16 avril 2019

Damnées religions (suite)

La saga autour du dernier projet de loi sur la laïcité de l’État crée encore des remous. Personnellement, les musulmanes peuvent bien porter un hidjab si ça leur plaît; contrairement à la burqa et au niqab, il ne masque pas le visage. Ce n’est toujours qu’un code vestimentaire destiné à se démarquer, à afficher son appartenance à un groupe religieux spécifique. Comme d’autres portent d’anciennes casquettes des Expo en signe d’intérêt pour le baseball.
   Mais, est-il raciste d’exiger que les gens travaillent à visage découvert s’ils occupent un poste au sein de la fonction publique? NON.

Syncrétisme culturel identitaire de bon aloi : hidjab québécois (ceinture fléchée), aussi adaptable au dastar sikh. Caricature : Serge Chapleau, La Presse 15 décembre 2018.

Deux manifestations contre la loi 21

Des politiciens fédéraux, provinciaux et municipaux ont manifesté dimanche en compagnie de leaders communautaires et de citoyens pour dénoncer le projet de loi sur la laïcité, lors de deux manifestations tenues sur l'île de Montréal.
   En résumé, le projet de loi 21 sur la laïcité de l’État prévoit que toutes les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires doivent respecter les principes de la séparation de l’État et des religions, de la neutralité religieuse de l’État, de l’égalité de tous les citoyens et des libertés de conscience et de religion.
   Il prévoit l’interdiction du port de signes religieux chez les employés de l’État en position de coercition (juges, policiers, procureurs, gardiens de prison) et d’autres employés de l’État, essentiellement les enseignants des écoles primaires et secondaires du réseau public et les directeurs d’école.
   Les participants ont dénoncé la mesure législative du gouvernement caquiste, la qualifiant de discriminatoire et d'inconstitutionnelle. Le rassemblement visait à envoyer un message en faveur de la liberté religieuse. Selon le député libéral de la circonscription de D'Arcy-McGee, Davie Birnbaum, le projet de loi 21 va à l'encontre de la véritable neutralité religieuse et est inéquitable pour tous les citoyens. «L'idée d'un État neutre est très nette, a-t-il soutenu. Si je peux porter ma kippa, si on peut porter son hijab, si on peut porter une coupe mohawk avec cinq anneaux dans le nez, l'État doit être aveugle. Le droit d'exercer sa religion de toutes les façons est sacré.»

Ndlr : 1. On n’embauchera certainement pas un homme avec une coupe mohawk et cinq anneaux dans le nez comme enseignant. Nous sommes capables de faire la différence entre le bonhomme carnaval, une cagoule de motoneige et un hidjab. 2. Tous les citoyens québécois bénéficient déjà de la liberté religieuse; ils ont le droit de croire à Dieu, à toutes les divinités imaginables, même à la Licorne Rose, et de pratiquer leur religion dans leur lieu de culte. Ils ont aussi le droit d’être ATHÉES (1), même s’ils sont minoritaires. «Raciste», «insensé», «honteux», «islamophobe»... les épithètes gratuites pleuvent afin de nous culpabiliser. Du n’importe quoi! 


Quoiqu’en disent les gouvernements et le public, le dilemme n’a rien à voir avec le multiculturalisme ni avec le libre choix des femmes ni avec le racisme. Les dérapages ne sont pas là où l’on imagine...
   Nous brodons autour des codes vestimentaires et des symboles religieux depuis 12 ans. Dans l’ensemble, les Québécois sont patients et tolérants. Mais je crois que nous avons atteint notre limite. Pour ma part, j’en ai marre des discussions cul-de-sac, je suis au bord de l’indigestion. Vient un moment où il faut trancher. Ce dont l’islam radical ne se prive pas – si j’osais circuler en Arabie saoudite sans niqab, je risquerais l’emprisonnement, voire un châtiment coranique.
   Cessons de couper les cheveux en quatre et imitons les pays qui interdisent le niqab et la burqa – France, Belgique, Luxembourg, Cameroun, etc. Clair, simple et équitable : visage découvert pour TOUT le monde, non seulement dans la fonction publique, mais dans tous les espaces publics.
   Donc, va pour le hidjab, mais non à la burqa, au niqab et au kirpan (poignard sikh, une arme offensive). 
   Et tant que les intégristes musulmans ne réclameront pas des tribunaux islamiques leur permettant d’appliquer la charia chez nous, tout devrait bien aller. Nous ne voulons pas voir les séances publiques de coups de fouet, de lapidation, de tronçonnage de mains et autres pratiques barbares exécutées par les bourreaux de leur police du vice et de la vertu.

Une jeune femme reçoit des coups de canne en rotin sur le parvis d’une mosquée de Banda Aceh, Sumatra. Photo : Chaideer Mahyuddin / AFP

Extrait d’un article publié il y a deux ans.  

La tyrannie confessionnelle

Situation planétaire, 26 décembre 2017

«Parfois, la vérité doit être mise à l’envers pour être vue à l’endroit. Il n’y a ni fossé ni champ de mines dans le monde de la réflexion. Les tyrans et les dictateurs le savent bien. Ils redoutent la liberté que représente la faculté de penser chez leurs concitoyens.
   Est-ce un rêve outrancier que d’imaginer une civilisation à l’échelle mondiale qui ne soit pas fondée sur l’oppression? Outrancier ou non, c’est un rêve nécessaire. Il est clair que la prochaine génération ne sera sans doute pas beaucoup plus avancée que la nôtre. Mais il est possible que ceux qui viendront plus tard soient moins stupides que nous. » ~ Henning Mankell (Sable mouvant, Fragments de ma vie; Éditions du Seuil, 2015)

«Chaque siècle a son moyen-âge.» (Stach)

On se penserait au temps de l’Inquisition. Les gens peuvent bien pratiquer les religions qu'ils veulent, mais il est inadmissible qu'ils tentent de les imposer aux non-croyants.

Des enfants retirés à leur mère pour cause d’athéisme

Une femme musulmane avec ses deux enfants, au Caire, juin 2017. L'athéisme pourrait bientôt être puni par la loi. Photo : Samer Abdullah / AFP  

Il vaut mieux ne pas afficher son athéisme en Égypte. Dans un contexte de dénonciation de la croissance de l’athéisme, particulièrement chez les jeunes, une mère a perdu la garde de ses deux enfants en raison de son absence de foi.
   Au Caire, une mère a été privée de ses deux enfants parce qu’athée. C’est le tribunal des affaires familiales de la ville qui a prononcé dimanche 24 décembre ce jugement sans précédent. La décision de justice intervient en pleine campagne de chasse à l’athéisme dans le pays.
   «L’extrémisme et l’athéisme sont les deux faces d’une même pièce». Une affirmation martelée sur plusieurs chaines de télévisions par des ulémas de l’islam dans ce qui ressemble à une campagne nationale contre l’athéisme.
   Campagne déclenchée par un rapport de la très officielle direction générale des Fatwas, qui affirme que l’athéisme est un mal qui se répand de manière alarmante au sein de la jeunesse. Avec la bénédiction de la Grande Mosquée d’al-Azhar, la commission des affaires religieuses du Parlement s’est aussitôt saisie de l’affaire. Elle a décidé d’élaborer une loi qui pénalise l’athéisme.
   Toute personne affirmant publiquement son athéisme ou sa sympathie pour les athées pourrait se retrouver passible d’amende ou de prison. Le projet de loi prévoit une surveillance d’internet et notamment des médias sociaux. Pour les laïcs et les libéraux, cette loi viole la Constitution, qui garantit la liberté de croyance.

Avec notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti, 24 décembre 2017

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(1) S’il fallait que les athées s’offusquent et agissent comme les intégristes musulmans, eh bien on ne verrait pas l’ombre d’un voile ici. Les islamistes se réclament à grands cris de l’état de droit (là où il existe), alors qu’ils sont d’une intolérance et d'une violence inouïes à l’égard des non-croyant.e.s.

Quelques extraits du dossier discrimination contre les athées (Wikipédia) 

La discrimination contre les athées est une forme d'intolérance religieuse, parfois désignée sous le nom d'athéophobie.

Afghanistan
La constitution afghane appelle au respect des conventions internationales que le pays a signées, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme dont un article prévoit la liberté de religion. Mais elle oblige toute loi à être conforme à l'islam, dont l'interprétation traditionnelle réserve la peine de mort aux musulmans ayant renoncé à leur religion.

Algérie
Un non-musulman ne peut pas se marier avec une femme musulmane (Code de la famille algérien I.II.30). Les apostats sont déshérités (Code de la famille algérien III.I.138).

Arabie saoudite
En Arabie saoudite l'accès aux villes saintes de La Mecque et de Médine est interdit aux athées (comme d'ailleurs à tous les non-musulmans). De plus, le fait pour un ancien musulman de se déclarer athée (apostasie) est passible de la peine de mort par décapitation. Selon le décret royal 44, «l’appel à la pensée athée sous toutes ses formes» relève du terrorisme, et est puni de trois à vingt années de prison.

Égypte
En Égypte, se déclarer athée peut être considéré comme une insulte à l'islam, et conduire à des arrestations. En milieu rural, ou traditionnel, il peut entraîner des crimes dits d'«honneur», l'un des membres de la famille d'une personne se déclarant athée pouvant être désigné pour assassiner la personne, pour laver l'honneur, de ce qui est vu comme une forme de honte.

États-Unis
En 1994, au cours du procès intitulé Board of Education of Kiryas Joel Village School District v. Grumet, la cour suprême de justice statue que «le gouvernement ne devrait pas préférer une religion à une autre, ou la religion à l'irréligion». Le procès a d'autre part établi que «Ni un État ni le gouvernement fédéral ne peuvent faire entrer en vigueur des lois qui aident une religion particulière, qui aident toutes les religions, ou qui préfèrent une religion à toutes les autres». Cette clause s'applique aussi bien aux États qu'au gouvernement fédéral. Cependant, de nombreuses constitutions étatiques laissent conditionnelle la protection des personnes vis-à-vis de la discrimination religieuse, et notamment sur la question de l'existence d'une divinité, ce qui laisse les athées dépourvus de leur droit à la liberté de religion, ou plus exactement liberté d'irréligion. (Voyez le lien pour plus de détails)

Indonésie
Le droit de ne pas avoir de religion n'est pas reconnu en Indonésie. Toute personne critiquant ou contestant l'une des religions reconnues (islam, christianisme [catholique ou protestant], hindouisme, bouddhisme ou confucianisme), et diffusant cette critique, encourt jusqu'à onze ans de prison. Chaque personne doit faire figurer sa religion sur sa carte d'identité. L'obligation d'être croyant est «le premier pilier de la philosophie d'État en Indonésie – Pancasila». Endy Bayuni, rédacteur en chef du Jakarta Post, rapporte que l'obligation légale imposée à chacun d'être croyant a été incorporée à la constitution dans les années 1940, lors de la lutte contre une insurrection communiste. L'athéisme est ensuite réprimé sous le régime du Président Suharto (1967-1998), «qui traita l'athéisme comme ennemi de l'État» en l'assimilant au communisme. Les athées doivent alors se déclarer officiellement membres d'une religion pour échapper aux persécutions. [...] (Voyez le lien pour plus de détails)

Iran
De tradition chiite, l'Iran a condamné à mort des musulmans ayant apostasié sur la base de la charia non codifiée. Des peines sont régulièrement prononcées. Avant 1989, se déclarer athée en Iran conduisait directement à la potence. Depuis la fin des années 1990, la mort n'est plus prononcée pour les athées, mais les peines de prison sont toutes pénibles et lourdes, avec des peines de travaux forcés, et l'attitude du régime est tout aussi sévère. Pour confondre un athée, la torture peut toutefois être utilisée et entraîner des «bavures» pouvant déboucher sur la mort d'un individu. De nos jours, être athée en Iran se fait dans la clandestinité, pour éviter des souffrances, et celui qui n'est pas croyant va éviter de le revendiquer, même s'il est notoire qu'il ne fréquente pas la mosquée, ce qui montrerait presque une certaine forme de tolérance. En revanche, si un athée injure la religion musulmane, c'est alors vu comme du blasphème, et entraîne automatiquement la peine de mort.

Malaisie
L’article 11 de la constitution fédérale de Malaisie garantit à chacun le droit de choisir sa religion, mais l’article 3 dispose que l’islam est la religion officielle, et qu’on ne doit pas en prêcher d’autre aux musulmans. La majeure partie des États ont adopté la Loi de contrôle et de restriction, qui prévoit une amende de 10 000 ringgits, ou une peine d’un an de prison, pour ceux qui induisent un musulman à changer de religion. La critique de l’islam est considérée par la loi comme un acte de sédition (Sedition Act hérité de la période coloniale). Il est donc très difficile aux musulmans (essentiellement les Malais considérés comme musulmans de naissance) d’abandonner leur religion car ils doivent pour cela faire entériner leur choix par un tribunal religieux musulman, seule juridiction compétente en la matière depuis 1988. La demande est presque toujours refusée, et une peine peut être imposée pouvant aller jusqu’à la prison ou l'enfermement dans un camp de «réhabilitation» jusqu'au renoncement de leur projet d'officialisation de leur apostasie. [...] La question de l’apostasie fait l’objet de débats animés entre les musulmans libéraux qui estiment qu’il n’y a aucun avantage à maintenir de force un non-croyant dans l’islam, et une forte et active minorité de fondamentalistes désireux d’imposer encore plus de restrictions, comme des peines de prison obligatoires, voire la peine de mort. [...] (Voyez le site pour plus de détails)

Mauritanie
En Mauritanie, le Code pénal de 1984 dit : «Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur et aux mœurs islamiques, ou a violé les lieux sacrés ou aidé à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la Ghissass ou la Diya, sera punie d'une peine correctionnelle de trois mois à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 5.000 à 60.000 UM. Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d'une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article. «Toute personne coupable du crime d'apostasie (Zendagha) sera, à moins qu'elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort

Libye
Le rejet de l'islam peut être sanctionné par la perte de la citoyenneté.

Soudan
Le Soudan, à l'exception du Soudan du Sud, applique la charia qui, selon l'interprétation individuelle, peut condamner à mort les musulmans apostats.

Suède
En Suède, pourtant considéré comme l'un des pays les plus séculiers du monde, il existe des lois qui peuvent être considérées comme discriminatoires contre les athées : dans les écoles publiques, le début de chaque semestre se tient dans une église et un prêtre délivre son sermon; de même, les écoles organisent des sorties à l'église avant certaines périodes de vacances scolaires. Lorsque les athées suédois se sont opposés à cette tradition, les politiciens sont intervenus pour la défendre. Ainsi, le 26 octobre 2006, le ministre suédois de l'éducation, Jan Björklund, fit savoir que «Nous ne devrions pas avoir de règles en Suède qui feraient que les gens ne continueraient pas les débuts d'années scolaires et les cérémonies à l'église. Il n'y aura pas de changements sur ces règles.» [...]

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Sites d’intérêt sur l'athéisme :

L’observatoire de l’athéophobie 

Association humaniste du Québec; La voix des humanistes athées et agnostiques

Athéisme L’Homme debout

The Thinking Atheist

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