7 mars 2014

Le message ne passe pas

Si nous nous étions occupé des vraies affaires il y a 30/40 ans, quand les sonneries d'alarme on commencé à retentir, nous aurions pu créer 250 000 emplois et plus, quantité de sous-emplois, et de nouvelles richesses. L'avenir serait vert et bleu au lieu de brun et noir. Dommage.


La lettre de Kurt Vonnegut fut écrite il y a 26 ans.  

Source : Letters of Note http://www.lettersofnote.com/

En 1988, dans le cadre d'une campagne publicitaire pour le magazine Time, Volkswagen demanda à quelques penseurs réputés d’adresser un message aux gens qui vivraient en 2088 – de leur donner quelques conseils pour le futur. Plusieurs ont répondu, notamment le romancier Kurt Vonnegut dont voici la lettre.

Mesdames et Messieurs de 2088,

On a suggéré que vous apprécieriez peut-être des paroles de sagesse du passé, et que nous, du vingtième siècle, nous pourrions vous envoyer. Connaissez-vous cette exhortation de Polonius dans Hamlet de Shakespeare : «Mais surtout, reste vrai avec toi-même»? Ou ce conseil de Saint-Jean : «Crains Dieu et glorifies-le, car l'heure de son jugement est venue»?  Les meilleurs conseils de mon époque, valides en tout temps à vrai dire, seraient, je suppose, ceux de la prière que les alcooliques récitaient en espérant ne plus jamais prendre un verre : «Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d'en connaître la différence.»

Je pense que notre siècle n'a pas été aussi prolifique que d'autres en paroles de sagesse parce que nous avons été les premiers à avoir accès à de l'information fiable sur la situation de l’humanité : combien étions-nous, combien de nourriture pourrions-nous amasser ou emmagasiner, à quelle rapidité nous reproduisions-nous, ce qui nous rendait malades, ce qui nous faisait mourir, quelle quantité de dommages causions-nous à l'air, à l'eau et à la terre arable dont la plupart des formes de vie dépendaient, à quel point la Nature pouvait être violente et impitoyable, et ainsi de suite. Qui pouvait e cirer de la sagesse alors que tant de mauvaises nouvelles tombaient dessus?

Pour moi, la chose la plus paralysante fut d’apprendre que la Nature n’était pas écologiste. Elle n'avait pas besoin de notre aide pour défaire la planète et la remettre en état d’une façon différente, et pas nécessairement à l’avantage des choses vivantes. Elle a mis le feu aux forêts avec la foudre. Elle a pavé de lave de vastes étendues de terres arables qui ne soutenaient plus la vie mais des parcs de stationnement de grandes villes. Dans le passé, elle avait envoyé des glaciers du Pôle Nord pour ronger de grandes portions de l'Asie, de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Il n'y avait pas de raison de croire qu’elle ne recommencerait un jour. En ce moment même, elle est en train de transformer les terres agricoles africaines en déserts, et on peut s'attendre à des raz de marée ou à des pluies de roches blanches et brûlantes venant de l'espace, à tout moment. Elle n'a pas seulement exterminé en un clin d’œil d’exquises espèces évoluées, mais vidé des océans et aussi englouti des continents. Si les gens pensent que la Nature est leur amie, alors ils n'ont certainement pas besoin d'un ennemi.

Oui, et vous, cent ans plus tard, vous devez pertinemment le savoir, et vos petits-enfants le sauront encore plus : la Nature est impitoyable quand vient le temps d’équilibrer la quantité de vie en un lieu donné à un moment donné à la quantité de nourriture disponible. Alors, vous et la Nature, qu’avez-vous fait de la surpopulation? Ici en 1988, nous nous prenions pour une nouvelle sorte de glacier, une espèce à sang chaud et astucieuse, qu’on ne pouvait pas arrêter, sur le point de tout engloutir, et puis qui faisait l’amour, et qui ensuite doublait de taille encore.

À bien y penser, je ne suis pas sûr que je pourrais supporter d'entendre ce que vous et la Nature pourriez avoir fait parce qu’il y avait trop de monde et pas assez de nourriture.

Et ici, je voudrais vous soumettre cette idée démente : est-il possible que nous ayons braqué des fusées armées de bombes à hydrogène les unes vers les autres, prêtes à partir, pour nous distraire du vrai problème – à savoir que la Nature peut nous traiter cruellement, et que la Nature étant ce qu’elle est, ça pourrait arriver tantôt?

Maintenant que nous pouvons discuter avec plus de précision du pétrin dans lequel nous sommes, j'espère que vous avez cessé de choisir d’incroyables optimistes ignorants comme leaders. Ils étaient utiles tant que personne n'avait pas la moindre idée de ce qui se passait réellement – durant les quelque sept millions d'années précédentes, ou à peu près. Dans mon temps, ils ont été catastrophiques à la tête d'institutions perfectionnées où il y avait du vrai travail à faire.

Les dirigeants dont nous avons besoin maintenant ne sont pas ceux qui promettent une victoire ultime contre la Nature tout en continuant à vivre comme nous le faisons en ce moment, mais ceux qui ont le courage et l'intelligence de présenter au monde ce qui semble être les conditions d’armistice, austères mais raisonnables, de la Nature :

1. Réduire et stabiliser votre population.

2. Cesser d’empoisonner l'air, l'eau et la terre arable.

3. Arrêter de préparer la guerre et commencer à régler vos problèmes.

4. Enseigner à vos enfants, et à vous-même tandis que vous y êtes, comment habiter sur une petite planète sans la détruire.

5. Arrêter de penser que la science peut tout réparer si vous lui donnez un billion de dollars.

6. Cesser de penser que vos petits-enfants seront saufs, en dépit du gaspillage ou de la destruction, étant donné qu'ils pourront aller sur une jolie nouvelle planète en vaisseau spatial. C'est vraiment mesquin et stupide.

7. Et ainsi de suite. Ou autre.

Suis-je trop pessimiste face à la vie durant les cent ans à venir? Peut-être que j'ai passé trop de temps avec les scientifiques et pas suffisamment avec les rédacteurs de discours des politiciens. D’après ce que j’en sais, même les femmes sans-abris et les hommes sans-abris auront leurs hélicoptères personnels ou leurs fusées en 2088. Personne n'aura à quitter la maison pour aller au travail ou à l'école, ni même à cesser de regarder la télévision. Tout le monde sera assis toute la journée en train de taper sur les touches d'ordinateurs connectés à tout ce qui existe, sirotant des boissons à l’orange avec des pailles comme les astronautes.

Cheers,

Kurt Vonnegut (TIME, 1988)

(Image : Kurt Vonnegut, courtesy of Mike Schroeder)

Kurt Vonnegut : http://www.vonnegut.com/news.asp
https://fr.wikipedia.org/wiki/Kurt_Vonnegut

COMMENTAIRE

Vonnegut n’était pas pessimiste, il était juste lucide et clairvoyant!

Tableau : Le combat de Carnaval et de Carême par Pieter Brueghel l'Ancien; Musée Kunsthistorisches

"Le Carême est une période de jeûne que le christianisme a institué en référence aux quarante jours de jeûne du Christ dans le désert."  

Pour que la terre ne devienne un désert, il faut jeûner maintenant – non pas augmenter la production, la circulation et la consommation de carburants fossiles comme on s’apprête à le faire. C'est sous nos terres agricoles que les pipelines passent...!

Le message ne passe vraiment pas.

Citation du jour :
L'enfer est vide, les démons sont ici. -- William Shakespeare (Hamlet

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