21 mai 2018

Victoria Day ou Journée nationale des Patriotes

Les bannières et les drapeaux sont des symboles identitaires nationaux mais aussi des outils idéologique – ou comme on dit, cela sert à afficher ses couleurs, ses valeurs, ses croyances, sa culture, ses origines, sa confession, son groupe d’appartenance, etc. Même si au départ le patriotisme indique une volonté de se libérer d’un joug quelconque, dans la conduite des affaires humaines, il engendre bains de sang, assassinats, et génocides... «La seule vraie misère ici-bas c’est de ne pas avoir de pays. Toutes les guerres sont faites pour voler celui qu’on n’a pas et garder celui qu’on a», disait Félix Leclerc. Voilà qui résume le drame qui se joue entre la Palestine et Israël. Le pire, c’est que le monde entier s’en mêle, fournissant capitaux et armement des côtés de la clôture. On n’est pas sortis de l’enfer...

Victoria Day 

Je comprends mal qu’on célèbre encore l’anniversaire de naissance de la reine Victoria. Les anglo-canadiens conservateurs sont sans doute très attachés à ce symbole de domination colonialiste. L’ex premier-ministre conservateur Stephen Harper a toujours affiché sa dévotion inconditionnelle envers la monarchie britannique. À l’occasion du jubilé de diamant d’Elizabeth II, Harper a commandé un portrait proportionnel à son admiration, mesurant trois mètres de haut sur deux mètres de large, qui aurait coûté 100 000 $ (peut-être plus) aux contribuables – une dépense que les partis de l'opposition trouvèrent «indécente».

Photo : La Presse canadienne/Sean Kilpatrick, juin 2012. De gauche à droite : le peintre Phil Richards, le premier ministre Stephen Harper, la reine Elizabeth II et le gouverneur général David Johnston, lors de la cérémonie de dévoilement.

Je pense que beaucoup d’anglo-canadiens, qui ne boudent certes pas le congé férié, trouvent néanmoins l’objet de la célébration plutôt ridicule.

Let's get rid of Victoria Day Why, in this country that champions itself as a world leader in multiculturalism and diversity, do we continue to set aside a national holiday to honour a foreign monarch who died 107 years ago and who was once the head of the Anglican Church? Why Canada, which claims to be independent, keeps marking the birth of a long dead British queen who never set foot on this soil, yet doesn't have a single national holiday to honour a Canadian? Indeed, Canada is virtually the last country to mark Victoria Day. ~ Bob Hepburn (Star Columnist  May 15, 2008)

Photo : William James Topley. Archives Canada, PA-013007. Cette souveraine «psychopâte» haute comme trois pommes aurait dit : «Il vaut mieux être cruel que faible.»

Victoria, une femme détestable à plusieurs égards, était en outre férocement contre le «dangereux, antichrétien et antinaturel mouvement des droits de la femme» elle ne voulait pas de compétition...  

«... Elle s’éleva énergiquement contre l’ingérence du sexe féminin dans la politique et contre l’activité professionnelle des femmes. C’est ce qui ressort d’une lettre adressée au député libéral William Ewart Gladstone. … En 1869, au Royaume-Uni, les femmes avaient recouvré, pour les élections municipales, un droit de vote partiel aboli plus de trente ans auparavant. L’année suivante, une nouvelle loi accordait aux femmes une forme de droit à la propriété même en cas de dissolution du mariage. En 1870, un autre projet de loi, qui prévoyait d’accorder aux femmes un droit de vote illimité, fut rejeté par Gladstone. … Un débat passionné se déchaîna dans l’opinion publique sur la question de savoir quelle était finalement la véritable sphère naturelle de la femme. L’idée d’une stricte séparation entre vertus privées et publiques fut de plus en plus attaquée. La reine elle-même n’était-elle pas l’illustration de la capacité des femmes à jouer le rôle d’un homme dans le règlement des affaires politiques et sociales? Toutefois Victoria s’éleva énergiquement contre toutes les tentatives d’étendre le champ d’activité de ses consœurs au-delà des œuvres de bienfaisance.» 

Lettre de la reine Victoria à William Ewart Gladstone
[Écrite à la troisième personne, bien sûr]

Osborne, 6 mai 1870

«Les circonstances se rapportant à la loi qui voudrait donner aux femmes l’égalité des droits pour les élections au parlement conduisent la reine à faire remarquer qu’elle s’est efforcée depuis un certain temps d’attirer l’attention de Mr Gladstone sur les actuels efforts extravagants et complètement démoralisants qui entendent ménager aux femmes les mêmes positions professionnelles qu’aux hommes, entre autres dans le domaine de la médecine. [...] Elle attache beaucoup de prix à faire savoir que non seulement elle réprouve, mais elle abhorre ces tentatives qui mènent à la ruine de toute bienséance et de tout sentiment féminin – car tel serait le résultat inévitable de ces propositions. La reine est femme elle-même et sait combien sa propre position est anormale. Celle-ci peut manifestement s’accorder avec la bienséance et la raison, encore que cela soit terriblement pénible et pesant. Mais supprimer toutes les barrières et proposer que des femmes étudient avec des hommes, et des choses qui ne peuvent même pas être nommées en leur présence, et certainement pas dans une dans une assemblée mixte, signifierait l’oubli de tout ce qui doit être considéré comme faisant partie des lois et principes de la morale.
   Les sentiments de la reine face à ce cri de guerre dangereux, antichrétien et antinaturel, et à ce mouvement des «droits de la femme» sont si violents [...] qu’il lui importe beaucoup que Mr Gladstone et d’autres entreprennent quelque chose pour écarter ce danger alarmant, en se servant de son nom autant qu’ils le voudront [...]

Source : «Les plus belles lettres de femmes»; Laure Adler & Stefan Bollmann;  
Flammarion 2012

Journée nationale des Patriotes 

Les révolutions de cette époque (à travers le monde), sous le règne de la reine Victoria, ont toutes été réprimées et les rebelles sévèrement punis : pendaison, exil, torture, saisie des terres et des biens... On reproche d'ailleurs encore à cette souveraine de n'avoir que si peu réagi à toutes les révolutions et leurs fondements, se contentant de les écraser et de réprimander le peuple (Rapport Durham).

Que célèbre-t-on au Québec chaque lundi précédant le 25 mai de chaque année?

À part le Canada anglais (et peut-être l’Écosse?), plus aucun pays, pas même la Grande-Bretagne, ne célèbre l’anniversaire de la reine Victoria. La vaste majorité des Québécois avaient convenu depuis longtemps de la nécessité de revitaliser le sens d’un tel jour férié.
   Le 22 novembre 2002, le gouvernement du Québec a finalement proclamé que le lundi précédant le 25 mai serait désormais connu au Québec sous le nom de Journée nationale des Patriotes visant à souligner «la lutte des Patriotes de 1837-1838 pour la reconnaissance nationale de notre peuple, pour sa liberté politique et pour l`obtention d`un système de gouvernement démocratique. [...] Nous avons choisi d'honorer de cette manière la mémoire des hommes et des femmes qui, depuis l'implantation des institutions parlementaires en 1791, ont milité pour les droits de la majorité, dont celui du peuple à se gouverner lui-même». 

Était-ce une guerre entre francophones et anglophones?

Plusieurs ont vu dans les rébellions de 1837-1838 un affrontement strictement racial, opposant des francophones aux anglophones. La vérité est plus complexe. La cause patriote consiste d’abord à obtenir les réformes juridiques et politiques nécessaires au bien de la majorité, des revendications semblables à celles défendues à la même époque dans d'autres pays et où on mène des luttes comparables, sans que la langue ou la race ne soient en cause. D’abord politique, le projet patriote revêt aussi un volet social et économique consistant à faire en sorte que les agriculteurs et les petits entrepreneurs puissent briser le monopole des riches marchands et administrateurs coloniaux qui s’accaparaient des ressources de la colonie. [Plus ça change, plus c’est pareil...]  

Que sont devenus les Patriotes?

En attendant, la répression sera très dure envers les Patriotes. Rien que pour 1838 on emprisonne 850 hommes, 1 240 au total pour les deux soulèvements. Du nombre, douze sont pendus et 58 exilés en Australie. Il faut aussi rappeler la demi-douzaine de villages qui seront incendiés, les fermes détruites ou pillées, les femmes et les enfants jetés sur les routes. Des milliers de réfugiés sont aussi forcés de quitter le Québec.
   Pour plus de sûreté, le gouvernement anglais abolit le parlement du Bas-Canada où dominaient les Patriotes, suspend les droits de la personne et instaure une loi martiale qui résume le gouvernement du Québec à une simple dictature. La mesure la plus dramatique consiste cependant dans l’union forcée du Bas-Canada avec la colonie voisine du Haut-Canada, afin que jamais plus les francophones ne puissent revendiquer un État français au sein d`une Amérique britannique. Ce n’est qu’en 1841 que d’ex-Patriotes sortent timidement de l’ombre. Parmi eux, un ancien lieutenant de Papineau, Louis-Hyppolite La Fontaine, propose le pari risqué consistant à coopérer avec les institutions de l’Union en échange de certaines garanties en matière de coutumes et de droit. Le plan de La Fontaine connaît son apogée en 1848 quand le Canada-Uni obtient la responsabilité ministérielle. Le Canada peut enfin se dire libre et indépendant, mais le Québec est désormais fondu avec l’Ontario et, progressivement, avec huit autres provinces canadiennes. À son retour d`exil en 1845, Louis-Joseph Papineau monte aux barricades, dénonce La Fontaine et réclame en vain le rappel de l’Union de 1840.

Faut-il être fiers des Patriotes?

Tous les peuples rendent hommage à des héros qui leur donnent raison d’être fiers de ce qu’ils sont devenus. Les Patriotes de 1837-1838 sont les plus précieux héros du combat pour la liberté dont dispose le peuple du Québec. Loin de se résumer à une poignée de paysans fanatisés, ils furent d’authentiques idéalistes, épris de justice et qui luttèrent ensemble. Leur défaite même devrait les grandir à nos yeux tant elle prouve ultimement qu’ils n’hésitèrent jamais à engager une lutte inégale, au nom d’une cause qu’ils jugeaient juste et dont nous sommes tous redevables encore aujourd’hui.
«Vaincus dans la lutte, ils ont triomphé dans l’histoire»

Source :

Une copie du testament politique du patriote De Lorimier trouvée à Rimouski

ICI Radio-Canada nouvelles, le vendredi 18 mai 2018
Un texte d’Édith Drouin d’après une entrevue de l’émission Le monde aujourd’hui

Photo : Gracieuseté BAnQ

La plus ancienne copie connue du testament politique d'un des grands patriotes, François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier, a été retrouvée dans les archives de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) à Rimouski.
   C’est en cherchant dans une boîte de testaments léguée l’an dernier par le séminaire de Rimouski que Guillaume Marsan, l’archiviste coordonnateur de BanQ Rimouski, est tombé sur un document sur lequel il était inscrit «Prison de Montréal, 14 février 1839, 11 heures PM». Ce détail a piqué sa curiosité.
   Il a par la suite découvert qu’il s’agissait de la transcription exacte du testament politique du patriote De Lorimier et d’une copie du discours de Charles Hindelang, qui a été pendu en même temps que De Lorimier.
   Le testament politique trouvé par Guillaume Marsan serait la plus ancienne copie du document rédigé par De Lorimier, en prison, quelques heures avant qu’il soit pendu.
   Des copies du document ont circulé clandestinement à l’extérieur de la prison alors que la loi martiale était en vigueur, mais la version originale rédigée par De Lorimier lui-même n’a jamais été retrouvée.
   Les copies auraient pu être écrites par d’autres prisonniers ou par des membres de sa famille, comme sa veuve qui s’était exilée au Vermont.
   Une de ces copies s’est retrouvée entre les mains de l’agriculteur Lambert Richard de Saint-Pascal, au Kamouraska, en 1840. Le document a ensuite été légué, de père en fils, et de père en fille. La petite-fille de Lambert Richard l’aurait ensuite donné au curé David Alexandre Michaud de Saint-Octave de Métis en 1937.

Article intégral incluant une transcription du testament :

Dossier BAnQ

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