8 avril 2016

Transparence brouillée



«À qui peut-on faire confiance dès qu’il s’agit d’argent?»
~ Daniel Pennac

«C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble.» 
~ Michel de Montaigne

Les élus ne sont jamais au courant de rien ni responsables de quoi que ce soit.
Quelques notions à garder en mémoire si vous voyez des élus (ou ex-élus) proposer des conférences pour ranimer la confiance (à l’agonie) des électeurs envers eux. 

LE MANIPULATEUR ET LA RESPONSABILITÉ

La démission
La démission face aux engagements, aux promesses et aux tâches incombant à son rôle spécifique (professionnel, parental) est fréquente chez le manipulateur. En se démettant de ses responsabilités, il les reporte sur autrui ou sur un système (société, loi, entreprise, supérieur hiérarchique, etc.). Malgré les apparences, il craint d’endosser ses responsabilités. (...) Les formes de démission face à la responsabilité sont multiples chez le manipulateur. Échapper à des entretiens ou à des réunions en est une facette.

L’évitement
Échapper aux confrontations, qu’elles soient pacifiques ou hostiles, évite au manipulateur de s’engager, de se positionner, de cautionner ou de résoudre un problème. Le manipulateur ne dit pas clairement qu’il ne veut pas s’impliquer. Il a un empêchement et l’annonce (ou fait faire le message par un intermédiaire) au tout dernier moment. Le plus souvent il arbore des excuses démontrant sa conscience professionnelle : il est pris par une tout autre tâche qu’il place en priorité. Il utilise des prétextes tantôt le valorisant, tantôt le plaçant en victime.

L’appropriation
Le manipulateur est très fort lorsqu’il s’agit de s’approprier seul les résultats positifs d’actions mises en œuvre par son entourage.

Le report sur autrui
Une autre tactique du manipulateur est de reporter la responsabilité sur l’autre quand les choses ne vont pas tout à fait comme il le souhaite. (...) Un manipulateur se voyant soudain déchu de son pouvoir de manœuvre sur un ami peut lui dire : «Qui t’as monté la tête?» Celui-ci a changé d’avis et refuse une chose que le manipulateur veut lui voir faire.

La non-décision
Lors de réunions décisionnelles avec leurs collaborateurs, certains manipulateurs peuvent rester en retrait. Ils restent flous et formulent alors des phrases comme «Je ne sais pas», «Vous faites comme vous voulez», «Vous savez ce que vous faites, je n’ai pas besoin de toujours décider à votre place», ou il reste tout simplement silencieux. Si les événements rendent la décision discutable, le manipulateur se décharge rapidement de la responsabilité du problème : «Vous êtes des professionnels, oui ou non? Vous n’êtes pas fichus de prendre la bonne décision!» (dévalorisation faisant croire qu’ils auraient dû le savoir). Ou alors : «Vous avez fichu en l’air ce projet sur lequel j’ai tant travaillé, vous nous avez fait perdre notre client le plus important.» (...) Prétextant de multiples rendez-vous ou une autre occupation, le manipulateur ne se rend pas disponible pour régler les difficultés. Ses collègues n’ont pas toutes les informations et autorisations indispensables pour les gérer. 

L’utilisation d’intermédiaires
Le meilleur moyen de ne pas s’engager est de se tenir loin de tout le monde. Le manipulateur qui a besoin de vous ou d’informations que vous pouvez détenir emploie des intermédiaires. Les moyens intermédiaires peuvent être matériels ou humains. (...) Certains manipulateurs utilisent le téléphone plutôt que le face à face. Cependant, l’intermédiaire le plus courant reste le collègue de travail, le conjoint, l’ami ou un membre de la famille. À son insu, le messager devient «responsable» de ce qu’il transmet. Malgré l’illogisme de ce phénomène inconscient, cela se passe comme si l’intermédiaire cautionnait le message du manipulateur de par la tâche qu’il accomplit (il est lui-même manipulé le plus souvent). C’est, pour le manipulateur relationnel, un excellent moyen pour d’une part dévier symboliquement sa propre responsabilité, et d’autre part empêcher le récepteur de refuser.

LE MANIPULATEUR ET LA COMMUNICATION

Opacité
La bonne communication est celle où l’effet perçu par le récepteur correspond à l’intention émise. Rappelons que toute émission non claire d’un message ouvre le champ à l’interprétation. Prenons le cas où l’intention s’exprime mal. Le refus de communiquer (ne pas parler ou ne pas répondre) est en fait une sorte de communication. Il revient au récepteur de décoder cette forme de communication parallèle. Le manipulateur peut fort bien choisir de passer sous silence une partie de la réalité. Ce silence peut lui servir, lors d’une réunion, pour ne pas prendre de décision. Les autres décident et il n’est pas responsable des éventuels dégâts. Par contre si les résultats sont concluants, il justifiera son silence, lors de la décision finale, par la confiance qu’il leur témoignait alors, et bien entendu signifiera son accord. (...) Le silence et le flou peuvent donc lui permettre, quand cela s’avère utile pur lui, de modifier ses attitudes, prises de positions ou opinions en fonction de la tournure des événements. (...) Une personne s’exprimant de manière claire n’appelle pas des questions supplémentaires. Être clair, c’est dire où, qui, quoi, quand, combien, comment; et éventuellement la raison de la demande, de l’explication ou de la consigne s’il s’agit de donner une consigne à des collègues ou à des subordonnés. Toutes les informations nécessaires doivent être soumises d’emblée pour qu’il n’existe aucun quiproquo, aucune mauvaise interprétation possible.

Source :
Les manipulateurs sont parmi nous
Qui sont-ils? Comment s’en protéger?
Isabelle Nazare-Aga
Les Éditions de l’Homme; 1997

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L’INDIVIDU ET LA SOCIÉTÉ

Le problème dont on nous harcèle le plus souvent est celui de savoir si l’individu est l’instrument ou la fin de la société. Vous et moi, en tant qu’individus, devons-nous être utilisés, dirigés, instruits, contrôlés, façonnés par les gouvernements pour la société; ou la société, l’État, sont-ils au service de l’individu? L’individu est-il une fin pour la société ou un pantin à instruire, exploiter et mener à l’abattoir? Tel est le problème qui se dresse devant nous; c’est le problème du monde actuel; l’individu est-il un instrument de la société, une pâte à modeler, ou la société existe-t-elle pour l’individu? (...) 
     La société est ainsi construite qu’elle est un processus de conflits perpétuels, d’un perpétuel «devenir». Elle est basée sur l’avidité, le désir, l’envie du supérieur. L’employé voulant devenir directeur, révèle qu’il n’est pas seulement occupé à gagner sa vie, mais à acquérir une situation, un prestige. Cette attitude, naturellement, provoque un désordre dans la société, dans les relations humaines. L’envie est un des facteurs les plus destructeurs des relations humaines, car elle indique un désir de puissance, lequel au haut de l’échelle, mène à la politique. L’employé qui cherche à devenir directeur est ainsi un des facteurs dans la création du pouvoir politique qui le conduira à la guerre et est, par conséquent, directement responsable de cette guerre. (...) 
     Pourquoi la société s’effrite-t-elle, s’écroule-t-elle? (...) Notre éducation, notre structure sociale, notre vie, tout cela est basé sur l’imitation qui consiste à nous insérer dans une formule sociale. Nos réponses aux stimulants sont déterminées selon une certaine forme de société, orientale, occidentale, religieuse, matérialiste. Une des causes principales de la désintégration de la société est l’imitation, et un de ses facteurs principaux est le chef spirituel ou temporel dont l’essence même est imitation. (...) Là où est l’imitation, il y a nécessairement désintégration; là où est l’autorité, il y a nécessairement copie. Et puisque notre structure mentale et psychologique est basée sur l’autorité, il nous faut nous affranchir de l’autorité afin d’être créatifs. Une des causes fondamentales de la désintégration de la société est l’esprit d’imitation, c’est-à-dire le culte de l’autorité.

Source :
La première et dernière liberté
Krishnamurti
Stock; 1954

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LA CONFIANCE

La confiance est à la fois fondamentale et dangereuse; elle est fondamentale car sans confiance, il serait difficile d’envisager des relations humaines ou de bâtir des projets qui se développent dans le temps; elle est aussi dangereuse, car elle implique les risques de la faillibilité humaine et de la trahison. Comment assumer ces risques sans glisser de la confiance à la crédulité?
     Au sens strict du terme, la confiance renvoie à l’idée qu’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Le verbe confier (du latin confidere : cum, «avec» et fidere «fier») signifie, en effet, qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi. L’étymologie du mot montre par ailleurs les liens étroits qui existent entre la confiance, la foi, la fidélité, la confidence, le crédit et la croyance. 
     La confiance humaine contient en elle-même le germe de la trahison et se nourrit tout d’abord des faiblesses et des défaillances des uns et des autres. Avoir confiance en quelqu’un ne signifie pas pouvoir s’appuyer complètement sur cette personne ou attendre à tout moment son aide et son soutien. Avoir confiance, c’est admettre la possibilité du changement, de la trahison, du revirement. D’un certain point de vue, en effet, confiance et trahison sont intimement liées. Non seulement la confiance que je peux avoir en un autre n’exclut pas la possibilité que celui-ci me trahisse, mais c’est aussi justement parce que j’ai confiance en quelqu’un que je peux être trahi par celui-ci.

Qu’est-ce que la confiance? (Michela Marzano, philosophe, chercheuse au CNRS CERSES – Université Paris Descartes, auteur notamment de Extension du domaine de la manipulation, Grasset, 2008; Visages de la peur, PUF, 2009.
Article intégral : http://www.cairn.info/

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