Source textes : Le nouveau phalanstère *
Énergies
La question de l’énergie est emblématique de la complexité des enjeux du Développement Durable. On voit particulièrement bien qu’il s’agit d’un problème irréductible à une formule simple: problème écologique, mais aussi économique, social, politique et militaire…
C'est d'abord la question essentielle qui définit la civilisation moderne puisque le couple charbon-pétrole a rendu possible le grand bond en avant qui, depuis deux siècles, nous a fait entrer dans la civilisation industrielle et technoscientifique. Pour exemple, la consommation de charbon avait augmenté de 4000% entre 1800 et 1900! Remarquons que cet essor technoscientifique avait pu servir de légitimation au colonialisme : les pays industrialisés avaient bonne conscience à «civiliser» les «barbares» du monde entier! Le début du XXe siècle assiste à la seconde révolution énergétique, celle du gaz, du pétrole, des carburants, de l’électricité au charbon. Depuis 1859, la demande et la production ont cru proportionnellement, jusqu’aux Trente Glorieuses.
Mais notre début de XXIe siècle est la fin d’un cycle; la pénurie s’annonce. Les réserves se raréfient, les coûts augmentent. Les agrocarburants sont très contestés sur le plan économique, de même que le nucléaire sur le plan de la santé, ou l’éolien qui ne va pas non plus sans poser des problèmes de pollution sonore ou de nuisances pour les oiseaux… Le débat est vif, politique, pluridisciplinaire, complexe. Et c’est le début du désenchantement de Prométhée.
La politique énergétique des pays industrialisés servie par l’OMC et le FMI a entamé la crédibilité de ces institutions : la loi du marché c’est-à-dire la mise à disposition des ressources naturelles au plus offrant, a entamé leur crédibilité. Le besoin d’une autre gouvernance mondiale et d'une "justice énergétique" (concernant l'allocation équitable des ressources) se font sentir. En effet, 17% de la population mondiale consomme 57% des ressources de pétrole, 50% du gaz, 84% de l’électricité nucléaire, produise 50% des émissions de CO2. Bruxelles subventionne les paysans de l’EU qui ruinent ainsi les paysans africains ou indiens ; un enfant meure alors de faim toutes les 6 secondes, soit 15 000 à 16 000 enfants/an, etc. Les écologistes humanistes (Pierre Rabhi et alii) interrogent ce pillage et ce gaspillage. Faut-il redire avec Hervé Kempf que «Pour sauver la planète, [il faut sortir] du capitalisme» et redire avec Proudhon que «la propriété, c’est le vol»?
Dans quelle mesure cette politique économique du FMI et de l’OMC a-t-elle exacerbé les conflits Nord-Sud, et porte-t-elle la responsabilité du terrorisme? Les médias, l’internet ont fait connaître au monde entier le sort que nous avons imposé aux pays du Sud, en ajoutant à leur pauvreté le spectacle de notre débauche énergétique. Nous les avons appauvris et humiliés par le spectacle internautique de notre luxe. N'avons-nous pas transformé leur pauvreté en misère et leur tristesse en frustration, comme Majid Rahnema tente de nous l’expliquer?
Dans les années 2000, de nombreux gouvernements, américains, chinois, achètent des terres en Afrique afin d'en exploiter les sols et les sous-sols…Rien de nouveau sous le soleil : d’un côté des politiques institutionnelles qui font des hypothèses sur l’avenir, savantes mais d’une sagesse discutable, et en face, une réalité crue pour ceux qui ne sont pas nés au bon endroit.
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Érosion des biodiversités
Sigmar Gabriel (2008, Ministre allemand de l'Environnement) ou Jacques Chirac (2005) disaient que «le taux d'extinction des espèces est cent à mille fois plus élevé que le taux d'extinction naturelle».
La surpêche est un bon exemple des causes qui expliquent ce phénomène. La Commission de Bruxelles demande une réduction de 30% à 60% des prélèvements de certaines espèces de poisson (interdisant même totalement la pêche du cabillaud ou de l'anchois). 50% des poissons pêchés sont rejetés morts. Les filets à mailles fines des navires-usines travaillant pour la fabrication de farines de poissons destinées aux bétails font une concurrence discutable à l'alimentation des hommes en poisson.
Mais les causes de la disparition des espèces ne se réduisent pas à la surpêche. La surexploitation du vivant n'est qu'une cause parmi d'autres. Citons également : la destruction des milieux naturels, notamment due à la déforestation; l'invasion des espèces exotiques sur tous les continents; enfin : la pollution qui tue directement ou diminue la fécondité (exemple des alligators de Floride**).
Pourquoi s'inquiéter des espèces qui disparaissent? Ian Mac Millan dit que «ce qui compte dans la sauvegarde des condors et de leurs congénères, ce n'est pas tant que nous avons besoin des condors, mais que nous avons besoin des qualités humaines nécessaires pour les sauver. Ce sont précisément celles-là mêmes qu'il faut pour nous sauver nous-mêmes». Le problème de l'érosion des biodiversités est un problème moral. Il y a dans la sollicitude de l'homme envers la Nature une qualité essentielle à l'humanité de l'humain. Toutes les traditions spirituelles le rappellent : les chrétiens l'appelle agapè, amour, les confucéens chinois l'appellent shu, mansuétude, etc.
Quoiqu'il en soit de ces qualités, nous sommes entrés dans l'ère de la Sixième Extinction. La précédente eut lieu il y a 65 millions d'années; une autre eut lieu il y a 225 millions d'années, à la fin du Permien : 95% des espèces disparurent. Nul n'est capable de dire si celle que nous observons ne nous emportera pas avec elle. Ce n'est pas seulement l'humanité de l'homme qui est en question dans cette Crise, mais la survie-même de l'homme : «C'est peut-être notre tour», dit Jean-Marie Pelt.
* https://sites.google.com/a/volubilys.fr/phalanstere2/accueil
** Et, en ce qui nous concerne, l’extinction des bélugas du fleuve Saint-Laurent, entre autres espèces... Leur sort sera le nôtre, et pas dans 100 ans! Nous sommes peut-être nés «au mauvais endroit»...
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Alliance : En politique internationale, union de deux voleurs qui ont leurs mains si profondément enfoncées dans les poches l'un de l'autre qu'il leur est difficile de s'en prendre séparément à un troisième.
~ Ambrose Bierce, 1842-1914 (Le dictionnaire du Diable)
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