En passant, la douleur est réellement soulagée uniquement durant les derniers jours ou les dernières heures de vie lorsque le patient reçoit des doses de morphine (ou autre) suffisantes pour l’insensibiliser.
J’habitais à la campagne à l'époque. Un de mes voisins avait un cancer passablement avancé. Néanmoins, encouragé/poussé par les médecins, il recevait régulièrement des traitements de chimio. De sorte que sa vie alternait entre l’hôpital et sa maison.
Lorsqu’il prenait une marche il arrêtait parfois pour causer. Il me racontait les immenses souffrances qu’il endurait parce que la médication de soulagement avait peu d’effet, quelles que soient les doses.
Par une belle soirée d’août, il vint me voir, l’air plutôt joyeux. À un moment donné il me dit qu’il n’en pouvait plus, qu’il en avait marre de servir de cobaye et ne voulait plus se faire écœurer par les médecins qui le torturaient (ce sont ses mots).
Il déclara ensuite : «Je leur ai dit aujourd’hui que je refusais tous leurs traitements. Ils m’ont menacé en me disant que j’allais souffrir encore plus.»
Je lui ai répondu que les médecins n’avaient peut-être pas tort, étant donné qu’il était dépendant des calmants.
Il a souri en disant : «Je sais que je ne souffrirai plus. Je suis trop heureux de ma décision. Je reviendrai te voir demain.»
Je savais intuitivement que je ne le reverrais plus. Après m’avoir quittée, il a poursuivi sa marche et n’est pas rentré chez lui.
Le lendemain, on fit une battue à la demande de sa famille. On l’a trouvé, oui! … pendu à un arbre dans un boisé adjacent. Il avait sans doute préparé le setup d’avance.
Le choix
Et je cite encore Ramon Sampedro : «Vivre est un choix, non pas une obligation.»
Au moins ce voisin avait-il la capacité physique de mettre fin à ses jours. Mais s’il avait pu se procurer une «pilule de suicide», il aurait eu une mort digne et celle-ci n'aurait pas été traumatisante pour ses proches.
D’autres n’ont pas le choix d’endurer parce qu’ils sont placés en centres de soins prolongés, totalement à la merci des décisions du personnel médical. Des prisonniers.
J’ai vu des cadavres «vivants» passer leurs journées à râler, suffisamment conscients pour réclamer la mort. Mais ils n’étaient pas entendus…
J’ai vu des patients devenus déments et conséquemment incapables, en effet, de faire des choix conscients. Leur mandat d’inaptitude n’était pas entendu…
Quand j’entends des gens proclamer que «regarder leurs proches s’éteindre à petit feu avait été la plus belle expérience de leur vie» ou «les gens qui refusent de vivre une longue agonie passent à côté d’une expérience extraordinaire», je saute au plafond…
Et je répète pour l'énième fois : il ne s’agit pas d’euthanasier systématiquement tous les gens vulnérables (handicapés, personnes âgées, malades chroniques, etc., qui veulent continuer de vivre malgré leur condition) mais uniquement d’aider ceux qui souhaitent en finir.
COMMENTAIRE
Ça fait six mois que ma mère est en soins prolongés et qu’elle demande qu’on l’aide à mourir. Elle me répète souvent : «À quoi sert d’avoir un corps dont on ne peut pas se servir? Je ne suis plus capable de voir ce plancher. Je ne veux plus aller du lit au fauteuil et du fauteuil au lit. Je ne suis plus capable. Vont-ils finir par comprendre?»
À force de pousser pour que sa volonté soit respectée, le médecin a fini par consentir (à son grand regret) à ne lui procurer que les soins de fin de vie.
Et l’on regarde les aidants qui soutiennent les demandes de leurs proches comme s’ils étaient des assassins!
J’arrive toujours à la même conclusion : les humains aiment regarder souffrir leurs semblables.
Je crois que je vais écrire un livre sur le sujet…
À suivre
Voyez le libellé «Euthanasie».
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