31 octobre 2017

Le Catch 22 hispano-catalan

J’ai visité l’Espagne (en long et en large) une première fois dans les années 70, alors que le Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios achevait son règne. Mon compagnon et moi quittions la France, de sorte que nous avons d’abord visité la Catalogne et le Pays Basque. Nous trouvions les gens particulièrement accueillants, chaleureux, ouverts et joyeux. Par la suite, plus nous avancions au cœur du pays, plus nous remarquions les différences de mentalité et d’attitudes. Dans une petite ville du centre, une femme a tiré sur ma jupe en disant «Mala! Mala!» une jupe réglementaire aux genoux car on m’avait avertie que les Espagnols étaient des catholiques très puritains. Un catholicisme peut-être hypocrite car j’ai dû donner nombre de coups de coude aux machos qui me harcelaient dans le métro de Madrid – j’avais eu la mauvaise idée d’aller magasiner sans mon ami. Dans les années 80 je me suis limitée à mes deux coups de cœur : Catalogne et Pays Basque. Voilà pour ma petite histoire subjective.
   J’aimerais aussi mentionner qu’en 2011, la Catalogne a interdit la corrida. Avec celles et ceux qui ont un cœur au lieu d’une roche dans la poitrine, je me réjouissais de l’abolition des spectacles de tauromachie. «Vous, les hommes, vous avez un problème avec la testostérone. Un peu moins de sensibilité avec les choses. C’est une victoire de Barcelone, de la Catalogne, de l’Europe. Chaque fois que l’humanité change en mieux, c’est une victoire du monde», disait à l’époque Mme Pilar Rohola, chroniqueuse et passionaria de la lutte contre la tauromachie. Minuscule victoire, certes, puisque les taureaux allaient affronter picadors et toreros ailleurs dans la péninsule ou dans les arènes françaises. Je fus stupéfaite le jour où j’appris que la corrida était sur la liste du Patrimoine Immatériel Français de la Culture – la cruauté et la barbarie promues au rang de patrimoine culturel! À ceux qui considèrent qu’il faut d’abord s’occuper des humains, considérons que l’un n’empêche pas l’autre et que les deux réalités se recoupent étrangement en matière de cruauté subie.

Photo via le site de Radio-Canada Info 

Bref, loin de moi l’intention d’analyser le conflit hispano-catalan; c’est hors de mes compétences. Cependant, je ne peux m’empêcher de déplorer les sinistres décisions dictatoriales du gouvernement espagnol.
   J’ai trouvé notre presse officielle (locale) vraiment stupide d’oser demander pourquoi le président catalan s’était rendu à Bruxelles. Par sagesse et mesure de prévention à la fois pour sa personne et la population catalane. Dites-moi, qui voudrait être emprisonné pour 15-30 ans (peut-être même assassiné) par un copié/collé de régime franquiste (1)? Le gouvernement central espagnol a catégoriquement refusé toute négociation et traité la question comme s’il s’agissait d’un putsch!
   J’ai le plus grand des respects envers le peuple et le gouvernement actuel de la Catalogne, d’une dignité incomparable. Il suffit de regarder les vidéos montrant les actes violents de la Garde civile lors du vote le 1er octobre pour comprendre ce que signifie répression dans la tête du président espagnol. Un horrible présage de ce qui pourrait se produire si le conflit ne se résout de manière intelligente et pacifique.
   Les événements ont pris la tournure d’un Catch 22 (perdant-perdant). En outre, mis à part la Belgique, je trouve l’attitude des chefs d’états occidentaux d’une lâcheté inouïe face aux décrets tyranniques du pouvoir espagnol.

Il faut beaucoup d’intelligence pour répondre à un sot avec des mots qu’il puisse comprendre.

«Carles Puigdemont, qui se considère toujours comme le «président légitime» de la Catalogne, a par ailleurs déclaré que les accusations de sédition, de rébellion et de malversation [et de prévarication] que Madrid entend porter contre lui et les membres de son cabinet sont infondées et animées par des motifs politiques.
   Le leader indépendantiste se défend d'être venu en Belgique pour demander l'asile, disant y être davantage pour des questions de sécurité et de liberté. Il se dit d'ailleurs prêt à retourner en Catalogne s'il obtient des garanties sur ces aspects. Carles Puigdemont, qui a été destitué avec tout son gouvernement le week-end dernier par Madrid. Ces accusations pourraient valoir des années d’emprisonnement à Carles Puigdemont et ses ministres.
   La justice espagnole a également convoqué la présidente destituée du Parlement catalan, Carme Forcadell, devant la Cour suprême espagnole pour être inculpée après la déclaration d'indépendance de vendredi dernier. Cinq autres membres du bureau des présidents du Parlement catalan ont aussi été convoqués par la justice. Ils seront entendus les 2 et 3 novembre, en présence de leurs avocats.
   Pendant ce temps, en Catalogne, la Garde civile espagnole a perquisitionné au siège de la police catalane dans le cadre d'une enquête sur le référendum d'autodétermination du 1er octobre. Le plébiscite, qui avait été interdit par la justice espagnole, a eu lieu malgré tout et a donné lieu à des violences policières envers des électeurs qui désiraient exprimer leur droit de vote.» Source : Radio-Canada Info, 31 octobre 2017

«[La mémoire humaine] n’est pas qu’une somme de données, immédiatement accessibles ou immédiatement effaçables. Cette capacité a une dimension qualitative, verticale, ontologique. D’abord elle constitue et définit sans cesse notre identité d’homme. En elle, nous faisons l’épreuve de notre singularité. Nos actes et nos manières d’être passés sont intégrés – jamais réduits à néant. Ils passent dans le tissu de ce que nous sommes, identité mobile, présente et passée, identité d’un corps et d’une personne prise dans l’être et ce qui a été. [...] La mémoire humaine n’est pas toute-puissante. Sa fragilité est en même temps force de l’imaginaire et de la libre création. Les régimes totalitaires l’ont compris : détruire l’homme, c’est d’abord et continuellement détruire la mémoire en lui, la mémoire d’être soi et la mémoire de faire partie du genre humain. Voilà qu’elle se transforme en espace neutre et malléable, impersonnel, condamnée pour «trahison» : la mémoire devient coupable d’une faute incorrigible, avoir été, avoir été la trace autonome et fière de la subjectivité. Par conséquent, un seul mot d’ordre : tuer l’autre en soi, tous les autres, tout ce que nous sommes parce qu’un jour, nous l’avons été, cet être humain. Négation de l’histoire personnelle qui donne naissance à toutes les négations
~ Marie-Noëlle Agniau (Méditations du temps présent, La poubelle de l’instant, p. 38; L’Harmattan 2008)

Une fois de plus, je recommande vivement le film Le peuple interdit (1 et 2), du peintre et documentariste Alexandre Chartrand (sur tou.tv, pas encore cadenassé dans l’Extra).
   En 2014, un vote portant sur l’indépendance de la Catalogne a été déclaré nul par le Tribunal constitutionnel de l’Espagne. Ce documentaire nous transporte au cœur des plus grandes manifestations d’Europe et des activités de militants engagés défiant les interdictions pour exiger une démarche démocratique digne de leurs aspirations : la création d'un nouvel état européen. Date de diffusion : 22 septembre 2017 Production : Le Grand Imagier Inc. Réalisateur : Alexandre Chartrand

L’auteur suit le processus d’autodétermination catalan depuis 2006. C’est un documentaire de grande beauté, sobre, humain, émouvant. On «ressent» l’amour qu’il éprouve envers les Catalans. Lors des manifestations, ces derniers expriment leurs espoirs avec enthousiasme, mais sans hystérie ni débordement de colère, c’est plutôt joyeux. Les célébrations de la «Diada» des dernières années, sous la bannière de l’indépendance, ont parfois compté plus d’un million de personnes, et à ma connaissance, aucun incident violent n’a eu lieu.

AIDE-MÉMOIRE

Catalogne 1930-2017 : le long chemin
La Catalogne a déclaré son indépendance vendredi, mais ce n'est pas une première. C'est en fait la troisième fois en moins d'une centaine d'années qu'est proclamée la République de la Catalogne. Le gouvernement espagnol ne l'a cependant jamais entendu ainsi. Résumé, en une trentaine de dates, de la quête parsemée d'embûches des nationalistes catalans.
Publié le vendredi 27 octobre 2017, mis à jour le 28 octobre 2017 

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(1) La guerre civile espagnole : récit d’un conflit sanglant De 1936 à 1939, l'Espagne s'est entre-déchirée dans une guerre opposant les nationalistes de Franco et les républicains. En 1939, Barcelone et Madrid sont conquises par les troupes franquistes, soutenues par Hitler et Mussolini. C'est le début de la longue dictature du général Franco.

Le coup d'État des nationalistes La guerre civile commence le 17 juillet 1936, lorsque des militaires dirigés par le général Franco mènent un coup d'État contre le gouvernement républicain du Front populaire. Élu démocratiquement en février 1936, le Front populaire est formé d'une coalition de partis de gauche, appuyée notamment par les nationalistes catalans et la Confédération nationale du travail (CNT), un syndicat anarchiste.

Une guerre violente, prélude à la Seconde Guerre mondiale Dans un premier temps, le coup d'État est un échec complet. L'intelligentsia et les ouvriers refusent de se laisser diriger par le gouvernement de droite de Franco. De violents affrontements, des assassinats et des exécutions ont lieu. En 1937, les nationalistes bombardent la ville basque de Guernica, aidés par les avions nazis. Ce raid aérien entraîne la mort de centaines de civils. La guerre sert de banc d'essai à Hitler et à Mussolini, en préparation à la Seconde Guerre mondiale.

Des camps de réfugiés en France À la fin de la guerre, des dizaines de milliers de réfugiés républicains, des civils et des soldats, traversent la frontière française pour échapper à l'emprisonnement ou à l'exécution. Les autorités françaises créent pour eux des camps de réfugiés. Lorsque la guerre se termine, le Canada et la plupart des pays occidentaux se réjouissent que le sang cesse de couler en Espagne. Mais, sous le régime de Franco, la répression perdure jusque dans les années 1970.

Aujourd’hui l’histoire | ICI Radio-Canada Première  

110 000 personnes chantent Els Segadors (19 octobre 2014)

28 octobre 2017

SexLeak : un problème de taille à résoudre

Plus on lit les témoignages d’agressions sur #metoo et #moiaussi, plus on mesure l’ampleur de cette plaie sociale.

Quand on entend des propos sexistes dans la bouche d’un JUGE, on comprend la réticence des femmes à poursuivre leurs agresseurs en justice :
   La ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, a transmis au Conseil de la magistrature sa demande d'ouverture d'une enquête sur les propos qu'un juge a tenus dans un procès pour agression sexuelle impliquant une adolescente âgée de 17 ans.
  Le juge Jean-Paul Braun, de la Cour du Québec, a fait plusieurs commentaires déplacés lors du procès qui s’est tenu en mai.
   Le chauffeur de taxi montréalais Carlo Figaro, âgé de 49 ans, a finalement été reconnu coupable d’agression sexuelle dans cette affaire, pour avoir embrassé de force l’adolescente qui était sa passagère, pour lui avoir touché la poitrine et pour lui avoir fait des commentaires à connotation sexuelle.
   À propos du physique de la jeune fille, le juge a ainsi noté : «On peut le dire qu’elle a un peu de surpoids, mais qu'elle a un joli visage.»
   Il s’est demandé devant la cour si la jeune fille n’aurait pas été flattée des avances du chauffeur de taxi en disant : «Il lui fait des compliments, puis la jeune fille est quand même un peu flattée que l'homme s'intéresse à elle.»
   Le juge Braun s’est également questionné sur le consentement nécessaire pour permettre certains gestes de nature sexuelle : «Est-ce qu'on a besoin d'un consentement express pour, quand on se regarde, s'embrasser? Est-ce que c'est vraiment sexuel, d'embrasser quelqu'un? Ce n’est pas le même consentement pour embrasser quelqu’un et le consentement pour lui mettre, comme on dit, la main au panier», a-t-il estimé.
   Ces propos ont été condamnés à l’Assemblée nationale, notamment par la ministre de la Justice elle-même.
   Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier, a déploré les propos du juge sur Twitter.
   La Cour du Québec refuse de commenter l'affaire «en raison du devoir de réserve qui lui incombe».
Source : ICI Radio-Canada | 25 octobre 2017

Le nombre de dénonciations est si élevé que plusieurs se sont mis à discréditer la véracité des allégations :

Le mythe des menteuses en série
«Ça fait plus de 35 ans que les CALACS [centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel] existent et ça fait autant d’années qu’on déconstruit ces mêmes mythes et préjugés», m’a exposé Stéphanie Tremblay, porte-parole du Regroupement québécois des CALACS.
   Celle qui a longtemps travaillé sur les premières lignes d’un centre d’aide insiste sur le fait qu’il est totalement faux d’affirmer que beaucoup de femmes déclarent faussement d’avoir été agressées sexuellement. Mais les préjugés persistent.
   «C’est parce qu’on est devant un fait qui remet la responsabilité [du crime] sur les victimes et qui enlève la culpabilité aux agresseurs. Personne ne veut savoir qu’il y a des agresseurs dans leur entourage. C’est confrontant de savoir qu’une femme sur trois a été victime d’agression sexuelle dans sa vie», déplore-t-elle.
(Camille Lopez, Journal METRO, 24 octobre 2017)

Voici les dessous de ce grave problème social qui nous dépasse. Je vous invite à le lire en entier pour mieux en comprendre les rouages. (Les passages en gras sont de mon initiative.)  


Une culture d’agression
M Éditeur, 12 septembre 2017

Par Richard Poulin, professeur émérite au département de sociologie et d’anthropologie de l’Université d’Ottawa


Pourquoi des hommes agressent-ils sexuellement des femmes, des enfants ou d’autres hommes? Pourquoi des hommes payent-ils pour des relations sexuelles? Pourquoi consomment-ils de la pornographie? Pourquoi battent-ils leur compagne? Pourquoi tuent-ils leur conjointe et leurs enfants, ou exclusivement leurs enfants? Pourquoi prennent-ils les armes pour massacrer leurs collègues d’étude, de travail ou des gens à l’église, à la mosquée, à la synagogue, ou encore tirent-ils de façon aléatoire sur des cibles qui leur sont inconnues? Pourquoi sont-ils des meurtriers en série à caractère sexuel?

Les histoires de crimes dits conjugaux, qui sont en fait des crimes très majoritairement masculins, ponctuent l’actualité de façon récurrente. Les comptes rendus dans les médias sur les cas de harcèlement sexuel comme ceux faisant état d’agressions sexuelles en font tout autant.
   On s’émeut lorsqu’il est question de crimes haineux, mais les viols et les meurtres de femmes ne sont pas vus comme des crimes de haine, et la pornographie échappe à la caractérisation de propagande haineuse à l’égard des femmes. Non, la pornographie relèverait tout simplement de la liberté d’expression (en fait, au mieux, elle serait du ressort de la liberté de commerce. Pourtant, la propagande haineuse est criminalisée par de nombreux États, ce qui s’avère une entorse à la liberté d’expression. Et la prostitution de millions de femmes n’émeut guère les gens qui défendent la pornographie en tant que liberté. Pour beaucoup, la prostitution serait une activité comme une autre, un simple travail, relèverait d’un choix individuel rationnel, et rien ne devrait interdire le droit des hommes à user des femmes soumises à leur service sexuel.
   Toute une industrie mondiale a été développée au profit des prostitueurs, ce qui a engendré le développement de la traite des femmes et des enfants à des fins de prostitution et le tourisme dit sexuel. La prostitution est devenue banale dans de nombreux pays. Elle est légale dans les bordels, les vitrines ou les zones de tolérance de certains pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse et ailleurs, largement tolérée par d’autres pays qui engrangent des devises étrangères sur le sexe des femmes, comme la Thaïlande, la Corée du Sud et ailleurs.
   Certes, tous les hommes ne deviennent pas des prostitueurs. Or, lorsque la prostitution est une industrie comme une autre, alors le nombre d’hommes qui payent pour l’accès sexuel au corps d’une femme ou d’un enfant augmente de façon importante. Si, au Canada, environ 11% des hommes ont eu des relations sexuelles tarifées et, en France, environ 12,5%, aux Pays-Bas, c’est désormais 60% des hommes, en Allemagne, c’est 66%, et au Cambodge, haut lieu de tourisme pédocriminel, c’est 65%. Déjà en 1995, 75% des Thaïlandais avaient payé pour du sexe. En Suède, en 1998, soit avant l’adoption d’une loi pénalisant les prostitueurs et criminalisant les proxénètes, environ 13% des hommes étaient des prostitueurs occasionnels ou réguliers, en 2013, ils n’étaient plus que 8,5%.
   Pénaliser les prostitueurs n’affecte qu’une minorité d’hommes (sauf dans les pays qui ont depuis des dizaines d’années normalisé l’industrie de la prostitution), tandis que légaliser et légitimer cette industrie affecte la société dans sa totalité. Dans ces sociétés, il apparaît normal que les femmes soient au service sexuel des hommes, que leur destin en soit un de soumission aux besoins et au plaisir du «premier» sexe.
   Beaucoup d’hommes dissocient le sexe de l’affectivité. C’est évidemment le cas des prostitueurs. C’est ce que de nombreux hommes apprennent dans la pornographie. C’est ce que certains pratiquent violemment en agressant sexuellement leur partenaire ou une inconnue. Cette dissociation est l’un des traits de la masculinité dans une société patriarcale.
   En février 2012, Dominique Strauss-Kahn, l’ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), est interrogé par la police française dans le cadre d’une investigation sur un réseau de prostitution dans l’affaire dite du Carleton de Lille. Il est mis en examen pour «proxénétisme aggravé en bande organisée». L’ancien patron du FMI était accusé d’être la tête pensante d’un petit réseau de prostitution dédié à ses besoins. Il est finalement relaxé. N’était-il pas, selon ses avocats, qu’un client «de la prostitution dans une fête ‘gauloise’» avec «une bande de potes qui ont fait la fête» et qui se sont adonnés à «une balade un peu virile et canaille»? Quoi de mal à cela?
   En 2011, Nafissatou Diallo, une femme de chambre travaillant à l’hôtel Sofitel de New York, porte plainte pour agression sexuelle, tentative de viol et séquestration contre Dominique Strauss-Kahn, alors directeur du FMI. La plainte n’est pas retenue au criminel, la victime manquant de crédibilité aux yeux du procureur de la poursuite. En 2015, Marcel Aubut se voit obligé de démissionner de son poste de président du Comité olympique canadien à la suite d’allégations de harcèlement sexuel portées par des employées dudit comité. En 2114, neuf femmes ont accusé Jian Ghomeshi, un animateur vedette de CBC/Radio-Canada, de violence et d’agression sexuelle. Il a finalement été acquitté. En 1997, le tueur en série Robert Pickton est arrêté pour tentative de meurtre, puis rapidement relâché, car sa victime n’était qu’une jeune femme prostituée toxicomane, donc une personne non crédible aux yeux des forces de l’ordre et de la justice. Par la suite, des dizaines de femmes ont payé de leur vie cette indifférence.
   En 2014, deux députés du Parti libéral du Canada, Massimo Pacetti et Scott Andrews, sont suspendus à cause d’allégations de harcèlement sexuel. En 2016, c’est au tour de Gerry Sklavounos, député du Parti libéral du Québec, d’être la cible d’allégations d’agression sexuelle. Bertrand Charest, l’ancien entraîneur de l’équipe féminine nationale junior de ski alpin, a été accusé d’avoir agressé sexuellement 12 athlètes d’âge mineur; sa fédération sportive aurait détourné les yeux et peut-être même étouffé l’affaire. Il a été reconnu coupable de 37 des 57 chefs d’accusation.
   Les exemples pourraient être multipliés. Des hommes en situation de pouvoir abusent de leur pouvoir. Ces hommes ont l’habitude de se faire obéir et de profiter d’autrui. Ils ne sont pas les seuls à le faire, tant s’en faut, car beaucoup d’hommes harcèlent et agressent sexuellement les femmes, mais leur impunité est grande, même si le mouvement des femmes a commencé à la fissurer. Soulignons qu’au Québec, une femme sur trois a été victime d’au moins une agression sexuelle depuis l’âge de 16 ans. En conséquence, le nombre d’agresseurs sexuels est très important, trop important pour que leurs gestes soient considérés comme des cas isolés résultant d’actes posés par des individus méprisables, sans empathie pour autrui, et profiteurs. Car cela relève d’un système, d’une culture d’agression.
   En riposte aux nombreux actes de harcèlement et d’agression non dénoncés – ce qu’a mis en lumière l’affaire Gomeshi – voit le jour le mouvement #AgressionNonDenoncee, lancé par la Fédération des femmes du Québec sur Twitter. C’est le pendant francophone de #BeenRapedNeverReported. Selon l’Enquête sociale générale sur la victimisation de 2014, on estime que le taux de dénonciation des agressions sexuelles est seulement de 5%.
   On assiste aussi à une mobilisation dans les universités d’étudiantes dénonçant la «culture du viol» au sein des doctes institutions. Il s’ensuit un certain nombre de manifestations et une sensibilisation de la population. Grâce à ces actions et à la suite de scandales à répétition, les choses ont commencé à bouger. Le silence complice des autorités a été ébranlé. En effet, les criminels sexuels bénéficient d’une relative impunité. En 2014, selon Statistique Canada, sur 633 000 agressions sexuelles déclarées par sondage, il n’y a eu que 12 663 agressions déclarées par la police, malgré 20 735 plaintes. Il y a eu 9 088 inculpations, 3 752 poursuites et seulement 1 814 condamnations, ce qui est très peu eu égard aux agressions subies. Le scandale est tel que plusieurs gouvernements au Canada ont décidé qu’il fallait réévaluer l’ensemble des plaintes dites non fondées qui ont été laissées de côté par les forces de l’ordre. Ainsi, la Police provinciale de l’Ontario a annoncé que 4 000 rapports d’enquête reliés à des cas allégués d’agressions sexuelles seront révisés. Au Canada, 19% des dossiers ouverts, entre 2010 et 2014, par les forces policières étaient jugés sans fondement. Au Nouveau-Brunswick, ce nombre atteint 32%. Au Québec, 21% des plaintes pour agressions sexuelles portées à l’attention de la Sûreté du Québec, de 2009 à 2014, ont été rejetées.
    Pourquoi l’immense majorité des viols ne se terminent-ils jamais par une sanction? Le viol serait-il un crime presque ordinaire?
   Certes, tous les hommes ne violent pas. Toutefois, lorsque les agresseurs sexuels bénéficient d’une impunité, lorsque leurs victimes sont responsabilisées des crimes subis ou qu’elles sont décrédibilisées par un système inique, les vannes sont alors grandes ouvertes…
   Le harcèlement sexuel et le viol en tant que dispositif de subordination et d’intimidation d’un sexe au profit de l’autre sont un moyen utilisé consciemment ou non, en temps de guerre comme en temps de paix, par les hommes pour se sentir supérieurs, pour mettre à leur place les femmes, pour montrer qui règne et qui doit se soumettre.
   De 40 à 50% des femmes des pays de l’Union européenne auraient subi des avances sexuelles non désirées, des contacts physiques ou d’autres formes de harcèlement sexuel au travail. Aux États-Unis, 83% des filles âgées de 12 à 16 ans auraient subi une forme ou une autre de harcèlement sexuel dans les écoles publiques.
   Des estimations prudentes suggèrent que 20 000 à 50 000 femmes auraient été violées pendant la guerre de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine, alors qu’approximativement 250 000 à 500 000 femmes et filles ont subi le même sort lors du génocide rwandais de 1994. En Sierra Leone, de 50 000 à 64 000 femmes vivant dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays auraient été sexuellement agressées par les combattants entre 1991 et 2001. Dans l’est de la République démocratique du Congo, au moins 200 000 cas de violences sexuelles, la plupart commises contre des femmes et des filles, ont été enregistrés depuis 1996 : les chiffres réels sont certainement plus élevés encore. Le viol est une redoutable arme de terreur. Et c’est une véritable arme de guerre.
   Violences dites domestiques ou conjugales, agressions sexuelles, meurtres, féminicide (comme celui de Ciudad Juárez par exemple), les femmes sont les principales cibles des violences masculines. Une étude menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à partir d’interviews de 24 000 personnes dans dix pays différents, montre une prévalence de violence «conjugale» masculine. Elle affecterait de 15 à 70% des femmes interrogées selon le pays. Ce n’est donc pas sans raison que le mouvement autonome des femmes a mis beaucoup de ses énergies à combattre la violence masculine.
   On a assisté au cours des deux dernières décennies au retour en force de la femme-objet. Outre la marchandisation de la sexualité (ainsi que de la maternité), le diktat des apparences (beauté associée à l’obligation du toujours-jeune), la sexualité performative, les transformations corporelles (chirurgie plastique, entre autres), etc., posent des questions non seulement sur les rapports sociaux de sexe, mais également sur le rapport au corps. Sans compter les phénomènes d’hypersexualisation et de sexualisation précoce qui font des jeunes filles des objets sexuels à convoiter dans une société où, paradoxalement, la pédophilie reste l’un des derniers tabous. De ce point de vue, quel est le bilan de la «libéralisation» sexuelle? N’assistons-nous pas à une contre-révolution sexuelle?
   Pornographie, prostitution, traite à des fins d’exploitation sexuelle, tourisme de prostitution ont d’ailleurs connu une croissance sans précédent à l’échelle mondiale depuis la décennie 1990. Les jeunes femmes et les filles, qui constituent 98% des cas de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, sont les proies et les hommes prostitueurs et proxénètes. Tous les hommes? D’une certaine façon oui, comme groupe dominant; d’une autre non, certains s’identifiant à la lutte pour l’égalité des femmes remettent en cause des facettes de la masculinité. Cependant, tous, d’une façon ou d’une autre, ont des privilèges liés à la domination patriarcale et à la perpétuation de la division sexuelle du travail.
   Dans certains pays, les femmes sont juridiquement inférieures. Elles sont soumises, violées, achetées et vendues, répudiées, excisées, lapidées, tuées pour l’honneur… Victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle – des millions de victimes par année – et de la traite à des fins de mariage forcé, notamment dans les pays comme l’Inde et la Chine où les pratiques patriarcales ont créé un déficit de femmes à marier. Bref, elles sont victimes d’une «économie vaginale» industrialisée et mondialisée. Le trafic des femmes à des fins d’exploitation domestique et de travail forcé, y compris au Canada – ce qui est bien documenté dans le cas des Philippines –, permet aux États d’origine ou «émetteurs» d’engranger des devises fortes servant à payer leur dette. La mondialisation capitaliste actuelle se caractérise par une féminisation des migrations (48%), due en partie à la traite des femmes et au trafic des migrantes. L’effondrement des sociétés bureaucratiques de l’Est a généré une véritable paupérisation des femmes de ces pays qui, désormais, constituent un cheptel pour les industries mondialisées du sexe.
   L’idée de la domination masculine s’impose toujours dans nos sociétés et la sexualité n’échappe pas à cette règle. Les violences, qu’elles soient sexuelles ou non, commises par les hommes puisent en grande partie leur origine dans certains clichés sur les droits des hommes dans le domaine des rapports sociaux de sexe.
   Il y a aussi ce qui a été nommé la «culture du viol». Sous cette expression se cache la banalisation des viols. Que ce soit dans l’art, dans la publicité ou encore dans la fiction (les mythes, la pornographie, les romans, le cinéma, etc.), les scènes de viol sont très répandues. La culture du viol est alimentée par les différentes idées reçues en matière de viol et de violences sexuelles. «Une femme qui dit non veut en fait dire oui ou finira par dire oui» puisqu’elle découvrira ce qu’est une bonne relation sexuelle avec un vrai mec!
   Comment les membres d’un jury pourraient-ils croire qu’un père qui assassine ses enfants âgés de trois et cinq ans, à l’arme blanche, en les frappant à 46 reprises, est criminellement responsable? Largement présent dans notre société, le sens commun veut que, tacitement, un tel homme ne puisse agir que sous le coup de la folie et, en toute justice, il faut le faire soigner plutôt que de l’enfermer en prison.
   Le jury a déclaré Guy Turcotte non criminellement responsable de ses crimes. Il a pu recouvrer sa liberté d’un établissement psychiatrique, après un séjour de 46 mois, ce qui a scandalisé beaucoup de gens. La Couronne a fait appel du jugement. Elle considère que Guy Turcotte a tué ses enfants de sang-froid pour se venger de sa femme qui l’avait quitté pour un autre homme. Cette allégation doit être prise au sérieux et explorée plus à fond.
   La folie est souvent retenue pour expliquer les meurtres qui se produisent dans le cadre familial. Pourtant, cette violence s’inscrit dans un contexte social et culturel spécifique. Aussi, l’affaire Turcotte n’est-elle pas un cas isolé ou unique.
   Aux États-Unis, 74% des femmes assassinées par leur partenaire le sont après une séparation ou un divorce. Ces hommes estiment que leur partenaire est leur propriété. Des hommes, qui craignent de ne pouvoir obtenir la garde de leurs enfants, prennent des mesures létales pour que personne ne l’obtienne. En 1997, à L’Ancienne-Lorette, Serge Vachon a poignardé sa femme et abattu par balle leurs deux enfants âgés d’un et de huit ans, après avoir pris connaissance que sa femme envisageait de divorcer. En 2003, Jacques Picard a assassiné sa femme et leurs deux enfants. Encore une fois, il s’agit d’une situation où la femme voulait quitter son mari.
   De façon caractéristique, les hommes qui tuent leurs proches sont persuadés que les membres de leur famille leur appartiennent, qu’ils ne peuvent pas avoir une vie indépendante d’eux. L’anecdote suivante est révélatrice de cet état de fait. Après avoir enduré pendant des années les violences physiques et psychologiques de son mari, une femme décide de demander le divorce. Lorsque le mari reçoit les formulaires officiels du divorce, il se rend au lieu où sa femme travaille et la tue de plusieurs coups de feu. Il se suicide ensuite. Plus tard, les policiers retrouvent les formulaires du divorce sur le tableau de bord de son véhicule. Il est écrit en grosses lettres sur la première page : «Il n’y a pas eu de divorce.»
   La violence brutale et meurtrière frappe des milieux comme la famille, le travail ou l’école. Pourtant, ces milieux évoquent d’abord et avant tout la sécurité, le réconfort ou l’épanouissement personnel et intellectuel. Pas la violence. Or, depuis une trentaine d’années, ils ont été le théâtre d’un nombre croissant de tueries sanglantes. À partir des années 1980, mais surtout des années 1990, on a assisté à une hausse très importante du nombre de meurtres de masse (trois victimes et plus), ce qui fait régulièrement les manchettes.
   Les hommes constituent la très grande majorité des tueurs et la majorité des tueries se produisent dans le milieu familial.
   Contrairement à la croyance populaire, le tueur (conjoint et père) pense, organise et mène à son terme l’action destructrice. Ce n’est pas un acte impulsif, bien que, fréquemment, il y ait un événement déclencheur comme une séparation ou un divorce. Cependant, il peut s’écouler plusieurs jours, semaines ou mois avant que l’individu passe à l’acte.
   L’action meurtrière se manifeste brutalement, comme dans un excès de rage. Elle apparaît pour ceux qui la subissent ou ceux qui y sont extérieurs comme un excès incompréhensible, une déflagration inattendue et maladive. Cette violence est pourtant chargée de sens. L’appropriation patriarcale de l’autre constitue un élément fondamental de cette dynamique. «Tu m’appartiens, donc tu n’appartiendras à aucun autre», «Mes enfants m’appartiennent, aucune autre personne ne les aura, surtout pas toi, ma femme», s’écrient ces hommes qui tuent leur partenaire ou leurs enfants. La violence du meurtrier constitue une mise en valeur de soi-même, une manifestation de sa puissance égotique, de sa domination et de son appropriation de l’autre, lesquelles, soudainement, sont minées par un acte d’indépendance de la part de la conjointe, qu’il faut impérativement punir en la tuant ou en tuant ses enfants.
   Alors, les discours qui installent la violence du côté de la seule psychologie des tueurs («rien ne laissait présager un tel acte de folie») ne s’intéressent guère aux significations sociales sexistes desdites violences. Ils refusent de nommer cette violence, qui est masculine, et, de ce fait, ils l’occultent. Aussi, ces meurtres apparaissent-ils incompréhensibles; dès lors, ils ne peuvent être que des actes de folie.
   La banalité de la violence masculine, qui est multiple et trop souvent létale, est mondiale et frappe les femmes et les filles des sociétés du centre du capitalisme comme des sociétés de la périphérie, les États démocratiques comme les dictatures. La pratique massive des viols pendant les guerres n’est pas l’apanage d’un peuple, d’une nation, d’une ethnie ou d’une religion en particulier, mais bien de l’ensemble des armées et des milices. Les viols sont une arme de guerre visant à terroriser et à soumettre les populations tout en montrant qui domine et qui doit s’incliner. En outre, la mise en fonction de lieux de «repos» au profit des guerriers qui occupent un territoire, y compris au profit des soldats censés faire régner la paix comme les Casques bleus, exige la soumission de dizaines de milliers ou plus de femmes et de filles qui sont enfermées dans des bordels mis à la disposition des hommes de troupe. Ce qui exige l’organisation d’une traite des femmes et des filles à des fins de prostitution puis permet le développement ultérieur du tourisme de prostitution comme le montre l’histoire récente de la Corée du Sud, de la Thaïlande, des Philippines, de la Bosnie-Herzégovine, etc. Ce n’est pas une culture nationale, ethnique ou religieuse en particulier qui est la cause de cette violence, de cette soumission des femmes au plaisir masculin, mais bien une culture patriarcale, qui leur est commune, une culture d’agression.

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L’idée de réunir certains de mes textes pour composer ce livre et ainsi contribuer à nourrir la réflexion sur la culture de l’agression à l’égard des femmes a pris naissance en Espagne dans le cadre d’une conférence internationale portant sur le thème Hombres trabajando para la erradicación de la prostitución (Hommes œuvrant à l’éradication de la prostitution) organisée, en octobre 2016, par la Comisión para la Investigación de Malos Tratos a Mujeres de Madrid. Interviewé à la veille de la conférence internationale par Irene Hernández Velasco du quotidien El Mundo, qui m’a questionné longuement sur les motivations des hommes qui payent pour l’accès au sexe des femmes, j’ai pris le taureau par les cornes et changé le contenu de ma conférence pour l’axer sur cette question difficile. Au regard du succès de ma conférence, dû au fait que l’assistance cherchait des réponses à cette question, j’ai eu le sentiment qu’il était nécessaire de poursuivre la réflexion.
   Les enquêtes sur les prostitueurs montrent que c’est Monsieur tout le monde qui paye pour du sexe. Il est issu de toutes les classes sociales de la société. À l’évidence, la prostitution est organisée en fonction de toutes les bourses, c’est-à-dire en fonction de la capacité de payer des prostitueurs. Soldats, miliciens, touristes, hommes d’affaires, politiciens, écrivains, festivaliers, policiers, juges, prêtres, médecins, sportifs professionnels, partisans d’une équipe, immigrés, nationaux, salariés… les prostitueurs sont aussi bien des adolescents que des vieillards, des électriciens que des télé-évangélistes, des courtiers que des membres des forces d’interposition pour la paix. Certains sont à la tête d’États ou dirigent des institutions internationales importantes. D’autres contestent l’ordre établi  : les terroristes du 11 septembre 2001 auraient, la veille de l’attentat, voulu se payer des femmes prostituées, selon le Boston Globe. Des organisations politiques de la gauche, y compris de la gauche radicale, s’évertuent à faire de la prostitution une activité banale, un métier comme un autre. Et ses partisans qui prétendent militer pour les droits des femmes vont au bordel se payer du «bon temps» et consomment allégrement de la pornographie.
   Partout où des hommes ont des raisons de séjourner en nombre est organisée une offre sexuelle pléthorique : événements sportifs, congrès, festivals, lieux touristiques, conférences internationales, sommets, etc. En fait, plus un milieu est étranger, si ce n’est hostile au féminin, plus il célèbre la prostitution. C’est notamment le cas des armées et des milices, des milieux sportifs et du monde des affaires. En même temps, ce n’est pas Monsieur tout le monde qui paye pour du sexe, car beaucoup d’hommes se refusent à exploiter le sexe d’autrui. Ceux qui payent sont des hommes dissociés, capables de disjoindre sexe et affectivité, de trouver du plaisir à dominer – c’est vraisemblablement ce qui les fait jouir –, à se voir supérieurs à la femme qui accepte, selon la somme payée, de faire ce qu’exige le prostitueur. Ces hommes n’ont rien à faire de l’humanité de la personne qui leur est sexuellement soumise. Elle est là pour cela. C’est une «pute», une «salope», une «moins que rien» qui a choisi de faire ce qu’elle fait et qui, en conséquence, mérite son sort. En outre, comme le soutient Claudine Legardinier, «c’est dans la circulation des femmes, transformées en objets sexuels tarifés, que se construisent les liens entre hommes et leurs manifestations de fraternité». Quel homme d’affaires québécois n’a pas amené ses clients à un bar de danseuses nues? Et, en Allemagne, au bordel ou à l’eros center? Ces lieux dédiés à la suprématie masculine (et donc à la solidarité entre les hommes) sont souvent les endroits où se concluent les contrats en toute confraternité.
   Les prostitueurs comme les violeurs retirent aux femmes leur part d’humanité. Ils se grandissent en prouvant qu’ils ne sont pas une femme, c’est-à-dire un être à prendre. Ils se grandissent aussi entre eux, dans une concurrence mêlée de partage et de camaraderie.
   Dans les cercles du pouvoir et des affaires, les femmes sont des signes extérieurs de la réussite. Elles sont, en conséquence, utilisées pour valoriser les hommes, qui se croient importants, afin de mettre en valeur leur prestige pitoyable. (1)
   L’idée de publier ce livre tient également au fait que, ces derniers mois, la société québécoise a connu une forte mobilisation dénonçant la culture du viol. Cette culture pèse d’un poids extrêmement lourd sur les femmes, sur leur autonomie et leur capacité d’agir en toute liberté. Les hommes, y compris ceux qui ne violent pas et ne payent pas pour des relations sexuelles, profitent de la situation en ayant une liberté beaucoup plus importante que celle des femmes. Ils ne sont pas socialement terrorisés. Ils tirent parti d’une situation qui leur est favorable, d’une situation de privilégiés.
   Le système social construit les femmes en objets de désir, non en sujets de parole. Ce qui importe aux yeux des prostitueurs c’est que les femmes ne tiennent pas compte de leurs propres désirs, de leurs exigences et de leurs sentiments personnels. Dans les bordels, seul le prostitueur est libre. Il est libre de circuler, de soupeser, de sélectionner, d’imposer sa volonté. Il est libre d’exprimer son mépris, ses fantasmes, de réaliser ses perversions; il est libre de contaminer, de rendre malade. N’est-ce pas là une violence ? Une violence avalisée par plusieurs États et par tous les bien-pensants pour qui la prostitution est une activité comme une autre! Pour les personnes prostituées, ce sont règlements draconiens, contrôles tous azimuts, cadences, amendes, réprimandes, endettement. Ce sont également les prostitueurs qui leur lèvent le cœur, qui leur font mal, qui les prennent de haut, qui les traitent comme des objets à prendre et à jeter après usage...
   Pour décrypter la culture d’agression caractéristique de nos sociétés, nous avons choisi de mettre en évidence trois domaines qui, à première vue, peuvent sembler marginaux, bien qu’en fait, ils se retrouvent au cœur d’une dynamique explicative de certaines des masculinités sociales.
   La première partie du livre est consacrée à la prostitution et à sa mondialisation : traite à des fins d’exploitation sexuelle et tourisme de prostitution. Entre autres, elle met en évidence le fait que cette industrie a été déployée au profit des hommes et plus elle est banalisée, plus le nombre de clients-prostitueurs augmente et, par conséquent, plus l’« offre » de personnes prostituées doit elle aussi augmenter. Elle est née de la violence – ce que montre la prostitution pour les militaires à différentes époques historiques – et engendre sans cesse différents types de violence. Cette partie du livre tente de donner des éléments de réponse à la question de l’utilisation par des hommes des personnes prostituées. Si dans certaines sociétés, cela concerne de 10 à 13% des hommes, dans d’autres, cela touche plus de 60% des hommes.
   La deuxième partie concerne l’influence de la pornographie, sa dynamique, la pornographisation du tissu social et des imaginaires sociaux ainsi que l’hypersexualisation. Pourquoi les hommes consomment-ils aussi massivement de la pornographie? Quels sont les messages et les codes de cette industrie? En quoi nourrit-elle la culture du viol et de l’agression?
   La dernière partie est consacrée aux meurtres en série et de masse. Pourquoi ces activités létales sont, pour l’essentiel, masculines? Qu’est-ce que cela révèle sur les rapports sociaux de sexe et sur les masculinités? En mettant en évidence les aspects sexistes et racistes de ces activités, en axant l’analyse non sur les tueurs, mais sur leurs victimes – elles sont trop souvent ignorées –, cela permet d’éclairer le fait que ces meurtres constituent la mise en œuvre d’idées racistes et sexistes, motivée par un désir d’appropriation. On s’attaque aux personnes plus faibles que soi et on leur fait payer son envie de pouvoir. Ce pouvoir renvoie à une conception de la masculinité qui s’avère mortifère.
   Le silence est imposé aux femmes. Autour d’elles, il existe une véritable conspiration d’oreilles bouchées. Ce silence confère aux hommes une impunité importante pour leurs actes violents de dégradation, d’exploitation et d’agression. Briser le silence complice, tel est l’apport exceptionnel du mouvement contre la culture du viol. Aider à briser le silence et à réfléchir sur ces masculinités qui exploitent, agressent, violent et tuent, tel est l’apport de ce livre.

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(1) Extrait du roman C’est le cœur qui lâche en dernier de Margaret Atwood, Laffont Canada, 2017. «Un roman aussi hilarant qu’inquiétant, une implacable satire de nos vices et travers qui nous enferment dans de viles obsessions quand le monde entier est en passe de disparaître.» http://margaretatwood.ca/

Un roman fascinant. Encore une fois dans le mille notre bien-aimée écrivaine!  

L’un des personnages principaux, Stan, participe à un complot contre le système Positron. Pour le sortir de la ville, on le déguise en sexbot (robot sexuel). «Enfermé dans une caisse d’expédition il voyage dans la soute aux marchandises d’un transcontinental. Il se sent enterré vivant. Sortez-moi de là! hurle-t-il en silence.  En guise de réponse lui parvient l’aboiement d’un chien. Animal de compagnie malheureux, esclave et joujou d’une concubine ruisselante de bijoux, elle-même animal de compagnie malheureux d’un ploutocrate aimablement sadique. Il compatit.» 

25 octobre 2017

Dans l’œil du niqab 2 – conclusion

J’en ai marre des discussions cul-de-sac, au bord de l’indigestion. On a beau vouloir couper la poire en deux, vient un moment où il faut trancher. Ce dont l’islam radical ne se prive pas – si j’osais déambuler en Arabie saoudite sans niqab, je risquerais peut-être l’emprisonnement, voire un châtiment coranique.

Donc, nous pourrions cesser de couper les cheveux en quatre et imiter les pays qui interdisent le niqab et la burqa – France, Belgique, Luxembourg, Cameroun, République du Congo, Tchad, Sénégal, Maroc. Clair, simple et équitable : visage découvert dans les espaces publics pour TOUT le monde. 

Burqa. Comme le dit Evelyne de la Chenelière dans son poème : Sans croire en Dieu parfois nous pensons Dieu merci, ce n’est pas moi. ... Dieu merci, ce n’est pas moi qui ai reçu une balle perdue comme une giclée de rage, ce n’est pas moi qu’on voile, qu’on excise, qu’on viole, qu’on vend, qui ai les membres arrachés, des sœurs kamikazes, des frères pendus par les pieds et des enfants-soldats. Dieu merci, ce n’est pas moi!
Poème intégral dans cet article :

Neutralité religieuse de l'État : le contraste franco-québécois
Par Yanick Cyr | ICI Radio-Canada Info | 24 octobre 2017 

L'approche choisie par le gouvernement du Québec en matière de neutralité religieuse est différente de celle prônée en France, où l'interdiction des signes religieux est beaucoup plus restrictive.
   Alors que la seule évocation d’une interdiction du voile intégral dans les autobus de la Société de transport de Montréal a provoqué des manifestations en début de semaine dans la métropole québécoise, l’interdiction complète de ce type de vêtement dans tout l’espace public français est en vigueur de l’autre côté de l’Atlantique.

«La loi française interdit le voile intégral dans l’ensemble de l’espace public, c’est-à-dire dans les rues, les parcs, absolument partout, sous peine de sanctions, d’amendes et éventuellement de peines de prison», explique le titulaire de la chaire de recherche Droit, religion et laïcité de l’Université de Sherbrooke, David Koussens.
   «C’est une loi qui a fait l’unanimité dans le corps politique, mais qui a aussi été largement acceptée dans la population», poursuit-il. «Seules des femmes qui portaient le voile intégral et des associations de défense des droits fondamentaux ont contesté la loi jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme.»
   La Cour a toutefois tranché en faveur du gouvernement français. «La Cour a statué que le législateur pouvait effectivement restreindre la liberté de religion en interdisant le voile intégral, s’il estimait que cela permettait de garantir un meilleur vivre-ensemble», relate David Koussens.


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Pourquoi la loi sur la neutralité religieuse est-elle décriée dans le reste du pays?
Propos recueillis par Hugo Lavallée | 25 octobre 2017 | ICI Radio-Canada Info

«Racisme», «non-sens», «honteux», «islamophobie»... les épithètes pour qualifier la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État, adoptée la semaine dernière par l'Assemblée nationale, se multiplient dans les médias au Canada anglais. Fuyuki Kurasawa, professeur de sociologie de l'Université York, à Toronto, nous aide à comprendre pourquoi cet enjeu suscite les passions dans les autres provinces.


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À quand la «journée du voile au masculin», en soutien à toutes femmes qui portent le voile par obligation? 


Source des posters : Libératrices, Henda Ayari

Henda Ayari, auteure de J'ai choisi d'être libre (Éditions Flammarion, novembre 2016), poursuit Tariq Ramadan en justice pour viol et agressions sexuelles (voyez mon billet précédent)  

Il fallait s’y attendre :
«Depuis le jour où j'ai osé balancer le nom de mon agresseur, je suis victime d'une véritable campagne de lynchage public, en particulier sur les réseaux sociaux. Pas une minute ne se passe sans que je reçoive des insultes, menaces, intimidations, propos dégradants sur moi, sur mon physique, sur mon passé, on me traite de menteuse, on m'accuse de vouloir faire le buzz pour booster les ventes de mon livre[...]

CLOSER | interview, 14 novembre 2016 :

«Je voyais les hommes comme des prédateurs»
À 20 ans, Henda Ayari était étudiante en psychologie. Progressivement, elle tombe peu à peu dans le panneau du discours salafiste après sa rencontre avec un certain Bachir, son futur mari, qu'elle a rencontré grâce à une amie en commun. «Je sortais de l'adolescence, j'avais une quête de pureté, ma mère était persuadée que je n'étais pas une fille sérieuse [...]. Finalement j'ai décidé d'aller vers l'islam et de porter le voile  [...]. Je me souviens à l'époque j'étais rebelle, j'avais une idée de la relation aux hommes qui était faussée. Je voyais tous les hommes comme des pervers, des prédateurs, il fallait me protéger de ça.» Henda Ayari se marie avec Bachir en Tunisie. Enceinte, Henda Ayari découvre peu à peu de nouvelles facettes très sombres de son mari qui refusait par exemple qu'elle se fasse examiner par un médecin homme pendant sa grossesse. «C'était primordial, on a été dans une clinique privée pour être sûrs de trouver une femme gynécologue».

«Les femmes sont considérées comme des objets»
Lorsqu'ils recevaient des amis de Bachir à dîner, Henda Ayari ne pouvait se montrer aux autres hommes et restait dans la cuisine : «Je frappais à la porte pour lui faire comprendre que les plats étaient prêts les uns après les autres». La jeune femme n'avait plus le droit d'aller à l'université ni de prier à la mosquée. Henda Ayari a été victime de nombreux coups de son conjoint y compris quand elle était enceinte. Elle se souvient notamment du jour où elle est rentrée du marché avec un ensemble rose et un foulard. Bachir l'a étranglée. «Je m'en souviens comme si c'était hier» témoigne celle qui a décidé de quitter le domicile conjugal en douce. «Les femmes sont considérées comme des objets qu'on peut s'échanger». À la police, Henda Ayari a appris que Bachir était fiché S et qu'il avait des contacts avec des «individus dangereux».

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En Indonésie, une province sous l'emprise de la charia
Bruno Philip | Le Monde | 27 septembre 2017

Une jeune femme reçoit des coups de canne en rotin sur le parvis d’une mosquée de Banda Aceh, le 1er août 2016. Photo : CHAIDEER MAHYUDDIN/ AFP

Aceh, à la pointe nord-ouest de l'île de Sumatra, est la seule région d'Asie du Sud-Est, avec le sultanat de Brunei, à vivre sous le régime de la loi coranique.
   C'est un drôle de pays, un coin d'Indonésie où les amourettes se vivent cachées, en toute discrétion. S'ils veulent un peu d'intimité, quelques chastes étreintes, les couples doivent s'éloigner du centre de Banda Aceh, la capitale, et rejoindre le littoral rocheux.
   Là, face à l'océan Indien, ils peuvent espérer un moment de tranquillité. À condition d'échapper à la Wilayatul Hisbah (WH), la police du vice et de la vertu, toujours prompte à traquer le baiser volé et la caresse furtive. Le khalwat, le «délit de promiscuité», est l'une des obsessions de cette milice religieuse chargée d'appliquer les dispositions de la charia, la loi islamique. [...]
   Ici, la rigueur islamique régente la vie de tous, s'infiltrant dans les moindres détails du quotidien : interdiction de sortir après 22 heures pour les femmes non accompagnées ; obligation de présenter son certificat de mariage pour les couples dans les hôtels ; interdiction aux jeunes filles de s'asseoir à califourchon sur le tan-sad d'une moto ; et, bien entendu, pas de pantalons moulants pour ces dames. Et gare à ceux qui osent sortir du rang...

Les coups de canne, rituel immuable
Le 23 mai, deux homosexuels d’une vingtaine d’années ont reçu chacun 83 coups de rotin pour avoir entretenu des relations intimes. En mars, ils avaient été pris en flagrant délit, et au saut du lit, par les hommes d’une milice intégriste locale.
   Les condamnations n’épargnent pas les hétérosexuels suspectés de contrevenir aux convenances islamiques : en octobre 2016, treize célibataires accusés d’«attouchements », d’«enlacements» et de «baisers» avaient été bastonnés en public. Selon Amnesty International, 108 personnes ont reçu de semblables punitions à Aceh... » [...]


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«En Algérie, on a assisté à des massacres de femmes vivant seules, considérées comme des «dévergondées», des «putes». Ces femmes furent agressées, battues, violées, mutilées, parce qu'elles étaient considérées comme menaçant l'ordre moral coranique et prophétique qui interdit célibat, monachisme et fornication. Les musulmanes qui ne respectent pas les interdits de l'Islam menacent la communauté et ne méritent donc pas de rester en vie.»
~ Anne-Marie Delcambre / L'islam des interdits / 2003)

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J’avais noté quelques passages du livre Ma vie rebelle d’Ayaan Hirsi Ali (Éditions du Nil, Laffont 2006). Voici quelques citations qui me semblent illustrer les comportements pervers-narcissiques de l’islam radical.

Dans la pratique de l’islam, la volonté individuelle est superflue, surtout pour les femmes. Une musulmane doit se soumettre; c’est le sens littéral du mot islam : soumission. Elle doit lutter pour assoupir son esprit afin de ne plus jamais être tentée de relever les yeux, même en pensée.
   L’Arabie Saoudite est la source de l’islam et sa quintessence. C’est là qu’il existe dans sa forme la plus pure, et c’est là qu’est née la tendance fondamentaliste qui s’est, depuis, répandue bien au delà des frontières du pays. En Arabie Saoudite, le moindre de nos gestes est imprégné de notions de d’impureté, de péché et de peur. Le musulman se conduit bien parce qu’il a peur de l’enfer, mais il n’a aucune éthique personnelle.
   Ceux qui se plaisent à considérer l’islam comme une religion de paix et de tolérance ne peuvent nier les réalités quotidiennes de ce pays : mains coupées, femmes asservies et lapidées, exactement comme l’a décrété le prophète Mahomet il y a des siècles.
   La musulmane doit obéir à son mari. Si elle se refuse à lui et qu’il la viole, c’est elle la fautive. La femme doit se soumettre sexuellement car le Coran dit : «Quand vos femmes se sont purifiées, alors cohabitez avec elles suivant les prescriptions d’Allah. Celles dont vous craignez l’infidélité, admonestez-les, reléguez-les dans des lits à part, battez-les.» Certaines femmes du voisinage étaient régulièrement battues par leur mari. On entendait le soir leurs cris résonner dans les cours – «Non! Par pitié! Au nom d’Allah!». La femme garde la tête baissée et le regard fixé sur l’extrémité du tapis ou se pose d’habitude son front quand elle se prosterne pour exprimer sa soumission absolue.
   Le monde islamique n’a pas connu de révolution intellectuelle comparable au siècle des Lumières en Europe, qui invitait le peuple à remettre en cause la restriction des libertés individuelles imposée par la religion. Les écoles musulmanes rejettent les principes des droits de l’homme : tous les humains n’y sont pas égaux, et les libertés d’expression et de conscience en sont bannies.
   L’islam opprime et interdit le progrès social à ses fidèles, femmes et hommes. Il crée une culture qui este figée dans les mœurs d’un lointain passé. Il vaudrait mieux pour tout le monde, et surtout pour les musulmans, que cela puisse changer. 
   Quand on me dit que l’islam prône les valeurs de compassion, de tolérance et de liberté, je regarde les faits autour de moi. Je vois bien que ce n’est pas vrai. Les Occidentaux y croient, néanmoins, parce qu’ils ont appris à ne pas examiner la religion et la culture des minorités de façon trop critique, de crainte d’être taxés de racisme.

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Mise en garde du site Athéisme.free http://atheisme.free.fr/index.html
(à laquelle je souscris entièrement)

Avis aux croyants (arrivés là par hasard)
Il n'est pas dans l'intention de ce site de vous agresser, en quoi que ce soit. Si certains d'entre vous le ressentent ainsi, il ne s'agit que d'un regrettable malentendu, car les critiques, les attaques ou les traits d'humour ne s'adressent qu'à l'objet de la croyance, jamais aux croyants en tant qu'individus.
   Nous respectons la liberté pour chacun de croire aux esprits des ancêtres, à Dieu, au Père Noël, à la licorne bleue, à la vie éternelle ou à d'autres phénomènes surnaturels, selon l'environnement culturel, si cela peut aider à mieux vivre la courte existence humaine.
   Mais les croyances et les doctrines religieuses deviennent dangereuses si elles menacent la liberté et l'intégrité de l'individu ou de la société. C'est la raison pour laquelle les athées sont extrêmement vigilants quant au pouvoir (de nuisance) dit «temporel» des grandes religions et des sectes et en combattent les abus de toutes leurs forces.

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Pour éviter de mettre tous les Arabes dans le même sac
Source : ICI Radio-Canada Dossiers (je n’ai pas retrouvé le lien...)

1. Les Arabes ne sont pas tous musulmans
Le monde arabe regroupe une vingtaine de pays de la péninsule arabique, du Proche-Orient et du nord de l'Afrique. Ils partagent entre autres l'arabe comme langue officielle ou co-officielle. L'islam est aussi la religion prédominante dans ces pays, mais ce n'est pas la seule. Certains Arabes sont chrétiens et d'autres juifs. D'ailleurs, le monde arabe comprend de nombreuses minorités ethniques et culturelles.

2. La majorité des musulmans ne vivent pas dans le monde arabe
Les fidèles de l'islam sont appelés des musulmans. En 2010, ils représentaient près du tiers de la population mondiale, soit environ 1,6 milliard de personnes. Apparu en Arabie au VIIe siècle, l'islam s'est répandu en Afrique, mais également en Asie. De nos jours, seulement une minorité des musulmans vivent dans le monde arabe. L'Indonésie, l'Inde et le Pakistan sont les pays regroupant le plus grand nombre de musulmans dans le monde.

3. Les sunnites et les chiites
La mort du prophète Mahomet, en 632, mène à une guerre de succession au sein de cette religion. Les futurs sunnites lui choisissent comme successeur Abou Bakr, un compagnon de Mahomet, qui deviendra le premier calife. Depuis, les sunnites ont toujours été le courant majoritaire. Ils représentent environ 80 % des musulmans dans le monde. De leur côté, les chiites ont préféré Ali, gendre de Mahomet, comme son successeur. Cela a engendré une guerre entre les deux courants pendant deux générations. Des tensions persistent encore aujourd'hui. En Iran, en Irak, en Azerbaïdjan et au Bahreïn, les chiites sont majoritaires. Ils sont aussi plus nombreux que les sunnites au Liban. Dans le monde, les chiites représentent 15 % des musulmans. En plus de ces deux grands courants majoritaires, d'autres sont minoritaires comme les alaouites, en Syrie, ou encore les druzes, qui sont dispersés au Proche-Orient.

4. Islamique, islamisme et islamistes?
L'adjectif islamique qualifie simplement ce qui est relatif à l'islam. Quant à l'islamisme, ses définitions sont multiples, mais plus généralement, ce terme réfère à un mouvement politique qui prône l'adoption de concepts de l'islam dans la gouvernance d'un État, notamment en imposant la charia comme loi fondamentale. Ceux qui sont membres de ce mouvement sont des islamistes. Ils peuvent être modérés, mais la plupart sont conservateurs et ils s'opposent aux principes de la laïcité. Les réflexions autour de l'islamisme ont servi à des mouvements radicaux et dans certains cas, terroristes, qui prônent la violence pour instaurer un État. C'est le cas de Boko Haram ou du groupe armé État islamique, deux groupes intégristes qui s'attaquent entre autres à des musulmans.

5. Les djihadistes
Certains choisissent la violence pour faire avancer leurs projets. Ces djihadistes commettent des crimes au nom d'un islam fortement radicalisé. D'ailleurs, les attaques et les actions du groupe armé État islamique sont régulièrement dénoncées par différents représentants de la communauté musulmane.

24 octobre 2017

Dans l’œil du niqab

L’ouragan dans les voiles, encore une fois! Avis aux navigateurs : il est temps de virer de bord ou de modifier votre route, il y a risque d’avarie.


Est-il raciste d’exiger que les citoyennes et citoyens aient le visage découvert dans l’espace public? 

Comme dit l’humoriste Louis T. «je suis d’extrême centre».

Quoiqu’en dise le gouvernement fédéral et le public, le dilemme n’a rien à voir avec le multiculturalisme ni avec le libre choix des femmes ni avec le racisme. Les dérapages ne sont peut-être pas là où l’on croit...

J’ai toujours cru, peut-être à tort, qu’il était illégal au Canada de se cacher le visage dans l’espace public, que les masques, les foulards et les cagoules ne laissant que les yeux à découvert étaient interdits, sauf en hiver quand le mercure descend sous les moins 20°C (les tempêtes de sable n’existent pas ici). Or le projet de loi 62 a suscité des questions vraiment stupides, comme si le public ne savait pas faire la distinction entre le niqab et le bandana, le masque de protection contre la contagion, les lunettes de soleil ou le Bonhomme Carnaval. Franchement!  Mis à part la burqa et le niqab, qu’on nous lâche les baskets avec le col romain, les cornettes de bonnes soeurs, le hijab, le schtreimel, le dastar et la kippa – ces ornements identitaires ne couvrent pas le visage.

Les vêtements ont un caractère symbolique et c’est nous qui leur attribuons une valeur identitaire. Si vous étudiez l’histoire du vêtement vous verrez comme il est futile de se chamailler là-dessus. Les déguisements, les objets cultuels, les rituels et les coutumes (sociales ou religieuses) font partie de la vie; on s’en sert pour se démarquer, afficher son appartenance, voire, sa neutralité. Le déguisement exprime ce que nous croyons être ou devoir être. C’est l’Halloween à l’année longue, car tous les accoutrements sont permis, des plus sobres aux plus sophistiqués aux plus ridicules.

Bizarrement, dans la religion islamique intégriste le camouflage complet (burqa) ou partiel (niqab) du visage est réservé exclusivement aux femmes. Si le port du niqab découle d’une prescription «spirituelle» de l’islam 
pourquoi les hommes ne se voilent-ils pas?
si le visage des femmes est obscène pourquoi celui des hommes ne l’est-il pas?

Nous n’accepterions pas de voir des hommes portant un voile intégral ou une cagoule partout dans les bus, les rues, les restos, à la banque, au supermarché, dans les écoles, etc.

Pour certaines musulmanes, dévoiler leur visage équivaut à exposer leurs organes sexuels! Dans leurs plaidoyers en faveur du niqab d'autres affirment : «Mon mari, ma famille ou mes frères ne m’obligent pas à porter le hijab ou le niqab, c’est un choix personnel. Le niqab n’est ni l’expression d’une soumission à une autorité masculine, ni une humiliation ni une atteinte à la liberté de la femme. Il est avant tout une volonté de se conformer aux ordres de Dieu Hum.
    Le port du niqab dans les sociétés occidentales peut empêcher les femmes de vivre dans des conditions acceptables du point de vue de la vie sociale et financière. Elles peuvent être réduites à l'isolement, à la pauvreté, voire la mendicité. Il faudrait encourager la formation et l’éducation autour des contraintes du religieux et mieux faire connaître les fondements derrière les codes de conduite et d’habillement créés par des hommes et convertis en lois civiles inégalitaires.

Les femmes portaient le tchador au 17e siècle comme le montre ce tableau de Rembrandt   

Voici quelques éléments de réflexion fournis par Fatima Houda-Pepin, députée de La Pinière entre 1994 et 2014. Elle est de confession musulmane.

(Extrait)  

«Pourquoi cacher le corps de la femme? Selon les idéologues et prédicateurs salafistes qui crachent leur haine tous les jours sur Internet et les télévisions satellitaires, une femme musulmane non voilée est une femme nue (awra).
    Ils ne s’entendent pas tous sur la définition des parties intimes du corps de la femme qui doivent être cachées. Certains estiment que c’est la partie entre le nombril et le genou, d’autres y incluent les cheveux, les yeux et la poitrine. D’où les variantes vestimentaires entre le niqab, la burqa et le tchador.
    Ainsi, la femme musulmane ne peut se dévoiler que devant les maharim, c’est-à-dire les hommes avec qui il serait illicite pour elle de se marier. Cette logique va jusqu’à lui interdire de se montrer devant d’autres femmes, de peur que celles-ci décrivent ses charmes, en son absence, à d’autres hommes. Ce qui risquerait de les exciter.
    Son territoire normal est donc la maison. Si elle s’aventure dans la rue ou au travail, un espace qui n’est pas le sien, elle doit cacher les formes de son corps derrière un vêtement ample (tchador ou burqa), sinon il y a un risque qu’elle attire le regard des hommes sur sa awra.
    La mixité étant interdite, le tchador, le niqab et la burqa sont donc des marqueurs de frontières (hudud) qui rappellent à la femme musulmane que sortir sans être intégralement voilée, c’est faire de l’exhibitionnisme (tabarruf). Voilà le modèle du rapport hommes-femmes qui se cache derrière le tchador, que le gouvernent du Québec s’apprête à introduire dans les institutions publiques.»
Le Devoir | 27 octobre 2016
Des musulmanes craignent l'impact de la loi sur la neutralité religieuse
Morgan Lowrie | La Presse Canadienne | le 22 octobre 2017
(Extraits)


La Québécoise, Warda Naili, convertie à l'islam, a indiqué avoir décidé de se couvrir le visage par souhait d'exercer sa religion de manière plus authentique et de protéger sa modestie. «Mon interprétation et c'est très personnel est que mon niqab est mon rideau portatif. Je peux aller n'importe où et être approchée, et approcher les gens comme je le veux.»
    Fatima Ahmad, une étudiante universitaire montréalaise âgée de 21 ans, a dit avoir senti le besoin de commencer à porter le niqab il y a un peu plus d'un an, durant le mois du ramadan. «J'ai réalisé que c'était quelque chose que je voulais faire, et j'ai adoré. Cela fait partie de ma dévotion envers Dieu et cela a aussi à voir avec la modestie.»
    Les deux femmes ont dit avoir fait le choix personnel de porter le niqab, en vertu de leur propre interprétation de leur religion.
    Mais malgré qu'il s'agisse d'un choix, ni l'une ni l'autre estime pouvoir simplement retirer le voile, sauf exception à des fins d'identification.
    «C'est quelque chose de très personnel pour moi, cela fait partie de qui je suis, de mon identité. Ce n'est pas quelque chose que je peux simplement retirer pour recevoir un service public», a affirmé Fatima Ahmad.

Ce ne sont pas toutes les femmes ayant porté le niqab qui ont une vision positive du foulard couvrant le visage.
    Ensaf Haidar, la femme du blogueur emprisonné Raïf Badawi, a souligné avoir dû porter le niqab en Arabie saoudite à certains moments parce que cela était obligatoire. Elle estime que le niqab est une manière d'effacer les femmes dans l'espace public et a dit croire qu'il n'avait pas sa place au Québec ou au Canada.
    «Si le niqab est là, la femme est absente. Elle est comme un fantôme», a-t-elle affirmé.
    Ensaf Haidar réside à Sherbrooke, avec ses trois enfants, alors qu'elle se bat pour la libération de son conjoint, qui purge une peine de prison de dix ans pour ses critiques du pouvoir religieux saoudien.
    Elle ne croit pas que le port du niqab puisse être un choix et a dit espérer qu'il ne soit plus présent au Canada un jour. «Nous sommes venus ici pour être libres. Nous sommes ici car il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire dans notre pays. Je suis ici, je suis une femme autonome, une femme indépendante», a lancé Ensaf Haidar.

Parlant de Raïf Badawi : qu’attendent les autorités saoudiennes pour le libérer? Radio-Canada Estrie a produit une bande dessinée qui raconte l'histoire du blogueur, condamné à 10 ans de prison en Arabie saoudite. Il s'agit d'un projet novateur, qui est le résultat de nombreux mois de recherche par l'équipe de l'Estrie. Cette BD, présentée en format numérique, jette un éclairage différent sur cet activiste dont la famille s'est installée à Sherbrooke. Vidéo du lancement :

Bande dessinée documentaire : RAIF BADAWI Rêver de liberté

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«La religion a en fait persuadé les individus qu'il y a un homme invisible – vivant dans le ciel – qui observe tout ce que tu fais à chaque instant de chaque jour. Et cet homme invisible a une liste de choses qu'il ne veut pas que tu fasses. Et si tu fais une de ces choses, il a un endroit spécial, plein de feu et de fumée où l'on brûle, torture et supplicie, et où il t'enverra pour y vivre, souffrir, brûler, étouffer, hurler et pleurer pour toujours... Mais Il t'aime!» ~ George Carlin

Le lavage de cerveau suppose un recours à des techniques psychologiques particulières – comme l’isolation sensorielle ou la manipulation émotionnelle – afin d’amener un individu à croire certaines choses. Il peut cependant recouvrir d’autres réalités. Le scientifique Richard Dawkins et le philosophe Anthony Crayling, parmi d’autres, soutiennent que les cours de religion offerts par les églises, les mosquées ou les synagogues équivalent à des «lavages de cerveau». Ce conditionnement impliquerait donc une transmission de croyances présentées comme des «vérités» indiscutables – une définition qui engloberait la religion et plus encore. La seule parade à un éventuel conditionnement serait sans doute de veiller à préserver chez les enfants un esprit curieux et indépendant au cours de leur apprentissage. (Extrait de Mangeriez-vous votre chat?, 25 Dilemmes éthiques; Jeremy Stangroom)

Dans la plupart des religions traditionnelles et les sectes, les ouailles doivent se soumettent à des diktats complètement farfelus par crainte de sanctions «divines, cléricales et civiles».

Bref, dès que le débat revient à la une, on assiste à une levée de boucliers de la part des musulmanes qui se déclarent victimes de racisme et de discrimination. Si les musulmans salafistes ne poussaient pas pour imposer au monde entier leur culture misogyne rétrograde, nous n’aurions pas besoin de légiférer sur la question. La confrérie des Frères musulmans, qui prétend réformer l’islam pour l’adapter au monde occidental, a réussi à propager et réimposer petit à petit le voile à travers le Moyen-Orient, le Maghreb, l'Afrique, l'Asie et même l’Europe, soit dans plus de 80 pays. Dans certains pays, par exemple en Iran ou en Arabie saoudite, le port du voile est même obligatoire pour les étrangères résidentes, les touristes et les Arabes non musulmanes. Et le voile ne cesse de se répandre par le biais d'associations culturelles financées par les Saoudiens.

Accusé de viol, Tariq Ramadan va porter plainte contre Henda Ayari, militante féministe

Le Monde | 21.10.2017

L’islamologue et théologien suisse «oppose un démenti formel à ces allégations» publiées sur Facebook par la présidente de l’association Libératrices.
    Tariq Ramadan, accusé de viol et d’agressions sexuelles par une militante féministe et laïque, portera plainte pour dénonciation calomnieuse auprès du procureur de la République de Rouen, a annoncé samedi 21 octobre son avocat. L’islamologue et théologien suisse «oppose un démenti formel à ces allégations», écrit Me Yassine Bouzrou dans un communiqué.
    Henda Ayari, ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque, a déposé vendredi une plainte contre l’islamologue auprès du parquet de Rouen, dont relève le domicile de la plaignante. La plainte porte sur «des faits criminels de viol, agressions sexuelles, violences volontaires, harcèlement, intimidation», selon le document consulté par l’AFP.
    Henda Ayari, 40 ans, présidente de l’association Libératrices, a écrit vendredi sur sa page Facebook avoir été «victime de quelque chose de très grave il y a plusieurs années» mais n’avoir pas alors voulu révéler le nom de son agresseur en raison de «menaces de sa part».

Libération de la parole
Dans son livre J’ai choisi d’être libre, paru en novembre 2016 chez Flammarion, elle décrit cet homme sous le nom de Zoubeyr, narrant un rendez-vous dans sa chambre d’hôtel à Paris, où l’intellectuel musulman venait de donner une conférence.
    «Par pudeur, je ne donnerai pas ici de détails précis sur les actes qu’il m’a fait subir. Il suffit de savoir qu’il a très largement profité de ma faiblesse», écrit Henda Ayari, assurant que quand elle s’est «rebellée», qu’elle lui a «crié d’arrêter», il l’a «insultée», «giflée» et «violentée». «Je le confirme aujourd’hui, le fameux Zoubeyr, c’est bien Tariq Ramadan», écrit Henda Ayari sur Facebook.
    Selon Jonas Haddad, l’un de ses conseils, «avec la libération de la parole à laquelle on assiste depuis quelques jours, Henda Ayari a décidé de dire ce qu’elle a subi et d’en tirer les conséquences judiciaires».
    Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans, âgé de 55 ans, est professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford (Grande-Bretagne). Relativement populaire auprès d’une partie des fidèles musulmans, il est aussi très contesté, notamment dans les milieux laïques, qui voient en lui le tenant d’un islam politique.  

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L’Arabie saoudite est le pays le plus misogyne et répressif à l’égard des femmes, suivi par l’Égypte.

Violences faites aux femmes en Égypte : quand un régime se dit féministe et persécute les féministes
                      
Par Vinciane Jacquet | TV5 Monde; Terriennes | 13 mars 2017

(Extraits)

En Égypte, [au début de] 2017, il devient de plus en plus difficile de critiquer le gouvernement, singulièrement quand on est féministe. Les autorités égyptiennes semblent déterminées à éliminer non pas les violences faites aux femmes dans les espaces publics et privés mais les activistes qui les dénoncent.
    Les féministes telles que Mozn Hassan et Azza Soliman goûtent à ce feu répressif. Malgré le travail essentiel qu’elles mènent pour combattre les violences faites aux femmes, et le soutien qu’elles apportent aux victimes depuis des années, ces militantes sont décrites comme des «espionnes», des personnes qui «mettent en danger la sécurité du pays», et incitent à la «libération irresponsable» des femmes.

Azza Soliman est avocate, et membre actif du conseil d’administration du CEWLA. La police égyptienne la connaît bien. Activiste pour le droit des femmes depuis 1994, elle se fait arrêter dès 1995 pour être venue en aide à des femmes torturées par des officiers car elles étaient les épouses d’islamistes. «Ici, nous aidons toutes les femmes, peu importe leur religion, leur appartenance politique, leur origine», assène-t-elle. La même année, après sa libération, elle fonde le Centre d’assistance légale pour les femmes égyptiennes (CEWLA). Puis en 1995, Azza Soliman est accusée de salir l’image de l’Égypte un prétexte présent parmi les chefs d’accusation visant les journalistes , pour avoir parlé lors de conférences internationales, des viols et agressions envers les femmes.
    Son combat pour les femmes l'a menée à témoigner dans une affaire qui a bouleversé l'Égypte et au delà, le monde entier : le 24 janvier 2015, la jeune poétesse Shaimaa al-Sabbagh était abattue par la police lors d'une manifestation alors qu’elle voulait simplement déposer une couronne de fleurs en mémoire des victimes de la révolution égyptienne du 25 janvier 2011. Son agonie avait été filmée.
    Pour tous ces combats, Azza Soliman est systématiquement harcelée par les autorités, entravée dans sa liberté de mouvement, empêchée de voyager, de sortir du pays par exemple.
    «Rien n’a changé aujourd’hui. Si ce n’est que le régime de Sissi est encore plus conservateur que les précédents», se lamente l’avocate. «Ils utilisent le discours religieux, le même que celui des salafistes, à des fins politiques, dans le but de séduire et rassurer les démocraties occidentale».

Mozn Hassan est une activiste féministe à l’origine de «Nazra for Feminist Studies», organisation qu’elle a créée en 2005 et dirige toujours. La militante a étudié à l'université du Caire où elle a reçu un master en droit international des droits de l'Homme en 2002, puis un second en 2005, délivré par l'université américaine du Caire, dans le même domaine. Féministe bien avant la révolution, elle avait soutenu  une thèse sur «les interprétations légales du droit au divorce, de la polygamie et des mouvements féministes égyptiens». [...]  
    Nazra a documenté et dénoncé depuis sa création un nombre effarant d’agressions physiques et sexuelles, et soutenu des milliers de femmes. En 2011, elle recrute des volontaires pour protéger les manifestantes pendant les rassemblements populaires qui accompagnent la révolution. L’organisation propose soutien psychologique et légal, ainsi que des soins médicaux. Elle encourage les Égyptiennes à prendre part à la vie politique, et mène une coalition pour inclure les droits des femmes dans la constitution de 2014 ainsi que les violences sexuelles dans le code pénal.

Le 11 janvier 2017, un tribunal a ordonné le gel des avoirs personnels de Mozn, ainsi que ceux de Nazra, dans le cadre de l’affaire dite des «ONGs financées par l’étranger», suspectées de comploter contre le gouvernement. Le gel de leurs avoirs personnels les empêche de subvenir à leurs besoins quotidiens en interdisant l’utilisation de l’argent en banque. «Je ne suis pas surprise du verdict», avoue Mozn Hassan. «Mais c’est la première fois qu’une organisation enregistrée au Ministère de la solidarité sociale et approuvée par lui fait les frais d’une condamnation et d’un gel de ses avoirs».
    Azza Soliman, accusée dans la même affaire, a vu ses avoirs personnels gelés, ainsi que ceux de son cabinet. Mais CEWLA, son organisation, est sauve. Personne n’arrive à décrypter le pourquoi de cette différence. Cette nouvelle étape dans l’escalade répressive est inédite, mais suit la rhétorique du gouvernement contre les mouvements indépendants. L’État veut s’arroger le monopole de la protection des femmes. Les protéger à leur manière, sans interférence des membres de la société civile, car «ils savent mieux que les femmes, ce qui est bon pour les femmes», se moque Mozn. Sans surprise, les dictateurs sont des patriarches aux valeurs abusives et rétrogrades, et au discours féministe lorsque cela les arrange.
    Les attaques contre Mozn Hassan et Azza Soliman visent à effrayer les autres féministes qui luttent contre le système patriarcal, à les décourager, à anéantir leurs rêves d’une société juste et égalitaire. Un appel est possible, trois mois après le verdict. Les deux femmes ont décidé de se pourvoir, sans grand espoir cependant. «Ils veulent nous voir fermer de nous-mêmes», assure Azza. «Cela n’arrivera pas. Ils devront m’arrêter d’abord», ajoute Mozn.
    Aux yeux de l’État, Azza Soliman et Mozn Hassan ont franchi une ligne rouge, celle qui impose aux femmes de se taire et de se soumettre. Parce qu’elles haussent clairement le ton contre les violences cachées derrière les murs des foyers, celles perpétrées par les forces de l’ordre ou dans la rue.