Pour stationner sur les autoroutes.
Obsédés par la vitesse et la productivité – il
faut toujours aller plus vite – les gens se plaignent de manquer de temps. Pourtant
des millions de personnes acceptent
de sacrifier un nombre incalculable d’heures, stationnées pare-choc à pare-choc sur les «voies rapides», les
autoroutes, les ponts et les grands boulevards pour entrer et sortir des grands
centres urbains.
C’est un
peu comme les promesses du W3 qui en principe était supposé nous faire gagner beaucoup
temps – oops! Nous devons perdre individuellement une couple de milliers d’heures
et de dollars – annuellement, mensuellement ou quotidiennement selon notre utilisation...
De toute
façon, on est toujours en train d’attendre : une heure précise, un texto, un objet, une personne, un job, un quelconque événement. De sorte que
nous sommes presque tout le temps sur le qui-vive. Épuisant. Comme dit une de mes amies «we
live in a crazy, crazy world», ainsi que «je sais que je serai au paradis
le jour où je ne verrai plus ce qui se passe sur terre».
«Moi, j'aime bien jeter par-dessus bord les
multiples privilèges que nous accorde notre temps dans le but évident de nous
faire oublier qu'il nous écrase, en contre partie, sous des tonnes d'inconvénients
[...] ces moteurs qui ont fait de l'homme un crétin à roulettes et de la
planète un garage criblé d'autoroutes.»
~ Jacques Sternberg
~ Jacques Sternberg
Cela dit, revenons à nos bouchons
Gaspillage
de carburant et pollution atmosphérique
Le saviez-vous? Pris dans leur ensemble, les 20
pires points de saturation au Canada entraînent : près de 12 millions d’heures perdues; un coût annuel en retards de 287 millions de
dollars; quelques 22,3 millions de
litres d’essence gaspillés – soit l’équivalent de 446 000 visites à la
pompe; et le rejet inutile de près de 60 000 tonnes de CO2. (CAA-Québec)
Qui sont
les champions des bouchons?
Nadine Filion | CAA-Québec / Automne 2017
Étude sur la congestion routière au Canada
La plupart
des études sur la congestion routière en Amérique du Nord ont soutenu, jusqu’à
maintenant, que les grandes villes canadiennes étaient celles où il se perdait
le plus d’heures et de dollars à cause des bouchons.
Finalement, il semble que quand on se compare, on
se console... À la lecture de l’étude Quand
tout s’arrête, une évaluation des pires points d’engorgement au pays menée
par la firme CPCS pour le compte de CAA, on constate que les grandes régions
métropolitaines canadiennes ne sont pas en tête du palmarès des villes
nord-américaines aux prises avec la congestion.
A-t-on des
solutions pour en finir avec les bouchons de circulation?
Annabelle Caillou | Le Devoir / 7 octobre 2017
Davantage d’options de transport collectif, police
anticongestion, taxe sur l’essence ou encore ajout de routes? Les aspirants
maires du Québec redoublent d’imagination pour enrayer le problème des
embouteillages routiers. Un fléau des temps modernes qui cause bien des maux de
tête aux automobilistes de la province, mais aussi des grandes villes du monde
entier.
Dans la
course aux solutions testées à travers le monde, Stockholm, Singapour et
Londres arrivent en tête avec leur tarification de l’usage du réseau routier.
Depuis 2006, le système a eu le temps de faire ses preuves à Stockholm, en
Suède, d’après Richard Shearmur, professeur au Département d’urbanisme de
l’Université McGill.
Le péage
urbain pour contrer les bouchons de circulation
Luc-Normand Tellier * | Le Devoir / 27 avril 2018
Depuis
longtemps, le rêve de contrôler l’étalement urbain qui avait inspiré la Loi sur
la protection du territoire agricole, adoptée le 9 novembre 1978, a été trahi
autant qu’il était possible de le faire. On ne compte plus le nombre de maires,
de promoteurs et de cultivateurs ayant réussi à contourner cette loi pour augmenter
leur assiette foncière ou pour faire une fortune rapide en accélérant
l’étalement urbain dans la grande région de Montréal, mais aussi ailleurs.
Photo: Jacques Nadeau / Le Devoir. Toute augmentation de 1% du réseau autoroutier se traduit par une augmentation égale à 1% du nombre de kilomètres parcourus sur ce même réseau, rappelle l'auteur.
Les citoyens se sont rués sur les bonnes affaires
et les habitations bon marché. Les municipalités de banlieue se sont endettées
pour leur fournir les infrastructures, puis les services municipaux de base. On
a construit des rues, des routes, des réseaux d’égout et d’aqueduc, des écoles,
des cliniques et des hôpitaux. On a inauguré de nouvelles autoroutes, puis on
les a prolongées.
Tout alla
pour le mieux jusqu’au jour où le tout-à-l’auto posa problème en matière de
pollution et de congestion. Plus on construisait d’autoroutes, plus il y avait
de voitures, et plus il y avait de voitures, plus on réclamait des autoroutes,
jusqu’au jour où on réalisa que les autoroutes ne suffiraient pas à la tâche et
qu’il fallait leur adjoindre des trains de banlieue, des stations de REM et de
métro, ainsi que des voies réservées au transport en commun sur les autoroutes.
Les
élections approchant, les maires de banlieue réclament maintenant à hauts cris
que l’ensemble des citoyens du Québec leur paie ces cadeaux à coups de
milliards de dollars. C’est une question de vie ou de mort, insistent-ils.
Le
problème, c’est qu’il existe une loi économique du développement urbain qui
porte le nom de «loi fondamentale de la congestion routière», loi formulée en
2009 par Gilles Duranton de l’Université de Pennsylvanie et Matthew Turner de
l’Université Brown. Cette loi est basée sur une vaste étude de la congestion
automobile aux États-Unis.
Elle
énonce ce qui suit : «Toute augmentation de 1 % du réseau autoroutier se
traduit par une augmentation égale à 1 % du nombre de kilomètres parcourus sur
ce même réseau.» Trois facteurs expliquent cela : le développement du réseau
autoroutier encourage le recours à l’automobile chez les utilisateurs existants;
il attire de nouvelles activités de production axées sur le transport; il
provoque un influx de nouveaux résidents.
Cette
même loi vaut aussi pour le transport collectif lié ou non aux autoroutes, si
bien que les deux économistes urbains concluent qu’une offre supplémentaire de
routes et de transports publics a peu de chances de réduire la congestion («is
unlikely to relieve congestion»). Il ne faut jamais oublier qu’aux États-Unis
(tout comme au Canada sans doute), un déplacement en transport en commun prend,
en moyenne, 48 minutes, alors qu’un déplacement en automobile prend 24 minutes.
Une seule
mesure efficace
Que faire alors? Augmenter le prix de l’essence
n’aurait que très peu d’effet, du moins si on ne le multiplie pas par 3, par 4
ou même par 5 (en 1995, le prix de l’essence en France et en Italie était cinq
fois supérieur au prix de l’essence aux États-Unis!). La seule mesure qui se
soit avérée nettement efficace en matière de réduction de la congestion est
celle que j’ai été le premier à proposer à Montréal, il y a 25 ans, en 1993,
soit le péage urbain.
Il
suffirait que nous imposions une taxe de congestion sur tous les ponts
entourant Montréal pour qu’enfin tous retrouvent la raison et que les citoyens
travaillant sur l’île de Montréal désertent les banlieues pour revenir sur
l’île et que ceux travaillant dans les banlieues quittent l’île. Ainsi, la
congestion, tant sur l’île qu’en dehors de l’île, serait enfin réduite.
Faire
cela demande du courage politique, alors que promettre des milliards en
investissements dans des autoroutes congestionnées et dans des REM et trains de
banlieue n’en demande pas, hélas!
* Professeur émérite au Département d’études
urbaines et touristiques de l’ESG-UQAM
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