10 octobre 2017

Barcelone / Madrid : un divorce à l’amiable est-il possible?

Mise à jour : Agence France Presse, Barcelone – Pris entre deux feux, le président séparatiste catalan Carles Puigdemont a renoncé mardi soir à déclarer immédiatement l'indépendance, évoquant une «suspension» en vue d'un dialogue et semant la confusion sur ses intentions. «Le gouvernement de Catalogne et moi-même proposons de suspendre les effets de la déclaration d'indépendance», a déclaré Carles Puigdemont, sans fixer de délai, lors d'une allocution historique au Parlement, placé sous haute sécurité. 

Je salue la sagesse du président Carles Puigdemont, qui a choisi de ne pas offrir ses concitoyens en pâture aux chars d’assaut des conquistadors espagnols, ni de les soumettre aux austérités des requins de la finance internationale. Il leur évite peut-être des austérités et des humiliations comme celles que la Grèce a connues... 

Et je reprends la dernière phrase de la citation de Victor Hugo à la fin de cet article : 
«Mon garçon, les carrosses existent. Le lord est dedans, le peuple est sous la roue, le sage se range. Mets-toi de côté et laisse passer.» 

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L’autre jour, une dame d’origine catalane qui vit au Québec disait que la situation entre l’Espagne et la Catalogne ressemblait à un divorce. En effet. Beaucoup de gens utilisent cette comparaison.  

«La plupart de mes problèmes n’ont pas de solution, ou bien les solutions sont pires que les problèmes eux-mêmes.» ~ Ashleigh Brilliant

Des gens brandissent des drapeaux de l'Espagne lors d'une manifestation contre l'indépendance, à Barcelone (7/8 octobre). Photo : Reuters / Eric Gaillard

Divorcer à l’amiable requiert une bonne dose de maturité et de bonne volonté chez les deux partenaires. Chacun est prêt à mettre de l’eau dans son vin. Les couples qui choisissent l’option «divorce conjoint» entretiennent généralement d’excellents rapports après le divorce.
   Tristement, c’est la foire d’empoigne quand les partenaires n’arrivent pas à s’entendre sur divers points de règlement. Si les enjeux financiers sont importants, les conflits risquent de s’envenimer dramatiquement. Certains conjoints refusent toute médiation et négociation. Même si, au Canada, 90 % des causes de divorce finissent par se régler «à l’amiable», c’est au bout de longues et déchirantes négociations et de substantiels frais de justice.
   Est-ce que le divorce signifie appauvrissement systématique? Il semble que non. Certaines personnes sont plus à l’aise financièrement une fois divorcées d’un partenaire dépensier ou radin.

Poursuivons la comparaison.

En droit canadien, il existe deux formes de divorce à l’amiable.   

Le divorce conjoint Le divorce conjoint est un divorce à deux. Les conjoint demandent le divorce ensemble avec la même paperasse. Ils sont donc codemandeurs du divorce. Les conjoints doivent s'entendre sur toutes les conséquences de leur divorce. Il ne doit y avoir aucun point de discorde entre les conjoints. Le motif du divorce doit être la séparation pour plus d'un an; l'adultère et la cruauté physique et mentale ne peuvent pas être invoqués. L’avocat ou le notaire qui rédigera la paperasse doit conseiller les deux conjoints et ne peut pas favoriser la position de l'un au détriment de celle de l'autre.

Option impossible entre la Catalogne et l’Espagne.

Le divorce sur consentement Les conjoints ne sont pas obligés de demander le divorce ensemble, même s'ils s'entendent. Autrement dit, les conjoint peuvent divorcer à l'amiable, mais ils le font séparément. Un des conjoints peut invoquer l'adultère, ou la cruauté physique ou mentale comme motif de divorce. Les conjoints peuvent consigner les points sur lesquels ils sont d'accord dans une entente écrite qu'ils signeront. Cette entente peut aussi s'appeler «projet d'accord» ou «consentement». L'entente pourra faire partie du jugement de divorce.

Aucun projet d’accord puisque l’Espagne refuse toute médiation et négociation.

Toujours selon la loi canadienne...  

Les motifs du divorce Les motifs pour divorcer sont les mêmes pour les deux conjoints. Au Canada, les conjoints sont égaux. Un conjoint n'a pas besoin d'obtenir l'accord de l'autre pour divorcer. L'un ou l'autre peut invoquer un des trois motifs de divorce reconnus par la loi : la séparation de fait depuis un an, l'adultère, la cruauté physique ou mentale.

Motif de divorce #3 : La cruauté physique ou mentale  
On parle de cruauté physique lorsqu'un des partenaires s'en prend physiquement à l'autre. Par exemple : frapper ou blesser.
   On parle de cruauté mentale lorsqu'un des partenaires fait souffrir l'autre autrement que par des agressions physiques. Par exemple : harceler, insulter, mépriser, humilier, menacer le partenaire ou sa famille.
   Les actes de cruauté doivent rendre intolérable la cohabitation avec l'autre. Seul le partenaire victime peut utiliser le motif de cruauté physique ou mentale pour demander le divorce. Si le partenaire victime a pardonné la cruauté de son conjoint, il ne pourra plus s'en servir comme motif de divorce.

Le gouvernement espagnol a utilisé la violence physique et psychologique et porté atteinte aux droits fondamentaux de la personne, notamment celui de voter. Ces seuls motifs seraient en soi suffisants pour demander le divorce. Au Canada, la violence conjugale ne requiert pas la séparation de fait (légale) d’un an pour demander le divorce.

Durant l’ère franquiste, certaines classes sociales – les grands propriétaires terriens, la haute bourgeoisie industrielle et financière et une partie des classes moyennes – régnaient dans les coulisses. Rien n’a changé. La Catalogne compte parmi les régions très prospères d’Espagne en raison de ses échanges commerciaux avec le marché européen. Pensez-vous que Madrid la répudierait? Le chantage local et international n’a pas tardé, les intérêts financiers étant au-dessus de tout.

La liberté est un oiseau 

«Faisant fi du verdict des urnes, [en 2015] la «nouvelle Rome», le triumvirat constitué du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque de la commission européenne, n’a pas hésité à imposer aux Grecs sa loi à coups de pied au cul. Un an et demi plus tard, devant une situation beaucoup plus troublante, l’écho des bottes de la guardia civil rappelant les heures sombres du fascisme espagnol, pas de semonces, pas d’ultimatum, pas d’obligation de redresser la barre. Une admonestation du bout des lèvres de la part de la Commission européenne encourageant «tous les acteurs à passer de la confrontation au dialogue». Un point c’est tout. [...]
   L’histoire des 40 dernières années est l’histoire du ratatinement de l’espace politique au profit de l’espace économique. L’ère n’est plus aux grandes idéologies, que ce soit les utopies de gauche ou les projets totalitaires de droite. Les problèmes de l’heure sont presque tous des questions d’argent : la corruption, les inégalités sociales (huit hommes possèdent aujourd’hui autant que la moitié de la population mondiale), le culte des ressources énergétiques massacrant toujours un peu plus l’environnement. Un autocrate comme Donald Trump, un dirigeant qui tous les jours piétine les principes démocratiques, ne serait jamais parvenu au pouvoir sans cette déification du monde des affaires dont il est la pathétique incarnation.
   Le temps serait-il venu d’inverser nos valeurs? Comme nous le rappelle le drame catalan, la liberté est chose bien plus fragile que le prix de l’or. Sans une vigilance de chaque instant, sans réitérer que c’est la capacité de chacun d’entre nous de contrôler son destin qui rend la vie belle, et une société forte, elle aussi peut s’envoler.»

~ Francine Pelletier, chroniqueuse hebdomadaire au journal Le Devoir

La faille dans le cerveau humain 

«Mais à quoi et à qui profite la croissance? Aux gens qui gèrent ou possèdent les banques, aux fonds spéculatifs, aux compagnies minières, aux sociétés de publicité, aux lobbies d’entreprises, aux fabricants d'armes, aux agences immobilières, aux gérants de portefeuilles et de paradis fiscaux. Un marketing très intense et omniprésent, équivalant au lavage de cerveau, veut nous amener à considérer le système comme nécessaire et souhaitable. Un système qui menace notre sécurité, nous rétrécit et nous appauvrit, mais qu’on nous présente comme la seule solution possible à tous nos problèmes. Il n'y a pas d'alternative – nous devons gravir la falaise. Quiconque remet le système en question est ignoré ou vilipendé.
   Qui sont les bénéficiaires? Eh bien, ce sont aussi les plus grands consommateurs dont la façon d’utiliser leur spectaculaire fortune a des impacts des milliers de fois plus grands que celui de la plupart des gens. Une grande partie du monde naturel est détruit afin que les très riches puissent monter sur leurs yachts en bois d'acajou, manger des sushi au thon rouge, saupoudrer de la corne de rhinocéros sur leurs plats, atterrir en jets privés dans des aérodromes construits sur des terres de grande valeur; ils consomment en un jour la quantité de carburant fossile que les citoyens moyens consomment globalement en un an.
   Voilà comment le Grand Sablage Mondial fait son chemin, détruisant les réserves de la Terre, dérobant tout ce qui est distinct et inusité (tant dans les cultures humaines que dans la nature), faisant de nous des automates remplaçables au sein d’une main-d’oeuvre globale homogène, transformant inexorablement les richesses du monde naturel en une monoculture indifférenciée.
   N'est-il pas temps de crier STOP? D’utiliser notre extraordinaire savoir-faire et notre expertise pour changer la façon dont nous nous organisons? N’est-il pas temps de contester et d’inverser les tendances qui ont gouverné notre relation à cette planète vivante depuis des milliers d’années, et dont nous sommes en train de détruire les dernières caractéristiques à une vitesse ahurissante? N'est-il pas temps de contester la croissance illimitée sur une planète limitée? Si ce n'est pas maintenant, ce sera quand?

~ George Monbiot 
The Kink in the Human Brain, The Guardian | October 2, 2014
www.monbiot.com 

Citation du jour

«J'ai vu un jour un hippopotame marcher sur une taupinière; il écrasait tout; il était innocent. Il ne savait pas qu'il y eut des taupes, ce gros bonasse de mastodonte.
Mon cher, les taupes qu'on écrase, c'est le genre humain.

L’écrasement est une loi. Et crois-tu que la taupe elle-même n'écrase rien? Elle est le mastodonte du ciron, qui est le mastodonte du volvoce.

Mon garçon, les carrosses existent. Le lord est dedans, le peuple est sous la roue, le sage se range. Mets-toi de côté et laisse passer.»  

~ Victor Hugo

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