La radio d’État
«On n’est plus au temps des ‘voix radio-canadiennes’. Toute voix cherche une oreille. La voix n'a plus de valeur dans ce monde métallique qui reflète des opinions et qui se divertit de tout. Trop de voix numériques et transformées! Or, le silence est précieux pour la voix.» ~ Serge Bouchard (Émission C’est fou...; Première Chaîne).
L’absence d’images distrayantes fait en sorte qu’à la radio, seuls importent la voix (timbre, intonation, débit...) et le message. Or depuis quelques années, on entend des voix gutturales, graveleuses, haut perchées, étouffées, nasillardes, hésitantes, pot-de-miel... Que dire des verbomoteurs qui passent leur temps à couper la parole des invités et collaborateurs, et du babillage superficiel qui balaye les ondes en continu?
Le temps des «voix radio-canadiennes» est en effet révolu. De même que celui de l’intelligence, de la perspicacité, du sens de la répartie et de l’humour de bon goût – une qualité d’animation en voie d’extinction...
L’irremplaçable Michel Desautels, qui anima entre autres la quotidienne d’affaires publiques en après-midi (2003 à 2013).
«Ne critique pas ce que tu n’as pas fait toi-même», dit l’aphorisme. Bien sûr, chacun fait de son mieux. Mais la direction de la SRC est tellement obsédée par la rentabilité et le succès qu’elle semble en perdre le discernement.
Les cotes d’écoute très élevées ne sont pas toujours une garantie d’excellence; elles montrent aussi que le public est friand de trivialités, de potinage et de méchanceté gratuite.
Je boude donc la majorité des émissions de Première Chaîne, plus d’une à cause des animateurs / chroniqueurs (le féminin s’applique). Mais, il en reste tout de même quelques-unes que j’écoute avec grand plaisir : Desautels le dimanche (trop courte), C’est fou... (trop courte), Les années lumière, Plus on est de fous, plus on lit, Aujourd’hui l’histoire, Dessine-moi un dimanche et La nature selon Boucar (diffusée seulement l’été).
Enfin, si «le silence est précieux pour la voix», il l’est aussi pour l’oreille.
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Je profite du thème pour reproduire le plaidoyer de Roméo Bouchard paru dans les pages du Devoir – il s’indigne de la médiocrité abrutissante de notre télévision et de notre radio. (Les passages en gras sont de mon initiative.)
Télévision québécoise
Ras le bol des émissions de vedettes!
Roméo Bouchard – Saint-Germain-de-Kamouraska, 8 avril 2016
J'accuse les médias de sombrer dans le divertissement futile et le vedettariat. Ce n’est plus seulement une tendance, c’est devenu une calamité, une politique délibérée de désinformation, un détournement de démocratie, une autre stratégie de l’offensive des riches pour s’enrichir sans avoir les citoyens dans les jambes. La formule est vieille comme le monde : régner tranquillement, en offrant du pain et des jeux au petit peuple.
La plupart des émissions de télévision et même de radio, à part peut-être les bulletins d’information bien-pensants qu’on nous repasse en boucle du matin au soir, sont conçues désormais non plus en fonction de leur utilité ou de leur intérêt public, mais en fonction de leur coût et de leur rentabilité en cotes d’écoute, et donc, en publicité. Pour ce faire, on a recours aux artistes, humoristes et cuisiniers les plus populaires, et donc les plus «payants», on potine sur leur vie et leur travail, on les fait participer à des séances de jeux et de farces de plus en plus grossières et insignifiantes. Ça donne des émissions banales, animées par des vedettes, qui invitent d’autres artistes et humoristes et se parlent entre eux, et souvent tous ensemble, de tout et de rien.
Même des émissions qui avaient à l’origine un contenu ouvert, comme Tout le monde en parle, Pénélope, Les enfants de la télé, etc., sont atteintes de ce virus du divertissement à tout prix. Au retour de Pénélope, qui était à l’origine une émission de divertissement léger d’été, nous avons eu droit ces jours-ci à la couleur du rouge à lèvres de Véro, aux secrets du gazon de Charles Lafortune, aux choix de chemise d’Alex Perron, aux «bitchages» de Jean-Sébastien Girard et de Jean-René Dufort, et rien d’autre.
Le Québec, c’est plus que ce circuit fermé des artistes, des humoristes et des cuisiniers connus. Si brillants soient-ils, ils sont surexposés et finissent par n’avoir plus grand-chose à dire, si ce n’est figurer pour les cachets. Les pièces de théâtre, les spectacles, les entrevues d’auteurs ou de penseurs, le monde ordinaire, tout est disparu des écrans. Il n’y a plus que des vedettes.
Offre différente
Il y a pourtant des gens partout au Québec, même hors de Montréal, qui publient des livres remarquables, pas juste aux éditions de La Presse ou de Quebecor, mais à Écosociété, à Lux, à Septentrion, à Atelier 10, aux Trois-Pistoles; il y a des gens qui font, qui inventent des choses étonnantes et créent des projets magnifiques; il y a des gens qui luttent pour sauver leur travail, leur village, leur vie, leur environnement; il y a des gens qui ont des choses à dire et qui n’ont jamais accès aux médias nationaux; il y a des drames humains et sociaux dont on ne parle jamais. La vision du Québec et du monde que projettent ces médias est de plus en plus hors de la réalité. C’est un détournement de conscience, de fonds et de moyens lourds de conséquences. On est loin des leçons de politique de René Lévesque à Point de mire, des grandes entrevues de Fernand Séguin au Sel de la semaine, des grands questionnaires de Raymond Charette à Tous pour un, des télé-théâtres de Marcel Dubé aux Beaux dimanches, des émissions dont on se souvient encore cinquante ans plus tard.
Pour les gens de Montréal, pour la jeune génération surtout, c’est peut-être un moindre mal, car la télévision généraliste et la télévision en général sont de plus en plus remplacées par diverses plateformes numériques et par le foisonnement culturel et politique de la grande ville. Mais pour les plus âgés et pour les gens des régions éloignées, ces options ne sont guère accessibles, et les gens y sont captifs de ce lavage de cerveau abrutissant et aliénant.
Les médias d’information ont une grande responsabilité : ils sont un outil essentiel pour une vie démocratique en santé. Présentement, ils sont devenus une drogue empoisonnée qui nous détourne de notre réalité et nous enferme dans l’insignifiance et l’inaction. Quelqu’un pourrait-il dire aux responsables que nous en avons ras le bol de ces émissions de vedettes médiocres et mercantiles?
http://www.ledevoir.com/culture/television/467578/raz-le-bol-des-emissions-de-vedettes
La démission de Radio-Canada
Anne-Marie Gingras *
Revue Argument, 2008
«Plusieurs, à l’intérieur même du milieu journalistique, ont déploré le mélange des genres information-divertissement, dont le Conseil de presse, l’ex-ombudsman de Radio-Canada Renaud Gilbert et le syndicat des journalistes de Radio-Canada. Si tous reconnaissent l’impossibilité de cloisonner les genres de manière stricte, il semble bien qu’on n’ait jamais étudié le problème dans le but de trouver des solutions qui limiteraient les inconvénients des émissions hybrides, ouvertes sur divers milieux – culturels, politiques, économiques, humanitaires, sportifs, etc. –, invariablement animées par un fort en culture, au sens de show business.
Trois types d’inconvénients surgissent lorsqu’il y a mélange des genres. Premièrement, les émissions hybrides contribuent à fabriquer des habitudes culturelles de superficialité de traitement de l’information. Les questions sociopolitiques sont présentées comme des faits divers, sans contexte (politique, historique, économique, etc.) et de manière fragmentée. Vu de l’extérieur de Radio-Canada, on se demande s’il n’est pas de plus en plus difficile par la suite de mettre à l’horaire des émissions sérieuses qui font sérieusement le point sur un problème sociopolitique; aussi nous retrouvons-nous avec des émissions d’affaires publiques et des sections de bulletins télévisés de plus en plus légères, où on invite des «personnalités» (du milieu culturel ou autre) à commenter l’actualité nationale et internationale! Que ces personnalités n’aient aucun rapport avec le domaine d’actualité concerné importe peu! Une expression résume bien le phénomène : la «peopolisation de la politique», qui renvoie à l’instrumentalisation de vedettes pour mousser les émissions de nouvelles et d’affaires publiques. Il apparaît évident qu’on charrie ici l’idée que l’information sérieuse est d’un ennui mortel. Lorsque par hasard on invite un expert, il est surtout appelé à résumer et non à expliquer, on lui offre de bien petites minutes... Le discours savant semble impertinent à la télévision de Radio-Canada.»
* Anne-Marie Gingras est professeure titulaire au Département de science politique de l’Université Laval.
Pénélope McQuade, émission Les échangistes. Par curiosité j’ai regardé deux rediffusions sur le web – j’ai compris la virulence des critiques. En tout cas, il faut avoir du temps à perdre. Jai eu peur que Pénélope tombe dans l’escalier – pauvre fille. Était-ce le producteur Éric Salvail qui lui faisait porter des échasses? On n’est pas loin de la torture misogyne, encore présente chez les couturiers pour qui les femmes sont des poupées.
Éric Salvail, campagne publicitaire d’Éco Entreprises Québec.
Au recyclage... bonne idée!
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