5 décembre 2013

À la Breaking Bad?

Plutôt inquiétant ce trafic de drogues de synthèse dont on n’ignore les vrais composants. À classer dans les armes de destruction massive...

Mais, à mon avis, les benzodiazépines sur ordonnance sont tout aussi dangereuses puisque ce sont des psychotropes. Pour avoir vu trop de personnes pâtir des effets nocifs de l’Ativan (lorazépam) par exemple, qu’on vend aussi dans la rue et via Internet, j’en profite pour partager des extraits d’un article intitulé «Accro aux benzos» en deuxième partie.

Image : Anscer Werrelmann / AFP

Drogues de synthèse  

Une carte de crédit, un clic, et la drogue est livrée à domicile. Souvent en toute légalité. Loin du cliché du dealer dans une ruelle sombre, le trafic de drogue de synthèse explose et les autorités n'arrivent pas à le contrer.

Un reportage de Johanne Faucher à Enquête

Nous avons contacté un producteur de drogues de synthèse situé à Shanghai, en Chine. Il nous a proposé près d'une centaine de produits, nous avons commandé du 2C-I. Cette drogue est interdite dans plusieurs pays européens, mais elle est encore légale au Canada.
       Trois jours plus tard, nous recevions la drogue par la poste. Drogue qui est entrée légalement au pays.

Des étudiants québécois comme fournisseurs
Il est aussi facile d'acheter des stupéfiants illégaux auprès de dealers au Québec sur Internet. Nous avons rencontré un vendeur qui propose toutes sortes de produits : drogues de synthèses et drogues classiques sur des sites Internet marginaux. Des sites difficiles d'accès, mais où il est possible d'acheter armes, faux papiers et drogue.
       Ce dealer prétend s'approvisionner auprès d'étudiants en biochimie québécois qui fabriquent des drogues au dosage aléatoire dans des laboratoires clandestins.
       Et il en vend partout sur la planète. Ce trafic lui rapporterait 25 000 $ par semaine. Il soutient qu'il reçoit et expédie de la drogue par la poste sans problème, et dit avoir des trucs pour déjouer les douanes. (…)
       Les drogues de synthèse sont dangereuses et peuvent être plus puissantes que les drogues «naturelles». Il est impossible de savoir ce qu'elles contiennent, les mélanges étant faits par n'importe qui, n'importe comment. Un comprimé d'ecstasy fabriqué aujourd'hui sera différent de celui fait la semaine dernière.
       Une roulette russe, en somme. L'an dernier, 17 adolescents sont morts en Colombie-Britannique et en Alberta. Ils croyaient prendre du MDMA, mais le chimiste avait remplacé le MDMA par du PMMA, qui est plus fort.

Article complet et vidéos :
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/12/04/003-trafic-drogues-synthese-internet-enquete.shtml


Accro aux benzos
Par Chantal Éthier (Châtelaine, 2004)

Saviez-vous que des médicaments comme l’Ativan, le Valium ou le Serax pourraient vous rendre dépendant?
       Le jour où son médecin lui a prescrit de l’Ativan (un médicament de la famille des benzodiazépines) pour des douleurs musculaires – sportive, elle avait un peu forcé sur l’entraînement en ski nautique –, Kim était loin d’imaginer qu’elle allait vivre un cauchemar. C’était en septembre 1999, elle avait 30 ans et jouissait d’une bonne santé. Patiente docile, elle a pris ses comprimés sans poser de questions.
       Quelques semaines plus tard, la jeune femme a commencé à souffrir de problèmes d’estomac et à se sentir anxieuse, déprimée. «Je n’avais jamais éprouvé de tels symptômes», raconte-t-elle. On lui a fait passer une batterie de tests qui ne révélèrent rien, mais sa dépression empirait, son anxiété aussi. Chaque nouveau médecin qu’elle consultait dans l’espoir de trouver la cause de ses malaises augmentait ses doses.
       Sept mois plus tard, désespérée, Kim a fini par consulter une naturopathe. «C’est elle qui m’a appris que l’Ativan était prescrit contre l’anxiété! explique-t-elle, encore abasourdie. Jamais mon médecin ne me l’avait dit et jamais non plus il ne m’avait prévenue que ce médicament pouvait provoquer des effets secondaires (dont l’anxiété) ou entraîner une dépendance!»
       Qui n’a jamais pris un comprimé d’Ativan ou de Valium pour arriver à dormir? Tout comme le Serax, le Mogadon, l’Halcion, le Restoril, le Xanax ou le Dalmane, ce sont des benzodiazépines, une famille de médicaments très souvent prescrits contre l’insomnie, l’anxiété, certaines phobies et même les spasmes musculaires. Ce sont les psychotropes – on les appelle ainsi parce qu’ils agissent sur le psychisme des individus – les plus prescrits au Québec et dans le monde. En 2003, les pharmaciens détaillants ont exécuté 4,9 millions d’ordonnances de benzodiazépines au Québec seulement. C’est sans compter les doses qui sont données aux patients dans les hôpitaux et les centres de soins de longue durée!

Dur, le sevrage
Et pourtant, ces médicaments ne sont pas inoffensifs. Consommés de façon régulière, ils peuvent entraîner des troubles de l’équilibre, des vertiges, des palpitations, des problèmes gastriques... et paradoxalement provoquer de la dépression, de l’anxiété et de l’insomnie! Kim faisait partie des patients fortement touchés par ces effets secondaires.
       Saviez-vous que les benzodiazépines peuvent aussi provoquer une dépendance physique en quatre à six semaines? Résultat : le jour où l’on cesse leur utilisation, l’organisme réagit en produisant des symptômes de sevrage semblables aux problèmes qu’on voulait traiter au départ. L’insomnie, l’anxiété ou la nervosité réapparaissent et sont même plus aigus qu’avant le traitement. Du moins pour un temps. Certains patients ressentent un cortège d’autres malaises : cauchemars, crampes musculaires, troubles gastro-intestinaux... la liste est longue, surtout si on cesse abruptement de prendre ces médicaments.
       Lorsque Kim a découvert que l’Ativan était la source de ses problèmes, elle n’était pas pour autant au bout de ses peines. «Non seulement mon organisme le tolérait mal mais, à cause des doses importantes que les médecins m’avaient prescrites, j’ai souffert ensuite du sevrage. Je me sentais si mal que j’ai dû retourner vivre chez mes parents. Quatre ans plus tard, je suis enfin redevenue la personne que j’étais.»
       Pour mettre fin aux symptômes de sevrage, certains patients sont tentés de reprendre leurs comprimés. Or, cela ne fait que remettre le problème à plus tard car plus on emploie ces médicaments sur une longue période, plus les symptômes de sevrage sont intenses et plus ils durent longtemps. (…)
       Pourtant, prendre du Valium ou de l’Ativan pour quelques jours n’est pas la fin du monde. Cela peut même être utile pendant un court laps de temps. Le problème, c’est que ces médicaments sont encore prescrits à long terme.
       En 1982, Santé Canada recommandait de les prescrire pour une période allant de deux à quatre semaines seulement. Cela n’a pas empêché Madelon, qui souffrait d’un grave problème d’anxiété, de se les faire prescrire à vie, d’abord en Europe, puis en Colombie-Britannique. «Mon psychiatre n’a jamais pris le temps de discuter avec moi, confie-t-elle. Il m’a donné ces comprimés en me disant que je souffrais d’une grave névrose. Quand je lui ai demandé des explications, il m’a répondu qu’il était là pour me soigner et non pour me donner un cours de psychiatrie!»

Les femmes plus vulnérables
On sait aujourd’hui qu’après un délai de quatre semaines l’effet des benzodiazépines diminue, alors que les risques d’en devenir dépendant augmentent. (…) Et si des médecins prescrivent les benzodiazépines pour trop longtemps, il y a aussi des patients qui en veulent toujours davantage! La docteure Marie-Claude Rioux, qui exerce la médecine familiale au CLSC du Plateau-Mont-Royal, voit tous les jours des femmes en quête d’« un petit quelque chose » qui les fera dormir. «Auparavant, c’étaient surtout des femmes âgées, dit-elle, mais, depuis une dizaine d’années, non seulement plus de gens réclament des somnifères, mais ils sont aussi plus jeunes.» Comme l’efficacité des benzodiazépines diminue après quatre semaines d’utilisation, il est tentant, pour conserver le même effet, d’augmenter la dose.
       Responsable du volet thérapeutique à la Maison du Nouveau Chemin, un centre de désintoxication, Raymonde Latulipe sait comment s’installe le cycle insidieux de la dépendance : «La première dépendance est psychologique : mon Valium me permet de glisser rapidement dans le sommeil. C’est merveilleux! Comment ne serais-je pas tentée d’en reprendre demain soir? Puis, un après-midi, je vis un stress intense. Je pourrais peut-être prendre un comprimé pour me calmer... Me voilà donc accro à la pilule de l’après-midi. Puis, un bon jour, la pilule du soir n’agit plus. Alors, j’en prends une et demie, puis deux...»
       Ces médicaments sont-ils vraiment efficaces? Une vaste étude, menée en 2000 par l’Association médicale canadienne et l’Association pharmaceutique canadienne, a de quoi laisser perplexe : les benzodiazépines ne prolongeraient la durée du sommeil que d’une heure en moyenne. «De plus, ils perturbent les cycles du sommeil en diminuant les stades 3 et 4 du sommeil profond, celui qui est le plus réparateur», ajoute la docteure Louise Duguay, psychiatre spécialisée en toxicomanie au CHUM. Ces médicaments sont utiles, mais sur une très courte période seulement. Entre 1998 et 2003, le nombre d’ordonnances n’en a pas moins grimpé de 17 % au Québec!

Pas juste les tranquillisants
Il n’y a pas que les benzodiazépines qui créent une dépendance. Josée l’a appris à ses dépens. À la suite d’une opération douloureuse, son médecin lui avait prescrit du Percodan, un médicament à base de codéine. «Un de mes trois adolescents me donnait à cette époque du fil à retordre. Vols, policiers, DPJ... Lorsque je prenais mes médicaments, non seulement la douleur s’en allait, mais je ressentais aussi une sorte de “buzz”; j’oubliais mes problèmes et je m’assoupissais...» Pendant des années, elle a vécu dans une brume cotonneuse. «Au bout d’un moment, mon médecin m’a dit que ça suffisait, que je devais arrêter. J’ai tenté de le faire à plusieurs reprises mais, au bout de 10 jours, je commençais à ressentir des tremblements, des nausées, de l’insomnie... des symptômes de manque. Alors, j’ai commencé à aller voir d’autres médecins, à m’inventer des bobos... J’étais prête à n’importe quoi pour avoir ces pilules. Je me disais que je ne faisais rien de mal.»
       Josée est devenue dépendante à la codéine, un dérivé de la morphine qu’on trouve dans plusieurs analgésiques, tels le Percodan et les Ampracet. «Un jour mon mari m’a prise sur le fait et m’a mise au pied du mur. J’ai dû reconnaître que j’avais besoin d’aide. Je suis allée en thérapie... Ça a été très dur, mais ça a changé ma vie.»

La dépendance
La consommation de tranquillisants et de somnifères peut entraîner une dépendance physique et psychique. On a cru jadis qu'il fallait en prendre longtemps et à doses élevées. Or, il ressort de plus en plus qu'à doses thérapeutiques et pour de courtes périodes, ces médicaments sont sources de problèmes. Même une consommation irrégulière à court ou long termes (par exemple, prendre une pilule de 4 à 5 fois la semaine) peut être cause de dépendance.
       Parce que la dépendance est un processus chimique, toute personne y est vulnérable quels que soient ses antécédents, ses revenus, son niveau d'éducation ou son âge.
Quiconque possède un ou plusieurs des traits suivants pourrait être dépendant des benzodiazépines :
- Incapacité de se passer de ces médicaments pour fonctionner;
- Plusieurs tentatives infructueuses de réduire ou mettre fin à leur consommation;
- Sensation excessivement inconfortable en cas d'oubli de la prise d'une pilule (ex. hausse de l'anxiété, panique, agitation, insomnie);
- Se donner beaucoup de mal pour avoir ses pilules à portée de main ou paniquer en cas de non disponibilité;
- Veiller minutieusement à leur approvisionnement pour être sûr de ne pas en manquer;
- En prendre quelques-unes de plus en cas de situations anxieuses;
- En prendre de plus en plus avec le temps.

Une des caractéristiques de la dépendance aux benzodiazépines, au contraire de celle aux drogues illégales, est qu'elle incite les dépendants à en consommer davantage. S'ils ne peuvent plus s'en passer, c'est parce qu'ils ne peuvent supporter les symptômes qui leur sont associés plutôt que pour contrer les effets pour lesquels les benzodiazépines avaient été prescrites au départ.

Tolérance et sensation de sevrage entre deux prises
Il y a peu de gens qui réalisent qu'on peut ressentir des symptômes de sevrage tout en continuant à prendre des benzodiazépines. C'est qu'au moment où la tolérance au médicament s'accentue, les "bénéfices" qu'on retire en en prenant disparaissent de plus en plus rapidement: entre deux prises médicamenteuses, les symptômes peuvent être les mêmes qu'en période de sevrage proprement dite, imitant les problèmes (anxiété, panique, agoraphobie ou insomnie par exemple) que la benzodiazépine était censée résoudre à l'origine.
       En fait, ceux qui souffrent de sevrage entre deux prises craignent le plus souvent une détérioration de leur condition initiale, entraînant les prescripteurs à augmenter la dose, voire à prescrire d'autres médicaments tels les antidépresseurs, alors qu'en fait, il ne s'agit simplement que des effets secondaires liés aux benzodiazépines. Les problèmes sont causés par le médicament. C’est un cercle vicieux.

Mise en garde importante : n'arrêtez jamais la prise de benzodiazépines soudainement. Le sevrage "cold turkey" (du jour au lendemain), en particulier à partir de fortes doses de benzodiazépines, est extrêmement dangereux et peut entraîner des crises et des effets secondaires dommageables à long terme. Si vous avez décidé de réduire la dose ou d'arrêter de prendre des benzodiazépines, essayez de trouver de l'appui chez un médecin ou tout autre prestataire de soins qui connaît ce sujet.

Coûts socio-économiques de l'usage prolongé d'une benzodiazépine
- Accroissement du risque d'accidents - de circulation, chez soi, au travail.
- Accroissement du risque de victime dû à une overdose, si mélangée à d'autres drogues.
- Accroissement du risque de tentative de suicide surtout en état dépressif.
- Accroissement du risque d'attitude agressive et d'attaque.
- Accroissement du risque de vol à l'étalage et autres actions antisociales.
- Accroissement de conflit marital et domestique et de la crise nerveuse due au déséquilibre émotionnel et cognitif.
- Accroissement de perte d'emploi et de chômage pour raisons médicales.
- Coût des bilans hospitaliers, des consultations et des admissions.
- Effets opposés au cours de la grossesse et chez le nouveau-né.
- Dépendance et abus potentiel thérapeutique et récréatif.
- Coûts des ordonnances médicales.
- Coûts de litige.

Les coûts socio-économiques actuels de la consommation élevée sur une longue période sont considérables, bien que difficile à mesurer. Ces conséquences pourraient être minimisées si les ordonnances pour une longue période de benzodiazépines diminuaient. Pourtant, beaucoup de médecins continuent de prescrire des benzodiazépines. Leurs patients qui souhaitent en être sevrés reçoivent très peu de conseils ou d'appui du milieu médical.

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