons d’agir. C’est pour cette raison que l’estime de soi ne peut être transmise à quelqu’un d’autre; elle doit absolument être gagnée par chacun pour lui-même.

Comment sortir du rôle de victime consentante?

On pourrait dire, en simplifiant beaucoup, qu’il suffit, pour en sortir, de cesser de consentir. C’est en partie vrai parce que la situation commence à changer dès que la victime n’accepte plus de se laisser utiliser ainsi. Mais, comme pour tous les changements importants dans notre comportement, celui-ci s’appuie sur nos attitudes. Et, nous le savons bien, il n’est jamais facile de changer nos attitudes.
[...]

La conviction d’un abus

Bien souvent, la victime est incapable d’affirmer que son attaquant dépasse vraiment les bornes. Son respect pour elle-même est trop déficient pour en arriver à porter un tel jugement. Elle sait bien qu’elle souffre de la situation, mais n’a pas la sécurité nécessaire pour décider qu’on abuse de sa patience, de sa tolérance, de sa passivité ou de sa faiblesse. Il lui semble presque normal d’être ainsi traitée.
    Pour cette raison, il est important qu’elle obtienne de l’aide. Il lui faut le support et le jugement de quelqu’un d’autre pour évaluer correctement la situation et pour trouver les moyens de se défendre.
    Les organismes d’entraide jouent souvent ces rôles auprès des victimes qui s’adressent à eux. Ils sont en mesure de porter un jugement plus objectif sur la situation (en compensant pour l’aveuglement de la victime) et connaissent bien les ressources disponibles et les moyens à utiliser. Un psychothérapeute peut aussi être utile à cet égard, mais l’essentiel de sa contribution se situe plutôt dans le secteur de l’estime de soi et de la peur de s’affirmer.

Cesser de vouloir éviter le pire

Typiquement, les personnes qui sont choisies comme victimes ont tendance à rechercher la sécurité avant tout de peur que la situation s’envenime. C’est une des raisons principales qui amènent leur bourreau à les «adopter» comme souffre-douleur, comme bouc émissaire ou comme faire-valoir.

Je ne vais pas essayer de l’arrêter de me bousculer, il va me tabasser encore plus fort.
Si je dénonce son traitement, si je proteste, si j’argumente... ce sera pire.
Si j’informe le supérieur de mon patron, je risque de perdre ma place.

Tout «harceleur» connaît bien ce scénario et peut le prévoir assez facilement. Il sait reconnaître les personnes qui choisissent ce mutisme comme méthode de protection et sait s’en servir pour asseoir son pouvoir. Il sait qu’il peut toujours compter sur cette inhibition pour aller aussi loin qu’il le désire dans son attaque abusive, qu’il ne rencontrera aucune résistance réelle. Pour des raisons morbides qui lui sont propres, il accueille à bras ouvert cette opportunité que lui présente sa victime.
    Cette dernière s’illusionne en croyant avoir adopté la meilleure stratégie pour se protéger. La victime se met elle-même gravement en danger en croyant éviter le pire. Elle invite à tous les abus, elle pousse son «bourreau» à vérifier dans l’action jusqu’où il peut aller impunément. Mais, pire encore, elle se condamne à se mépriser elle-même de ses compromis et de sa lâcheté devant les gestes qu’elle désapprouve parce qu’ils sont contraires à ses valeurs. C’est sa survie psychique qui devient alors le principal enjeu. Quelques ecchymoses de plus, quelques reproches supplémentaires, quelques mois de plus dans un emploi où on est misérable valent-ils un tel sacrifice? Il est bien rare que la vraie réponse soit affirmative; seule la peur d’une victime consentante peut faire croire qu’il s’agit d’un prix raisonnable à payer.

Conclusion

Pour sortir du rôle de victime consentante, il faut entreprendre un cheminement qui touche plusieurs de nos attitudes profondes. Mais pour que cette démarche soit efficace, il faut aussi passer à l’action, poser des gestes concrets qui changent la situation et brisent le cercle vicieux dans lequel la relation avec le bourreau s’est développée.
    Essentiellement, ces actions consistent à se défendre. Il s’agit de prendre position ouvertement pour refuser les traitements abusifs et d’aller jusqu’au bout de cette défense, même si on n’obtient pas tous les résultats désirés. S’il arrive qu’on choisisse de renoncer en cours de route, il est important de le faire en sachant que ce recul aura des conséquences néfastes et qu’il faudra y pallier par une aide psychothérapique. Autrement, il ne resterait alors aucune autre solution que de chercher à oublier, en se condamnant à l’angoisse permanente qui accompagne toujours cette solution et aux complications supplémentaires qui viennent s’y ajouter tôt ou tard.
    Et lorsqu’on parvient à en sortir, il ne faut pas oublier de travailler à rehausser son estime de soi et son amour de soi. C’est seulement grâce aux résultats de ce travail qu’on pourra éviter de retomber dans ce piège destructeur. Il faut souvent une aide extérieure pour compléter cet important travail de reconstruction personnelle.

* Article intégral incluant exemples de cas http://www.redpsy.com/infopsy/victime.html 

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