Enracinement adaptatif…
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S’éloigner de son expérience, s’éloigner du moment présent
au moyen de toutes ses habitudes et stratégies, ne fait qu’augmenter la
nervosité, l’insatisfaction et le malheur. L’aise qu’on associe à la
concrétisation, à l’action de rendre les choses solides, est si transitoire, si
brève.
Habiter son expérience – qu’il s’agisse de s’ouvrir à une
expérience d’amour et de compassion ou de se refermer dans un moment de
ressentiment ou de séparation – donne un immense sentiment de liberté : rien
n’est solide. Il y a quelque chose dans ce «rien n’est solide» qui commence à
correspondre à la liberté. Entretemps, on découvre qu’il est préférable de se
sentir pleinement présent à sa vie que de déraper en s’évertuant à tout rendre
solide et sûr, à laisser libre cours à ses fantasmes ou aux habitudes
auxquelles on est un peu accro. On voit bien que d’entrer en rapport avec son
expérience en acceptant d’y faire face est plus sain que de lui résister en
déguerpissant. Être présent, même si ça fait mal, c’est mieux que d’éviter les choses.
À mesure qu’on s’exerce ainsi à entrer dans le moment présent, l’inexistence
d’un terrain ferme devient plus familière, cet état de fraicheur toujours à
notre disposition. Prendre ses distances par rapport au confort et à la
sécurité, sauter dans l’inconnu, le non-balisé, l’ébranlement, c’est ce qu’on
appelle la libération.
La vérité dérange
La différence entre le théisme et le non-théisme n’est pas
liée au fait de croire ou de ne pas croire en Dieu. C’est une question qui nous
concerne tous : les bouddhistes et les non-bouddhistes. Le théisme, c’est une
conviction fortement ancrée qu’il existe une main à tenir : si on sait faire
juste ce qu’il faut, quelqu’un va y être sensible et nous prendre sous son
aile. Cela veut dire qu’on s’imagine qu’on aura toujours une baby-sitter à
portée de la main, en cas de besoin. Nous avons tous tendance à nous démettre
de nos responsabilités et à déléguer notre pouvoir à quelque chose d’extérieur.
Le non-théisme, au contraire, consiste à se détendre dans
l’ambigüité et l’incertitude du moment présent, sans rien chercher pour se
protéger. On pense parfois que les enseignements bouddhiques sont à l’extérieur
de soi-même, quelque chose auquel il faut croire, et qu’il faut être à la
hauteur de la voie. Pourtant, le dharma n’est pas une croyance ni un dogme.
C’est apprécier pleinement l’impermanence et le changement. Les enseignements
se désintègrent lorsqu’on cherche à les saisir. Il faut en faire l’expérience
sans fonder d’espoirs. Nombre d’être aussi courageux que compatissants en ont fait l’expérience et les
ont propagés. Le message est intrépide; le dharma n’a jamais été destiné à
devenir une croyance à laquelle on adhère aveuglément. Le dharma ne procure
absolument rien à quoi on peut s’accrocher.
Le non-théisme, c’est se rendre compte enfin qu’il n’y a pas
de baby-sitter sur laquelle on peut compter. Juste au moment où on en a une
bonne, on la perd. Le non-théisme, c’est prendre conscience qu’il n’y a pas que
les baby-sitters qui vont et viennent. Toute la vie est comme ça. C’est ça la
vérité, et la vérité dérange.
Pema Chödrön
Bien-être et
incertitude; Cent huit enseignements
COMMENTAIRE
Nous gaspillons beaucoup d’énergie, de temps, de travail et d’argent
(certains consacrent des
fortunes en assurances tous-risques),
et nous monopolisons des tas de gens en vue d’obtenir la sécurité affective,
financière, etc., et nous parer contre
tout bouleversement ou changement, jusqu’au jour où nous réalisons que, en
effet, la sécurité est un mythe; elle
n’existe tout simplement pas. Car comme on l’a vu ces jours derniers, tout
peut être emporté en une nuit.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de donner dans la
témérité et la négligence, ni d’éviter la solidarité et l’entraide.
La conséquence la plus désolante concernant la peur atavique
de perdre notre fausse sécurité (essentiellement liée à la peur de la
mort) reste qu’elle en pousse plusieurs
à se conduire comme des brutes sans cœur.
Au fond, la PEUR de perdre et de mourir nous fait mentir, trahir et
manipuler, nous paralyse, et nous empêche carrément de VIVRE.
«C’est de ta peur
dont j’ai peur.» ~ William
Shakespeare
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Pensées du
jour :
«Trahir est plus facile qu’être trahi. Pourquoi? On trouve
des excuses quand on trahit, mais quand on est trahi on cherche des raisons.»
«Le bonheur est un entracte entre deux plages de déception.
C’est pour ça qu’on l’apprécie quand on l’a et qu’on le cherche quand on ne l’a
pas.»
~ Fabienne Larouche
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