26 mars 2018

Un prix Darwin pour la piscine radioactive de Chalk River

Les Darwin Awards saluent l'amélioration du génome humain en décernant des prix aux personnes mortes ou devenues stériles qui se sont accidentellement retirées du patrimoine génétique global à la suite de comportements particulièrement stupides. http://www.darwinawards.com/

On pourra éventuellement attribuer des Prix Darwin aux scientifiques  des Laboratoires nucléaires canadiens dans la catégorie «science sans conscience».  

Jusqu’où ira la folie humaine? Diable, on veut nous irradier? On prétend qu’il y a un côté positif à toute chose : en effet, nous n’aurons plus besoin de radio/chimiothérapie pour guérir nos cancers causés par la pollution industrielle et la radioactivité... Bonus : peut-être aurons-nous aussi l’occasion de voir une compétition internationale de ping-pong nucléaire – en direct – plusieurs joueurs participent déjà aux joutes de qualification.

Sérieusement, c’est dramatique de voir comment certains experts scientifiques banalisent la production et l’enfouissement des déchets toxiques nucléaires. Si nos gouvernements ne protègent pas nos cours d'eau, qui le fera? 

L'héritage des laboratoires nucléaires de Chalk River
Un texte de Daniel Carrière
Découverte | 23 mars 2018

Photo : Radio-Canada/Christian Goupil. Le site de Chalk River comprend déjà plusieurs fosses où sont entreposés des déchets radioactifs. Des panaches de strontium 90 (en mauve) et de tritium (en vert) s’échappent de celles-ci.

La construction d'un site pouvant stocker un million de mètres cubes de déchets faiblement radioactifs à Chalk River, en Ontario, suscite des craintes environnementales. Les opposants au projet signalent que l'emplacement choisi est à moins d'un kilomètre de la rivière des Outaouais, la source d'eau potable de millions de citoyens.
   Les Laboratoires nucléaires canadiens, qui sont gérés depuis 2016 par SNC-Lavalin et quatre multinationales anglo-américaines, proposent d’aménager à proximité de la rivière un immense monticule de déchets radioactifs.
   Selon l’étude d’impact environnemental qui détaille le projet, ces déchets radioactifs ne seraient pas enfouis profondément sous terre. On les déposerait sur les flancs d’une colline dans une installation de 18 mètres de haut et d’une superficie de 16 hectares. À l’intérieur de ce monticule, on retrouve dix cellules pouvant accueillir jusqu’à un million de déchets faiblement radioactifs.
   Un physicien nucléaire français qui a consulté le projet s'étonne que le monticule soit entouré d’eau. En plus de la rivière des Outaouais, il y a le lac et le ruisseau Perch, des marais et des marécages à proximité du futur centre de stockage. Selon David Boilley, l’eau est l’ennemi numéro un des déchets radioactifs.

Photo : Radio-Canada/Christian Goupil. Une fois rempli, le monticule sera recouvert d’une géomembrane.

Article intégral :

Le documentaire : https://ici.tou.tv/decouverte

Durée de vie des déchets :   
CARBONE 14 : 5700 ans
AMÉRICIUM 243 : 7364 ans
PLUTONIUM 239 : 24 000 ans
CHLORE 36 : 300 000 ans
URANIUM 238 : 4,5 milliards d’années (peut être converti en plutonium)

On croyait naïvement que la catastrophe de Fukushima freinerait la production d’énergie nucléaire. Eh bien non! Le sud-est canadien a beau longer le plus grand parc atomique du monde (Atomatic States of America), on en rajoute de notre côté. 

Le Canada veut faciliter le développement de «petits réacteurs nucléaires modulaires» pouvant être déployés de manière autonome, par exemple dans des mines ou dans l’exploration spatiale, a annoncé jeudi le gouvernement fédéral.
   Ottawa a mandaté l’Association nucléaire canadienne pour préparer d’ici l’automne une «feuille de route» devant identifier «les priorités et les difficultés d’un développement et d’une utilisation possibles de petits réacteurs modulaires au Canada», a indiqué le ministère des Ressources naturelles dans un communiqué.
   Ce lobby notait alors que ces petits réacteurs pouvaient être déployés dans d’anciennes mines de charbon par exemple, ou encore dans le transport maritime, dans des installations militaires ou encore dans des missions spatiales.
   Au Canada, des groupes miniers ont par le passé fait part de leur intérêt pour cette technologie afin de remplacer les générateurs à essence dans des mines isolées de l’Arctique. (Source : Journal de Montréal | 23 février 2018) 

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Alors revenons à ce que disait Henning Mankell sur le nucléaire. L'écrivain craignait que l'instinct de destruction des humains ne les conduise à l'anéantissement. Disons que c’est en bonne voie.

SABLE MOUVANT Fragments de ma vie; Henning Mankell (traduit du suédois par Anna Gibson; Éditions du Seuil, septembre 2015)

Chapitre L'avenir dissimulé sous la terre (p. 30-32) :

C'est à bord du train entre Göteborg et Stockholm que je tombe par hasard sur un article évoquant le projet d'ouvrir à la dynamite, dans la roche mère de Finlande, des tunnels et salles souterraines afin d'y entreposer les déchets du nucléaire pour une durée indéterminée. Qui ne doit pas être inférieure à cent mille ans. Même si la radioactivité est la plus intense (comprendre «mortelle») au cours des mille premières années, il faut malgré tout pouvoir garantir un stockage hermétique sur une durée équivalente au passage sur Terre de trois mille générations humaines.
   J'ai connu le nucléaire toute ma vie. De mon enfance, je garde le souvenir de manifestations hostiles, et de la peur que nous inspiraient à la fois l'arme atomique et la perspective d'une terrible guerre entre deux bêtes féroces, l'Union soviétique et les États-Unis. La paix entre elles était toute relative, fragile et précaire, et il fallait à tout prix empêcher leur affrontement. Après cela, il y a eu les grandes catastrophes nucléaires –Three Mile Island, Tchernobyl et la dernière en date : Fukushima. J'ai la conviction, bien naturelle, que le compte à rebours nous séparant de la prochaine a déjà commencé. Je suis un opposant à l'énergie nucléaire. Chaque accident avéré – et chaque incident où le pire a été évité de justesse – renforce ma défiance. Je savais que le temps nécessaire pour neutraliser la radioactivité était long, et connaissais le danger de ces déchets avec lesquels il allait falloir cohabiter pendant des millénaires. [...]
   L'article est relégué au bas d'une page intérieure. D'autres informations ont une priorité bien supérieure : les amours d'une rock star, les astuces pour payer moins d'impôts et pour maigrir de dix kilos en quinze jours.
   C'est compréhensible. La vie, après tout, se déroule au présent.
   Peu de gens ont la capacité d'étendre leur curiosité au-delà des jours ou des mois à venir. Au-delà du prochain tirage du Loto, disons, grâce auquel on espère se délivrer de toute contrainte et partir s'installer aux Caraïbes.
   Aujourd'hui, les habitants de notre partie du monde ne croient pas en Dieu, mais ils croient au tirage et au grattage. Ils sont accros aux jeux de hasard. Si on a la chance de gagner, c'est merveilleux : plus besoin de travailler, plus besoin de se préoccuper de quoi que ce soit, dorénavant on pourra considérer le reste de la société avec arrogance et mépris. La nouvelle façon de désigner le gros lot l'indique on ne peut plus clairement : «Vingt-cinq ans de salaire!» Exonéré d'impôts, bien entendu.
   En bas de la page du journal, donc, voilà cet article sur le projet de cachette géante enfouie au coeur de la roche mère finlandaise afin d'y stocker jusqu'à la fin des temps d'énormes quantités de déchets nucléaires.
    [...] Comment est-il possible de garantir la conservation pendant cent mille ans de déchets mortellement toxiques, alors qu'aucun des plus anciens édifices humains que nous connaissons n'excède cinq ou six mille ans d'âge?

Chapitre Testament (p. 39/42) :

Les civilisations ne laissent pas de testament. Seuls les individus le font. Rome, l'Égypte des pharaons, la civilisation inca ou maya n'ont pas disparu à la suite d'un événement unique, comme un accident ou une éruption volcanique. Le déclin s'est fait progressivement, et il a été nié jusqu'au bout. Une civilisation aussi aboutie que la leur ne pouvait tout simplement pas disparaître. Les dieux s'en portaient garants. [...]
   C'est là un dénominateur commun de toutes les grandes civilisations : le fait qu'elles semblent avoir été immortelles aux yeux de leurs représentants. [...]
   Deux notions résument tout ce qui a été, et sans doute aussi tout ce qui sera.
   Survie et disparition.
   Un simple regard en arrière nous permet d'anticiper se qui nous attend, nous aussi. Rien ne se répète à l'identique. L'histoire n'est pas une suite d'imitations.
   Mais en ce qui nous concerne, on peut dire que nous avons d'ores et déjà décidé quel sera le témoignage ultime de ce que nous fûmes.
   Pas Rubens, Rembrandt, Raphaël. Pas Shakespeare, Botticelli, Beethoven, Bach ou les Beatles. Rien de tout cela.
   Quand notre civilisation aura disparu, il restera deux choses. La sonde spatiale Voyager lancée dans sa course à travers l'espace interstellaire. Et les déchets nucléaires enfouis au coeur de la roche mère.

[Ndlr : Les sondes Voyager I et II ont déjà emporté des générateurs nucléaires pour alimenter leur système électronique.] 

Photo : simulation modélisée d’un déversement présentée dans le documentaire de Motherboard : «c’est une bombe à retardement», dit un scientifique.  Si les deux vieux pipelines corrodés de la pétrolière albertaine Enbridge, installés en 1953 au fond des Grands Lacs, se mettent à fuir, eh bien le Saint-Laurent deviendra un fleuve noir – il ne s’agit pas d’un roman.

Rappel : Le fleuve Saint-Laurent situé au nord-est de l'Amérique du Nord relie les Grands Lacs à l'océan Atlantique. Il est le seul émissaire du bassin des Grands Lacs. Au Canada, il borde une partie de la province de l'Ontario puis traverse la province du Québec en entier. D'une longueur d'environ 1 197 km, son estuaire est le plus grand sur Terre avec une longueur de 370 km et une largeur de 48 km. Grand fleuve des latitudes moyennes de l'Amérique du Nord, le Saint-Laurent possède un bassin de drainage de 1 610 000 km2, soit près de 25 % des réserves mondiales d’eau douce, comprenant les Grands Lacs ainsi qu'une bonne portion du réseau hydrographique du continent, qu'il draine vers l'océan Atlantique par un parcours d'environ 3 058 km jusqu’à l’extrémité supérieure de la rivière St. Louis, (1 197 km si on ne tient pas compte des Grands Lacs), il est l’un des plus longs fleuves du monde. La santé du fleuve reste fragile et d'importants efforts restent à accomplir notamment pour les métaux lourds rejetés dans le fleuve.

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