2 octobre 2011

Religions 3

L’envers de la médaille chrétienne…

Montségur

Le chemin de travers : l’Hérésie Cathare  

Après avoir lu l’Inquisition, j’ai eu envie de relire Jean Blum. Cet auteur a effectué de «longues et patientes études sur le catharisme et accumulé des documents fondateurs audacieux pour retrouver dans les paysages de son Languedoc natal les traces authentiques de l’histoire du catharisme.»

Quelques bribes de son ouvrage «Les Cathares, du Graal au secret de la mort joyeuse»; Éditions du Rocher, 1991.

«Revêtus et simples croyants – Ce qui doit être sauvegardé, c’est Dieu, la rédemption de l’Humain consacrant essentiellement l’intégrité divine dans l’éternité. Mais humains nous sommes, et agissons en tant que tels.  
      Les Revêtus cathares demandaient à leurs croyants de prendre conscience de l’affrontement en eux-mêmes, des deux puissances antagonistes et, autant qu’ils le pouvaient, d’aller vers le bien en actions, en pensée, en réflexion. Ceux qui demeureraient de simples croyants reviendraient sur Terre dans des conditions plus propices à une évolution spirituelle peut-être décisive. 
      Voyons à quelle règle de vie souscrivaient les croyants admis à entrer dans l’Église [cathare], à revêtir la bure. Nous rechercherons ensuite, point par point, la justification de chacun des engagements qu’ils souscrivaient en les rapprochant des arcanes majeurs de leur foi. Et cela sans perdre de vue que les engagements souscrits constituaient la face émergée de l’iceberg : leurs exercices spirituels ne figurent pas dans la lettre de leurs engagements. 
     Hommes et femmes parvenant à la qualité de Revêtu(e)s prononçaient l’engagement suivant au cours de la cérémonie du Consolamentum qui consacrait leur entrée dans l’Église : «Je donne ma foi à Dieu et à l’Évangile. Je promets de ne jamais mentir ni faire serment, de ne jamais tuer d’animal ni manger de viande, de ne rien faire sans dire l’oraison, de ne jamais voyager ni manger sans compagnon De ne jamais trahir la Foi même sous la menace de mort par l’eau ou par le feu.»

[Etc. Je ne reproduirai pas ici les corrélations entre chacun de ces engagements et les articles de foi cathares. Si le sujet vous intéresse, je vous suggère de fouiller Internet.]

Dans son livre intitulé «Mystère et message des Cathares», Jean Blum dit aussi : 
      «Les prédicateurs cathares avaient pour eux la concordance de leur message et de leur vécu. Fraternité, travail et peines partagées, simplicité et pureté des mœurs. En face d’eux, le plus souvent le faste et la luxure, d’ailleurs condamnés par les papes, ou bien, comme dans le cas de Dominique, la pureté du vécu, certes, mais aussi , l’intolérance et la menace latente. 
      Le hiatus profond creusé entre la hiérarchie catholique et les populations sera mis en évidence. (…) Les Cathares ne cherchèrent jamais à prélever une quelconque dîme ni à se faire attribuer terres et avantages. Ils interférèrent peu avec les pouvoirs temporels pour la mise en place de lois et usages. 
      Il en est touchant à l’aspect social de leur prédication. Les Revêtus, extraordinairement exigeants pour eux-mêmes, laissaient chacun de leurs croyants juge de son propre chemin et des progrès qu’il voulait accomplir en sa présente incarnation. Point d’office obligatoire, point de distinction dans la vie religieuse comme le quotidien entre homme et femme, point de mariage obligatoire pour deux êtres entendant unir leurs destinées et procréer. En somme, un libéralisme total ne conduisant que les seuls volontaires vers des chemins plus abrupts. 

      Les incarnations successives – «L’âme passe de corps en corps jusqu’à ce qu’elle soit sauvée.» 
      La doctrine cathare pose la réincarnation comme une loi universelle. Les âmes reviennent plusieurs fois – très souvent peut-être – jusqu’au moment où elles deviennent compatibles avec l’état d’être qui est leur objectif. 
      Étrangement, nous connaissons cette croyance uniquement par la relation de prédications, par des procès-verbaux d’Inquisition, par le décryptage de contes. Les textes à caractères dogmatiques n’en font état nulle part. Le fait peut sembler curieux et nous pousser à une méditation particulière. 
      Le système philosophique cathare pose la réincarnation comme un processus ascendant. Chaque nouveau séjour dans ce monde conforte les acquis précédents. La loi du «karma» – pour reprendre un terme asiatique – nous confronte à des épreuves sanctionnant nos erreurs et nos faiblesses mais tout le processus est engagé dans le sens de la montée, du progrès. 
      La notion de retour purificateur dans le monde sensible offre une réponse à la série de questions amenées par le constat de l’inégalité dans le bien au moment de la mort. Le matérialiste enraciné dans le mal reviendra en quête de progrès. Beaucoup de questions restent en suspens dans l’imprécision des textes. Notamment les suivantes : le genre humain participe-t-il seul à la montée vers l’Esprit? Certaines citations donnent à penser autrement : «Quand ce cheval fut mort, son esprit entra dans le corps d’un homme qui fut bon chrétien.» «Il ne faut jamais faire souffrir un arbre.» D’autre part, le fait que les Revêtus ne mangeaient jamais de viande pourrait être regardé comme une forme de respect envers des frères assez proches. 
      D’autres notions liées aux réincarnations se font jour, sous-jacentes. Tout d’abord, il faut considérer que le temps était regardé comme d’essence diabolique. Est-il donc établi que les incarnations vont nécessairement dans le sens du temps qui est familier? Se produisent-elles nécessairement sur Terre, voir au sein du même Cosmos? Ne peut-on imaginer, dans des «mondes parallèles» des réincarnations, répliques presque parfaites des précédentes existences, avec la seule variante d’un acte, d’une pensée faisant basculer un ordre de valeur? De telles suppositions n’ont rien d’incompatible avec le dogme cathare. 
      La perspective d’une nouvelle incarnation ne séduisait en rien les Cathares revêtus. L’objectif de toute leur ascèse était précisément d’y échapper définitivement. En parvenant à un degré de spiritualité compatible avec les mondes supérieurs? En s’étant rendus maîtres des tentations inhérentes à la chair? Pour les deux raisons à la fois mais en n’ayant garde de renoncer à la lutte dans ce monde matériel, objet, pourtant de leur horreur. Point d’échappatoire possible avant que ne soient réalisées les conditions requises. Échapper au monde oui, mais après l’avoir dominé et connu. (…) 
      Les Cathares réprouvaient, certes, le péché mais se montraient compatissants au pécheur, plus victime que coupable, frère encore faible qu’il convenait de comprendre et d’aider. (…) 

      À quoi s’engageaient-ils? – À venir en aide en toutes circonstances, très concrètement dans la vie quotidienne. À favoriser la prise de conscience de chacun. À se consacrer à l’éducation des jeunes. À respecter toute vie. À ne jamais combattre ni par les armes ni par la force. Autant d’engagements allant vers un altruisme constamment vécu. À observer à intervalle régulier des périodes de jeûne. À ne pas manger de viande ni aucun produit venant des animaux. À demeurer chastes car ils considéraient la sexualité comme la principale raison enchaînant l’âme à la matière. La victoire sur un très puissant instinct naturel libérait des forces et permettait de les transcender pour un objectif spirituel. À rester fidèles à l’Esprit quoi qu’il arrive et même face à la mort par le feu ou l’eau; face à la torture et à la tentation. Les Cathares avaient pris conscience de l’implacable lutte livrée au bien par le mal, partout en eux-mêmes.»

***

Pour conclure, je laisse la parole à un autre auteur, Michel Picar (Les Cathares).  

L’esprit de Montségur

«Les cendres sur le champ de la crémation, au pied des ruines, sont encore chaudes. Le souvenir des Parfaits doit avoir ce poids : un peu de pluie de l’Ariège sur des braises friables… 
      L’esprit de Montségur continue de souffler, où il veut, où les hommes l’écoutent et lui ouvrent la porte de leur cœur. Le drame cathare s’explique et malheureusement se justifie pour une quantité de raisons historiques; il reste que l’holocauste commis contre les Parfaits* revêt, sur le plan de l’histoire spirituelle, invisible, une dimension exceptionnelle dont nous ne pouvons deviner les conséquences désastreuses pour la pensée occidentale. L’enjeu de ces terribles croisades échappa probablement à la plupart de ses protagonistes; il s’agissait apparemment d’extirper l’hérésie du cœur de la civilisation occitane, mais en réalité l’Inquisition sondait moins les reins et les cœurs des Cathares qu’elle ne tentait par tous les moyens d’imposer la vénération de son Dieu, de ses papes, de ses évêques. 
      Un crime contre l’Esprit : tel fut la conclusion tragique de cet affrontement dont nous subissons encore les conséquences au centre même de notre pensée, de notre réflexion. 
      Mais de quel Esprit, de quelle pensée entreprit-on de détourner le cours? 
      Deux dieux s’affrontèrent, par armées et religieux interposés, et toute la conception de l’homme, du monde, de la nature, fut suspendue au résultat de cette lutte. 
      Seule la science occidentale pouvait, malgré les poursuites de l’Inquisition, briser la dalle de plomb des dogmes qui recouvrait les consciences. Pour les Cathares il ne s’agit pas de condamner la nature, la beauté du monde, bien au contraire, mais la traversée microcosmique des apparences permet de relativiser considérablement l’importance que l’on pouvait jadis accorder à une pseudo-réalité. Avec une culture religieuse et des moyens intellectuels différents, il semble bien qu’ils n’aient pas voulu dire autre chose : que Dieu, simplement, n’était pas de ce monde. Les étoiles et les cellules : l’astronomie et la biologie concourent à sonder, chacune à sa manière, la représentation de l’espace extérieur et intérieur. On sait aujourd’hui que jamais on ne trouvera Dieu au bout d’un télescope ou d’un microscope, que sa présence est invérifiable selon des données objectives et scientifiques. 
      C’est précisément parce qu’ils se sentaient délivrés de l’univers que les Cathares pouvaient s’en remettre à l’esprit. Pour eux, la vie spirituelle se passait fort bien de la matière. Le dualisme exigeait, qu’on le perçût, au plus profond de soi, d’une manière unitive, transcendantale. Il est probable que les Parfaits vivaient leur foi intérieure, comme les mystiques chrétiens. Dans cette perspective, c’est évidemment toute une approche de la spiritualité cathare qui serait à considérer. 
      La condamnation du «réel» impliquée par les principes métaphysiques du dualisme cathare, la toute puissance accordée au Mal, les jugements hâtifs de l’Inquisition mais aussi les croyances folkloriques des sympathisants, tous ces phénomènes combinés brouillent et parasitent la spiritualité des Parfaits. Pour apprécier et jauger la profondeur de la vie intérieure cathare, il faut moins tenir compte des procès, des pans de doctrine arrachés au silence mais coupés de leur contexte, que des rares témoignages concernant la vie exemplaire, la sérénité et la sagesse dont firent preuve les Parfaits. 
      Si certains courants gnostiques engendrèrent la débauche, l’orgie, le dépassement des valeurs, on doit reconnaître que le catharisme, pourtant fondé sur un dualisme quasi-identique, a suscité des vocations spirituelles dignes de respect. 
      Nous pouvons en conclure, en se tenant à cette simple comparaison, que le sens véritable du dualisme, et surtout le problème du Mal, tel que les Parfaits se le posaient et, surtout, le vivaient intérieurement, continue de nous échapper en partie. 
      Il est probable que certaines spiritualités orientales, avec lesquelles la filiation est indéniable, nous éclaireraient largement sur la véritable conception du Mal dans une économie métaphysique non-dualiste, et rien ne nous autorise à écarter cette hypothèse. La Gita, le texte sacré hindou, pourrait servir éventuellement de piste à ce propos. En tout cas les choses sont plus complexes que les Inquisiteurs ont tenté de le faire croire : «Le Mal fait aussi partie du plan de Dieu. Mais en Dieu il n’y a point de mal.» (Gita, XI, 28-30) 
      Compte tenu de la présence du Mal, les Parfaits ont joué la carte divine contre la réalité diabolique, truquée, piégée. Si l’on s’en tient à cette perspective, le dualisme implique une théorie classique, partagée par la plupart des grandes religions, fondée sur l’irréductible de deux principes, mais ce même dualisme suppose une pratique qui est, du moins pour les Cathares les plus «spiritualisés», non-duelle. Les Parfaits, dans le silence et le recueillement de la vie intérieure, dépassèrent ces notions de Bien et de Mal trop terrestres, et c’est cela sans doute que l’Église pressentit et voulut défigurer et broyer par ses croisades et ses inquisiteurs.
      L’admirable courage des Cathares dans les épreuves ne s’expliquent pas autrement. 
      À Montségur, c’est bien une certaine manière de vivre Dieu qui a été pourchassée et brisée.»  

* Dans la hiérarchie cathare, les Parfaits (aussi appelés Revêtus), ou Bonshommes, après une période probatoire de un à trois ans destinée à l’enseignement spirituel, ont reçu le consolamentum. Le Parfait, et plus rarement la Parfaite, doit être un exemple spirituel pour tous, rester chaste, jeûner fréquemment et s’abstenir de viande.

***

Voilà pour l’Hérésie cathare. Toutes les religions ou les sectes, et les Cathares n’y ont pas échappé, ont leurs façons de pousser leurs ouailles vers un idéal rarement atteignable dans la matière – bien qu’un nombre restreint y parvienne. (Rarement atteignable d’abord en raison des contraintes biologiques inhérentes auxquelles nous sommes soumis et ensuite en raison de la promiscuité entre individus qui ont généralement peu en commun en matière d’aspirations – et ce disant, je ne porte aucun jugement de valeur sur les uns ou les autres.)

Après tout le but ultime des incarnations successives n’est peut-être pas tant d’atteindre cet idéal, mais plutôt d’expérimenter tous les aspects de la dualité avec ses beautés et ses horreurs, puis d’en finir à jamais avec la roue, effectivement.

Étrangement, j'entendais une interview avec le cinéaste André Forcier qui disait : "Je crois que la haine est plus forte que l'amour. Mais il faut utiliser l'amour pour venir à bout de la haine." Non textuel...

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Réminiscences de vie cathare

Le retour des martyrs cathares

Après une longue lutte, les catholiques s’étaient emparés de la place forte des cathares, Montségur, dans les Pyrénées. Les 210 cathares qu’ils capturèrent refusèrent de renier leur foi et, en 1244, périrent sur le bûcher, à Toulouse.

Pour Arthur Guirdham, psychiatre diplômé d’Oxford, cette histoire n’était rien qu’un épisode connu de l’Inquisition jusqu’à ce qu’il eût la visite, en 1962, d’une jeune femme en proie à de terrifiants cauchemars. Pendant les quatre années qui suivirent, Mrs. Smith lui livra tous les tourments de son esprit, dont maints souvenirs de la vie qu’elle aurait menée parmi les cathares. Quand elle était écolière, elle s’était inventé un amoureux cathare qui s’appelait Roger et dans ses cahiers elle recopiait des extraits de poésies provençales qu’il lui aurait dites.

Son histoire toucha une corde sensible chez Guirdham. Il compulsa des documents sur l’histoire des cathares et découvrit que les récits de cette femme comportaient des précisions d’une troublante exactitude (1). Selon elle, par exemple, les cathares portaient des robes bleu foncé. Guirdham savait que les historiens avaient fait référence à des robes noires, mais il apprit qu’une récente recherche confirmait leur couleur bleu foncé.

Le moment vint où Guirdham commença à penser qu’il était lui-même la réincarnation du Roger de Mrs Smith – un certain Roger-Isarn de Fanjeaux, mort en prison en 1243. Mrs Smith, sa bien-aimée, avait rejoint sur le bûcher les autres martyrs cathares en 1244.

Guirdham réunit un groupe de huit personnes qui toutes avaient des souvenirs en tant que cathares. Critiqué pour son attitude non scientifique et son refus de coopérer avec les enquêteurs, Guirdham continua à affirmer que lui et les autres avaient connu de nombreuses incarnations en groupe.

(1) Le témoignage suivant est assez stupéfiant. Comment décrire ce qui suit sans l'avoir "vécu" en régression :
"Je ne savais pas qu'on saigne quand on meurt par le feu. Je pensais que le sang s'asséchait tout d'un coup dans cette effroyable chaleur. Mais je me suis mise à saigner abondamment. Le sang se répandait à flots en sifflant dans les flammes. Le pire était mes yeux. J'ai essayé de fermer les paupières, mais je n'y suis pas parvenue. Alors les flammes ont commencé à m'arracher les yeux avec leurs doigts infernaux..."

***

Si ces histoires vous touchent, laissez parler votre mémoire intemporelle – ou votre guidance intérieure –, vous pourriez découvrir des événements passés (identités et contextes de vies antérieures) qui ont affecté ou affectent votre vie actuelle sans que vous en ayez conscience…

2 commentaires:

  1. Bonjour chère "bonnefemme" !

    J’apprécie votre démarche et votre curiosité pour la période cathare.
    Il est vraisemblable que si les cathares avaient pu survivre à l’horreur de la croisade, c’est l’ensemble de la civilisation occidentale qui serait radicalement différente.
    Méandres de l’Histoire…
    Ceci dit, les religions et partis politiques sont de type sectaire mais ne sont considérés comme tel car ils satisfont le plus grand nombre.
    Que bêlent les troupeaux…

    Y.B.

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  2. Salutations cher "bonhomme",

    Case de départ, encore et encore...
    Yuck.

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