12 juillet 2018

«Reculs, victoires et nouveaux dangers»

Pierre Dansereau, qui a consacré sa vie aux sciences  environnementales, se réjouirait de la victoire de la rainette faux-grillon (David) contre Groupe Maison Candiac (Goliath). «L’intégrité de la nature – de toutes ses espèces et de tous ses écosystèmes – est la clé de cette vision globale sans laquelle l’espèce humaine court à sa propre extinction... car l’immense réservoir biologique est en voie de drainage accéléré à cause de notre incurie, de notre manque de respect pour la planète. Nous appauvrissons chaque jour le patrimoine des générations à venir», écrivait-il en 1990 dans l’avant-propos de «La nature aux abois; Les espèces menacées de disparition au Canada» (1).

Photo : Radio-Canada / Chantal Srivastava. Xavier Lachapelle-Trouillard montre les feuilles d’un saule irrigué avec des eaux usées. Tandis que les projets gaziers/pétroliers se multiplient, de jeunes chercheurs essaient de trouver des solutions à la pollution galopante. Depuis 2016, à Saint-Roch-de-l’Achigan, dans Lanaudière, les eaux usées irriguent une plantation de saules à croissance rapide dans le cadre du projet PhytovalP, une initiative de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) de l’Université de Montréal et de Polytechnique Montréal. L’azote et le phosphore qui contaminent les eaux usées sont utilisés comme nutriments.

Je salue donc la décision du juge de la Cour fédérale René LeBlanc. Les juges conscients ne courent pas les rues... euh... les palais de justice.

La rainette faux-grillon peut être protégée sur une terre privée, selon la Cour fédérale

ICI Radio-Canada / Nouvelles | 9 juillet 2018

La Cour fédérale confirme la validité du décret d'urgence qui vise à protéger la rainette faux-grillon sur des terres privées de La Prairie, en Montérégie.
   En juillet 2016, Ottawa avait diffusé ce décret pour préserver l'espèce, menacée par un projet immobilier. Le promoteur Groupe Maison Candiac avait alors contesté la décision, qu'il considérait comme «une forme d’expropriation sans indemnisation».
  Deux ans plus tard, la Cour fédérale vient de trancher : protéger une espèce en péril sur des terres privées est tout à fait constitutionnel et ne peut être considéré comme une expropriation déguisée.
   «Le décret d’urgence ne saurait être invalidé pour l’un ou l’autre des motifs invoqués par Groupe Candiac», conclut le juge René LeBlanc.
   Rendu le 22 juin dernier, ce jugement d'une centaine de pages crée un précédent historique en ce qui a trait à la protection d'espèces menacées, selon Alain Branchaud, biologiste et directeur général pour le Québec de la Société pour la nature et les parcs (SNAP).
   «Le jugement vient dire : "Ce n'est pas une expropriation déguisée. Vous n'avez pas, d'une certaine façon, à avoir peur d'appliquer vos lois et de protéger ces espèces-là", résume-t-il. L'idée de protéger une espèce en péril et son habitat a sa valeur propre et un droit légitime.»
   Pour les écologistes, la décision du juge LeBlanc est donc une grande victoire.
   «Un tel discours – dans un jugement bien étoffé, solide, bien documenté, avec beaucoup de jurisprudence à l'appui – donne espoir à ceux qui militent en ce moment pour notre biodiversité, indique M. Branchaud. Le juge va même jusqu'à référer à la sixième grande extinction! »

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La sixième grande extinction – L’expression «sixième grande extinction» est souvent utilisée pour décrire la disparition d’un grand nombre d’espèces en raison des activités humaines. On l’emploie par analogie aux cinq extinctions massives qui ont marqué les temps géologiques. Celle du Crétacé, il y a 65 millions d’années, est la plus connue : 70 % des espèces vivantes avaient alors disparu, dont les dinosaures, après la chute d’un astéroïde sur la Terre.
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«Un jugement comme ça, on n'en voit pas souvent. Et c'est certainement un grand pas pour la protection des espères en péril.» (Alain Branchaud)
   Selon le quotidien La Presse+, Groupe Maison Candiac fera appel du jugement – au grand dam des groupes environnementaux qui se battent depuis 2013 pour bloquer la construction du développement résidentiel qui menace la rainette faux-grillon à La Prairie.
   Plusieurs facteurs menacent la survie de ces petites grenouilles, comme l'assèchement des étangs, la présence de castors et le développement immobilier.
   Entre 2004 et 2017, l'habitat de la rainette faux-grillon a diminué de moitié en Montérégie.


Milieux naturels : reculs, victoires et nouveaux dangers

Charles Côté | La Presse (2008)

En 2004, La Presse a publié une liste de 10 milieux naturels menacés autour de Montréal. Quatre ans plus tard, certains sont en voie d'être protégés. D'autres ont disparu, et d'autres encore sont toujours l'objet d'âpres contestations. Mais, dans l'intervalle, les militants sur le terrain constatent un changement dans l'attitude des citoyens et de certains élus.

La grenouille sauvée in extremis à Longueuil
Sur la Rive-Sud, La Presse avait identifié quatre milieux naturels. Le plus important, le marécage appelé Boisé du Tremblay, faisait l'objet de projets immobiliers atteignant 2 milliards en investissements publics et privés. Un nouveau quartier aurait vu le jour dans les 650 hectares abritant une espèce de grenouille en danger de disparition, la rainette faux-grillon, une forêt abritant quatre espèces de chênes, en plus de dizaines d'autres espèces rares.
   Quatre ans plus tard, l'essentiel du Boisé du Tremblay doit être soustrait au développement par la Ville de Longueuil. «Il y aurait entre 400 et 450 hectares protégés, soutient Tommy Montpetit, un biologiste autodidacte et militant tenace, qui a grandi sur la Rive-Sud. Dans les 200 hectares qui restent, il y a aussi beaucoup de rainettes et des milieux humides de qualité. On peut appeler ça une demi-victoire. Mais aussi près de Montréal, préserver 450 hectares, c'est exceptionnel.»


(1) Collectif d’auteurs scientifiques / Environnement Canada; Éd. Broquet Inc. 1990

La nature aux abois 
Les espèces menacées de disparition au Canada

Extrait de l’avant-propos de Pierre Dansereau

Photo : Jacqueline Vincent; Canada Lynx (Faune et flore du pays) 

L’Homme ne peut pas connaître sa place dans la nature s’il n’accepte pas le partage nécessaire avec les autres êtres vivants. Tout le monde ne peut pas avoir une conscience cosmique qui nous fait percevoir notre dépendance envers l’atmosphère, l’eau et la terre. Et pourtant, l’intuition poétique, la vision esthétique, le souci philosophique ne nous conduisent-ils pas tous au questionnement scientifique? Nous risquons de ne pas atteindre à une identité personnelle, sociale, culturelle ou politique si nous ne savons rien nommer des pierres, des plantes et des animaux qui sont en orbite autour de nous. La dimension où se place cette urgence, c’est la solidarité biologique.
   Confiant dans son pouvoir de maîtriser les forces de la nature, de soumettre les animaux, les plantes, le sol, l’eau et l’air, l’Homme a remanié presque tous les écosystèmes naturels. Son génie d’inventeur lui a fait détourner presque toutes les sources d’énergie à son profit. Sa grande intelligence ne lui faisait pourtant pas voir les contraintes sans précédent qu’il imposait à l’air à l’eau et au sol en les polluant, aux plantes et aux animaux en les surexploitant et en leur imposant des stress nouveaux. La face de la planète porte aujourd’hui des plaies qui ne se cicatriseront jamais : des sols irréversiblement érodés, des espèces et variétés de plantes et d’animaux et même des tribus humaines disparues sans retour.
   La belle Gaïa du Septième Jour était un superorganisme qui s’était lentement dégagé d’une matière où le jeu du feu et du froid avaient enfin permis l’assemblage minéral favorable à l’apparition de la vie. Les laves de la pyrosphère, la croûte de la lithosphère, les gaz de l’atmosphère, les ruisseaux et les abîmes de l’hydrosphère se sont assemblés en une matrice enfin hospitalière au déroulement d’une évolution organique conquérante : la biosphère nous apparaît aujourd’hui non pas superposée aux éléments minéraux, mais formant corps avec eux, agissant comme force modératrice des températures, des précipitations, des cyclages minéraux-végétaux-animaux par le prélèvement sélectif que font d’innombrables êtres vivants, dotés de processus complémentaires.

Photo : Larry Kowalchuck; Common Blue Damselfly (Faune et flore du pays) 

L’éclatement de la noosphère, déjà visible chez les nombreux animaux architectes et ingénieurs (abeilles, hirondelles, castors), permet une réorientation des ressources et de leur cyclage, une canalisation des flux d’énergie et même la constitution d’écosystèmes nouveaux. L’escalade de la prise de possession de la planète par l’être humain nous fait voir les étapes de la libération de sources d’énergie latentes. Les paysages de la terre portent diversement la marque des phases successives de cette appropriation et de leur impact croissant. Si l’on peut se réjouir de l’amélioration du blé, du riz et du maïs, de l’efficacité du chemin de fer et de l’avion, du rayonnement de l’Acropole et des bienfaits de la télévision, on ne peut contempler sans angoisse les retombées d’une agriculture simplifiée et empoisonnée, d’une industrie manufacturière et des transports polluante, d’une urbanisation étouffante, d’un réseau d’information asservi aux intérêts matériels.

Photo : Adam S. Vanbergeyk; Pond (Faune et flore du pays)

En cette fin de siècle, les imprévoyances accumulées au cours des étapes de la «progression des peuples» nous laissent en présence de gaspillages, de destructions, d’extinctions, de perversions et de crimes inscrits visiblement non seulement sur la face des villes, sur les effluents des usines, sur les cultures et les pâturages, mais aussi sur les forêts, les savanes, les prairies, les lacs, les rivières, les falaises et même sur les glaces de l’Antarctique. Ce spectacle alarmant de la ville, de l’usine, de la campagne et de la nature est le résultat d’une ingéniosité humaine dangereusement en avance sur la raison, la sagesse, la compassion auxquelles il faut faire appel pour arrêter l’élan de l’espèce humaine vers le suicide. Nous ne sommes pas des lemmings, et nous avons le pouvoir de faire échec à l’étrange attirance de l’autodestruction.
   Le salut est dans la solidarité, dans une désormais plus humble reconnaissance de notre appartenance à Gaïa, notre mère, menacée par notre ignorance, notre avidité, notre imprévoyance, notre indiscipline. La constatation de cette crise sans précédent nous oblige à «penser globalement» – à voir les conséquences universelles de nos erreurs accumulées – et à «agir localement» – à prouver par des gestes positifs que nous croyons l’individu et le petit groupe capables de contribuer au bien commun.
   Si nous mettons en perspective les problèmes et les urgences de la ville, de l’industrie, de la campagne et de la nature, quelle priorité pouvons-nous donner à la protection des espèces menacées? Confrontés à la faim dans le Sahel et le Bangladesh, au sida et au cancer dans le monde entier, par le nombre croissant des sans-abri dans le monde, à la pollution des eaux, des sols et de l’air, à l’analphabétisme et à la persécution religieuse et politique, nous reste-t-il des ressources à consacrer à un oiseau ou à une plante rares?

Photo : Bill McMullen; American Bittern (Faune et flore du pays) 

Oui, la solidarité que j’ai voulu définir ci-dessus nous y engage. Nous ressentons certes plus vivement les génocides qui ont touché diverses races et cultures humaines au cours du XXe siècle que la disparition de la tourte, du manchot boréal, du rhinocéros blanc. Et pourtant l’intégrité de la nature – de toutes ses espèces et de tous ses écosystèmes – est la clé de cette vision globale sans laquelle l’espèce humaine court à sa propre extinction ... [car] l’immense réservoir biologique est en voie de drainage accéléré à cause de notre incurie, de notre manque de respect pour la planète. Nous appauvrissons chaque jour le patrimoine des générations à venir.

Pierre Dansereau 1911-2011 – Un phare intellectuel et moral
Louis-Gilles Francoeur
Le Devoir | 30 septembre 2011| Environnement

Si Pierre Dansereau est reconnu aujourd'hui comme un des grands pionniers des sciences environnementales, un secteur qu'il a profondément marqué de son empreinte, cet homme au sourire en coin, un brin moqueur, et à l'oeil pétillant, était accessible à tous.
   Confiant dans l'intelligence humaine, mais jusqu'à un certain point dans la technologie à cause de ses dérives, ce scientifique d'une rigueur reconnue internationalement n'hésitait pas à s'en prendre aux excès du système économique actuel.
   Autant Darwin mettait l'accent sur l'impact de la compétition dans l'évolution des espèces, Dansereau a toute sa vie mis plutôt l'accent sur la «collaboration» entre les plantes, animaux et humains.

Portrait du scientifique environnemental :

Pour avoir une idée des espèces menacées au Canada en 2018 : 
Faune et flore du pays http://www.hww.ca/fr/ 

Nous sommes pris en sandwich entre l’eau et le feu 
(entre montée des océans, inondations et pétrole/gaz, incendies) 

Les grandes puissances industrielles se ruent vers le Grand Nord pour forer, extraire, chasser et pêcher, bref s’approprier toutes les ressources possibles. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, nada! Le sénateur démocrate Bernie Sanders disait récemment :
“We are the 99% and it’s time we took power away from the 1%.”
Indeed. When enough is enough, justice comes.

Le jour où les glaciers du Groenland vont commencer à dégringoler par plaques, le Québec pourrait boire son bouillon d’onze heures...

LE MONDE – Une équipe de recherche de l’université de New York a passé une décennie à observer les glaciers du Groenland. Ils viennent de publier les images en timelapse d’un iceberg qui s’est détaché du glacier d’Helheim. D’une largeur de 6 km, de 800 m de profondeur et de 1,6 km de long, cet iceberg pèse entre 10 et 14 milliards de tonnes. C’est 3 % de la glace qu’apportera le Groenland en 2018 à la mer qui s’est détaché en trente minutes.
   Les chercheurs qui l’ont capturé étudient comment il contribue à l’élévation catastrophique du niveau de la mer dans le monde. Car ces phénomènes pourraient rendre l’Antarctique, au pôle Sud, instable. Les chercheurs cherchent à comprendre et à modéliser un éventuel effondrement de l’Antarctique. Le glacier d’Helheim, au Groenland, leur sert de laboratoire «naturel».



L’avenir de bien des pays insulaires et villes côtières est menacé par la montée des océans. Selon Climate Central, si la communauté internationale respecte ses engagements dans la lutte aux changements climatiques, la hausse des océans pourrait être limitée à 4,7 mètres... au lieu de 9 mètres. Les grandes villes côtières partout dans le monde devront s'adapter à cette nouvelle réalité.
   Selon des données collectées par la NASA Shuttle Radar Topogra, si le niveau de l’eau s'élevait de 60 mètres au-dessus du niveau de la mer, Montréal (QC) serait elle aussi menacée de disparaître en quasi totalité... ne laissant que ses plus hauts sommets comme le Mont-Royal, hors de l'eau. Un scénario du pire certes, qui donne tout de même à réfléchir...

Carte interactive villes et villages du Canada :

Pour voir à quoi pourrait ressembler votre ville selon différentes hausses de températures et du niveau des océans au Canada :

La situation des baleines noires semble s’améliorer à la suite des restrictions de pêche. Par contre la survie des petits rorquals serait menacée.

La mortalité des petits rorquals augmente, surtout au large du Nouveau-Brunswick

Photo: Alexandre Shields / Le Devoir

Halifax – Une quinzaine de petits rorquals ont été retrouvés morts, depuis le début de février, en mer ou sur les plages des Maritimes.
   Un groupe de protection des animaux affirme que le nombre de morts semble augmenter au sein d’une espèce de petites baleines au large de la côte Est, ce qui fait craindre que les cétacés soient victimes des mêmes menaces que les baleines noires de l’Atlantique Nord.
   Selon Tonya Wimmer, de la Marine Animal Response Society, une quinzaine de petits rorquals ont été retrouvés morts, depuis le début de février, en mer ou sur les plages des Maritimes, surtout dans le nord du Nouveau-Brunswick.

La Presse canadienne  9 juillet 2018 | Environnement

OIL-RIG/LEAK 7 juin. Déclaré le 9 juillet.

Presse Canadienne – Plus de 100 000 litres de pétrole et d'eau ont été déversés dans un marais à l'est de Jenner, dans le sud de l'Alberta, selon le nouveau propriétaire de puits de pétrole et de gaz naturel qui appartenaient jusqu'à récemment à Imaginea Energy.
   La fuite provient d'une ligne appartenant à Cor4 Oil, établie à Calgary, et les liquides ont descendu le long d'une colline pour rejoindre un marais, a indiqué la société de réglementation de la province, l'Alberta Energy Regulator (AER), sur son site web. «La fuite semble provenir d'une connexion entre un pipeline d'alimentation et une installation de traitement du pétrole», a déclaré le chef de la direction de Cor4, Colin Davies. «Le déversement touche des terres agricoles qui ne sont pas actuellement utilisées pour le pâturage», a-t-il ajouté.

Powerful Explosion in Wisconsin TownAt least two firefighters were taken to a hospital after a powerful explosion in Sun Prairie, Wisconsin, near Madison. The blast occurred after a contractor reportedly struck a natural gas line. (Associated Press July 10, 2018)

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