21 mars 2014

La souveraineté

Vue par deux journalistes «locaux»

1. Jean-René Dufort (Infoman) à l’émission «C’est pas trop tôt». Trop drôle, j’ai transcrit l’audio (hé, plus grand monde apprend la sténo de nos jours, pourtant c’est très utile).

La souveraineté… la simple évocation de la souveraineté provoque des convulsions graves, des hémorragies internes chez les membres des chambres de commerce. Ça crée de l’incertitude et ça fait baisser les profits trimestriels. Et par conséquent, ça augmente le délai pour s’acheter une deuxième Ferrari dont la couleur matche avec la couleur de la Rolex de fin de semaine.
       On le voit depuis le début de la campagne, juste dire le mot «référendum», ça suffit pour que les Québécois courent se cacher en dessous du lit en tremblotant, c’est comme (…?) de mort – l’affaire dont y faut pas prononcer le nom. Sébastien Bovet l’a présenté ainsi : «Personne ne veut en parler, mais tout le monde en parle». Au Québec, c’est comme le Jour de la marmotte, chaque jour est un jour de discussion ou de non discussion souverainiste. On veut pas discuter, mais en même temps, c’est plus fort que nous, c’est le seul sujet au monde qui supplante la Charte. Et ça, faut l’faire, même le hockey a de la difficulté à faire ça. Pourtant, on n’a pas le choix d’en parler, n’en déplaise à Coderre et à Philippe Couillard, car force est d’admettre qu’après deux victoires du «non», rien n’a changé, on en parle encore. J’avoue que la dernière fois, ça a été un peu surréaliste : 51% à 49% pour le «non». Ailleurs dans le monde, ça aurait fini un peu en guerre civile. Mais nous, on est gentiment rentré au travail le lendemain. Exactement comme après un score de hockey : «ah, aïe, c’tait serré hier, 51 à 49!» Pis on s’est remis à en discuter encore au quotidien.
       Personnellement, on me demande souvent si je suis souverainiste ou fédéraliste. Je reçois plein de mails me disant que mon jupon dépasse, comme tous les journalistes de radio indépendante. Et de l’autre côté, je reçois plein de lettres de bêtises parce qu’aux Olympiques je porte un manteau avec écrit Canada ou j’ose parler au Gouverneur général du Canada. Personnellement, j’aimerais beaucoup mieux qu’ils s’écrivent entre eux. Mais bon je suis obligé de participer à cette discussion. Et passer à travers me coûte plusieurs minutes de mon temps par semaine. Au cumulatif, depuis 15 ans, on n’en peut plus. Le sujet indépendantiste m’a brûlé combien de mois de ma vie sans aboutir? On pourrait-tu enfin en discuter comme du monde et passer, une fois pour toutes, à un autre appel? Et ça, même si personne veut en parler.
       Moi, ce que je veux, c’est qu’un camp écrase l’autre avec 80% de majorité. N’importe lequel. Au point où on est rendu, je m’en fou de crier «vive la reine!» ou «vive le bonhomme carnaval!». Je voudrais juste qu’on arrête de se taper sur les nerfs mutuellement avec ça. En fin de semaine dernière on a tourné les prix du Gala Aurore à Toronto. C’était mur à mur de Québec bashing, qui en gros disait : «branchez-vous», «allez-vous nous sacrer patience un jour». À les écouter, ils vont même nous sacrer dehors avant qu’on se décide. Et je les comprends. De l’extérieur, on est comme le village d’Astérix qui se bat avec des morues pas fraîches à chaque album sans vouloir arrêter.
       Alors, si on résume le dossier. Vous avez une Première ministre qui veut forcer du monde à discuter, qui ne veut rien discuter, mais qui n’a pas le choix parce qu’il faut en discuter. Philippe Couillard dit qu’il ne veut pas en parler, mais y passe ses journées à en parler pour faire peur au monde inutilement. Et là, t’as Bernard Drainville qui en rajoute en disant : «un vote pour le PQ c’est un vote pour l’identité québécoise, pas nécessairement pour l’indépendance».
       Alors, on jase là. Pensez-vous vraiment que les libéraux ont fait le ménage dans leurs rangs en 18 mois? Voulez-vous encore que Jean-Marc Fournier soit un de vos ministres? C’est ça «avancer vers l’avenir»? Est-ce qu’y vont vraiment s’en sauver en criant simplement «référendum!»? On jase là, c’pas fini. Vous avez une troisième option aussi : la CAQ qui n’intéresse personne parce qu’elle dit : «prenons un break de discussion». Es-tu fou!, on va pas prendre un break de discussion, on a ben trop de fun.
       Au débat, vous avez Couillard qui accuse Marois de vouloir faire un référendum, et Marois qui accuse Couillard de ne pas s’engager à faire un référendum s’il réintègre la Constitution canadienne. Alors vous imaginez si Couillard perdait son référendum pro Constitution canadienne, on aurait deux référendums : un qui dirait «on veut rester dans le Canada» et un qui dirait «on veut pas y entrer». Ça donne des dialogues complètement surréalistes comme hier quand Pauline a dit à Couillard : «y’en aura pas de référendum tant que les Québécois ne seront pas prêts». Là, Couillard de répondre : «on vous connaît, vous allez vous arranger pour qu’ils soient prêts, Mme Marois». C’est fou.
       Quand le parti souverainiste parle de souveraineté, il baisse dans les sondages, et quand il n’en parle pas, il monte alors qu’on sait très bien qu’il est souverainiste. On fait quoi? On niaise de même combien de temps? On tire à pile ou face, qu’on en finisse une fois pour toutes?
       Parce que personne ne va mourir si on est un pays, et personne ne va mourir si on reste des «Canayens». Mais, oui, je pense qu’on peut mourir d’overdiscussion.

http://ici.radio-canada.ca/emissions/c_est_pas_trop_tot/2013-2014/

[Commentaire : Ça fait plusieurs fois que je dis que je ne veux plus parler des politiciens, mais j’y reviens tout le temps L Comme quelqu’un qui serait coincé avec un problème dont il n’arrive pas à se défaire. On ne voit que ça, on entend parler que de ça, même quand on essaie d'éviter.]

2. Pierre Foglia (La Presse) 

Ukraine 101

Mettons que lors du référendum de 1980, le Québec aurait répondu oui à la question : donnez-vous au gouvernement du Québec le mandat de négocier sa souveraineté avec le reste du Canada? C'était à peu près la question posée.
        Mettons que les Québécois auraient dit oui à des négociations. On imagine que ces négociations auraient pris des années avant d'aboutir et que le Québec aurait obtenu sa souveraineté effective à peu près en même temps que l'Ukraine.
        Voilà le Québec indépendant en 1991, mené, comme avant qu'il soit indépendant, par des premiers ministres tantôt libéraux, tantôt péquistes, les uns comme les autres entretenant des rapports étroits avec le Canada, et les uns comme les autres scrupuleusement respectueux des garanties données à la minorité anglophone de la province - minorité, on peut le comprendre, toujours inquiète.
       Arrive une sorte de printemps érable comme celui que Montréal a connu en 2012. Des jeunes montent au créneau, dont quelques exaltés plus nationalistes que les autres qui brandissent la fleur de lys plus haut que les autres, le gouvernement libéral de l'époque est renversé, un gouvernement provisoire est mis en place en attendant de prochaines élections.
       Leur anxiété exacerbée par le printemps érable et les quelques exaltés qui réclament une «vraie» indépendance, voilà nos anglos au bord de la crise de nerfs. Ils se tournent vers Ottawa, et Harper se fait un plaisir d'envoyer l'armée canadienne en Crimée. S'cusez, je veux dire en Outaouais.
       Est-ce plus clair comme ça, pour vous, maintenant, l'Ukraine?
       Ne me remerciez pas, j'ai la pédagogie dans le sang.

http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/pierre-foglia/201403/05/01-4744748-ukraine-101.php

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