Par contre ce matin, à l’émission The Current (CBC), Anna Maria Tremonti a interviewé la journaliste Margaret Evans revenant d'un séjour en Syrie, notamment à Alep. À la fin du reportage on entend le rap d’un petit garçon de 10 ans – il tenait absolument à ce qu’on enregistre son histoire (la faim, les enfants et les mères qui meurent, les bombes). Il dit entre autres : «le son des explosions a remplacé le chant des oiseaux.»
http://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-november-28-2016-1.3868044/cbc-s-margaret-evans-shares-apocalyptic-view-of-aleppo-1.3868140
Dimanche 27 novembre 2016
Vingt-deux rebelles syriens portent les symptômes d'une attaque aux «gaz chimiques» après avoir été visés par une roquette tirée par des combattants du groupe armé État islamique (EI) dans le nord du pays. L'attaque s'est produite dans la région d'Haliliye où les rebelles soutenus par la Turquie assiègent une ville contrôlée par l'EI. (Reuters) Des milliers de Syriens fuient Alep – Alors que les forces du régime syrien ont réussi à prendre le contrôle d'au moins un tiers des secteurs détenus par les rebelles, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants continuent de fuir les affrontements. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, au moins 10 000 personnes auraient ainsi quitté la portion est de la ville, seulement dans la nuit de samedi à dimanche. Environ 250 000 habitants résident dans le secteur est d'Alep, où il y a une recrudescence des bombardements depuis une dizaine de jours. (AFP)
L’utilisation des armes chimiques n’a pas cessé depuis les deux Grandes guerres. On continue d’en fabriquer alors que plus d’un million de tonnes de bombes chimiques dorment encore dans les océans tout autour de la terre depuis que les alliés ont décidé en 1945 de les balancer à la mer – «ne réveillons surtout pas les chats qui dorment».
Les gaz de combat de la Première Guerre mondiale regroupaient une vaste gamme de composés toxiques : gaz lacrymogène (relativement bénin), phosgène, dichlore ou bertholite (mortels), et gaz moutarde (brûlant et perforant la peau, les yeux, muqueuses, etc.). Cette guerre chimique est un composant majeur de la première guerre totale. On estime qu'environ 4 % des morts ont été causées par les gaz. Contrairement à la plupart des autres armes, il était possible de développer des contre-mesures efficaces à ces gaz ce qui mena les deux camps à se livrer une course acharnée pour créer de nouveaux composés. (Wikipedia)
L’histoire de la planète? Une guerre qui ne finira qu’avec l’extinction des humains. Sauver l’espèce? Une cause désespérée.
Voyez la lettre de Jean Giono ci-après, écrite deux ans avant le début de la Seconde Guerre mondiale (1).
Les gueules de la terre
Les soldats de la Première Guerre mondiale ont creusé des tranchées, s’enfonçant dans la terre tandis que le sculpteur, comme dans un mouvement inverse, a fait surgir de cette même terre ces visages pétrifiés. Il déforme les visages en incrustant une chambre à air par exemple dans la terre, ce qui donne un effet dramatique aux sculptures. Les têtes semblent être fossilisées dans la boue des tranchées, comme figées dans un dernier souffle de vie. L’artiste dénonce la guerre et ses atrocités avec ses oeuvres tragiques. Celles-ci sont expressives et font penser aux dessins et peintures d’Otto Dix, peintre qui a fait la guerre de 14-18 et qui en a rapporté des images témoignant des atrocités qu’il a pu voir au combat.
Source :
https://dnbhistoiredesarts.wordpress.com/2014/02/12/les-gueules-de-la-terre/
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(1) L’écrivain français Jean Giono (30 mars 1895 – 9 octobre 1970), célèbre pour des œuvres comme Le Hussard sur le toit ou Regain, dépeint dans son écriture romanesque la position de l’homme face au monde, livrant une réflexion morale et métaphysique. Dans cette lettre, l’écrivain s’adresse à des paysans, pacifistes comme lui, qui ont composé la majeure partie des soldats de la Grande Guerre de 1914-1918.
Source : http://www.deslettres.fr/
Lettre de Jean Giono aux paysans
16 août 1938
[Extrait]
Je n’aime pas la guerre. Je n’aime aucune sorte de guerre. Ce n’est pas par sentimentalité. Je suis resté quarante-deux jours devant le fort de Vaux et il est difficile de m’intéresser à un cadavre désormais. Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut : c’est un fait. Je déteste la guerre. Je refuse la guerre pour la simple raison que la guerre est inutile. Oui, ce simple petit mot. Je n’ai pas d’imagination. Pas horrible; non, inutile, simplement. Ce qui me frappe dans la guerre ce n’est pas son horreur : c’est son inutilité. Vous me direz que cette inutilité précisément est horrible. Oui, mais par surcroît. Il est impossible d’expliquer l’horreur de quarante-deux jours d’attaque devant Verdun à des hommes qui, nés après la bataille, sont maintenant dans la faiblesse et dans la force de la jeunesse. Y réussirait-on qu’il y a pour ces hommes neufs une sorte d’attrait dans l’horreur en raison même de leur force physique et de leur faiblesse. Je parle de la majorité. Il y a toujours, évidemment, une minorité qui fait son compte et qu’il est inutile d’instruire. La majorité est attirée par l’horreur; elle se sent capable d’y vivre et d’y mourir comme les autres; elle n’est pas fâchée qu’on la force à en donner la preuve. Il n’y a pas d’autre vraie raison à la continuelle acceptation de ce qu’après on appelle le martyre et le sacrifice. Vous ne pouvez pas leur prouver l’horreur. Vous n’avez plus rien à votre disposition que votre parole : vos amis qui ont été tués à côté de vous n’étaient pas les amis de ceux à qui vous parlez; la monstrueuse magie qui transformait ces affections vivantes en pourriture, ils ne peuvent pas la connaître; le massacre des corps et la laideur des mutilations se sont dispersés depuis vingt ans et se sont perdus silencieusement au fond de vingt années d’accouchements journaliers d’enfants frais, neufs, entiers, et parfaitement beaux. À la fin des guerres il y a un mutilé de la face, un manchot, un boiteux, un gazé par dix hommes; vingt ans après il n’y en a plus qu’un par deux cents hommes; on ne les voit plus; ils ne sont plus des preuves. L’horreur s’efface. Et j’ajoute que malgré toute cette horreur, si la guerre était utile il serait juste de l’accepter. Mais la guerre est inutile et son inutilité est évidente. L’inutilité de toutes les guerres est évidente. Qu’elles soient défensives, offensives, civiles, pour la paix, le droit pour la liberté, toutes les guerres sont inutiles. La succession des guerres dans l’histoire prouve bien qu’elles n’ont jamais conclu puisqu’il a fallu recommencer les guerres. La guerre de 1914 a d’abord été pour nous, Français, une guerre défensive. Nous sommes-nous défendus? Non, nous sommes au même point qu’avant. Elle devait être ensuite la guerre du droit. A-t-elle créé le droit? Non, nous avons vécu depuis des temps pareillement injustes. Elle devait être la dernière des guerres; elle était la guerre à tuer la guerre. L’a-t-elle fait? Non. On nous prépare de nouvelles guerres; elle n’a pas tué la guerre; elle n’a tué que des hommes inutilement. La guerre d’Espagne n’est pas encore finie qu’on aperçoit déjà son évidente inutilité. Je consens à faire n’importe quel travail utile, même au péril de ma vie. Je refuse tout ce qui est inutile et en premier lieu la guerre car son inutilité est aussi claire que le soleil.
[…]
L’intelligence est de se retirer du mal.
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