Si l’on
se fie à la définition du Petit Robert, le racisme repose sur une théorie de la
hiérarchie des races, qui conclut à la nécessité de préserver la race dite supérieure
de tout croisement, et son droit de dominer les autres.
Cours 101
pour créationnistes : ethnies et génétique
Pour
alimenter la réflexion, je vous propose un audio sur l'histoire des
zoos humains racontée par l’anthropologue et écrivain Serge Bouchard, un texte
de l’écrivain Philippe Claudel sur les parcs
de pauvres, et un film sur les origines du racisme américain et du «white
power» avec Tim Wise.
RÉCIT
L’histoire des zoos humains
Par Serge Bouchard
L’histoire
des zoos humains, c’est l’histoire de l’invention du sauvage, ces prétendus
sauvages qu’on a recrutés, on leur a un peu forcé la main, partout en Afrique,
en Océanie, en Asie dans les Amériques, Amérique du Sud, Amérique du Nord. On
les exposés dans des cirques, des cabarets, des foires, des villages
itinérants, dans des expositions universelles, et surtout des expositions
coloniales. On est au 19e siècle et ça s’inscrit dans toute la
culture de l’Occident. C’est un immense spectacle avec des figurants, des
impresarios, des décors, c’était le grand spectacle. Donnons des chiffres :
de 1850 à 1940, c’est 1 milliard et demi de visiteurs, c’est quand même pas
rien, qui ont regardé 30 000 à 34 000 figurants primitifs sauvages. Ça s’est
passé beaucoup en Angleterre, mais le chef de file était la France, beaucoup l’Allemagne
et le Danemark, les Danois étaient fous de ça. Les Américains ont aussi plongé
là-dedans, et ç’a été jusqu’en Asie, mais on connaît moins. Ça s’est fait
beaucoup au Japon aussi.
Le problème était de savoir qui était
l’autre. Un barbare, un monstre, un homme des bois, un cannibale? Christophe
Colomb allait découvrir 60 000 parfaits sauvages. On s’est mis à les
amener en Europe pour les exhiber.
Selon la mentalité colonialiste, «l’homme
supérieur a le devoir de civiliser l’homme inférieur».
C’est l’époque du racisme scientifique. Et
les spectacles et les zoos humains sont appuyés par les savants, sont appuyés
par la science, et par une certaine anthropologie physique, une anthropologie
qui est au cœur même du racisme moderne. Cette fausse science créa d’énormes
dommages.
Audiofil :
Dans son
roman «Inhumaines», Philippe Claudel
pousse la caricature, le cynisme et l’ironie à l’extrême, mais ce faisant, il nous
renvoie notre image.
«Le rire contre les armes. Et l’ironie pour
se moquer de nous. L’homme est sans doute le seul animal à commettre deux fois
les mêmes erreurs. Il est aussi l’unique à fabriquer le pire et à le dépasser
sans cesse. À observer le monde comme il va, on hésite alors entre les larmes
et le rire.
J’ai choisi dans Inhumaines de m’affubler d’un nez rouge, d’exagérer le vrai pour en
saisir l’atroce. Ma volonté était de cette façon de tempérer la cruauté née de
notre société en la croquant de façon grotesque, ce qui permet de s’en moquer,
en espérant contribuer à la corriger aussi, même si je n’ai guère d’illusion
sur ce point : restons modeste.
Je suis convaincu qu’il est des situations
où la littérature doit se transformer en papier de verre pour décaper les
cervelles : cela fait un peu mal au début mais cela chatouille aussi. ... Inhumaines est inspiré de faits réels.
Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant est totalement
volontaire. J’ai simplement forcé un peu le trait. À peine. Et je n’ai d’autre
ambition que faire rire, même jaune, à nos propres dépens, à commencer par les
miens. Inhumaines est à la vérité ce
que le palais des glaces est au réel : exhibant un reflet convexe, parfois
concave, rétréci ou agrandi, même s’il déforme, il ne ment jamais.»
Le
chapitre intitulé «Réduction de la fracture sociale» décrit une version
contemporaine des zoos humains. Les camps de réfugiés ou ceux des immigrants illégaux aux
États-Unis en sont aussi de parfaits exemples...
Depuis
peu on a parqué les pauvres. C’est bien mieux. Ça ne pouvait plus durer. Dans
une société à deux vitesses où les riches passent leur temps à s’enrichir et où
les pauvres passent le leur à s’appauvrir, rien ne sert que les seconds soient
dans le même espace que les premiers. Il ne pourrait en découler que de la
peine et aussi de l’envie. Le gouvernement a agi. Et pour une fois, il a bien
agi. On a ramassé tous les pauvres qu’on a pu trouver. Certains ont dû
s’échapper mais pour aller où. Dans les bois. Dans des contrées hostiles. Ils
n’y survivront pas longtemps. Les pauvres ont été rassemblés dans des stades
qu’ils connaissent bien, qu’ils affectionnent et qu’ils remplissent souvent
pour assister à des matchs de football, leur sport préféré, en buvant des
bières. En l’occurrence ils étaient dans les gradins mais aussi sur la pelouse.
Ça a dû leur faire bizarre. Et plaisir sans doute d’être aujourd’hui là où se
trouvaient les héros d’hier. La vie réserve bien des plaisirs à ceux qui savent
patienter. Pendant les deux jours suivants, on les a répertoriés et marqués. De
façon discrète. Un très léger tatouage sur l’avant-bras gauche. À l’encre
bleue. Un simple chiffre. Puis ils ont été entassés dans des trains. Direction
les parcs des pauvres. Situés loin. Je veux dire loin de nous. Vers l’intérieur
du pays. Dans des espaces désertiques au climat vivifiant. Le pauvre est
rugueux. Il est doté d’une étonnante capacité de résistance. Afin de gommer les
légères différences et de na pas faire de jaloux, on leur a donné un uniforme
composé d’un joli pantalon et d’une agréable chemise de toile bleus à bandes
blanches. Quelque chose de tout à la fois léger, confortable et indémodable.
Intemporel. Un basique. À quoi ressemble un parc un parc à pauvres. Je veux y
répondre. Nous sommes allés en visiter un le mois dernier. Le comité
d’entreprise était à l’initiative du déplacement. Nous avons bien ri dans
l’autobus. Et chanté. Chauffeur si t’es
champion appuie appuie sur le champignon. Nous avons été hébergés dans un
hôtel doté de tout le confort moderne, sauna, hammam, massages, golf dix-huit
trous, fontaine à champagne, bar à huîtres, hôtesses asiatiques, dociles et
insatiables, mâles africains, ougandais ou kényans disponibles en room service
vingt-quatre heures sur vingt-quatre. [...] Le lendemain, répartis dans de
petits véhicules électriques munis d’un toit ouvrant, nous avons été amenés
dans le parc. C’était l’heure du repas. Les pauvres attendaient bien sagement
devant leurs dortoirs, de coquets baraquements en bois pouvant accueillir une
centaine d’entre eux. On leur distribuait une belle soupe claire ainsi que le
quart d’un copieux pain bis. Le directeur du parc qui nous accompagnait nous a
précisé que, le soir venu, les pauvres avaient droit au même repas. Ne
craigniez pas de trop les gâter. La femme de Brognard aime poser des questions.
Il est important de créer un lien de respect et de sympathie. Le directeur se
faisait pédagogue. Ma femme se bouchait le nez. L’odeur était il est vrai un
peu forte. Pourquoi sont-ils pieds nus dans la neige. On leur donne des
chaussures sans lacets pour éviter qu’ils ne se pendent, mais ils les perdent
tout le temps. Ensuite nous sommes allés sur leur lieu de travail. Une
magnifique carrière à ciel ouvert dans laquelle les pauvres sculptent un grand
escalier. Nous avons été fascinés devant le spectacle pharaonique de ces
milliers de pauvres travaillant de leurs mains, maniant marteaux et burins avec
toute leur énergie, à ce chantier monumental. Déjà aux cent trente-neuf
marches. Où mène cet escalier. C’était Leroux cette fois. Nulle part. On les
occupe comme on peut. Ils ne s’en plaignent d’ailleurs pas. Le pauvre est
oisif. C’est pour cela d’ailleurs qu’il est pauvre. Le parc a une dimension
pédagogique et rééducatrice. J’y tiens beaucoup. Belle idée. Beaucoup d’entre
nous, debout dans les véhicules, le torse sortant du toit ouvrant, ont pris des
photographies. La femme de Brognard a lancé à des enfants qui portaient de
grosses pierres une poignée de friandises. L’idiote. Il est pourtant interdit
de donner de la nourriture. Des panneaux le rappellent en maints endroits. Les
enfants pauvres ont immédiatement lâché leurs pierres, se sont précipités et se
sont à demi écharpés pour les ramasser. L’un est resté au sol. Mort sans doute.
La femme de Brognard s’est fait réprimander par le directeur. Puis par son
mari. L’ambiance était cassée. Nous avons regagné l’hôtel en silence où un repas
chaud nous a été servi. J’avais les joues rosies par le froid et les pieds
gelés. J’ai repris quatre fois du porc en sauce. Le vin chaud montait à la tête
de ma femme. Elle chantonnait. Il faisait bon. Ç’avait été une journée
instructive. Dans la contemplation de la différence on prend conscience de sa
spécificité. Le bonheur tient parfois à peu de chose. Le lendemain, au
petit-déjeuner, Brognard a répudié sa femme. L’incident de la veille ne passait
pas. Brognard ne plaisante pas avec les règles. Il l’a jetée hors de l’hôtel.
Comme elle vient d’une famille sans fortune, elle s’est retrouvée subitement
pauvre. Le directeur a décidé de faire un geste. Il l’a accompagnée lui-même
dans le parc. (Inhumaines, Éditions
Stock 2017; pp. 71-75)
Voici un film
sur les origines du racisme et les raisons pour lesquelles il perdure aux États-Unis.
The Great White Hoax (Le grand canular blanc) contextualise la
politique actuelle aux États-Unis, en mettant l'accent sur la campagne
électorale de Donald Trump pour la présidence 2016. Cependant, le film élargit
sa portée en montrant comment la rhétorique chargée de Trump s'inscrit dans un
modèle historique de longue date dans la politique aux États-Unis, offrant une
étonnante perspective sur la façon dont le racisme et le racisme de boucs émissaires
ont façonné la politique américaine pendant des siècles. Le film devient une solide
ressource pour comprendre les rapports entre races, le privilège blanc, l’entrecroisement
des races, la classe, et les identités de genre, la politique présidentielle,
et la propagande politique à l'ère des «médias sociaux».
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Tim Wise milite contre le racisme aux États-Unis. Il a formé des éducateurs, des employés de corporations et des policiers pour éradiquer le «racisme» des institutions. Il s’est fait connaître dans la lutte contre l’apartheid et a donné des conférences dans plusieurs collèges et universités. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres sur le sujet et on l’a vu dans des documentaires et émissions télévisées. Wise soutient que le racisme aux États-Unis est institutionnalisé en raison du racisme manifeste du passé (et de ses effets permanents) et de la discrimination actuelle. Il soutient que dans les sociétés multiraciales comme les États-Unis, tous les gens (blancs ou de couleur) ont intériorisé divers éléments de la pensée raciste. Toutefois, ce n'est pas parce que la société a été conditionnée de cette façon qu’elle doit rester engagée dans la pensée raciste. Les membres de la société peuvent contester ce conditionnement et apprendre à croire en l'égalité.
Tim Wise milite contre le racisme aux États-Unis. Il a formé des éducateurs, des employés de corporations et des policiers pour éradiquer le «racisme» des institutions. Il s’est fait connaître dans la lutte contre l’apartheid et a donné des conférences dans plusieurs collèges et universités. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres sur le sujet et on l’a vu dans des documentaires et émissions télévisées. Wise soutient que le racisme aux États-Unis est institutionnalisé en raison du racisme manifeste du passé (et de ses effets permanents) et de la discrimination actuelle. Il soutient que dans les sociétés multiraciales comme les États-Unis, tous les gens (blancs ou de couleur) ont intériorisé divers éléments de la pensée raciste. Toutefois, ce n'est pas parce que la société a été conditionnée de cette façon qu’elle doit rester engagée dans la pensée raciste. Les membres de la société peuvent contester ce conditionnement et apprendre à croire en l'égalité.
The Great
White Hoax
Jeremy Earp, Sut Jhally 2017 | 1:12:47
Featuring Tim Wise
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(1) Une
explication possible à ce penchant inné de tueur qui habite l’homme, proposée
par des chercheurs scientifiques.
La violence : les
humains sont-ils mauvais jusqu’à l’os?
Par Gemma Tarlach ǀ 28 septembre 2016
SMACK! POW! BANG! Les humains ont évolué le long
d'une branche particulièrement violente de l'arbre de vie. (Photo via Discover
Magazine)
Désolée, pacifistes. Une nouvelle recherche, qui a
adopté une approche novatrice pour tracer l'évolution de la violence
meurtrière, a constaté que l'Homo sapiens descend d'une branche de mammifères
particulièrement brutaux. Notre inclinaison à démolir et à tabasser est
inscrite dans notre ADN. Cependant, avant de frapper quelque chose parce qu’une
manchette vous dérange, prenez courage : les chercheurs ont également constaté
que notre propension à nous entretuer peut être atténuée.
Essayer de
comprendre pourquoi les humains ont tendance à tuer d'autres êtres humains
tourmente les scientifiques et les philosophes depuis longtemps. Une partie du
problème vient du fait que les causes de cette violence impliquent une
multitude d’influences potentielles difficiles à isoler de façon
scientifiquement rigoureuse.
Le
chercheur José María Gómez et ses collègues ont développé une approche pour
parer à cette difficulté en se tournant vers la phylogénie, qui démontre
comment une espèce se développe et rayonne ensuite sur différentes espèces.
En résumé,
ils ont découvert que l'Homo sapiens faisait partie d'une lignée
particulièrement violente remontant à des millions d'années.
Dans
l'ensemble du spectre des mammifères, le taux de violence meurtrière contre un
membre de la même espèce est d'environ 0,30 pour cent – le risque d'être tué
par un membre de sa propre espèce est de 1 sur 300. Chez nos ancêtres les
grands primates, il était de 1,8 pour cent. Chez l'homme, au point d'origine de
l’espèce, le taux grimpe à 2 pour cent – le risque d’être assassiné était de 1
sur 50.
En
d'autres termes, notre espèce est, en tête de liste (telle qu’elle est) avec
une augmentation constante de la violence meurtrière intra-espèce qui se
perpétue depuis environ 100 millions d'années.
«Attendez
un instant!», me direz-vous en maugréant, comment peuvent-ils connaître ces
taux avec les quelques boîtes de fossiles qu’ils ramènent à la fin de journée?»
En effet, reconstituer ces évaluations inclut une part d’estimation, mais aussi
beaucoup de calcul et de modélisation sophistiquée.
Les
chercheurs, dont le travail a été publié dans Nature, ont recueilli des données provenant de plus de 4 millions
de décès chez 1000 espèces de mammifères (des musaraignes aux baleines) et chez
600 populations humaines de chasseurs-cueilleurs de leurs premiers jours
(connus) jusqu'à maintenant. En utilisant des méthodes de modélisation
similaires à celles qui retracent l'évolution des caractéristiques physiques
spécifiques, l'équipe a tracé la prévalence de la violence meurtrière à
l'intérieur de chaque espèce.
Quelques
modèles se sont dégagés : certaines espèces animales passablement différentes
s'entendent très bien avec les membres de leur espèce, entre autres les
baleines et les chauves-souris. Les herbivores sont en général plus kumbaya.
Mais les
chercheurs ont trouvé que plus une espèce était sociale et territoriale, plus
la violence entre les membres de la même espèce était répandue.
C’est
logique : si vous vivez avec d'autres membres d’un groupe social, vous avez
tout simplement plus de possibilités de vous retrouver dans une prise de bec
sanglante. Si vos ressources sont limitées, ou si vous devez protéger vos biens
ou si vous sortez du bois, vous avez plus de prétextes pour assommer un
concurrent. Hé, j’ai regardé les rediffusions de Law & Order! Motivation et
opportunité. Ç’a toujours été une question de motivation et d'opportunité.
Les
primates ne sont pas la seule branche de l'arbre généalogique ayant des
tendances meurtrières. Sans grande surprise, les chercheurs ont constaté que
les prédateurs carnivores non-primates avaient aussi tendance à être plus
violents les uns envers les autres, en particulier, là encore, ceux qui
vivaient dans des groupes sociaux et territoriaux.
Ne pouvons-nous
pas tous nous entendre?
Cependant, avant de trop désespérer, disons que la
seconde partie de la recherche offre un peu d’espoir. Les chercheurs se sont
intéressés aux taux de violence meurtrière à l’intérieur de centaines de
populations humaines étudiées selon le modèle de société où les individus
évoluaient. L'équipe a constaté que les choses sont devenues particulièrement
sanglantes autour de l’an 1000 av. J.-C., mais que, au cours des 500 dernières
années ou à peu près, les humains avaient un peu nettoyé le jeu.
Le pic des
carnages se situerait au début de l'âge du fer, cette période où une grande
partie de notre espèce abandonna peu à peu la vie nomade de chasseur-cueilleur,
quitta les petites bourgades pour des espaces urbains plus importants. C'est
aussi le moment où les états s'engagèrent dans la compétition territoriale.
Ouais, de plus en plus de monde entassé et en compétition pour les mêmes
ressources et territoires. Motivation et opportunité.
Au cours
du siècle dernier, cependant, la diminution de la violence meurtrière, amorcée
il y a 500 ans, s'est accélérée. Dans les sociétés d’aujourd'hui, avec les
systèmes juridiques et le maintien de l’ordre public (deux groupes distincts
d'égale importance...) et, tout aussi important, avec une culture qui rejette
la violence, le taux de criminalité est autour de 1 sur 10 000.
Ainsi,
même si l'étude présente un dossier solide qui montre que nous sommes de par
nature plus violents que la moyenne des autres mammifères, les chercheurs ont
également montré que les systèmes sociaux et les normes culturelles peuvent
garder à vue notre tendance innée à démolir et tabasser.
Article original (en anglais) :
MemeGenerator.Net
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