17 mars 2018

Un crime politique répugnant

Corruption, violence policière et assassinats : un trio d’inséparables

Ce que les tyrans politiques et économiques redoutent comme la peste :
la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte de la Terre
la libre expression
les écologistes authentiques
les journalistes rigoureux (qui rapportent des faits avérés)
la justice et l’équité socioéconomique   
le partage de la richesse et le bien-commun

Marielle Franco symbolisait toutes ces valeurs. Elle avait du succès. Ses concitoyens l’aimaient et l’appréciaient parce qu’elle osait militer en leur faveur et dénoncer la violence policière. Il n’en fallait pas plus. C’est dans les pays où il y a le plus de corruption qu’on trouve le plus grand nombre d’assassinats de journalistes et de défenseurs des droits civils et de l’environnement (1).
   Or comme les tyrans ne peuvent tous nous tuer d'un coup – les pauvres, que feraient-ils sans esclaves! – ils assassinent donc celles et ceux qui pourraient avoir une influence et mettre en péril la progression du génocide industriel. Et le message est clair : voilà ce qui peut vous arriver si vous contestez. Des assassinats, ça se commande, et corrompre des gouvernements est un jeu d’enfant, il suffit de sortir le cash (2).

Marielle Franco, conseillère municipale assassinée à Rio de Janeiro

Par Nicolas Coisplet 15/03/2018

La conseillère municipale de Rio de Janeiro Marielle Franco et son chauffeur ont été assassinés dans la soirée du mercredi 14 mars dans le quartier d’Estacio. Élue du Parti Socialisme et liberté (Psol), formation de l’ancien candidat à la mairie Marcelo Freixo, Marielle Franco avait participé plus tôt dans la soirée dans le quartier de Lapa à un événement sur les questions raciales. Elle rentrait chez elle avec son chauffeur et son assistante quand une voiture s’est arrêtée à leur hauteur. Ses occupants ont ouvert le feu avant de prendre la fuite sans rien emporter. Selon G1, Marielle Franco a été atteinte par au moins quatre tirs à la tête et son chauffeur, Anderson Pedro Gomes, par au moins trois tirs dans le dos. La troisième occupante de la voiture, l’assistante Fernanda Chaves, n’a été que légèrement blessée.

Marielle Franco (Jeso Carneiro/Flickr)

La piste d'une exécution privilégiée

Les enquêteurs envisagent plusieurs hypothèses, mais celle qu’ils privilégient est celle d’une exécution. Les vitres de la voiture de Marielle Franco étant teintées, les policiers suspectent que les tueurs l’aient suivie et qu'ils connaissaient la position exacte de chacun des occupants du véhicule. Dans la soirée, des amis de Marielle Franco et des élus se sont rendus sur les lieux de l’assassinat. Marcelo Freixo, député (Psol) de l’État de Rio, a dénoncé un «crime inadmissible» et affirmé que Marielle Franco n’avait jamais reçu de menaces : «Nous allons évidemment attendre les conclusions de la police, mais toutes les caractéristiques du drame sont celles d’une exécution.» Le maire de Rio, Marcelo Crivella, a déploré un «assassinat brutal» et rappelé «l’honnêteté, le courage et l’esprit public» de la conseillère municipale.

Engagée pour les droits des femmes, des noirs et des habitants des favelas

Sociologue de 38 ans, Marielle Franco se présentait comme une enfant du quartier de la Maré. Élue pour la première fois conseillère municipale en 2016, elle était connue pour son activisme en faveur des femmes, de la cause LGBT, des noirs, et des habitants des favelas, et pour ses critiques à l’égard de la police militaire. La veille de son assassinat, elle protestait contre la violence à Rio de Janeiro sur Twitter.
   Le 10 mars, elle s’en prenait ainsi avec véhémence au 41e bataillon de police militaire, qu’elle qualifiait de «bataillon de la mort», pour ses actions dans le quartier d’Acari : «Assez de faire peur à la population, assez de tuer nos jeunes!»
   Marielle Franco avait été nommée rapporteure de la commission créée par l'assemblée municipale de Rio de Janeiro pour observer l'intervention fédérale dans la sécurité publique de l'État de Rio. Sa mort a soulevé une vague d'émotion au Brésil. Ce jeudi 15 mars, plusieurs actions vont être menées dans différentes villes. A Rio, le Psol a annoncé une veillée à 11 h sur la place de Cinelândia, devant l'assemblée municipale. Un autre événement est prévu à 17 h devant l'assemblée législative de Rio (Alerj). Selon Globo, d'autres manifestations sont prévues à São Paulo, Belo Horizonte, Salvador, Recife, Natal et Belém.
   L’assassinat d’hommes et de femmes politiques au Brésil survient avec une fréquence choquante pour une démocratie. Il y a moins de deux ans, UOL relevait ainsi que dans la région de la Baixada fluminense, dans la grande aire métropolitaine de Rio de Janeiro, 14 candidats et politiques avaient trouvé la mort entre 2015 et septembre 2016.


Hommage au coeur de Rio. On a voulu éteindre la lumière de Marielle, mais ses concitoyens la garderont allumée, comme un phare dans le brouillard.

The Assassination of Human Rights Activist Marielle Franco Was a Huge Loss for Brazil — and the World

Shaun King | The Intercept | March 15 2018

I often like to say that it’s hard to know and understand the gravity and importance of a moment in history while you are in it. We are in a moment that I need you to understand.
   On Wednesday, in the middle of Rio de Janeiro, Brazil, a massively important civil rights leader was shot and killed in a brutal drive-by assassination. Her name was Marielle Franco. Like me, Marielle was just 38 years old.
   We don’t yet know who murdered Marielle and her driver, Anderson Pedro Gomes, though early indications are that the police might have been involved. Investigators reportedly determined that the bullet casings found at the crime scene had been purchased by the Federal Police in 2006. Bullets from the same lot were used in a series of brutal attacks that killed at least 17 and wounded seven in São Paulo on one night in 2015. Two police officers and one municipal guard were convicted for the massacre.
   What we know for sure is that Marielle was a threat to a very disturbing status quo in Brazil.
   But did you know that Brazil may actually lead the entire world in police brutality? Despite having 120 million fewer citizens than the U.S., Brazil had a staggering 4,224 people die at the hands of police in 2016. That number represents a 26 percent surge over the previous year.
   This is an international human rights crisis. This is an egregious scandal.
   And no place has felt the brunt of the violence more than the state of Rio de Janeiro, where police murdered at least 1124 people in 2017 a 22 percent jump over the last year. On top of all this, there is a military intervention in Rio right now. You want to talk about militarized police? The armed forces have literally taken over the security apparatus of the state.
   Marielle Franco, a brilliant leader with a huge heart, was at the center of the movement against police violence in Brazil.
[...]


~~~
(1) Digging deeper into corruption, violence against journalists and active civil society Surveys | 21 February 2018

Between 2012 and 2017
Total number of murdered journalists: 368
Number of murdered journalists who were covering corruption stories: 70
Number of murdered journalists for which no one was brought to justice (full or partial impunity): 179

The relationship between civil liberties and corruption cuts both ways. Academic research points to a vicious cycle, where widespread corruption chips away at remaining civic space and targets groups that pose a challenge to authority. At the same time, the inability of citizens to hold their governments accountable contributes to even greater abuse.
   Our experience of working with more than 100 chapters around the world shows that CSOs, grassroots movements and journalists are vital for improving the quality of governance. However, respect for civil liberties, such as freedom of expression and association, is only one component of an effective anti-corruption agenda. These elements prove all the more powerful when combined with genuine political will on the part of governments to tackle problems at their root.
Source:

À consulter aussi : 

THE DEFENDERS

This year, in collaboration with Global Witness, the Guardian will attempt to record all of the deaths of people who are killed while defending their land, forests, rivers or wildlife – most often against the harmful impacts of industry. We will also document the stories of some of the land and environmental defenders still under attack

Almost Four Environmental Defenders A Week Killed In 2017

197 people killed last year for defending land, wildlife or natural resources, new Global Witness data reveals. In recording every defender’s death, the Guardian hopes to raise awareness of the deadly struggle on the environmental frontline. 
   The slaughter of people defending their land or environment continued unabated in 2017, with new research showing almost four people a week were killed worldwide in struggles against mines, plantations, poachers and infrastructure projects.
   The toll of 197 in 2017 – which has risen fourfold since it was first compiled in 2002 – underscores the violence on the frontiers of a global economy driven by expansion and consumption.

Most Dangerous Places For Defenders

Since the start of 2015, 145 land and environmental defenders have died in Brazil: the highest number on Earth. Many of the killings were of people trying to combat illegal logging in the Amazon. The Philippines comes second on the list, with 102 deaths in all. Honduras remains the most dangerous country to be a defender, with more killings per capita than anywhere else.


Corporations On Trial | Juliana Ruhfus, 2009

Corporations On Trial is a five-part series following just some of the many lawsuits being brought against multinational corporations for war crimes, conspiracy, corruption, assassinations, environmental devastation and payments to terrorists. Such serious charges have forced some of the world’s largest companies to hire high-profile defence lawyers to protect public relations in cases often brought by plaintiffs who are barely literate. These five films reveal a growing anxiety about the power and influence of big business, as many multinational corporations have annual revenues greater than some countries’ national budgets and indeed increasingly hold governments to ransom by their economic power. Around the world, ordinary people are fighting back and asking how many more times their interests should be sacrificed for corporate greed and shareholder profit…
Part 5 Chiquita: Between Life and Law:

(2) L’auteur de Confession of An Economic Hit Man, John Perkins, disait lors d’une conférence : «Quand un hit man économique se présente dans le bureau d’un président (ou d’une présidente) en Amérique du sud, il lui dit : ‘Je veux juste vous rappeler – il parle d’une voix très douce à ce moment-là – je veux seulement vous rappeler que dans cette poche-ci, j’ai quelques centaines de millions de dollars pour vous et votre famille, quelques centaines de millions de dollars, si vous jouez le jeu à notre façon. Et dans cette poche-là, j’ai un révolver sur lequel votre nom est inscrit sur la balle, au cas où vous décideriez de respecter les promesses de votre campagne électorale.’ Bien sûr, je le disais de façon plus subtile. Chaque président de cette partie du continent américain a vécu ce genre d’expérience. Que feriez-vous si vous étiez président et que vous entendiez ce message? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre, je sais... Voilà pourquoi c’est nous qui devons agir, vous et moi.”
   Les allégations de Perkins furent contestées; mais, imperturbable, il répondait : «Je sais, j’étais là.»

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