Par ailleurs, on peut penser au rapport autorité / culpabilité / punition. Par exemple, quand une patrouille nous suit sur l'autoroute, même si nous respectons les limites de vitesse et que nous n'avons commis aucune infraction, on se demande tout de suite 'ai-je fait quelque chose de travers?'. Les policiers (tout comme les religieux) sont de forts symboles d'autorité qu'on associe à faute, transgression et punition. Tout le système éducationnel, familial et social, est basé sur le sentiment de culpabilité; si l'on ajoute une quelconque religion sur le top, avec ses péchés et ses codes restrictifs, alors là, bonne chance. De sorte que la culpabilité et la peur d'être puni surgissent sans qu'on ait commis de faute en raison du conditionnement subi depuis la petite enfance. Aberrant, non? Edward Bernays (neveu de Freud), considéré comme le père de la propagande, a ingénieusement appliqué les enseignements de son oncle à ses méthodes de manipulation de l'opinion publique. Elles se pratiquent à plein régime encore aujourd'hui parce qu'elles sont efficaces.
«Est-il absolument indispensable qu’il y ait antagonisme entre l’intérêt de l’individu et celui de la collectivité? Probablement que non. Mais l’on peut aussi se demander pourquoi notre terre, qui pourrait être un endroit passablement agréable pour des êtres intelligents, est transformée en enfer par la stupidité de ses habitants.»
~ Alexandra David Néel (Sous une nuée d’orages, Plon 1940)
Image : PKUCZY (Pawel Kuczynski) -- tellement génial!
Extrait de New Study Shows Mass Surveillance Breeds Meekness, Fear and Self-Censorship, par Glenn Greenwald (The Intercept) :
A newly published study from Oxford’s Jon Penney provides empirical evidence for a key argument long made by privacy advocates: that the mere existence of a surveillance state breeds fear and conformity and stifles free expression. Reporting on the study, the Washington Post this morning described this phenomenon: “If we think that authorities are watching our online actions, we might stop visiting certain websites or not say certain things just to avoid seeming suspicious.”
The new study documents how, in the wake of the 2013 Snowden revelations (of which 87% of Americans were aware), there was “a 20 percent decline in page views on Wikipedia articles related to terrorism, including those that mentioned ‘al-Qaeda,’ “car bomb’ or ‘Taliban.'” People were afraid to read articles about those topics because of fear that doing so would bring them under a cloud of suspicion. The dangers of that dynamic were expressed well by Penney: “If people are spooked or deterred from learning about important policy matters like terrorism and national security, this is a real threat to proper democratic debate.”
As the Post explains, several other studies have also demonstrated how mass surveillance crushes free expression and free thought. A 2015 study examined Google search data and demonstrated that, post-Snowden, “users were less likely to search using search terms that they believed might get them in trouble with the US government” and that these “results suggest that there is a chilling effect on search behavior from government surveillance on the Internet.”
The fear that causes self-censorship is well beyond the realm of theory. Ample evidence demonstrates that it’s real – and rational. A study from PEN America writers found that 1 in 6 writers had curbed their content out of fear of surveillance and showed that writers are “not only overwhelmingly worried about government surveillance, but are engaging in self-censorship as a result.” Scholars in Europe have been accused of being terrorist supporters by virtue of possessing research materials on extremist groups, while British libraries refuse to house any material on the Taliban for fear of being prosecuted for material support for terrorism.
There are also numerous psychological studies demonstrating that people who believe they are being watched engage in behavior far more compliant, conformist and submissive than those who believe they are acting without monitoring.
Suite de l’article :
https://theintercept.com/2016/04/28/new-study-shows-mass-surveillance-breeds-meekness-fear-and-self-censorship/
Transcription/traduction par TED
Il existe un certain type de vidéos sur YouTube consacrées à une expérience que tout le monde ici a sans doute déjà vécue. Dans ces vidéos on y voit des gens, qui croyant être seuls, se lancent dans des comportements exubérants - des chants endiablés, des danses virevoltantes, des activités sexuelles soft - avant de s'apercevoir, qu'en fait, ils ne sont pas seuls : quelqu'un les observe. Du coup, ils arrêtent immédiatement leur activité, horrifiés. La honte et l'humiliation se lisent sur leurs visages. Leur expression dit : «Je ne suis prêt à faire ça que si personne ne me regarde.»
Nous sommes là au cœur du travail auquel je me suis consacré ces 16 derniers mois, la question de l'importance de l'intimité, une question qui a pris de l'ampleur dans le contexte du débat mondial, soulevé par les révélations d'Edward Snowden qui nous ont appris que les US et leurs alliés, à l'insu du monde entier, ont transformé Internet, autrefois considéré comme un outil de libération et de démocratie sans précédent, en un espace de surveillance de masse systématique sans précédent.
Une opinion courante dans ce débat, même parmi les personnes mal à l'aise avec cette surveillance, c'est que cette invasion à grande échelle n'entraîne pas un réel préjudice car il n'y aurait que les personnes agissant mal qui auraient des raisons de se cacher et de protéger leur vie privée. Cette vision du monde sous-entend qu'il y a deux sortes de personnes : les bons et les méchants. Les méchants sont ceux qui planifient des attaques terroristes, ou des crimes violents, et qui ont donc des raisons de cacher ce qu'ils font, des raisons de protéger leur intimité. À l'inverse, les gentils sont des gens qui vont au travail, rentrent chez eux, élèvent leurs enfants, regardent la télé. Ils n'utilisent pas Internet pour préparer des attentats, mais pour suivre l'actualité, échanger des recettes, ou pour organiser les activités de leurs enfants. Ces gens ne font rien de mal, ils n'ont donc rien à cacher et aucune raison de craindre la surveillance du gouvernement.
Ceux qui expriment cette opinion s'engagent, de façon extrême, dans un acte d'autodépréciation. Car ce qu'ils disent revient à dire : «J'ai accepté de devenir une personne tellement inoffensive et inintéressante que je n'ai pas peur que le gouvernement sache ce que je fais.» L'expression la plus pure de cette vision du monde a été énoncée en 2009 par celui qui fut longtemps PDG de Google, Eric Schmidt. Interrogé sur les multiples façons dont son entreprise porte atteinte à la vie privée de centaines de millions de personnes à travers le monde, il répondit, je cite : «Si vous faites quelque chose que vous ne voulez pas que d'autres sachent, peut-être que, déjà, vous ne devriez pas la faire.»
Il y a beaucoup de choses à dire sur cette façon de penser. La première est que les gens qui tiennent ce discours, qui disent que la vie privée n'est pas si importante que ça, n'y croient pas eux-mêmes. Et on peut démontrer qu'ils n'y croient pas, parce que tout en disant que l'intimité n'a pas d'importance, ils mettent en place tout un ensemble d'actions pour protéger leur propre intimité. Ils verrouillent leurs boîtes mails et leurs comptes de réseaux sociaux, ils mettent des serrures à leur chambre et salle de bain, tout un ensemble de moyens pour empêcher les autres d'entrer dans ce qu'ils considèrent leur sphère privée, et pour protéger tout ce qu'ils n'ont pas envie de rendre public. Ce même Eric Schmidt, le PDG de Google, a ordonné à ses employés chez Google d'arrêter de communiquer avec le magazine en ligne CNET après que CNET ait publié un article rempli d'informations privées sur Eric Schmidt, obtenues exclusivement grâce à des recherches sur Google avec des produits Google. (Rires) On retrouve cette même contradiction chez le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, qui, en 2010, dans une interview tristement célèbre, a déclaré que l'intimité n'est plus, je cite : «la norme sociale». L'année dernière, Mark Zuckerberg et son épouse ont acheté non seulement leur propre maison à Palo Alto, mais aussi les quatre maisons adjacentes, pour 30 millions de dollars afin de s'assurer qu'ils disposaient d'un espace privé suffisant pour empêcher d'autres personnes d'espionner ce qu'ils font en privé.
Pendant ces 16 derniers mois, à chaque débat, partout dans le monde, quelqu'un m'a dit : «Je n'ai pas à m'en soucier car je n'ai rien à cacher.» Je réponds toujours la même chose. Je sors un stylo et j'écris mon adresse mail. Je leur dis : «Voici mon e-mail. Quand vous rentrerez chez vous, envoyez-moi les mots de passe de toutes vos boîtes mail, pas simplement les jolies et respectables, je les veux toutes. Je veux juste y jeter un coup d’œil, voir ce que vous faites en ligne, lire et publier ce que j'y trouverai d'intéressant. Après tout, si vous n'êtes pas malveillant, si vous ne faites rien de mal, vous ne devriez rien avoir à cacher.»
Personne n'a accepté ma proposition. (Applaudissements) J'ai surveillé cette boîte aux lettres religieusement : c'est le désert. Et il y a une raison à cela : les êtres humains, même ceux qui, en théorie, contestent l'importance de l'intimité, comprennent de façon instinctive son importance fondamentale. Nous sommes, il est vrai, des animaux sociaux, nous avons besoin de faire savoir aux autres ce que nous faisons, disons, pensons, et c'est pourquoi nous publions des informations personnelles en ligne. Mais il est tout aussi essentiel, pour être quelqu'un de libre et d'épanoui, d'avoir un jardin secret à l’abri du jugement des autres. Il existe une raison à ce besoin, et cette raison est que nous tous, pas seulement les terroristes ou les criminels, nous tous, avons des choses à cacher. Il y a plein de choses que nous faisons ou pensons que nous racontons volontiers à notre médecin, notre avocat, notre psy, notre époux, ou notre meilleur ami mais qui nous submergeraient de honte si le reste du monde les apprenait. Nous décidons chaque jour, quels éléments de notre vie nous voulons partager et quels éléments de notre vie nous gardons pour nous. Les gens peuvent facilement déclarer qu'ils ne tiennent pas à leur intimité mais leurs actes contredisent la sincérité de leurs affirmations.
Il y a une raison pour laquelle nous recherchons cette intimité, universellement et instinctivement. Ce n'est pas un réflexe naturel comme respirer ou boire de l'eau. Quand on se trouve dans une situation, où l'on peut être contrôlé, où l'on peut être observé, notre comportement change radicalement. Les comportements que nous adoptons quand nous pensons être observés sont soumis à une forte autocensure. C'est un simple fait de la nature humaine reconnu par les sciences sociales, la littérature, la religion, et dans quasiment tous les domaines. Il existe des dizaines d'études psychologiques qui prouvent que lorsque quelqu'un sait qu'il pourrait être observé, le comportement qu'il adopte est beaucoup plus conformiste et consensuel. Chez les humains, la honte est une motivation très puissante, comme l'est le désir de l'éviter. C'est pourquoi les hommes, lorsqu'ils sont observés, prennent des décisions qui résultent, non pas de leur propre réflexion, mais des attentes qu'on a mises sur eux, ou des règles de la société.
Cette prise de conscience a été exploitée au maximum, à des fins pratiques, par le philosophe du XVIIIe siècle Jeremy Bentham, quand il a cherché à résoudre un problème majeur généré par la société industrielle, dans laquelle les institutions étaient devenues si vastes et centralisées qu'elles ne pouvaient plus surveiller et contrôler les individus. La solution qu'il imagina était un projet architectural, originellement destiné aux prisons, baptisé le panoptique. Sa caractéristique première était la construction d'une immense tour au centre de l'établissement depuis laquelle le personnel de surveillance pouvait à tout instant observer n'importe quel détenu, même s'il ne pouvait pas tous les surveiller en même temps. L'élément crucial de ce concept était que les détenus ne pouvaient voir l'intérieur du panoptique, l'intérieur de la tour. Ils ne savaient donc jamais s'ils étaient surveillés. Ce qui l'enthousiasmait le plus dans cette découverte était que les prisonniers devaient présumer qu'ils étaient constamment surveillés, ce qui les forcerait à intégrer les principes d'obéissance et de discipline. Michel Foucault, philosophe français du XXe siècle, s'est rendu compte que ce modèle pouvait être utilisé pour toutes les institutions qui exigent un contrôle des comportements : les écoles, les hôpitaux, les usines, les lieux de travail. Foucault a dit que cette vision du monde, cette structure conçue par Bentham, serait la clé du contrôle social dans des sociétés modernes, occidentales, qui pourraient se passer des dispositifs typiques des totalitarismes punir, emprisonner, tuer les dissidents, ni de contraindre légalement un groupe à rester loyal, car la surveillance de masse crée au sein de l'esprit, une prison beaucoup plus subtile mais beaucoup plus efficace, une prison qui pousse au respect des normes sociales et de la doctrine sociale dominante avec plus d'efficacité que la force brute.
L'œuvre littéraire la plus emblématique sur l'espionnage et la vie privée est «1984», le roman de Georges Orwell, que nous étudions à l'école, et qui est donc presque devenu un cliché. Lorsqu'on l'évoque au sein d'un débat, les gens le rejettent aussitôt sous prétexte qu'il n'est pas pertinent. Ils rétorquent : «Dans «1984», il y avait des caméras dans les foyers, les gens étaient observés à chaque instant, rien à voir avec le régime de surveillance auquel nous sommes confrontés.» Ceci est en fait une grossière méprise des avertissements lancés par Orwell dans «1984». Le danger qu'il pointait n'était pas un régime de surveillance qui contrôle tout le monde à tout instant, mais un état où les gens ont conscience qu'ils peuvent être surveillés à tout moment. Voici comment le narrateur d'Orwell, Winston Smith, décrit le système de surveillance auquel il est confronté : «Évidemment, il n'y avait aucun moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé.» Il continue en disant : «Ils pouvaient nous mettre sur écoute quand ils le voulaient. On devait vivre, on vivait, l'habitude est devenue instinct, en admettant que tout son émis pouvait être entendu et, sauf dans l'obscurité, tout mouvement scruté.»
Les religions abrahamiques prêchent, elles aussi, qu'il existe une autorité invisible et omnisciente qui, du fait de son omniscience, observe constamment ce que l'on fait, ce qui signifie que l'on n'a jamais de moment d'intimité : le moyen ultime d'imposer l'obéissance à leurs préceptes.
Ce que ces systèmes de pensée apparemment différents reconnaissent, la conclusion qu'ils obtiennent, c'est qu'une société où les gens sont surveillés à chaque instant est une société qui pousse à la conformité, à l'obéissance et à la soumission, ce pourquoi, tous les tyrans, du plus manifeste au plus subtil, briguent ce système. À l'autre bout du spectre, et beaucoup plus important, on a le domaine de l'intimité : qui est la possibilité d'un lieu où l'on peut penser, raisonner, interagir et parler sans sentir sur nous le jugement d'autrui, car c'est là que la créativité, la recherche et la différence d'opinion peuvent se développer. Pour cette raison, lorsque nous acceptons une société où nous sommes en permanence sous surveillance, nous acceptons qu'on fasse une entaille profonde à l'essence de la liberté humaine.
La dernière observation que je ferai sur cette façon de penser, est l'idée que seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher auraient des raisons de se cacher et donc de défendre leur intimité. Cette idée envoie deux messages destructeurs, deux principes destructeurs. Le premier est que les personnes qui protègent leur intimité, les personnes qui recherchent l'intimité seraient, par définition, de mauvaises personnes. C'est une conclusion que nous devrions éviter à tout prix. Surtout parce que lorsqu'on imagine «quelqu'un qui fait du mal», nous, on imagine des terroristes organisant un attentat, ou un criminel violent, ce qui est une conception beaucoup plus restreinte que celle de ceux qui détiennent le pouvoir lorsqu'ils disent «faire du mal». Pour eux, «faire du mal» signifie faire quelque chose qui pose un défi à l'exercice du pouvoir.
L'autre principe destructeur, plus insidieux encore, qui découle d'accepter cette vision du monde, c'est qu'il y aurait un marché implicite accepté par les gens qui souscrivent ces idées. Ce marché est le suivant : quand vous serez prêts à devenir suffisamment effacés et suffisamment inoffensifs, pour les pouvoirs en place, alors, et seulement alors, vous serez à l'abri des dangers de la surveillance. Uniquement les dissidents, qui défient le pouvoir, doivent s'en inquiéter. De multiples raisons devraient nous pousser à éviter ce principe. Peut-être que, aujourd'hui, ces comportements n'ont pas leur place dans votre vie, mais cela pourrait changer à l'avenir. Même si vous êtes certains de ne jamais vous y livrer, l'existence des gens prêts à s'opposer au pouvoir, capables de s'opposer au pouvoir - dissidents, journalistes, activistes et bien d'autres - est quelque chose qui profite à toute la collectivité et que nous devrions préserver. Tout aussi primordial, l'indicateur mesurant le degré de liberté dans une société n'est pas la façon dont elle traite ces bons citoyens obéissants, mais la façon dont elle traite ses dissidents et ceux qui résistent à sa doctrine. La raison la plus importante est qu'un système de surveillance de masse réprime notre liberté de plein de manières. Il proscrit toutes sortes de conduites sans qu'on s'en aperçoive. La célèbre socialiste Rosa Luxemburg a dit : «Celui qui ne bouge pas ne sent pas ses chaînes.» On peut tenter de rendre les chaînes de la surveillance de masse invisibles et indétectables mais les contraintes qu'elle nous impose n'en deviennent pas moins puissantes.
(Remerciements / Applaudissements)
Bruno Giussani : Merci, Glenn. Je dois dire que ce plaidoyer était convaincant mais je voudrais revenir sur ces 16 derniers mois et sur Edward Snowden pour quelques questions. La première vous est personnelle. Nous avons appris l'arrestation à Londres de votre partenaire, David Miranda, et vos autres embarras. J'imagine, en termes d'engagement et de prise de risques, la pression que vous devez subir pour avoir défié les plus grands organismes souverains au monde. Dites-nous un peu plus.
Glenn Greenwald : Je pense que dans ces situations, le courage des gens est contagieux. Donc même si mes confrères journalistes et moi-même étions conscients du risque - les États-Unis sont le pays le plus puissant de la planète et n'apprécient pas que l'on révèle leurs secrets par milliers sur Internet à volonté, voir une personne de 29 ans, une personne ordinaire, qui a grandi dans un environnement tout à fait ordinaire, faire preuve d'un courage moral aussi important que celui d'Edward Snowden, sachant qu'il irait en prison jusqu'à sa mort ou que sa vie s'effondrerait, m'a inspiré, a inspiré mes confrères et je pense, des gens du monde entier. Même de futurs informateurs, qui ont compris qu'ils pouvaient aussi s'engager dans de telles pratiques.
BG : J'aimerais connaître vos liens avec Ed Snowden, car vous lui avez beaucoup parlé, et vous continuez très certainement, mais dans votre livre, vous ne l'appelez pas Edward, ou Ed, vous utilisez «Snowden». Pourquoi?
GG : C'est certainement une chose qui pourrait être examinée par une équipe de psychologues. Je ne sais pas vraiment, mais il pourrait avoir une raison :
l'un de ses objectifs les plus importants, et l'une de ses tactiques les plus importantes, était qu'il savait qu'une manière de détourner l'attention du contenu des révélations serait d'essayer de diriger l'attention sur lui. De ce fait, il s'est éloigné des médias. Il a tenté d'éviter que sa vie privée ne soit examinée. Je pense que l'appeler Snowden est une façon de le présenter comme un important acteur de l'Histoire plutôt que de lui donner un relief particulier qui aurait pu détourner l'attention de la véritable question.
BG : Ses révélations et le travail des journalistes ont beaucoup nourri le débat et plusieurs gouvernements ont réagi, avec des projets et des programmes pour remanier le concept d'Internet. De nombreuses choses vont aujourd'hui dans ce sens. Mais je voudrais savoir : vous, personnellement, quel aboutissement souhaitez-vous? À quel moment penserez-vous : «Nous avons réussi à faire bouger les choses»?
GG : Le dénouement pour moi, en tant que journaliste, est très simple. Il faut qu'on soit sûr que chaque document digne d'intérêt, digne d'être divulgué, soit divulgué, que des secrets qui ne devraient pas l'être soient dévoilés. Voilà l'essence du journalisme et voilà dans quoi je m'engage. Comme je trouve odieuse la surveillance de masse pour toutes les raisons que j'ai citées, mon travail aboutira quand les gouvernements du monde entier ne pourront plus soumettre les populations au contrôle et à l'espionnage sauf s'ils convainquent un tribunal ou une entité que la personne ciblée a vraiment agi de façon illégale. Voilà selon moi la façon de restaurer le droit à la vie privée.
BG : On a vu, à un événement TED, que Snowden se présente comme un défenseur des valeurs démocratiques et des principes démocratiques. Pourtant, beaucoup de gens ont du mal à croire qu'il n'avait pas d'autres motivations. Ils ont du mal à croire qu'il n'y avait pas d'argent en jeu, qu'il n'a pas vendu ses secrets à la Chine ou la Russie, qui ne sont pas de bons amis des États-Unis en ce moment. Je suis sûr que beaucoup de gens se posent la question : est-il possible qu'il y ait une facette de Snowden que nous n'avons pas encore vue?
GG : Non, je trouve ça absurde et idiot. (Rires) Je sais que vous jouez juste l'avocat du diable, mais si vous voulez vendre des secrets à un autre pays, ce que Snowden aurait pu faire, et devenir très riche, la dernière chose à faire serait de les communiquer à la presse, car ils perdraient toute leur valeur. Les gens qui veulent s'enrichir vendent leurs secrets discrètement. Je pense qu'il est crucial de préciser que ces accusations proviennent de représentants du gouvernement américain, de personnes au sein des médias loyales à ces différents gouvernements. Je pense que la plupart des gens qui disent : «Je ne crois pas que Snowden ait agi à cause de ses principes, il doit avoir des raisons perverses et infâmes.» en disent beaucoup plus sur eux-mêmes que sur la cible de leurs accusations, car... (Applaudissements) ces personnes, celles qui émettent ces accusations, agissent toujours en fonction de leurs intérêts corrompus. Ils pensent donc que tout le monde est infesté comme eux, par cette maladie qui est l'absence d'âme, d'où leur hypothèse.
(Remerciements / Applaudissements)
Dans la même veine :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2015/02/lepouvantail-moineaux-tweets-et-autres.html
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