29 septembre 2017

«Le bon et le mauvais font une croix.» (Jacques Roumain)

Les commissions d’enquête privées n’ont pas le pouvoir d’intenter des procès contre des assassins tels que Bachar Al-Assad et ses hauts gradés. Toutes les tentatives pour les poursuivre devant la Cour pénale internationale se sont butées aux vetos de la Chine et de la Russie. CIJA (Commission internationale pour la justice et la responsabilité) a tout de même préparé une preuve documentaire dans l’éventualité d’un procès pour crimes contre l’humanité. Les témoins sont vivants. Les documents sont en sécurité. Reste à attendre le verdict de l’histoire.

Le reportage d’Enquête nous met sous les yeux l’ampleur de la violence et de la cruauté du régime que des millions de Syriens ont fui au risque de mourir – cette perspective paraissant sans doute moins horrifiante que de rester en enfer.

«À quoi bon tout le tourment que prennent les hommes? Ils semblent un tas de fous recherchant les moyens de se torturer eux-mêmes. Je souris devant les peintures naïves de l’Enfer que l’on voit dans les temples des diverses religions. Comme elles sont enfantines, en dessous de la réalité! Sans passer en aucun «autre monde» on voit bien mieux en fait de torture tout autour de soi!
   Depuis qu’il y eu deux hommes sur la terre, cela a été un écœurant spectacle de les regarder agir; cela n’a pas changé depuis et ne changera vraisemblablement jamais. Le plus surprenant dans ce scénario qui se déroule dans un Olympe quelconque et qui a pour personnages de petits dieux qui s’ennuient, c’est que l’actualité y est présente dans ce qu’elle a de plus horrible : la bombe atomique qui a réduit à néant Hiroshima et que les Français viennent d’expérimenter à Bikini. Les petits dieux jouent à la bombe atomique et se bousculent pour mieux voir ‘le spectacle d’annihilation’.
   Est-il absolument inévitable qu’il y ait antagonisme entre l’intérêt de l’individu et celui de la collectivité? – Probablement que non. Mais l’on peut, aussi, se demander, pourquoi notre terre, qui pourrait être d’un séjour passablement agréable pour des êtres intelligents, est transformée en enfer par la stupidité de ses habitants.»
~ Alexandra David-Néel (Correspondance, 1940-1946)

Documenter les horreurs du régime syrien au péril de sa vie

Dans le plus grand secret, une centaine de Syriens sortent des documents de leur pays dans l'espoir de prouver la responsabilité criminelle de Bachar Al-Assad. Une mission périlleuse coordonnée par un enquêteur canadien.

Document signé par Bachar Al-Assad. Photo : Radio-Canada / Luc Tremblay

Des preuves explosives contre le régime syrien : des procès-verbaux de réunions, des directives de l’État à la police militaire et des mandats d’arrêt pour mater la révolte populaire qui a commencé à l’hiver 2011. Des photos des prisonniers torturés et mutilés sont incluses au dossier. ...
   Après six ans de travail sur le terrain, CIJA a analysé, numérisé et archivé 750 000 documents sortis clandestinement de Syrie. Les documents sont gardés dans une chambre forte secrète à laquelle Enquête a eu un accès privilégié. ...
   Aujourd’hui, ils ont au moins huit dossiers criminels prêts à être présentés devant un tribunal. Des dossiers incriminant des hauts dirigeants, dont Bachar Al-Assad. ...
   Plusieurs réfugiés syriens, arrivés récemment au Canada, ont survécu à la torture des geôles syriennes.

Conflit en Syrie : Plus de 470 000 personnes ont été tuées et plus de 6 millions d’autres ont été déplacées depuis le début du conflit syrien en 2011. Source : Centre syrien pour la recherche sur les politiques


Le reportage d’Enquête est diffusé sur TOU.TV

Depuis 2011, le régime syrien réprime violemment les manifestations populaires et multiplie les arrestations massives. Tortures systématiques, exécutions sommaires, les rapports sont accablants. Durant des opérations ultrasecrètes, menées par un Canadien, des Syriens sortent, au péril de leur vie, des caisses de documents incriminants. Le but : établir les liens entre les crimes commis et le président Bachar Al Assad et ses hauts gradés.

Ce reportage est produit en collaboration avec l’émission The Fifth Estate de la CBC.
Réalisateur : Luc Tremblay
Journaliste : Johanne Faucher
Monteurs : Rebecca Moréel, Jean-François Vézina
Caméramans : Jean-Pierre Gandin, Doug Husby
En collaboration avec CBC, the fifth estate
Journaliste : Gillian Findlay

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Il n’y aura plus de croissance économique ni d’emplois sur une planète morte!  

Voici un autre genre de criminels qui devraient être poursuivis pour crimes contre la terre (écocide), et contre l’humanité par voie de conséquence. Faute de cours pénales internationales reconnues dans ce domaine, et malgré les preuves accablantes qui pèsent sur eux, il faudra «attendre le verdict de l’histoire». Et, il sera trop tard.

Comme d’habitude, les industriels détruisent tout ce qui leur barre la route.

L'ONÉ sévit contre Kinder Morgan pour avoir perturbé des cours d'eau sur le trajet de son pipeline

The National Observer | September 26 2017

Dans un message adressé au président de Kinder Morgan, Ian Anderson, l’Office national de l'énergie (ONÉ) a servi un avertissement sévère à l’entreprise qui a installé des clôtures à neige en plastique dans les cours d'eau afin d’empêcher les saumons et les truites de frayer là où le pipeline doit être construit.


Le projet Trans Mountain est le prolongement d'un gazoduc existant qui permettra d’augmenter le transit du pétrole brut d’Edmonton (Alberta) vers la côte ouest.
   Les producteurs de pétrole et les entreprises de la région disent que le pipeline de Trans Mountain est essentiel pour l'emploi et la croissance économique du Canada vu la chute du pétrole. Les adversaires disent qu'il augmentera les émissions de gaz à effet de serre et les risques de déversements dangereux le long de son itinéraire ou dans les eaux côtières. Le gouvernement Trudeau a approuvé le projet l'automne dernier, faisant valoir qu'il avait trouvé un juste équilibre entre croissance économique et protection de l'environnement. [...]
   Trans Mountain considère que l’utilisation des clôtures à neige pour empêcher le frai est innovatrice. La compagnie en a installé dans certains cours d’eau à la mi-août, et elle prévoit en installer dans 26 autres cours d’eau, à la fois en Alberta et en Colombie Britannique, avant le début des travaux en 2018. Dans un e-mail, le porte-parole de Trans Mountain, Ali Hounsell, affirme que l’empêchement du frai est une «mesure préventive» pour réduire les impacts environnementaux de la construction, et il ajoute que la société travaille pour obtenir une réponse de l’ONÉ.

Ian Anderson, président de Kinder Morgan

Keith Stewart, de Greenpeace Canada, estime qu'il est difficile de croire que le propriétaire de Trans Mountain Kinder Morgan ignorait ou n'avait pas pu vérifier si son initiative anti-frai était autorisée ou pas par l’ONÉ. «Kinder Morgan a peut-être tenté d'impressionner ses investisseurs avec cette intervention prématurée, mais ils devraient réaliser que les gens de la région les surveillent tout le long du tracé, et qu’ils continueront de dénoncer ce genre de frappes préventives auprès des gouvernements et des organismes de réglementation», a déclaré Stewart au National Observer.

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Le verdict du procès de Ristigouche attendu avec impatience par les municipalités
Avec les informations de Michel-Félix Tremblay | 29 septembre 2017

La délibération de la cause qui oppose Ristigouche à la compagnie Gastem commence lundi. Le verdict est attendu avec fébrilité par plusieurs élus municipaux. La juge Nicole Tremblay aura six mois pour rendre sa décision. Celle-ci pourrait faire jurisprudence. 

Gastem poursuit la municipalité pour 1 million de dollars, parce qu'elle considère que le règlement municipal protégeant l'eau potable a provoqué l'arrêt de ses activités d'exploration. Le procès a duré deux semaines, lors desquelles la poursuite et la défense ont fait valoir leurs arguments respectifs, au palais de justice de New Carlisle.

François Boulay, maire de Ristigouche-Sud-Est, lors de la 2e journée du procès opposant sa municipalité à Gastem. Photo : Radio-Canada

Le maire de Lanoraie, Gérard Jean, est porte-parole des municipalités qui réclament le droit d'imposer elles-mêmes une distance minimale pour autoriser les forages près des sources d'eau potable. Il croit que même le ministère de l'Environnement craint des poursuites. C'est pour cette raison, dit-il, que le gouvernement Couillard refuse d'autoriser les municipalités à légiférer en la matière. «Même Québec a peur d’être [éventuellement] poursuivi [pour avoir adopté] un règlement trop sévère et qui serait interprété comme [une façon] d’empêcher les gazières et les pétrolières de s’installer», avance-t-il. Aux yeux de M. Jean, le gouvernement «devrait défendre ses citoyens plutôt que les pétrolières». «Il y a un climat de peur, ajoute le maire. C’est rendu qu’on devrait être gênés de protéger l’environnement pour nos citoyens. C’est inconcevable!» Il attend donc le verdict avec impatience.
   Par ailleurs, la campagne de financement populaire pour aider Ristigouche à assumer les frais judiciaires, a porté ses fruits. Selon la page Facebook de Solidarité Ristigouche, il reste moins de 8000 $ pour atteindre l'objectif de 328 000 $.


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Intempéries et pollution ont coûté des milliards de dollars aux États-Unis
Reuters | 28 septembre 2017

Les phénomènes climatiques extrêmes et la pollution atmosphérique imputable à la combustion d'énergies fossiles ont coûté 240 milliards de dollars américains chaque année aux États-Unis au cours des 10 dernières années, indique un rapport publié mercredi par Universal Ecological Fund, une ONG basée à Oslo, en Norvège.
   L'année 2017 sera sans doute la plus coûteuse de l'histoire, quelque 300 milliards de dollars de pertes étant attendues après le passage des ouragans Harvey, Irma et Maria et les incendies qui ont ravagé ces deux derniers mois certaines régions des États de l'Ouest, indique le rapport.
   «Les preuves sont implacables, plus on brûle de carburants fossiles, plus vite le climat poursuit son changement», disent les auteurs du rapport, qui recommandent au président Donald Trump de s'impliquer dans la lutte contre le réchauffement climatique.
   «Nous ne disons pas que tous les phénomènes climatiques extrêmes sont imputables à l'activité humaine, mais que l'ampleur de tous ces événements va crescendo», a dit Robert Watson, un des auteurs du rapport et ancien patron du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Faisons-nous mieux que les Américains?!  

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Où ont été menés les tests nucléaires?
Sophie-Hélène Lebeuf | 16 septembre 2017

C'est le 16 juillet 1945, dans une zone désertique d'Alamogordo, au Nouveau-Mexique, que les Américains ont lancé l'expérimentation nucléaire en testant une bombe de 20 kilotonnes. Depuis, sept autres pays, dont la Corée du Nord, ont développé et exhibé leurs muscles nucléaires. Bilan : plus de 2000 tests menés en 70 ans.
   Le quart des bombes testées l’ont été dans l’atmosphère, essentiellement dans les premières années de l’expérimentation nucléaire.
   Guy Marleau, professeur à Polytechnique Montréal évoque les quelque 70 tests menés par les Américains dans les îles Marshall.
   La détonation la plus dévastatrice est survenue en mars 1954, au-dessus de l’atoll de Bikini, qui avait été évacué. D’une puissance de 15 mégatonnes (1000 fois plus grande que celle de Little Boy), la bombe à hydrogène Castle Bravo, la plus puissance jamais testée par les États-Unis, a provoqué un désastre radiologique : les atolls habités environnants et un navire de pêcheurs japonais à 150 kilomètres de là ont été contaminés.
   Selon la CTBTO, les retombées radioactives se sont étendues sur plus de 11 000 kilomètres carrés. Près de 70 ans plus tard, un rapport de l’ONU concluait à une «contamination environnementale quasi irréversible» de l’atoll.
   Les essais sous l’eau ont quant à eux un «impact aussi grand sinon plus» que les tests dans l’atmosphère, ajoute Guy Marleau, mais ils sont moins visibles, car c’est la faune aquatique qui subit les effets.
   Après le traité interdisant les essais nucléaires sous l’eau, dans l’atmosphère et dans l’espace, en 1963, les explosions souterraines ont proliféré. Près des trois quarts des tests nucléaires ont ainsi été menés sous terre. Ils ont comme principale conséquence d’occasionner des séismes, explique Guy Marleau. Lors du plus récent test de la Corée du Nord, au début de septembre 2017, un tremblement de terre d’une magnitude de 6,3 a été ressenti jusqu’en Chine, rappelle-t-il.
   «Ce type de test peut aussi avoir des répercussions à plus long terme, indique-t-il. Les plaques tectoniques sont capables de résister à des chocs importants, mais les chocs répétés pourraient, dans une région où il y a des failles plus faibles, engendrer des séismes incontrôlés.»

27 septembre 2017

Les machines à cash sont sans pitié

L’homme a toujours refusé de s’adapter à la terre – cherchant par tous les moyens possibles à la soumettre à sa propre volonté plutôt que d’opter pour une coopération harmonieuse. Grave erreur : la terre et ses éléments ne réagissent pas aux indices boursiers; par contre, ils réagissent très mal aux saccages répétitifs. 


Le roi couvert de paillettes d’or et de diamants est moins utile à la terre qu’un arbre. En réalité, c’est un parasite extrêmement nuisible.

«L’arbre n’est l’apanage de personne. Il mérite d’être reconnu comme un patrimoine commun à toute l’humanité, dont la connaissance doit être collective. Quelle est l’ampleur des réalisations des arbres, notamment leurs prouesses biochimiques et génétiques, les communications qu’ils établissent entre eux ainsi que leur sensibilité aux phases lunaires et aux variations du champ magnétique terrestre? Quelle est la place de l’arbre dans les villes et son apport dans nos vies?
   Selon des recherches scientifiques en cours au Japon, les arbres nous permettraient de prévoir les tremblements de terre. Les racines qui sont plus grosses que ce que l'on voit font comme une antenne. Ils mettent une électrode dans le tronc et dans les racines, et ils obtiennent une courbe régulière tant qu'il ne se passe rien et, quand un séisme arrive, la courbe s'emballe. C'est génial ça, et tout à fait passionnant.
   Si on a des émissions toxiques, il faut les arrêter. Ce n'est pas parce que les arbres vont nous rendre le service d'absorber ces émissions que nous avons le droit de les produire. C'est une solution valable, mais pas souhaitable.
   J'ai vu les forêts primaires tropicales disparaître. Quand j'étais jeune chercheur, il y avait de belles forêts primaires partout, personne n'aurait pu penser que 50 ans après c'était fini.» ~ Francis Hallé (Auteur de Plaidoyer pour l’arbre; Éd. Actes Sud, Arles, 2005)

Francis Hallé rappelle qu'une forêt secondaire a besoin de sept siècles pour revenir à l'état primaire et dénonce le désastre écologique que constitue la déforestation abusive pratiquée par les grands groupes industriels, dont on peut déjà voir les conséquences dans des pays tels que Haïti, le Nigéria, Madagascar ou la Malaisie. Il fait remarquer que les populations forestières des forêts primaires n'ont jamais changé le caractère primaire de celles-ci, et que la déforestation peut être assimilée à un génocide car sans ces forêts ces populations sont perdues.
   En termes d’effondrement de la biodiversité, Francis Hallé rappelle que les forêts primaires contiennent 75 % de la biodiversité mondiale et que d'ici 2020, celles des tropiques auront disparu.
   Animé du souci constant de ne pas détruire les végétaux, il a impulsé la mise au point du Radeau des cimes, un dispositif d’étude original de la canopée des forêts tropicales, dont il a dirigé les missions scientifiques de 1986 à 2003. Les nombreux chercheurs au Radeau des cimes ont permis de multiplier par dix l’évaluation de la diversité biologique, c’est-à-dire du nombre d’espèces vivant sur Terre. (Source : Wikipédia)

Le soleil brille au Vermont
Jean-Michel Leprince | ICI Radio-Canada | 19 septembre 2017   

Le Vermont est l'un des leaders américains de l'énergie solaire depuis quelques années. Et la deuxième ville de l'État, Rutland, se veut l'épicentre de l'innovation dans ce domaine, dans le nord-est des États-Unis. [...] L'utilisateur d'énergie solaire peut même «revendre» sa production au réseau, sous forme de crédit.
Le défi (incluant vidéo) :

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"L'Éden est fracassé" : un leader des Caraïbes appelle à l'action pour freiner le changement climatique 
Natalie Meade | The New Yorker | 24/09/2017 
 

À 11 heures samedi matin, bien après que Donald Trump, d'autres dirigeants du monde, et les centaines de journalistes qui couvraient chacun des discours, aient décampé de New York, Roosevelt Skerrit, le Premier Ministre de quarante-cinq ans de l'île Dominique dans les Caraïbes, s’est adressé à l'Assemblée générale des Nations Unies. En habit et cravate, un drapeau dominicain épinglé à sa boutonnière, Skerrit, dont le pays a été dévasté par l'ouragan Maria, a déclaré «l'Éden est fracassé» et exigé que les dirigeants du monde reconnaissent le changement climatique.
   «Nier le changement climatique c’est tergiverser tandis que la terre s’effondre; c'est nier une vérité que nous venons juste de vivre. C'est se moquer des milliers de mes compatriotes qui dans quelques heures n’auront plus de toit sur la tête et regarderont la nuit descendre sur la Dominique, craignant de soudains  glissements de terrain ... et ce que le prochain ouragan pourrait apporter», déplorait Skerrit. «Chers collègues dirigeants, le temps n’est plus aux discours. Il reste peu de temps pour agir. Pendant que les grandes puissances discutent, les petites nations insulaires souffrent. Nous avons besoin d'action et nous en avons besoin maintenant.»
   Skerrit mentionna que l'air plus chaud et la hausse de température des océans avaient «modifié de façon permanente» le climat entre les Tropiques du Cancer et du Capricorne, et menaçait de dévaster les Caraïbes, une région de 40 millions de personnes. «La chaleur est le carburant qui s’empare des orages ordinaires – des tempêtes que nous pourrions normalement affronter – et les charge d’une force dévastatrice.»
[...]
   «Nous avons creusé des tombes aujourd'hui à la Dominique, enterré des proches hier, et je suis sûr qu’à mon retour demain, nous découvriront d'autres morts», déclara Skerrit à l'Assemblée générale.

Article intégral :
“Eden Is Broken”: A Caribbean Leader Calls for Action on Climate Change

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Désirs, folles dépenses, purges
Exiger la perpétuelle croissance économique, avec la folie collective qu’elle provoque, mène inexorablement vers l’effondrement environnemental

George Monbiot
15 septembre 2017

Extrait

Si l’on applique la théorie d’Alan Greenspan en matière de finances, il ne peut pas y avoir de problème car le marché est appelé à s’autoréguler. Voilà ce que dit la théorie. Comme le disait Milton Friedman, un des architectes de l'idéologie néolibérale, «les valeurs écologiques peuvent trouver leur place naturellement dans le marché, comme toute autre demande des consommateurs». Tant que le prix des biens environnementaux est correctement fixé, la planification et la réglementaion ne sont pas nécessaires. Toute tentative par les gouvernements ou les citoyens de changer le cours probable des événements est superflue et malavisée.
   Mais il y a une faille. Les ouragans ne répondent pas aux signaux du marché. Les fibres en plastique dans nos océans, la nourriture et l'eau potable ne répondent pas aux signaux du marché. L'effondrement des populations d'insectes, ou des récifs coralliens, ou des orangs-outans à Bornéo, ne répondent pas aux signaux. Le marché non réglementé est aussi impuissant face à ces forces que les Floridiens qui ont décidé de lutter contre l'ouragan Irma en tirant dessus au fusil. C'est un mauvais outil, une mauvaise approche, un mauvais système.
   Évaluer le monde vivant et sa destruction comporte deux problèmes inhérents. Le premier consiste à attribuer une valeur monétaire à des éléments tels que les humains, les espèces et les écosystèmes qui ne peuvent pas être échangés contre de l'argent. Le deuxième consiste à essayer de quantifier des événements et des transformations qui ne peuvent pas être prédits avec certitude.
   La destruction de l'environnement ne progresse pas de façon ordonnée. Vous pouvez estimer l'argent que vous pourriez faire en construisant un aéroport : c’est linéaire et assez prévisible. Mais vous ne pouvez pas raisonnablement estimer le coût environnemental que l'aéroport pourrait générer. La détérioration du climat se comporte comme une plaque tectonique dans une zone sismique : des périodes de stase relative suivies de brusques secousses. Toute tentative de comparer les avantages économiques au coût économique est, dans de tels cas, un exercice bancal [exercise in false precision].
[...]
   Vous pouvez maintenant acheter un toaster-selfie qui grille une image de votre visage sur votre pain – le suaire de Turin sur toast. Vous pouvez acheter de la bière pour chiens et du vin pour chats; un support à papier hygiénique qui vous avertit sur votre téléphone si le rouleau de papier achève; une brique de marque à 30 $; une brosse à cheveux qui vous signale que vous ne les brossez pas correctement. Panasonic a l'intention de produire un réfrigérateur mobile à commande vocale qui apportera vos bières jusqu’à votre fauteuil.
 
Image : Steve Cutts

Désirs, folles dépenses, purges : nous avons été aspirés dans un cycle de compulsion, suivie de consommation, suivie de détoxication périodique, de nous-mêmes ou de nos maisons, comme les Romains qui vomissaient après avoir mangé afin de continuer à se bourrer. La croissance économique perpétuelle dépend de l'élimination perpétuelle de déchets : si nous ne jetons pas rapidement au dépotoir les biens que nous achetons, le système échoue. L'économie de croissance et le gaspillage ne peuvent pas être séparés. La destruction de l'environnement n'est pas un sous-produit de ce système – elle est un élément indispensable.
   La crise environnementale est l’inévitable résultat, non seulement du néolibéralisme – la forme la plus extrême du capitalisme – mais du capitalisme lui-même.
[...]

Urge, Splurge, Purge http://www.monbiot.com/

Je saurai que je suis au paradis (si ça existe) quand je ne verrai plus ce qui se passe sur terre.

Nos politiciens privilégient les grandes entreprises privées, et le pays est un buffet chinois «all you can eat» ouvert à tous

Ce terrifiant constat indique un degré d’irresponsabilité alarmant chez les élus tant fédéraux que provinciaux. D’un côté, ils prônent le passage aux énergies durables, et de l’autre, ils investissent l’argent des fonds publics dans les projets les plus polluants qui existent.
   Durant le mandat de Marois, le PQ a fait de nombreuses gaffes environnementales, notamment en distribuant à qui en voulait des permis d’exploration et d’exploitation pétrolière, gazière et minière. Et, le gouvernement Couillard (PLQ) est très heureux de les concrétiser avant les prochaines élections.

À quand un réel virage écologique au Québec? C’est bien mal parti.  

#$@&%*! 

Cimenterie McInnis : Couillard se veut rassurant
Même si la nouvelle cimenterie générera 1,76 million de tonnes de GES par année, le premier ministre Couillard dit assumer «totalement, totalement» ce projet, d'abord initié par l'ex-gouvernement Marois en 2014. À elle seule, la cimenterie McInnis fera grimper de 6% le total estimé de GES produits par le secteur industriel québécois.
Jocelyne Richer | 24 septembre 2017

Port-Daniel-Gascons : comment défigurer un paradis très apprécié des touristes. 

La cimenterie devait au départ coûter environ 1,1 milliard de dollars, mais la facture s’élève maintenant à 1,5 milliard de dollars. La famille Beaudoin-Bombardier avait investi une partie des fonds initiaux, mais à la suite d’un vice de gestion*, le gouvernement lui a évité la catastrophe – ce groupe profite fréquemment des fonds publics*. Tout ça pour quelque 400 emplois (une opération de sauvetage pour les chômeurs de la région, selon M. Couillard), et un potentiel retour de capital dans 50 ans.

* Les gestionnaires ont peut-être investi dans la fabrication du toaster-selfie...  
En 2016, la rémunération de six hauts dirigeants de Bombardier a bondi de 48 %, malgré les milliers de mises à pied et l’aide financière de plusieurs milliards de dollars consentie par Québec et Ottawa pour sortir l’entreprise du pétrin.
Rémunération totale des hauts dirigeants : 43 millions de dollars   
– Alain Bellemare : 12,5 millions de dollars (8,5 millions en 2015)
– Pierre Beaudoin : 7 millions de dollars  
Mises à pied
– En 2015-2016 : 18 000
– Oct. 2016 : 7500 suppressions d’emploi prévues, s’ajoutant aux 7000 annoncés en février 2016  
Argent provenant des fonds publics
– Ottawa : prêt de 372,5 millions de dollars
– Caisse de dépôt et placement du Québec : investissement de 1,5 milliard de dollars dans Bombardier Transport, en retour d'un actionnariat de 30 % dans cette entreprise.
– Investissement Québec : en 2015, Québec a investi 1,3 milliard $ (1 milliard $ US) de fonds publics sous forme de participation au projet C Series, pour l'aider au moment où la filiale était en péril. Le gouvernement provincial détiendrait 49,5 % des actions.
   L’attachée de presse de la ministre de l’Économie Dominique Anglade, disait en mars 2017 au sujet de la rémunération : «Ces décisions relèvent du conseil d’administration. Bombardier est une entreprise privée. Le gouvernement du Québec est impliqué dans C Series, et non directement dans Bombardier Inc.»

Guerre des Boeings : Washington veut imposer des droits compensatoires de 220 % sur les avions C Series de Bombardier.
   «Devant la Commission du commerce international, il faudra prouver que la participation dans l’actionnariat du projet C Series, est une subvention. Ce n’est pas facile à gagner.» (Mehran Ebrahimi, directeur du Groupe d’étude en management des entreprises de l’aéronautique de l’UQAM)
   «Bombardier voit la porte du marché américain se fermer au moins pour un certain moment, alors il va sans doute y avoir des tentatives d'aller chercher des commandes du côté chinois.» (Louis Hébert, professeur titulaire au Département de management de HEC Montréal)
   Chantage, manipulation? Tout cela fait partie de la féroce compétition au sein de l’économie mondialiste.

#$@&%*! 

Pétrolia aux limites du parc national de la Gaspésie
Après avoir reçu 20 millions de dollars du gouvernement du Québec, l’entreprise Pétrolia compte lancer un nouveau programme d’exploration pétrolière et gazière sur un territoire situé tout juste au sud du parc national de la Gaspésie. Le projet de règlement sur les forages pétroliers et gaziers devrait favoriser les activités de l’entreprise, dont le gouvernement est le premier actionnaire. ... Le gouvernement Couillard entend permettre les forages à une distance de 60 mètres d’un parc national ou d’une aire protégée.
Alexandre Shields | 25 septembre 2017

#$@&%*! 

Les plans d’eau du Québec ouverts aux pétrolières
Le gouvernement Couillard a décidé d’ouvrir les lacs et les rivières du Québec aux projets d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz. Les forages en milieu hydrique, mais aussi ceux en milieu terrestre pourront d’ailleurs être réalisés avec des opérations de fracturation, à proximité de secteurs habités, d’écoles, d’aires protégées et de parcs nationaux.
Alexandre Shields | 21 septembre 2017

#$@&%*! 

Dessert du buffet «all you can eat» servi sur un plateau d'argent : le Plan Nord sera supporté par des investissements chinois. Creusons, saccageons et polluons dans la joie et la bonne humeur, il y aura des retombées économiques et des emplois. Le reste on s’en fout.

Avis aux ennemis de ces beaux projets

Extrait du roman C’est le cœur qui lâche en dernier de Margaret Atwood, Laffont Canada, 2017.  

«Un roman aussi hilarant qu’inquiétant, une implacable satire de nos vices et travers qui nous enferment dans de viles obsessions quand le monde entier est en passe de disparaître.» http://margaretatwood.ca/  

«Le modèle de Consilience connaît un tel succès qu’il s’est fait des ennemis. C’est le lot de toutes les entreprises qui réussissent. En règle générale, là où il y a de la lumière, les ténèbres ne tardent pas à surgir. ... Quels sont ces ennemis? En premier lieu, des reporters. Des journalistes amateurs de scandales qui essaient de s’immiscer partout, d’obtenir des preuves... des photos et autres matériels qu’ils pourront dénaturer pour étayer de prétendus exposés et monter le monde extérieur contre tout ce que le Projet Positron représente. Ces individus suspects, ces prétendus reporters, cherchent à saper et à miner la confiance, confiance sans laquelle nulle société ne peut fonctionner de manière stable. Plusieurs journalistes ont franchi le mur en prétextant vouloir adhérer au Projet, mais par chance ils ont été identifiés à temps. Par exemple, une journaliste de télévision disposant d’excellentes références a bénéficié d’un minitour dans de strictes conditions de confidentialité et a été surprise en train de prendre des photos à la sauvette à seule fin d’illustrer un point de vue biaisé.
   Comment expliquer que de tels gens puissent souhaiter saboter une initiative aussi remarquable? Sinon en disant que ce sont des asociaux, des caractériels qui prétendent agir dans l’intérêt d’une prétendue liberté de la presse et dans le but de restaurer de prétendus droits de l’homme, au prétexte que la transparence est une vertu et que les individus doivent être informés. Mais les hommes n’ont-ils pas le droit d’avoir un travail? Et de quoi manger, ainsi qu’un logement décent, ce que Consilience fournit – voilà qui relève assurément des droits légitimes!
   Ces ennemis, inutile de mâcher ses mots, ont déjà fomenté des manifestations, très modestes heureusement, et ont tenu des blogs hostiles, mais par chance dénués de crédibilité. ... Ces gens et leurs réseaux doivent être identifiés, puis neutralisés.
   [...] ces ennemis, s’ils réussissent, détruiraient la sécurité d’emploi et le mode de vie de tous!» (p. 177-178)

24 septembre 2017

À la merci de chimpanzés dominants

L’agresseur tout-puissant Donald Trump continue de fanfaronner, la main près du bouton rouge, et de multiplier les sinistres menaces, les propos grossiers, orduriers et vulgaires (les synonymes manquent) sur Twitter ou en ondes. D’une façon, l’homme est imprévisible et aussi dangereux que les actes terroristes et les catastrophes naturelles.

L’analyse des attitudes du président américain par le psychologue Dan P McAdams (Northwestern University) est fort pertinente. On a tendance à oublier nos origines... Il compare le leadership de Donald Trump à celui du mâle alpha dans un groupe de chimpanzés. Selon lui, d’ordinaire, un président combine le leadership de prestige (plus récent et apparu avec l’évolution de la culture chez notre espèce) et le leadership de domination (remontant à 4-5 millions d’années chez nos ancêtres). Visiblement, conclut-il, Donald Trump préfère les stratégies de domination du primate.

[C'est une affaire de mâle alpha : ce que les chimpanzés dominants et Donald Trump ont en commun]  

It's an alpha male thing: what dominant chimpanzees and Donald Trump have in common

When it comes to US presidents, we expect to see a combination of prestige and dominance. Donald Trump’s Twitter tirades and demands for fealty show he prefers the latter – an ape-like strategy for success

Dan P McAdams
The Guardian | 14 September 2017

A Trumpanzee. Composite: Getty Images

From early 1974 through most of 1976, a male chimpanzee named Yeroen held the position of alpha leader in the large, open-air chimpanzee colony at Burgers zoo in Arnhem in the Netherlands. ... Yeroen became famous (among Homo sapiens) when the Dutch primatologist Frans de Waal showcased his leadership style in a classic 1982 book, Chimpanzee Politics. In their Machiavellian machinations and power games, De Waal argued, chimps turn out to be a lot like human beings.
   The curious case of Donald Trump, however, now shows that human beings turn out to be a lot like chimps.
   In the wild and in captivity, chimpanzee colonies organize themselves into tightly structured hierarchies. Power is vested in the biggest, strongest, and most outgoing males in the group, with the alpha male on top. The alpha leader dominates all others through tactics of threat, intimidation, bluffing, and outright aggression – and importantly, by forming short-term, pragmatic coalitions (let us call them “deals”) with other high-status males.
[...]
   An especially effective dominance mechanism for the alpha chimp is the charging display. The top male essentially goes berserk and starts screaming, hooting, and gesticulating wildly as he charges toward other males nearby. Pandemonium ensues as rival males cower in fear and females grab their little ones and run for cover.
   Once the chaos ends, there is a period of peace and order, wherein rival males pay homage to the alpha, visiting him, grooming him, expressing various forms of submission.
   Trump’s incendiary tweets are the human equivalent of a charging display. Designed to intimidate his foes and rally his submissive base, these verbal outbursts reinforce the president’s dominance by reminding everybody of his wrath and his force. When the alpha chimp charges, you cannot help but take note – with your ears and with your eyes.
   Look at Mr Trump. What do you see? He is physically big and dynamic. His face gives the impression of a volcano about to explode. And explode he does, with regularity. Trump is more overtly aggressive than any political figure in the United States today, so aggressive, so insulting, so egregiously denigrating that you thought he might not be bluffing when, for example, he threatened to “lock Hillary up”, or when he warned North Korea that it “will be met with fire and fury like the world has never seen”.
   Throughout primate evolution, bluffing appears prominently on every syllabus ever written for dominance psychology 101 (including The Art of the Deal). It was a standard tactic for Yeroen. But is Trump bluffing? What if he isn’t?
   One of the most bizarre (and psychologically telling) events in the Trump administration so far was the president’s first full cabinet meeting, on 12 June 2017.
   With the cameras rolling, each cabinet official in turn proclaimed how honored or blessed he (or she) was to serve the primal leader. [...] And on it went, around the room, one obsequious gesture after another. Similarly, chimps show a wide range of deference displays in the presence of the alpha, including grooming, stroking, bowing, and other variations on the theme of sucking up.
[...]

Ne ratez pas la vidéo des membres du cabinet se confondant en éloges  

À lire aussi : Les sept visages de Donald Trump

Alpha face. Alex Wong / Getty Images

“If they decided to hang all the war profiteers, there wouldn’t be enough rope to go round. Then we’d have to hang the rope profiteers.” Same old story...

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Un survol des inventions se rattachant, par exemple, au contrôle climatique, aux modifications du comportement, à la surveillance de masse, ou à d’autres objectifs de «contrôle», donne tout son sens à ces citations d’Albert Einstein :
– Il faut prévenir les hommes qu’ils sont en danger de mort, la science devient criminelle.  
– Le progrès technique est comme une hache qu'on aurait mise dans les mains d'un psychopathe.  

Lettre d’Albert Einstein au président Franklin D. Roosevelt

Albert Einstein (14 mars 1879 – 18 avril 1955) est probablement le plus grand scientifique du XXe siècle. Son nom même est synonyme d’intelligence et d’autorité. En 1939, trois physiciens nucléaires – Leó Szilárd, Edward Teller et Eugene Wigner, trois Juifs hongrois exilés pour fuir les persécutions nazies – l’invitent à signer une lettre d’avertissement au président des États-Unis. En effet, connaissant les avancées scientifiques de l’époque, ils craignent que l’Allemagne nazie soit en train d’enrichir de l’uranium pour fabriquer des bombes d’un genre inédit. Dans la course contre le temps et à l’armement, Einstein signe donc cette lettre. Elle serait l’un des éléments déclencheurs du projet Manhattan. Il annonce ainsi au président américain une grande nouvelle pour la science mais bien triste pour l’humanité : la fabrication de la bombe nucléaire est devenue possible.

Après la guerre et Hiroshima, Einstein exprimera des regrets d’avoir signé cette lettre et militera jusqu’à sa mort pour le désarmement atomique mondial. Leó Szilárd aussi, même s’il a été l’un des premiers à envisager les applications militaires de l’énergie nucléaire, passera sa vie à promouvoir le désarmement.

Photos : Albert Einstein en 1947 par Orren Jack Turner / Franklin D. Roosevelt en 1933 par Elias Goldensky; Library of Congress © domaine public.

2 août 1939

Monsieur,

Un travail récent d’E. Fermi et L. Szilard, dont on m’a communiqué le manuscrit, me conduit à penser que l’uranium va pouvoir être converti en une nouvelle et importante source d’énergie dans un futur proche. Certains aspects de cette situation nouvelle demandent une grande vigilance et, si nécessaire, une action rapide du gouvernement. Je considère qu’il est donc de mon devoir d’attirer votre attention sur les faits et recommandations suivantes.
   Au cours des quatre derniers mois, grâce aux travaux de Joliot en France et ceux de Fermi et Szilard en Amérique, il est devenu possible d’envisager une réaction nucléaire en chaîne dans une grande quantité d’uranium, laquelle permettrait de générer beaucoup d’énergie et de très nombreux nouveaux éléments de type radium. Aujourd’hui, il est pratiquement certain que cela peut être obtenu dans un futur proche.
   Ce fait nouveau pourrait aussi conduire à la réalisation de bombes, et l’on peut concevoir — même si ici il y a moins de certitudes — que des bombes d’un genre nouveau et d’une extrême puissance pourraient être construites. Une seule bombe de ce type, transportée par un navire et explosant dans un port, pourrait en détruire toutes les installations ainsi qu’une partie du territoire environnant. On estime néanmoins que des bombes de cette nature seraient trop pesantes pour être transportées par avion.
   Les États-Unis n’ont que de faibles ressources en uranium. Le Canada est assez bien pourvu, ainsi que l’ancienne Tchécoslovaquie, mais les principaux gisements sont au Congo belge.
   Devant cette situation, vous souhaiterez peut-être disposer d’un contact permanent entre le gouvernement et le groupe des physiciens qui travaillent en Amérique sur la réaction en chaîne. Une des possibilités serait de donner cette tâche à une personne qui a votre confiance et pourrait le faire à titre officieux. Cette personne devrait être chargée des missions suivantes.
   a) Prendre l’attache des différents ministères, les tenir informés des développements à venir, faire des propositions d’action au gouvernement, en accordant une attention particulière à la question de l’approvisionnement américain en uranium.
   b) Accélérer les travaux expérimentaux qui sont actuellement menés sur des budgets universitaires limités, en leur apportant un financement complémentaire, si besoin est, grâce à des contacts avec des personnes privées désireuses d’aider cette cause et en obtenant peut-être la collaboration de laboratoires industriels disposant des équipements requis.
   J’ai appris que l’Allemagne vient d’arrêter toute vente d’uranium extrait des mines de Tchécoslovaquie dont elle s’est emparée. Le fils du vice-ministre des Affaires étrangères allemand, von Weizsäcker, travaille à l’Institut Kaiser Wilhelm de Berlin, où l’on a entrepris de répéter des expériences américaines sur l’uranium. Voilà ce qui explique peut-être la rapidité de cette décision.

Sincèrement vôtre.

Source : Des lettres

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Photomontage interactif : 1944 / 2014
Cliquez sur la photo de 1944 pour voir le même endroit en 2014.

Un bouleversant voyage virtuel dans le temps. «On croyait que les humains apprendraient – mais non!», m’écrivait un ami en voyant ce montage. En effet. On efface, et puis on recommence, en boucle.

Sauf que les armes nucléaires ont un caractère irréversible : on ne peut pas revenir en arrière.  
   «J'ai connu le nucléaire toute ma vie. De mon enfance, je garde le souvenir de manifestations hostiles, et de la peur que nous inspiraient à la fois l'arme atomique et la perspective d'une terrible guerre entre deux bêtes féroces, l'Union soviétique et les États-Unis. La paix entre elles était toute relative, fragile et précaire, et il fallait à tout prix empêcher leur affrontement. Après cela, il y a eu les grandes catastrophes nucléaires -- Three Mile Island, Tchernobyl et la dernière en date : Fukushima.
   J'ai la conviction, bien naturelle, que le compte à rebours nous séparant de la prochaine a déjà commencé. Je suis un opposant à l'énergie nucléaire. Chaque accident avéré -- et chaque incident où le pire a été évité de justesse -- renforce ma défiance. Je savais que le temps nécessaire pour neutraliser la radioactivité était long, et connaissais le danger de ces déchets avec lesquels il allait falloir cohabiter pendant des millénaires.» ~ Henning Mankell (SABLE MOUVANT; Éditions du Seuil 2015)


23 septembre 2017

Notre voix menacée d’extinction

Il n’existe pas d’antibiotiques contre le virus de l’aphonie civile propagé par les régimes totalitaires (ou à tendance).  

La démocratie bafouée

En juin dernier, j’ai publié quelques extraits d’un article de Danielle Beaudoin :
De plus en plus de citoyens bâillonnés dans le monde. Je cite : «Il y a des prisonniers d’opinion dans une soixantaine de pays. Parmi les États les plus répressifs figurent notamment la Chine, la Syrie, l’Arabie saoudite, la Russie et la Corée du Nord.» (1) 

Les grandes puissances et les dictatures ne sont pas les seules à bafouer la démocratie et les populations civiles.


Voilà que l’Espagne se joint au peloton : 14 responsables du gouvernement indépendantiste catalan ont été arrêtés...

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Mise à jour | 24/09/2017 – Les autorités catalanes ont limogé vendredi le secrétaire général de la vice-présidence régionale, Josep Maria Jove, très impliqué dans l'organisation du scrutin, mais cela dans l'unique but de lui éviter de lourdes amendes. Il fait partie d'une vingtaine de personnes qui ont été condamnées à payer quotidiennement de 6000 à 12 000 euros jusqu'à ce qu'elles se soumettent à la décision de la Cour constitutionnelle.
   L’un des manifestants, Josep Esteve, 60 ans, a qualifié l’arrestation des fonctionnaires de «violation des droits de la personne». «Nous sommes revenus au temps de Franco», a-t-il déploré.
   Les autorités catalanes ont limogé vendredi le secrétaire général de la vice-présidence régionale, Josep Maria Jove, très impliqué dans l'organisation du scrutin, mais cela dans l'unique but de lui éviter de lourdes amendes. Il fait partie d'une vingtaine de personnes qui ont été condamnées à payer quotidiennement de 6000 à 12 000 euros jusqu'à ce qu'elles se soumettent à la décision de la Cour constitutionnelle.
   L’un des manifestants, Josep Esteve, 60 ans, a qualifié l’arrestation des fonctionnaires de «violation des droits de la personne». «Nous sommes revenus au temps de Franco», a-t-il déploré. (Jean-François Bélanger, correspondant à Barcelone pour Radio-Canada)

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«Le problème au moment où nous sommes, c’est qu’il y a une répression de la part de l’État, contre des gens qui demandent légitimement et pacifiquement la nécessité, le besoin de faire un référendum. En ce moment, la question n’est pas de savoir si les gens sont favorables ou non à faire de la Catalogne un État indépendant, mais de constater qu'un État de droit tente d’empêcher la tenue d’un débat politique à ce sujet. Nous avons des gens qui ont dormi en prison ce soir pour avoir demandé, pour avoir organisé, pour avoir répondu à la demande majoritaire de tenir un référendum», déplore M. Raul Romeva, ministre des Affaires étrangères de la Catalogne. 


Comment se porte la démocratie dans le monde? 
La réponse en carte (à voir!!)

Moins de la moitié de la population mondiale vit dans une démocratie. Les libertés individuelles sont en recul depuis 10 ans et la Corée du Nord et la Russie n'en sont pas les seules responsables. De nombreux régimes autoritaires passent complètement inaperçus. État des lieux.

Selon l’ONG américaine Freedom House, 50 pays sont encore gouvernés sous des régimes autoritaires, alors que 56 autres sont seulement «en partie libres». Réunis, ces États, qui offrent très peu de liberté à leur population, surpassent les 86 où l’organisme estime que les institutions démocratiques permettent à leurs résidents de jouir de droits politiques et civiques. [...] Constat alarmant : la démocratie périclite depuis 10 ans, pendant que moins de pays parviennent à faire des gains pour rompre avec les régimes politiques autoritaires. [...]  

«Ce qu’on observe, c’est le retour des hommes forts, comme Vladimir Poutine en Russie ou Recep Tayyip Erdogan en Turquie. Même les États-Unis ont élu Donald Trump, qui a tout le caractère d’un politicien populiste. Le concept de dictature, où tout le pouvoir politique est concentré entre les mains d’un seul individu – ou d’un petit groupe d’individus – a beau avoir évolué, plusieurs pays présentent encore des caractéristiques qui collent à la peau des régimes autoritaires. ... Des élections ne riment pas nécessairement avec la démocratie.» André Laliberté, professeur titulaire à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa  

«Le développement économique se fait au nom du musellement de la liberté d’expression. Ça n’empêche pas les pays d’évoluer économiquement parlant, mais sous le joug d’une liberté d’expression complètement muselée», déplore Béatrice Vaugrante, DG d’Amnistie internationale pour le Canada francophone.  Le bilan en matière de droits de la personne – la liberté d’expression, de religion, d’association et de circulation – est donc très peu reluisant dans les pays où sont établis des régimes autoritaires. Ces droits ne sont tout simplement pas respectés dans une longue liste dressée par l’organisme. «C’est la misère. Il y a des inégalités assez flagrantes dans ces pays», se désole Mme Vaugrante, alors que les populations y vivent dans un climat de peur. 

Un texte de Daniel Blanchette Pelletier 

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(1) Extraits complémentaires de l’article de Danielle Beaudoin  (17 juin 2017)

Quels outils pour bâillonner les citoyens?

Des législations aux termes généraux, qui donnent aux autorités une grande latitude pour faire ce qu’elles veulent.
Le renforcement des lois antiterroristes, qui permettent à certains gouvernements de cautionner des mesures répressives.
Coupures d’Internet, au nom de la sécurité nationale, avant des élections ou lors de manifestations, comme en Turquie ou en Ouganda.
Surveillance des communications personnelles en ligne au nom de la sécurité nationale, notamment en Russie, en France, en Royaume-Uni et au Brésil.
Manque de transparence de nombreux États qui restreignent l’accès à l’information d’intérêt public au nom de la sécurité nationale.
Criminalisation de la critique, comme au Vietnam, en Iran, en Azerbaïdjan et en Thaïlande, où des personnes sont détenues et poursuivies pour avoir critiqué les autorités.
Des lois sur l’apostasie et le blasphème dans de nombreux États.
Des lois qui restreignent la liberté d’expression des femmes, des LGBT et des artistes.

Source : Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression et d’opinion

Risquer sa vie pour défendre les droits de la personne
Les défenseurs des droits de la personne sont de plus en plus persécutés, qu’ils soient avocats, journalistes, syndicalistes, lanceurs d’alerte ou encore paysans. En 2016, 281 militants ont été tués pour avoir défendu pacifiquement les droits de la personne, comparativement à 156 en 2015, selon les données de l’ONG Front Line Defenders.
   En 2016, les trois quarts de ces meurtres ont été commis dans les Amériques. Le Honduras et le Guatemala sont parmi les pays les plus dangereux du monde pour les militants des droits liés à la terre et à l’environnement. Ces derniers sont souvent l’objet de menaces, de fausses accusations, de diffamation ou de meurtres. [...] 

Elles brûlaient pendant que nous marchions – Le 8 mars 2017, 56 jeunes filles brûlaient vives dans un foyer pour mineurs géré par l’État du Guatemala sous les yeux et l’indifférence de la police nationale. La veille, elles avaient voulu s’échapper à cause des violences psychologiques, physiques et sexuelles qu’elles subissaient. Contre tous les féminicides. Ni oubli, ni pardon. Exigeons justice et vérité.

Trump et la désinformation
L’élection du président américain Donald Trump représente une menace à la liberté d’expression, selon Louis-Philippe Lampron, professeur en droits et libertés de la personne à l’Université Laval. «Avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, la frontière se brouille de plus en plus entre le mensonge, la propagande et la réalité. Il est plus difficile d’avoir accès à une information factuelle et crédible. Sans compter la campagne de Donald Trump et ses ‘sbires’ contre les médias américains. En lançant des mensonges encore et encore, en envoyant le message que les faits n’ont plus d’importance, on revient presque à une situation où c’est : “crois ou meurs”. Je vous dirais que c’est le principal enjeu sur la liberté d’expression.»

Surtout ne pas se taire
L’année 2017 a besoin de héros des droits de la personne, déclare Amnistie dans son rapport. L’organisation y vante la ténacité des citoyens, qui malgré tous les dangers, manifestent, prennent la parole et s’affirment. «Si on veut regarder un côté plus positif, plus lumineux, c’est que, plus que jamais aujourd’hui, la société civile peut s’organiser et a les moyens de s’organiser. Les gens sont de plus en plus au courant de leurs droits, et l’information circule mieux qu’avant grâce aux réseaux sociaux», observe Mireille Elchacar, d’Amnistie internationale.

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Dans la même veine : L’érosion de nos droits et libertés