31 décembre 2013

Une nuit d'hiver

Rien n’a changé.  
Par ce froid sibérien, je ressens exactement la même chose que Burns… une couple de siècles plus tard.


Robert Burns (1759-1796)
Poésies traduites de l’écossais par M. Léon De Wailly
Adolphe Delahays, Libraire; 1843

Une nuit d’hiver

«Pauvres malheureux nus, qui que vous soyez
Qui êtes exposés aux fureurs de l’impitoyable tempête!
Comment vos têtes sans abri et vos flancs affamés,
Votre déguenillement plein de trous et de fenêtres vous défendront-ils
Contre des saisons telles que celles-ci!»
      -- Shakespeare

Quand le mordant Borée, cruel et dur,
Sous son aigre souffle fait frissonner le bois sans feuilles;
Quand Phébus jette un regard de courte durée
       Loin du midi du ciel,
S’obscurcissant sous les couches de pluie
       Ou les tourbillons de neige;

Une nuit la tempête agitait les clochers,
Le pauvre Travail reposait doucement dans les bras du Sommeil,
Tandis que les ruisseaux, engorgés d’amas de neige,
       Détournaient leurs eaux vagabondes,
Ou, s’échappant par l’issue lentement creusée,
       S’y précipitaient tête baissée.

Écoutant battre les portes et les fenêtres,
Je pensais au bétail frissonnant
Et aux innocents moutons, qui sont en butte aux attaques
       De l’Hiver ennemi;
Et, à travers la neige où ils enfoncent, s’efforcent d’atteindre
       Le pied d’un rocher.

Vous tous, oiseaux sautillants, petits êtres sans défense,
Que, dans les joyeux mois du printemps,
Je prenais plaisir à entendre chanter,
       Que devenez-vous?
Où abriterez-vous votre aile tremblante?
       Où fermerez-vous votre œil?

Même vous qui, toujours occupé de projets meurtriers,
Solitaires, errez loin de vos retraites farouches,
Mon cœur vous pardonne le juchoir taché de sang
       Et le parc de brebis ravagé,
Lorsque, impitoyable, la tempête déchaînée
       Vous frappe rudement.

En ce moment Phoebé, à l’apogée de son règne,
Bien enveloppée de noir, contemplait la plaine lugubre;
Une foule de pensées mélancoliques continuaient
       D’assiéger mon âme,
Lorsqu’à mon oreille ce chant plaintif
       Arriva lent et solennel : --

«Soufflez, soufflez, ô vents, de plus pesantes bouffées!
Et toi, gèle, ô glace à l’âpre morsure!
Descendez, ô vous, neiges froides et suffocantes!
Toute votre rage réunie comme à présent ne révèle pas
   Une méchanceté plus endurcie, plus implacable,
   Une malignité vindicative plus enracinée
Que celle que l’homme, cet illuminé du ciel, montre à l’homme son frère.
Voyez le poignet de fer de l’Oppression cruelle,
   Ou la main sanglante de la furieuse Ambition  
Lâchant, comme des limiers hors de laisse,
   Le Malheur, le Besoin et le Meurtre sur une terre!
   Même dans le paisible vallon champêtre
La Vérité fait, en pleurant, son lamentable récit,
Comment le Luxe gros et gras, ayant à son côté la Flatterie,
       Ce parasite qui lui empoisonne l’oreille,
   Et derrière lui un tas de misérables à l’âme servile,
Examine sa fastueuse propriété, qui s’étend au loin,
       Et regarde le simple paysan,
   Dont le travail entretient la splendeur dont elle brille,
       Comme une créature d’une autre espèce,
       Une substance plus grossière, non raffinée,
Mise là pour son usage seigneurial, bien loin, bien bas au-dessous de lui.
   Où donc, où est la tendre, l’ardente angoisse de l’amour
   Avec le front hautain de l’honneur seigneurial,
       Puissances que vous reconnaissez fièrement?
   Est-ce là, sous le noble nom de l’amour,
   Que peut loger, sombre, l’intention égoïste
       De se rendre seul heureux!
   Qu’on lui montre l’innocence virginale en proie
       Aux embûches d’un amour prétendu,
   Cet honneur tant vanté prend la fuite,
   Évitant l’influence naissante de la douce Pitié,
Sans égard pour les larmes et les vaines prières!
   Peut-être à cette heure, dans le nid de la sale misère,
   Elle serre votre enfant contre son cœur désolé,
Et avec un effroi de mère elle tremble aux secousses du vent!
        Ô vous qui, enfoncés dans des lits de duvet,
N’éprouvez d’autres besoins que ceux que vous vous créez vous-mêmes,
   Pensez un moment à la destinée malheureuse
De celui qui est renié de ses amis et de la fortune!
Après avoir mal apaisé les cris impérieux de la nature irritée,
       Il s’étend sur son lit de paille pour dormir,
Tandis que, par le toit en lambeaux et le mur crevassé,
       Le froid chasse et amoncelle la neige sur son sommeil!
       Pensez à l’affreuse contrainte du cachot,
       Où le crime et la pauvre infortune languissent!
       Le crime, homme sujet à l’erreur, vois-le d’un œil de pitié!
       Mais la fureur légale poursuivra-t-elle
       Le malheureux, déjà écrasé
       Des coups non mérités de la fortune cruelle?
Les fils de l’affliction sont frères en détresse :
Secourir un frère, quelle jouissance exquise! »

Je n’en entendis pas davantage, car Chante-Clair
       Secoua la neige poudreuse
   Et salua le matin d’une acclamation –
       Un chant éveille-chaumière. 

   Mais cette vérité se grava profondément dans mon esprit :
       Entre tous ses ouvrages,
   Le cœur bienveillant et bon
       Ressemble le plus à Dieu.

-------
P.S. : À ceux qui s’ennuient parce qu’ils sont seuls : allez donner un coup de main à Mission Old Brewery, à l’Accueil Bonneau ou n’importe quel centre de dépannage dans votre région… 


ET PAIX SUR TERRE  

Aucun commentaire:

Publier un commentaire